Bonjour ! Et voilà. C’est la dernière scène de ROSE AUTOUR DE MINUIT. YANN et CHRIS se retrouvent assis devant l’estrade des musiciens. Cette femme qui s’avance pour chanter est-elle ROSE ou bien un mirage ? Avant même qu’ils ne trouvent une fin à leur scénario, leurs personnages ont décidé qu’elle serait sinistre. La réalité a devancé la fiction. Le rideau tombe sur cette note mélancolique mais après une semaine de relâche il se lèvera à nouveau sur une comédie, une vraie, dont l’action se passe dans la salle d’attente d’un médecin allergologue. Des allergies, il en existe des centaines, et chaque personnage aura la sienne. Cocasserie et suspense assurés. J’espère que vous aimerez. On se retrouve lundi 6 avril, ne m’oubliez pas !
CHRIS Il s’est passé quelque chose ? YA YANN Nous avons changé la fin, c’est tout.
Ils restent silecieux un moment puis CHRIS tend les feuillets à YANN.
CHRIS Ma fin est plutôt pessimiste, tu verras. YANN, prenant les feuillets et lisant « NAT sort du bar en titubant, visiblement hors de son état normal. Il traverse la rue, fait quelques pas sur le trottoir puis, brusquement, fait demi-tour et fonce sur la chaussée en courant. Les phares d’une voiture surgissent, il s’arrête et c’est le choc. »
YANN s’arrête de lire, regarde CHRIS sans rien dire un long moment.
CHRIS Et ta fin à toi, elle est comment ? YANN C’est la même que la tienne.
Le barman arrive avec les consommations qu’il pose sur la table.
LE BAMAN Je dois vous prévenir, ce soir je fermerai plus tôt. Ce n’est pas un soir comme les autres.
Il repart en direction du bar. Le couple de clients se lève et s’arrête devant le bar pour régler leurs consommations avant de sortir.
Le barman éteint quelques lumières. Seule, la table où YANN et CHRIS sont assis reste dans la lumière, devant l’estrade vide où l’on voit s’avancer ROSE, dans son apparence diaphane du premier soir, fourreau noir, visage hiératique. Elle s’empare du micro et chante. Les deux hommes ne la regardent pas. Ils continuent de se parler comme s’ils étaient seuls, on n’entend plus leur dialogue, seule la chanson de ROSE emplit l’espace tandis que le noir se fait.
…. à Claudia STAVISKY qui tire un beau parti des ressources immenses du théâtre des CELESTINS. J’ai vu hier soir un HAMLET hallucinant monté par Claire LASNE-DARCUEIL. Cette femme, qui joue aussi Gertrude dans la pièce, possède une énergie créatrice extraordinaire. Ses inventions scéniques et sa poigne pour diriger les acteurs sont phénoménales. Je ne la connaissais pas. Je ne sais pas d’où elle vient, ni ce qu’elle a fait avant. Mais là, chapeau ! Sa mise en scène est vraiment « shakespearienne ». Pour le reste, c’est-à-dire la distribution, et bien… je ne suis pas entièrement convaincue. Parlons d’Hamlet : Patrick CATALIFO prend peu à peu possession du personnage en lui donnant une folie très inspirée, il a les secousses, les cris, l’ironie et le désespoir très convaincants. Mais son physique ingrat m’a un peu gênée. C’est un gnome agile comme un singe, il n’a pas l’élégance et la stature d’un prince. Autour de lui, une Ophélie très jeune, belle et qui maîtrise ce rôle difficile avec une étonnante maturité. Pour ce qui est de Gertrude, la mère d’Hamlet, vraiment je pense que Claire LASNE-DARCUEIL aurait pu se dispenser de s’attribuer le rôle. Les autres sont bien, sans plus. Pas de véritables natures pour encadrer la folie destructrice d’Hamlet. Mais l’ensemble du spectacle est magistral, magnifiquement installé dans un décor astucieux, d’impressionnants effets de lumière (aveuglante parfois) et sonorisation assourdissante, parfaitement gênante à certains moments, comme il est d’usage de nos jours sur les scènes de France et de Navarre. La représentation dure quatre heures…. Mais la magie de Shakespeare opére et on ne voit pas passer le temps.
