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PHOTO GENIES / WILLIAM KLEIN

Publié le par Miss Comédie

PHOTO GENIES / WILLIAM KLEIN

 

Il habitait à Paris au coin de ma rue et nous avions  la même vue imprenable sur le Jardin du Luxembourg. Nous nous croisions parfois, au hasard d’une promenade autour du bassin, lui avec sa très belle épouse Jeanne et leur fils César, petit diable de 7 ou 8 ans qu’ils rappelaient souvent à l’ordre  lorsqu’il s’échappait  hors de leur vue.

Leur trio attirait l’attention mais ils ne s’en souciaient guère, ils étaient dans leur bulle.

Il portait toujours autour du cou un objectif grand angle dont il se servait pour saisir un enfant au vol, ou quelque étrangeté invisible… c’est comme ça qu’il m’avait mis la puce à l’oreille : « Mais… oui, c’est lui, William Klein ! »

C’était  un beau brun au visage souriant, aux gestes vifs.

Je le revois comme si c’était hier, et aujourd’hui il a 93 ans…

Mais passons.

Nous étions en 1966 et il n’avait que 38 ans, éternel jeune homme avec déjà derrière lui un passé glorieux.

Avoir quitté New-York à vingt ans pour venir s’installer à Paris avait été son premier coup de chance.  Et puis, il avait pris la bonne route, après  la Sorbonne et des études en sociologie, il avait rejoint le clan des artistes et commencé à se faire la main chez Fernand Léger ; il voulait être peintre, apparemment mais il avait trop d’envies, trop de talents pour en rester là.

C’est en 1948 qu’il rencontre l’amour de sa vie, la belle Jeanne, et l’épouse.  Ils ne se sépareront plus,  un demi-siècle de complicité sur tous les tableaux.  Elle est son modèle, son assistante, la mère de son enfant. 

 

William KLEIN  est doué pour tout et a touché à tout : qu’il s’attaque au street-art ou à la peinture, ses travaux sont remarqués, récompensés.

Mais c’est au début des années cinquante, lorsqu’il est invité à publier ses photos de mode dans le VOGUE international, aux côtés de Helmut Newton ou Richard AVEDON, que sa carrière de photographe démarre en fanfare.

Ses photos sont savamment déjantées , il fait descendre les mannequins dans la rue au milieu des embouteillages , il invente des mises en scène et des cadrages pop art, du jamais vu.

 

William klein ne veut pas de modèles  immobiles au sourire figé, d’attitudes règlementaires sur fond de papier glacé.

Ce qu’il veut, c’est capter  la fille dans son élan, dans son univers ludique ou urbain, de la vie, quoi.

 

On est loin des princes du portrait qui traquent l’âme du modèle au plus près, dans le regard ou dans une pose étudiée.

La Beauté est partout n’est-ce pas ?  A chacun de la saisir avec ses propres perceptions, et selon le goût de son époque.

Les temps ont changé et KLEIN fait partie des précurseurs.

 

Il devient le chouchou des rédactrices de mode qui se l’arrachent.

Il est le plus Parisien des Neworkais, comme son ami MAN RAY, amoureux de Paris comme lui et dont les œuvres reflètent le même esprit de rébellion envers les règles de l’art.

Ensemble, ils entreprennent  des travaux de ravalement dans la photographie.

Ils inventent des nouvelles techniques de cadrage, de mise en scène, de tirage, etc... De quoi donner des idées aux jeunes photographes qui vont suivre.

Mais je vais trop vite.

 

Pour l’heure, nous sommes encore en 1966  au Jardin du Luxembourg et William KLEIN  est  en pleine période CINEMA :

On parle beaucoup du film qui vient de sortir, QUI ETES VOUS POLLY MAGOO.  L’affiche est pour le moins attirante  : Dorothy Mac Gowan ,Sami Frei, Delphine Seyrig, Jean Rochefort, Philippe Noiret, Alice Sapritch, la musique est de Michel Legrand.

Le réalisateur, c’est lui, William KLEIN .

Son premier long métrage après une série de courts très révélateur

C’est une satire du monde de la mode, un peu grand-guignol, qui n’a pas vraiment fait un tabac.

Mais là aussi, Klein avait de l’avance.

Dans la presse, on  rappelle que Louis MALLE avait demandé à William KLEIN d’être son conseiller artistique pour le film ZAZIE DANS LE METRO, d’après le roman de Raymond QUENEAU, et ça remonte à 1960

Ca donne envie de voir…

 

Moi, j’en suis restée à POLLY MAGOO et je n’ai pas aimé le film. Mais aujourd’hui, je reverrais peut-être mon jugement ? les temps changent de goût et d’humeur…

William KLEIN a suivi sa trajectoire, fidèle à ses principes car il n’en avait pas, et toujours en haut de l’affiche, même avec une pochette d’album complètement foutraque, que lui avait demandée Serge GAINSBOURG en 1984 avec ces mots : « Je veux être belle ! »   William KLEIN avait plongé, bien sûr.  La photo est  anthropomorphique.

