AVE CESAR
La première Cérémonie des César, appelée aussi LA NUIT DES CESAR, eut lieu le 3 avril 1976 au Palais des Congrès à Paris.
Elle fut présidée par Jean Gabin, dont ce fut la dernière apparition publique sept mois avant sa mort. Les images d’archives le montrent assis au premier rang, son visage éternellement impassible sous sa crinière blanche, se levant péniblement à l’appel de son nom pour monter sur scène et proférer d’un ton las, la phrase « je déclare ouverte la Première cérémonie des César ».
Il était déjà malade, mais il avait tenu son rôle avec grandeur, sous les yeux attentifs des deux maîtres de cérémonie, Pierre Tchernia et Jean-Claude Brialy.
J’imagine que planait sur cette première remise de prix un suspense sans précédent, comme l’entrée des gladiateurs dans l’arène, devant César.
Ce fut Jean Gabin accompagné de Michèle Morgan (« tu as de beaux yeux, tu sais... ») qui remit le César du meilleur film à Robert Enrico pour LE VIEUX FUSIL, sous les acclamations du public. Adhésion totale, pas d’intermittents pour protester, pas de partisans du désarmement non plus. Un choix qui donna au film une reconnaissance éternelle.
Derrière lui, trois concurrents malheureux mais d’égale stature :
Cousin Cousine, de J Ch Tacchella,
Que la fête commence de Bertrand Tavernier,
Sept morts sur ordonnance de Jacques Rouffio.
Le meilleur réalisateur fut Bertrand Tavernier pour QUE LA FETE COMMENCE, suivi par François Truffaut pour Adèle H , Robert Enrico pour le Vieux Fusil,
Jean-Paul Rappeneau pour Le Sauvage.
On aurait pu les classer ex-aequos...
Le César de la meilleure actrice posait un sacré problème d’ego… Romy Schneider l’emporta pour son rôle dans L’IMPORTANT EST D’AIMER, au grand dam d’Isabelle Adjani qui s’était levée avant même que le prix soit décerné, persuadée qu’elle était l’heureuse élue.
A côté d’elle, mais plus humbles, des stars déjà confirmées : Catherine Deneuve pour Le Sauvage, Delphine Seyrig pour India Song…
Excusez moi du peu. Mais à l’époque, les écrans étaient peuplés de créatures divines bourrées de talent. Il n’y avait que l’embarras du choix .
Pour le César du meilleur acteur ils ont dû probablement tirer au sort pour désigner Philippe Noiret dans LE VIEUX FUSIL alors que caracolait derrière lui Gérard Depardieu pour Sept Morts sur ordonnance, Victor Lanoux pour Cousin Cousine , Jean Pierre Marielle pour Les Galettes de Pont-Aven…
En lice pour cette première compétition, les films étrangers alignaient quatre fleurons du 7ème art européen :
Parfum de Femme de Dino Risi, l’emportait sur Aguirre ou la Colère de Dieu de Werner Herzog , Nashville de Robert Altman, La Flûte enchantée d’Ingmar Bergman
... and the winner was : PARFUM DE FEMME, bien sûr, inoubliable Gassman.
Il y eut deux César d’honneur, un peu bizarres, pour Diana Ross, une chanteuse égarée au cinéma, et Ingrid Bergman.
Pour rafraîchir l’atmosphère, le spectacle comportait des moments de détente où quelques figures connues de la chanson venaient se produire hors compétition.
Tout cela était encore bon enfant, plein d’humour et de tolérance, les gens étaient là pour se congratuler, non pour se critiquer.
C’était encore la grande famille du cinéma, heureuse de se retrouver pour une nuit de consécration.
Quarante quatre ans plus tard, tout a changé.
Les films ont perdu cette frivolité qui faisait leur charme, le propos n’est plus de divertir mais de démontrer.
Sous des images parfois insoutenables, la violence est devenue le piment des scénaristes qui délaissent l’imaginaire pour la réalité au premier degré.
Les acteurs ont droit à leur jour de gloire avant d’être oubliés, remplacés par de nouveaux talents.
Surtout, chaque compétition est devenue un combat d’idées, une lutte sournoisement politique.
On nous annonce que le grand favori des César 2020 est le film de Polanski, « J’accuse », ce qui promet une belle démonstration de force de la part des féministes.
Et pourquoi tout d’un coup, la Nuit des César ne donne sa chance qu’à des réalisateurs venus du Belouchistant ?
« OK, boomer ! » me répond la jeune génération.
Miss Comédie
J’apprends à l’instant la démission collective des membres de l’Académie des César, à la demande d’un groupe de personnalités du cinéma (dont Bertrand Tavernier !!!!... ) Oui, tout change. Que va-t-il se passer le jour J ?