« Je me souviens »… qui disait ça aussi ? C’est Georges PEREC avec ses 480 souvenirs numérotés de 1 à 480 et qu’il avait réunis depuis l’âge de 10 ans jusqu’à sa vingt-cinquième a, c’est lui qui le dit. Dans son livre « JE ME SOUVIENS », paru en 1978, Georges PEREC se souvenait de plein de petites choses de la vie, de Paris, du métro, de gens du spectacle. Et Sami FREY pédalait, pédalait, sur la scène du théâtre du Port de la Lune à Bordeaux, en récitant ce texte drôle et mélancolique. L’idée du petit vélo était de lui. On demandait à Sami FREY « mais vous devez vous sentir bien seul, en scène, sur votre vélo, en disant les souvenirs de PEREC ? » Il avait répondu simplement « comme dans la vie… » Bon, ça n’est pas vraiment un événement de ma vie que je vous écris-là, mais il est toujours question de souvenirs… Et ça m’a donné l’occasion de me rappeler cet écrivain atypique qui me fascine, depuis ses prouesses d’écriture (comment peut-on arriver à écrire un roman de 300 pages sans utiliser une seule fois la lettre e ?") jusqu’à ses grilles de mots croisés ultra-dures mais tellement humoristiques. Après tout, nous sommes encore en Mars, le mois anniversaire de sa naissance et de sa mort. Donc, je ne suis pas tout à fait hors sujet…
Tout portrait se situe au confluent d’un rêve et d’une réalité. Georges PEREC (La vie mode d’emploi)
Je n’aurais pu trouver mieux pour mettre un point final à cette pièce. Merci à Georges Pérec, toujours bien inspiré. Et au revoir à vous tous, pour une petite semaine qui sera très occupée : je monte à Paris participer à la remise du Prix du Premier Roman en ligne des Editions Le MANUSCRIT, pour mon roman SA LENTE TRAVERSEE DU MOIS D’AOUT. ET… je peaufine les premières scènes de ma prochaine pièce sur ce blog : LES AMOUREUX DANS LA SALLE D’ATTENTE. A lundi 6 avril, ne m’oubliez pas ! Miss Comédie.
Bonjour ! Chers amis, ROSE AUTOUR DE MINUIT arrive à son dénouement. Comme au tout début de la pièce, YANN et CHRIS se retrouvent dans ce bar mais aujourd'hui la scène est vide. Ils ont tous les deux imaginé une autre fin pour leur scénario... Fiction ou réalité ? Dans la page d'aujourd'hui vous trouverez aussi un hommage à Laurent TERZIEFF qui est à l'affiche du Théâtre Rive Gauche avec "l'HABILLEUR".
YANN ne répond pas et regarde autour de lui le décor de ce bar désormais vidé de son sens. Il hésite un peu puis va s’asseoir à la table qu’il occupe habituellement. Comme s’ils avaient rendez-vous, entre CHRIS qui hésite, lui aussi, avant de se diriger vers la table de YANN. Les deux hommes se dévisagent un instant puis YANN désigne le fauteuil en face de lui.
YANN Tu as réfléchi ? CHRIS OuI. Il m’est venu une idée. YANN Dis toujours… CHRIS Et bien…
Il hésite, puis sort quelques feuillets de son sac à dos.
Tu liras ça. C’est la même histoire, mais…
YANN … sans le pianiste ? CHRIS Oui. Tu y as pensé aussi ? YANN Chris, tu vois ce bar. CHRIS Oui ? YANN Nous sommes bien jeudi. CHRIS Oui. YANN Et bien, tu vas t’apercevoir que l’orchestre ne jouera pas ce soir. CHRIS, regardant autour de lui Ah bon ? Pourquoi ? YANN Parce que le pianiste est absent. Et du même coup, la chanteuse aussi.
Au ton de la voix de YANN, CHRIS comprend qu’il s’est passé quelque chose. A ce moment, s’approche le barman qui demande :
LE BARMAN Est-ce que ces messieurs prendront quelque chose ? YANN Oui, donnez-nous comme d’habitude. Deux scotchs et une bouteille de Perrier.
…. à Philippe TESSON pour sa critique de l’HABILLEUR, dont je vous parlais hier. Il dit : « Avec Laurent Terzieff on est toujours dans l’ineffable ». Ce n’est pas souvent qu’un critique utilise ce genre de superlatif. Et ils ne sont pas nombreux ceux qui le méritent. « C’est au coeur du sortilège théâtral que nous fait pénétrer la pièce de Ronald Harwood », écrit-il. Je le cite encore : « On n’est pas près d’oublier certaines scènes de ce spectacle, celle notamment où Terzieff, après s’être grimé sous nos yeux, revêt les somptueux habits d’hermine du Roi Lear, sous les yeux attendris de l’habilleur. (…) Celles de ses agonies, feintes ou réelles. Quelle allure ! Quelle beauté ! Quel théâtre ! » Voilà une critique comme on aimerait en lire plus souvent, vibrante, spontanée. On sent bien que ça n’est pas du pipeau. Mais aussi : quel spectacle cela doit être ! (La photo date de 1964 et elle est signée Thérèse Le Prat.)
Et puisqu’il est question de Laurent TERZIEFF, c’est un bonheur pour moi de lui offrir en forme d’hommage le souvenir de cette soirée où je l’ai vu aux côtés de sa compagne disparue Pascale de BOYSSON, dans ces deux courtes pièces de Murray SCHISGAL : LE TIGRE et LES DACTYLOS. C’était en 1964 au petit Théâtre de Lutèce et la mise en scène était de Laurent TERZIEFF et Maurice GARREL. Une franche rigolade. TERZIEFF était d’un comique halluciant, tout en contorsions et en mimiques, la mèche en bataille, l’œil égrillard. Quand on voit le personnage aujourd’hui on a peine à le croire. La vie l’a courbé, buriné, blanchi, son visage christique a pris les stigmates de toutes les douleurs, celles de ses personnages et les siennes propres. Et sa voix… Sa voix a pris la profondeur des abimes cosmiques. Il est devenu Laurent-le-Magnifique.