 

Aujourd’hui, William KLEIN habite t’il toujours le quartier de l’Odéon ?   Fait-il encore sa promenade dans le Jardin du Luco, en solitaire, les mains dans le dos, son fidèle appareil photo au cou ?

 

Miss Comédie

 

PS :  William KLEIN n’est ni le père, ni le fils, ni le frère de Yves KLEIN ; célèbre auteur du bleu Klein, un bleu d’une couleur unique, inimitable, plus bleue que le bleu des mers du Sud.

 

 

  

 

 

 

 

 

 

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PHOTO GENIES / SARAH MOON

Publié le par Miss Comédie

PHOTO GENIES /  SARAH MOON

SARAH MOON

 

Le Musée d’Art Moderne lui consacre une exposition intitulée PASSE, PRESENT, rétrospective d’une carrière  en images saisies au vol, à tire d’ailes entre le réel et l’imaginaire.

Elle est là, l’artiste, à peine 80 ans, face à face avec son  talent  décomposé, reconstitué, illuminé,  affiché, ses photos, ses films, ses livres.  Son passé, quoi…  et elle assume :

 

« Je n’ai rien contre la nostalgie. La photographie m’intéresse pour son rapport au temps, cette allusion constante à la perte, à la mémoire, à la mort. La photographie m’échappe autant qu’elle me saisit. Il y a dans ma démarche une part d’inconscient que je ne cherche pas à analyser. »

 

Ce qu’elle ne verra pas, sur les murs du Musée, ce sont les rues de Londres qu’elle a arpentées, au début des années soixante, son book sous le bras, de studio en studio où elle posait pour les grands photographes, mannequin Junior peut-être, on l’imagine menue et pas très grande, avec une frimousse  toujours  souriante, au regard flou de myope.

Elle en a eu vite assez, et c’est à Paris qu’elle a eu envie de renverser les rôles.

Elle s’est mise à photographier ses anciennes copines mannequins  pour les magazines et ses photos ont été vite remarquées.

Sarah MOON avait l’objectif complice, elle inventait des mises en scène où les modèles semblaient flotter hors du temps,  inspiré par le souvenir de films qui l’avaient marquée,  comme ceux des années 30.

 

La maison CACHAREL a saisi au vol cette inspiration nouvelle, en rupture avec l’érotisme sous-jacent de ses collègues masculins.

Les campagnes CACHAREL ont fait sa gloire durant plus de dix ans, rafraichissantes,  toujours reconnaissables : du Sarah Moon, forcément.

Les commandes ont suivi , Chanel , Armani , Dior ... pour des magazines de luxe . Avec son assistant-gourou,  elle assurait. 

 

Et puis, quand celui-ci l’a quitté pour l’autre monde, inconsolable, elle a pris un autre chemin, celui de la photo artistique.

Elle  a en tête le travail de Guy BOURDIN, celui qu’elle admire et  dont elle envie les audaces presque picturales.

Elle a en elle tout ce qu’il faut pour transformer ses photos en œuvres d’art audacieuses, elle le sent.  Soutenue par l’amour de sa vie, Robert DELPIRE, célèbre éditeur et publicitaire, elle  construit  sa carrière comme un acteur se construit un personnage, éternel dans la mémoire collective,  à travers ses métamorphoses

mêmes.

 

Délaissant la mode et ses contraintes, son inspiration s’est nourrie du spectacle du monde, la rue, la nature, les animaux, le cirque.

Elle adorait le cirque, ce cercle magique, domaine des exploits impossibles, spectacle onirique  entre fascination et angoisse.

Elle aimait photographier l’ambiance des coulisses, les répétitions, les ratés, le travail acharné des funambules comme des animaux dressés, le regard lointain des  créateurs de rêve.

Comme eux, elle cherchait à s’échapper du plat pays de la réalité.

 

 

Aujourd’hui, choisir une seule photo pour rendre hommage à  

Sarah MOON était impossible, c’est pourquoi je me suis résolue à  rappeler cette campagne qui a fait sa notoriété, CACHAREL et ses images émouvantes, vivantes et drôles.

Mais si vous allez faire un tour du côté de son exposition au Musée d’Art Moderne, vous oublierez vite CACHAREL et la mode pour vous plonger dans un monde étrange et disparate où vous irez  de surprise en surprise, enveloppé dans une douce sensation de déjà vu, déjà vécu, souvenirs des années folles.