Bonjour ! C'est la Ste Annonciation. Je vous annonce que ROSE AUTOUR DE MINUIT touche à sa fin. Plus que deux scènes et le rideau tombera sur cette belle histoire triste. Il y aura une semaine de relâche pour travaux (nouveau décor, nouveau casting) et je vous accueillerai à nouveau pour une deuxième pièce, beaucoup moins triste. En attendant, préparez vos mouchoirs...
Le bar de nuit. Le barman est assis derrière le bar, un journal à la main. Un couple de clients est assis à une table. On entend la musique de Round Midnight jouée en sourdine. Entre YANN. Il regarde autour de lui.
YANN, au barman « PAS DE CONCERT CE SOIR » ça veut dire quoi cet écriteau ?
LE BARMAN, sombre Ca veut dire pas de concert ce soir.
YANN Mais pour quelle raison ?
l qu’il est en train de lire. YANN jette un coup d’œil et laisse tomber le journal, saisi. Ils se regardent un long moment.
YANN Quand ?
LE BARMAN Hier matin. Il s’est fait renverser par une voiture. Mort sur le coup.
YANN, effondré Et Rose ?
LE BARMAN Elle dort.
YANN Comment, elle dort ?
LE BARMAN Oui elle dort. Elle est pas encore au courant. (brusquement agressif) Vous allez changer la fin du scénario, maintenant ? Une belle fin ! Une fin très, très romantique, hein ? Ca va faire un tabac, je vous le dis !
YANN Qu’est-ce qui vous prend ?
LE BARMAN, id Les jeux sont faits. Il n’y a plus rien à glaner ici. Foutez le camp.
….. à Laurent TERZIEFF, acteur sublime pour qui j’ai une tendresse particulière puisqu’il est toulousain comme moi, et qui monte une pièce magnifique de Ronaltd Harwood, « L’HABILLEUR ». La très troublante histoire d’une troupe de théâtre qui joue envers et contre tout dans une petite ville anglaise sous les bombardements. A sa tête, un comédien chevronné qui incarne chaque soir le personnage du Roi Lear jusqu’au soir où, épuisé, il se sent incapable d’assurer la représentation. C’est son fidèle habilleur qui tente de lui redonner la confiance et l’énergie nécessaires pour affronter le public. Dans mon souvenir, la pièce mêle étrangement la vie et le théâtre dans l’esprit de cet acteur qui ne sait plus très bien où est sa vérité. Laurent TERZIEFF dans le rôle du vieux comédien usé : qui d’autre ? Ca se passe au Théâtre RIVE GAUCHE et je brûle d’envie de voir ce spectacle.
C’est du cirque, on est u cirque, ça commence comme au cirque, par les chevaux. Les cavaliers en habit bleu menés par le chef de piste (Duvalles, mais qui se souvient de Duvalles ?) caracolent et parmi eux je reconnais Yves FURET, mon prof d’art dramatique, fière allure, et Claude PIEPLU, imperturbable. Ils font des tours et filent en coulissent pour laisser la place au président qui fait un discours. C’est Jean MARAIS, superbe en smoking blanc, qui dit ce qu’il faut dire dans ces cas-là, avec une grand élégance. Puis c’est l’entrée de monsieur LOYAL (Charles VANEL) qui nous fait quelques démonstrations de dressage avec son cheval, impeccable, puis c’est Suzanne FLON qui passe à travers un cerceau en feu tendu par Jean-Claude BRIALY, ouaah, c’est effrayant, elle s’en sort avec le sourire, puis Marie-José NAT nous en met plein les yeux avec un numéro de voltige aérienne comme si elle avait fait ça toute sa vie. Prodigieux ! A côté de ça, Joséphibe BAKER sans prendre de risques, menait un groupe d’éléphants aussi enturbannés qu’elle au pas de sénateur, mais ça avait belle allure et elle en faisait des tonnes en se tortillant comme elle savait le faire. Après l’entracte où l’on buvait des coupes en savourant son anonymat, il y eut encore quelques prouesses comme le trapeze où BELMONDO s’est envolé vers la toile du chapiteau puis retombé juste où il fallait en rattrapant la barre, toujours souriant, le fou, quelle peur il nous a fait Encore un tour de prestidigitation par une Maria PACOMe toute jeunette, et puis ce fut la fin. L’explosion des bravos, le défilé de tous les artistes ovationnés chacun leur tour dans l’arène, une dernière cavalcade des pur-sangs de BOUGLIONE, et la magie s’est évanouie dans la nuit.
Dès que nous naissons, nous pleurons d’être venus sur ce grand théâtre de fous. William Shakespeare (LE ROI LEAR) Et pourtant, la vie est un cadeau, moi je vous le dis. Cheer up, old folks, you'll soon be dead ! Je vous dis à demain. Miss Comédie.
Bonjour ! Il pleut. Ca va bien avec cette scène où ROSE ne sait pas encore qu'elle a fait le mauvais choix. Il n'y a rien à expliquer aux impulsions soudaines qui mènent au désastre. Décidément, le jour ne va pas à ROSE... Pour vous dérider, vous lirez ensuite un souvenir qui pétille de tous ses feux !
Le barman ouvre la porte et pour la première fois la lumière du jour pénètre dans le bar. NAT se détache dans l’encadrement de la porte, un instant nimbé de lumière, comme incandescent, puis il disparaît.
LE BARMAN Le jour se lève ! On ferme !
ROSE, s’approchant de la porte. J’aime pas le jour.
LE BARMAN NAT t’attend !
ROSE Je crois que je l’ai perdu, tu sais.
LE BARMAN Il t’aime.
ROSE C’est tentant, un rôle au cinéma, tu sais ?
BARMAN Oui, bien sûr mais il y a loin de la coupe aux lèvres !
ROSE Tu crois que j’aurais dû refuser ?
LE BARMAN Tu as fait selon ton coeur.
ROSE Je n’irai pas au rendez-vous.
BARMAN Ah non ?
ROSE Je veux NAT.
LE BARMAN Tu ne sais pas bien ce que tu veux, hein ? Allez, on ferme. Viens, je t’accompagne jusqu’au bout de la rue.
Il éteint toutes les lumières et prenant le bras de ROSE, il l’entraîne dans la rue.
… à Marc LAMBRON. Pourquoi ? En dehors d’être un écrivain reconnu et un journaliste très tendance, il peut aussi transformer sa chronique hebdomadaire en message personnel émouvant. C’est une belle idée qu’il a eu, de souhaiter longue vie à sa grand-mère qui vient d’avoir 100 ans, dans les pages du magazine Madame Figaro. C’est gonflé, aussi. Il faut qu’il ait toute crédit auprès de la rédaction pour diffuser cette lettre d’anniversaire où il brosse le portrait d’une dame qui en a vu de toutes les couleurs… Inconnue, elle n’avait a priori aucune raison d’intéresser le lectorat de Madame Figaro. Et pourtant, le papier est intéressant. On le lit jusqu’au bout, on s’intéresse à cette dame qui est « seulement » la grand-mère de l’auteur. En tout cas, elle doit être drôlement fière d’avoir inspiré une page de magazine. Ca s’efface vite, une page de magazine. La semaine passe et il n’en reste rien. C’est comme un blog. La page d’hier ne vaut plus rien aujourd’hui. N’empêche : il y a des mots qui restent gravés dans la mémoire, longtemps encore. Très longtemps peut-être.
J’ai retrouvé un souvenir qui vaut de l’or. Un très grand millésime, celui-là, et qui va demander deux jours pour vous le raconter en détails.
Le programme.
Le 3 mars 1961 a eu lieu le XXXIème GALA DE L’UNION DES ARTISTES au Cirque d’Hiver Bouglione, sous la présidence de Jean MARAIS. Un héévènement ! Une méga-fête ! La Cérémonie des Césars, à côté, c’est la kermesse de fin d’année au lycée de Montargis. Mais on ne compare même pas : les deux époques sont à des antipodes, tout a changé, nous n’avons plus la même faculté d’émerveillement, il nous faut du sexe et de la violence pour nous faire lever les yeux. Mais ne jugeons pas. J’avais juré de ne jamais vous faire grincer des dents. Alors regardons plutôt cet événement surdimensionné. Le programme est déjà du domaine de l’impensable aujourd’hui : un livre somptueux aux exemplaires numérotés. Des pages publicitaires époustouflantes pour des annonceurs triés sur le volet, des dessins sur le thème du cirque signés par quinze grands peintres du moment dont Bernard Buffet, Foujita, Soulages, Cocteau… et un programme à couper le souffle. Les numéros de cirque exécutés par des artistes du théâtre, du cinéma ou de la chanson étaient réglés par les frères Bouglione, c’est dire si ça n’était pas de la frime. Dans le programme figuraient les noms des personnages illustres qui occupaient les loges. Ca allait de Suzy Volterra à Paul-Louis Weiller, en passant par des patrons de grosses boites, la SACEM, le BHV, Cino del Duca, Pierre Lazareff, et l’Agence CIMURA dont je faisais partie ce qui explique que je puisse vous raconter tout ça. Moi j’écarquillais les yeux, je me pinçais. L’orchestre Jacques HELIAN accompagnait l’entrée des spectateurs d’une musique séraphique. Les jeunes comédiennes du Conservatoire distribuaient ces précieux programmes accompagnés de cadeaux (écharpe en soie peinte, parfums…) Elles portaient des robes de grands couturiers, étaient coiffées par… Dessange ! Je n’étais pas encore entrée dans la carrière mais ça commençait à me chatouiller grave. Donc, demain je vous parlerai du spectacle. Préparez les jumelles. (L'illustration est tirée du programme et signée CHAPELAIN-MIDY)
La vraie séduction de l’acteur, c’est de faire admettre au public qu’il est vraiment le personnage. Bernard GIRAUDEAU
...Même si ce personnage s'envoie en l'air sous un chapiteau !... Le rideau tombe aujourd'hui sur l'une des dernières scènes de ma pièce. J'avoue que tout ça est bien triste. Mais patience, la prochaine sera plus gaie. A demain mes très chers. Miss Comédie
AH ! Nous revoilà ensemble. J’aime bien me retrouver devant l’ordi et commencer à écrire pour des milliers d’inconnus. Quoi ? Pas des milliers ? Si, si, des milliers de gens lisent mon blog et s’assoient dans mon théâtre. Aujourd’hui ils vont assister à la triste fin de l’histoire d’amour entre NAT et ROSE. Plus que quelques scènes et le rideau tombera sur ROSE AUTOUR DE MINUIT. Préparez vos commentaires, vous n’allez pas me laisser sur ma fin…….