 

Si  vous la croisez, elle vous dira en riant :

 

« Vous avez dit Chronologie? Je n’ai pas de repères; mes jalons ne sont ni des jours, ni des mois, ni des années. Ce sont des avant et des après…  C’est à la fois pour m’approcher et m’échapper de la réalité qu’instinctivement j’ai

 regardé à travers l’objectif d un appareil photographique…”

 

Confudences  d’une artiste qui se veut hors du temps, alors que

 

mine de rien, Sarah MOON, avec ses Avant et ses Après, a sa place parmi les grands photographes du PASSE et du PRESENT .

 

Miss Comédie

 

Exposition Sarah Moon PASSE PRESENTau Musée d’Art Moderne à Paris, du 18 septembre 2020 au     juillet 2021.

 

 

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PHOTO GENIES : JEAN-FRANCOIS JONVELLE

Publié le par Miss Comédie

PHOTO GENIES : JEAN-FRANCOIS JONVELLE

Ce fut la surprise de la rentrée. On découvrait sur les murs de Paris une belle plante en maillot, dos à la mer, les poings sur les hanches,  qui nous proposait un strip-tease  en 4x3 : « Demain j’enlève le haut »…

Intrigués mais incrédules, on a pensé « il y a une embrouille, là-dessus ! « 

 

En  1981 les campagnes publicitaires utilisaient déjà le « teasing » pour stigmatiser l’attention sur des lancements de nouveaux produits ou de nouvelles marques. Là, le suspense était entier.

Le 2 septembre, donc, on est resté pantois. La souriante jeune fille nous balançait ses seins nus  plein pot, et nous convoquait pour une suite plus hard encore :

«Demain j’enlève le bas » !

La rumeur fit le tour des terrasses de café et dans les dîners on lançait les paris : « Ouais, elle va recouvrir ça avec un chapeau... etc. »

La troisième affiche était superbe.  De dos, elle nous offrait une plongée sur des fesses magnifiques, une bombe.

Et là, le slogan  lui aussi gonflé à bloc : « AVENIR, L’AFFICHEUR QUI TIENT SES PROMESSES »

 

La jeune fille  s’appelait Myriam et le photographe était son ex, Jean-François JONVELLE.

Il était déjà connu  comme  photographe de charme, c’est à dire spécialement doué pour les photos de nus,  avec des modèles qui étaient la plupart du temps ses compagnes, dans des poses surtout pas académiques mais intimistes, nonchalantes et naturelles.

 Maud Marker, une des seules avec qui il ait vécu sans la photographier et qui en est devenu son agent, précise: «Il ne cherche pas la plante de 1,80 m avec la fesse à 1,12 m. Il veut une frimousse, un regard, du piquant. Une sauvageonne spontanée, rigolote, qui ne triche pas.»

 

Comme Myriam, donc, qui fut pour lui une passante parmi tant d’autres, lui laissant au passage de jolis vestiges de leur complicité.

Son book est un florilège de jeunes filles telles qu’elles sont, dans des postures prises sur le vif dans des gestes quotidiens.

Léger ? Frivole ?  Un peu trop « sex »   ?   Pas seulement, JONVELLE est resté aussi comme un maître du N &B dans des portraits aussi percutants que ses nus étaient hédonistes.

Derrière un talent abouti, il y a souvent un maître.

 

JONVELLE fut l’assistant de Richard AVEDON ! qui dit mieux pour se choisir un guide ?  AVEDON, qui débuta à douze ans en faisant le portrait de Serge Rachmaninov, lui enseigna l’art du portrait en Noir et Blanc, et l’élève  égala le maître dans ce parti pris de minimalisme.

 

Les stars se sont succédées devant son objectif  avant que  l’Agence de publicité CLMBBDO  lui confie la photo de l’affiche MYRIAM, pour l’afficheur AVENIR ; main dans la main avec un sacré concepteur rédacteur PIERRE BERVILLE  qui dirigeait l’Agence et qui est à l’origine de cette campagne explosive.

Pour JONVELLE ce n’était pas un coup d’essai, mais ce fut un joli coup de maître…

En fait, il ne s’écartait pas vraiment de son côté photographe de charme, du charme il y en avait plein l’affiche, tel qu’il le voulait, sensuel mais pas  lourdingue, gourmand mais pas indigeste…

Une affiche qui serait censurée, aujourd’hui, pour insulte à la dignité de la Femme.  C’est fou, les musées sont pleins d’insultes à la dignité de la Femme. Que fait la police ?

Miss Comédie

 

 

 

 

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