… à la bande-annonce de COCO, qui a fait l’effet d’un feu de brousse. Tout le monde avait envie de voir le film. Tout le monde disait « il en fait des tonnes, c’est gros, gros ! »et on se répétait déjà les phrases hilarantes de la bande annonce et tout le monde avait envie de voir le film. Moi la première. Je vais m’y précipiter demain. J’adore Gad Elmaleh, ça n’est pas très original, car depuis CHOUCHOU il l’est de tous les Français. Alors rendez-vous sur mon blog dès que j’aurai vu le film, pour vous dire ce qu’en pense, en fin de compte. J’espère vraiment que ce ne sera pas un pétard mouillé, cette bande-annonce, et que le film est à la hauteur, parce que j’ai très envie de rire avec Gad Elmaleh, moi.
Pas vraiment un millésime, mais des miettes de souvenirs des moments qui faisaient ma vie de comédienne. De bons souvenirs, malgré tout.
Du temps de l’ORTF les comédiens défilaient aux Buttes-Chaumont, plus précisément rue des Alouettes, pour décrocher un rôle dans les dramatiques. Les bureaux affichaient sur la porte le nom de la production en cours de casting, et c’était excitant au possible. Le bouche à oreille marchait mieux qu’Internet : »n’y va pas, ils cherchent des filles de moins de vingt ans ». ou : « apporte des photos en blonde, ça se passe en Suède ». En général les rôles importants étaient déjà distribués. Mais dans ce métier, tout est bon à prendre, même la pub, quoi que…à l’époque beaucoup d’entre nous estimaient que faire de la pub c’était comme si Bjon Börg se mettait au ping-pong. La rue des Alouettes était un miroir à mille facettes où l’on espérait entrevoir notre image. Mais c’était aussi un lieu de rencontres inattendues, d’échanges de tuyaux, de connivences inespérées. On pouvait y trouver un rôle, mais aussi un amoureux. On se serrait les coudes. Comme aux Assedic, quand il fallait pointer rue Ballu et qu’on se retrouvait dans la même queue avec Jean Maris qu’on appelait Jeannot, Lino Ventura qui faisait la gueule et tous nos copains. On se marrait bien. On était pourtant là parce qu’on n’avait pas de boulot. Des intermittents du spectacle, on était… On n’en faisait pas une pendule. C’était une époque facile et joyeuse.
Et ma vie pour tes yeux lentement s’empoisonne. (Apollinaire)
Il en a qui supportent très bien le partage. D'autres pas. NAT est de ceux-ci, adieu NAT... ROSE AUTOUR DE MINUIT touche à sa fin, et je vous prépare une autre pièce, beaucoup plus optimiste. A demain ! Miss Comédie
Bonjour ! Aujourd'hui hélas, pas de lever de rideau, pour des raisons personnelles mais pas graves. Je vous retrouve lundi pour la suite des aventures de ROSE AUTOUR DE MINUIT et pour de nouvelles élucubrations existentielles... Bon week-end à tous ! Miss Comédie
Bonjour ! Aujourd’hui s’ouvre l’exposition Andy WARHOL, sans les portraits d’Yves Saint-Laurent … Vous verrez plus bas ce que j’en pense. Moi, j’ai mis mon portrait pop’art c’est pas Warhol qui l’a fait, mais c’est rigolo, non ? L’histoire de ROSE et NAT touche à sa fin. Il n’est jamais bon d’écouter aux portes… Le rêve de ROSE va se réaliser, celui de NAT s'écroule.
YANN répète en scandant les mots Vous êtes la ROSE du scénario … Vous allez connaître le succès. Le succès, c’est la fin de toutes les histoires d’amour.
ROSE Non !
YANN Le succès s’affronte seul.
La porte s’ouvre derrière eux et NAT entre doucement, marche dans l’ombre lentement jusqu’au piano et s’asseoit devant, puis reste immobile. Ils ne l’ont pas vu.
ROSE Je retrouverai Nat chaque nuit, pour les plus beaux moments de ma vie.
YANN Ne rêvez pas, Rose. Vous ne pourrez plus retrouver Nat chaque nuit.
ROSE Et pourquoi ?
YANN Si vous acceptez un premier rôle, il faut accepter d’être en première ligne pour tout : les interviews, les photos, les promotions, les cocktails, les soirées. Ne me dites pas que vous refuserez de jouer le jeu. D’ailleurs, il y aura un contrat, et ce contrat vous y obligera.
ROSE Je n’ai pas besoin d’un contrat pour être consciente de mes devoirs.
YANN Ces devoirs, NAT ne sera peut-être pas d'accord pour les partager.
ROSE Je lui ferai aimer mes devoirs.
YANN se lève, ramasse ses affaires sur la table et va vers la porte. Il s’arrête un moment devant ROSE et lui tend la main. YANN J’espère que vous serez assez forte pour ça.
….NON, je ne dis pas bravo à Pierre BERGE qui a retiré de l’exposition WARHOL quatre portraits d’Yves SAINT-LAURENT sous prétexte qu’on les avait placés dans la section « GLAMOUR ». « SAINT-LAURENT n’es pas glamour », a-t-il affirmé, fâché. Vous l’avez sans doute lu dans LIBE, la polémique fait rage. Mais peut-on donner raison à Pierre BERGE ? Si Yves SAINT-LAURENT n’est pas glamour, alors moi je me rase tous les matins. Il est furieusement glamour ! Voir sa publicité pour le parfum Kouros… Mais là n’est pas la question. Glamour ou pas, les portraits du créateur sont là au même titre que tous les autres modèles qui vont faire l’intérêt de l’exposition. Ca n’est pas à Pierre BERGE de décider s’il doit être accroché là ou là, et en plus il n’est même pas allé vérifier ! C’est un caprice de star, quoi. Enfin, de star. Pierre BERGE est un VIP mais pas une star, il n’est pas assez glamour pour ça.
DON JUAN dans la Cour d'honneur du Palais des Papes à Avignon
Un quart d’heure avant la fermeture des portes du Palais des Papes, les trompettes sonnent l’appel et ça vous met des frissons partout. La première fois qu’elles ont sonné, sur les notes de Maurice Jarre, c’était pour LORENZACCIO et Gérard Philipe allait entrer en scène. Depuis, ces quelques notes sont devenues l’emblème du Festival d’Avignon. Ce soir nous sommes en juillet 1993 et la cérémonie qui va avoir lieu dans ce cadre illustre de la cour d’honneur, c’est don JUAN de Molière, mis en scène par Jacques LASALLE et la troupe de la Comédie Française. Sur les gradins il ne fait pas chaud et le mistral souffle fort. Nous avons tous le coeur serré de bonheur, d’émotion. Don Juan nous ne le connaissions pas, c’était Andzef SEWERYN, acteur polonais devenu Comédien Français à cause de son talent. Elvire, c’est la jeune Jeanne BALIBAR, enlevée du Conservatoire par Jacques LASALLE. Une nature, cette nana. Elle nous en fait voir depuis, de toutes les couleurs. Elle incarna récemment Peggy Roche, la dernière compagne de Françoise Sagan- Sylvie Testud dans le film de Diane Kurys.
Il y avait ce soir-là, sur la scène de la cour d’honneur, une pléiade de natures, de talents, de voix qui ont peuplé cet espace emblèmatique de leur présence. C’est quelque chose, la troupe du Français. Ils ont ce que les autres n’ont pas : le professionalisme poussé à l’extrême de sorte qu’on ne perçoit pas le travail. On ne perçoit que le personnage incarné. Dans ce DON JUAN-là, chaque personnage était au plus haut de son authenticité.
Bonjour ! C'est la saint Patrice. Ca tombe bien, il est question de Patrice LECONTE aujourd'hui et je lui fais cadeau d'une petite pub pour son prochain opus : un roman ! Chic, un roman de Patrice LECONTE, ça doit décoiffer... Pour ROSE, il y a de quoi se faire des cheveux. Elle ne sait pas qu'elle joue avec le feu. Vous savez, la pièce touche à sa fin... Je me rends compte que ça n'est pas vraiment une comédie. Mais je vous jure que la prochaine sera drôle du début à la fin. Mais chut...
YANN Vous avez raison. C'est mon film. Je m'appelle Kubrick. Je fais ce que je veux. Je vais déchirer le script et le réécrire moi-même. Je prends tous les risques, cela me donne tous les droits. N'ayez pas peur, Rose, vous allez enfin savoir ce que c'est que d'exister sur une pellicule.
ROSE Je vais enfin savoir ce que c’est qu’exister le jour.
YANN Exister le jour ?
ROSE Oui, attendre le jour comme j’attendais la nuit.
YANN Vous n’aimez pas le jour ?
ROSE Oh non. Vous savez, le jour il ne m’arrive rien. Pourquoi ? Parce que le jour je suis transparente. Je me lève, je traîne, je regarde passer les gens, j’attends le soir. Le soir, voyez-vous, j’ai de l’estime pour moi-même. Les gens m’admirent. Toute la nuit je peux croire que je suis quelqu’un de bien. Dès que le jour se lève, je deviens grise et laide et plus personne ne fait attention à moi. C’est le jour qui fait ça. Si vous m’engagez pour ce rôle, le jour aura un sens pour moi.
YANN Et Nat ?
ROSE J’aime Nat. Ce film ne changera rien.
YANN Vous courez un danger. Il faut que vous le sachiez.
ROSE Un danger ?
YANN Ce rôle, c’est la fin de votre histoire d’amour. Lisez le scénario.
….. à Patrice LECONTE qui vient d’écrire un livre ! Ca n’est plus un secret puisque je l’ai entendu ce matin (hier, en fait) sur France Musique où il était interviewé par François Castang au Salon du Livre. Le roman s’appelle LES FEMMES AUX CHEVEUX COURTS et sera en librairie le 2 avril ! De quoi il parle ? On n’a pas pu savoir grand-chose, sauf que le héros n’aime que les femmes aux cheveux courts et qu’il ressemble au Petit Nicolas qui aurait grandi. François Castang disait qu’il y avait une petite musique… ce qui est en général un compliment sur le style. Mais quand on aime les films de Patrice LECONTE on ne se fait pas trop de souci. Il a SON style, qui ne manque pas d’élégance. L’humour, on s’en doute, sera de la partie. Il manquera les images, hélas. Il faudra imaginer. On va encore dire que LECONTE n’en finit pas de toucher à tout. Il n’aura qu’à répondre qu’il vaut mieux être l’homme de mille plaisirs que l’homme d’un seul trait de génie (je n’ai pas trouvé mieux comme contraire de « mille plaisirs ». Celui qui trouve mieux n’a qu’à me laisser un commentaire… En tout cas, voilà un artiste qui sait encore nous surprendre. Ce dont on est sûr, en revanche, c’est qu’il ne nous servira jamais du sinistre, de la prise de tête ni du porno. C’est pas dans sa nature, il préfère la légèreté à la lourdeur. Nous allons nous précipiter sur LES FEMMES AUX CHEVEUX COURTS.
Un soir de janvier 1974, j’ai vu l’impensable : ensemble sur un plateau , cinq personnages mythiques. Enfin, à l’époque ils étaient mythiques. Jeanne MOREAU, Delphine SEYRIG, Gérard DEPARDIEU, Samy FREY et Michaël LONSDALE, ensemble, c’est tout (bon, on peut encore écrire « ensemble c’est tout » sans tout de suite penser à.) Réunis sur la scène de l’Espace Cardin par Claude REGY (le sixième mythe) pour jouer une pièce énigmatique de Peter HANDKE : LA CHEVAUCHEE SUR LE LAC DE CONSTANCE. On n’en croyait pas ses yeux : Les deux actrices rivalisaient de beauté. Je commence par Delphine SEYRIG parce qu’elle est morte et parce que c’est ma préférée. Elle était maquillée à outrance, ses cheveux blonds étaient montés en dôme mousseux cerclé d’or et souligné d’un ruban de velours noir. Sa robe était de mousseline couleur de lune, strassée, irisée, fluide et mouvante autour de son corps. Vous imaginez (enfin, ceux qui l’ont connue) ce qu’elle pouvait en faire. Jeanne MOREAU était en noir. Maquillée à outrance elle aussi, coiffée d’un haut diadème scintillant d’étoiles. Sa robe était de velours piqué de perles. Gérard DEPARDIEU avait vingt ans ! Son visage juvénile était blanc, sa bouche d’un rouge violent. Il portait un smoking noir et une chemise à jabot, c’est bien la seule fois où je l’ai vu élégant. Samy FREY était d’une beauté inouïe. Il l’est resté, d’ailleurs. Mais là, il était si jeune ! Il jouait avec sa belle dans une chemise blanche rentrée dans un simple pantalon noir. Et Michaël LONSDALE avait déjà la stature pontificale et le verbe rocailleux. Voilà. Aucun d’eux n’a quitté la scène pendant les deux heures de spectacle. Le public n’a rien compris à la pièce, mais était bouche bée. Jamais on ne reverra une chose pareille.
La chance, c’est ce qu’on croit toujours qu’on n’a pas. Patrice LECONTE (dans le film La Fille sur le Pont)
Voilà un véritable optimiste ! Je vous dis à demain mes fidèles théâtreux et avec un peu de chance, vous ne serez pas déçus... BONNE FÊTE, PATRICE LECONTE ! Miss Comédie.
Bonjour ! Le soleil brille mais Baschung n'est plus là pour le voir. Le chanteur rêveur s'en est allé, trop tôt... Ses chansons troublantes, très underground, nous manqueront. C'est la tristesse de ce lundi. Dans mon Bloc Notes je vous parle encore de lui. Dans mon théâtre on retrouve YANN découragé par le départ de CHRIS, à qui ROSE va insuffler une nouvelle envie de continuer son film...
Scène XIII de la version originale Résumé des épisodes précédents :
Dans ce bar tranquille où ils ont choisi de se retrouver pour travailler à leur prochain scénario, YANN et CHRIS découvrent que l’intrigue de leur film est peut-être là, sur l’estrade des musiciens. Mais la chanteuse et le pianiste ont leur propre histoire qu’ils essaient de garder secrète… Tout en essayant de percer le secret de la chanteuse et du pianiste, ils s’éloignent peu à peu l’un de l’autre, tandis que ROSE et NAT se déchirent à cause d’eux et de leur film.
Le bar, quelques minutes plus tard. La salle est presque totalement plongée dans la pénombre, seul le bar est éclairé et projette sa lueur sur la silhouette de YANN, toujours prostré dans son fauteuil. Le barman essuie des verres, range des bouteilles, nettoie la surface du bar sans paraître se soucier de la présence de YANN. La porte des loges s’ouvre doucement et ROSE s'avance sur l'estrade, son imperméable sur les épaules par-dessus sa robe de scène. Elle s’approche de YANN, le considère un instant avant de parler.
ROSE Vous n’avez pas l’air dans votre assiette.
YANN, sans la regarder Pas très, non.
ROSE C’est à cause de Chris qui vous laisse tomber ?
YANN , d'une voix mécanique A cause de Chris ?.
ROSE J'ai tout entendu.
YANN, la regarde Et alors ?
ROSE, d'une voix tremblante Vous ne faites plus le film ?.
YANN ne répond pas.
ROSE, suppliante Dites : vous ne faites plus le film ?
YANN tourne la tête vers elle et semble la découvrir Je tournerai ce film. Je viens de décider cela à la minute. En vous voyant. Vous avez bien fait de revenir, Rose.
ROSE Vous vouliez abandonner ?
YANN Oui.
ROSE Vous n’aviez pas le droit de me faire ça.
YANN Est-ce que j’ai le droit de continuer sans Chris ? ROSE Bien sûr, c'est votre film.
....à Philippe Sollers. Oh, ce n’est pas un homme sympathique mais qui a besoin en littérature d’un homme sympathique ? Il écrit comme un dieu et je révère sa littérature. Il écrit parfois des phrases qui vous font un coup au coeur, et qu’on relit en boucle jusqu’à ne plus les comprendre. Il a l’élégance suprême. Toutes les élégances. Celle du style, bien sûr, celle du langage, de la démarche, si indolente, d’un certain dédain pour le vulgaire que plus personne n’ose plus afficher. Et en plus, en plus, il aime Glenn GOULD. Je viens de l'apprendre et du coup, je me sens d’autant plus proche de cet homme si lointain. Il en parle comme j’aimerais en parler parce que pour moi, Gould, c’est LE musicien, celui qu’on ne compare pas. Je m’en vais de ce pas acheter son livre « Les Voyageurs du Temps », puisqu’il y parle de Gould. On l’a dit libertin. Il a dépassé l’âge, malheureusement. Mais ça me plait, qu’il fut libertin. Le libertinage est encore une forme d’élégance.
Pardon pour ce souvenir récurrent, mais il répond tellement bien à l'hommage de Sollers à Glenn Gould !
Ma mère jouant du piano. Ca la prenait un soir, comme ça, quand elle revenait du travail et qu’elle n’avait pas envie de parler, elle s’asseyait devant le piano, soulevait le couvercle et restait quelques minutes immobile, comme cherchant dans sa tête la musique qui pouvait le mieux convenir à son état du moment. Elle fouillait dans le tas de partitions, en choisissait une et la plaquait sur le pupitre. Encore une minute de concentration, les yeux fixés sur les notes, et ses mains commençaient à courir sur le clavier. Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours été fascinée par son jeu comme l’oiseau devant le sifflement du serpent. J’arrivais en catimini, j’avais sept ans, puis dix, puis quinze et toujours sa musique me prenait à la gorge. Je sais pourquoi maintenant. Je sais maintenant que je recevais sa douleur. Après sa mort j’ai compris beaucoup de choses sur ma mère. Je l’ai comprise trop tard, comme tout un chacun… Quand elle jouait, c’était comme d’autres entrent en méditation. Leur esprit s’évade de leur corps et la sérénité prend possession de tout leur être. Je la voyais, habitée, les yeux fixés sur le papier ou bien fermés, son corps avait des élans vite réprimés, des balancements, elle scandait, elle murmurait pour elle toute seule. Son mal de vivre passait tout entier dans ses doigts et se mêlait au mal de vivre de Chopin, de Liszt ou de Schuman. Ma mère aurait été une comédienne hors pair.
Bonjour ! C'est la saint Rodrigue. Il a tué le père de sa fiancée et on le canonise. Il faut savoir pardonner. CHRIS ne pardonne pas à YANN d'être celui qui corrige la copie. Alors il jette l'éponge... Ce film est-il sur le point de capoter ? Ah lala.
YANN Il n’y a donc pas moyen de travailler en bonne intelligence ?
CHRIS Je suis trop susceptible, voilà l’histoire.
YANN Je crois que ton ego, comme tu l’appelles, est encore plus démesuré que le mien.
CHRIS C’est bien possible. Entre ton ego et le mien, ça ne peut pas coller.
YANN Et bien... Il n’y a rien à ajouter. Merci pour le scénario... (il le prend et le feuillette) C’est un vrai cadeau que tu me fais. CHRIS Fais comme si tu l’avais écrit toi-même. D’ailleurs, c’est presque le cas.
YANN, toujours feuilletant J'allais proposer le rôle à ROSE.
CHRIS J'espère que tu ne vas pas changer d'avis. Cest la meilleure solution. Au fond, ROSE c'est elle, n'est-ce pas ? (Il se lève et se préparant à sortir il ajoute :) Il y a aussi quelque chose qui me gêne dans cette histoire... C’est un peu comme si l’on jouait les deus ex machina, tu sais... Ces deux êtres que l’on force à sortir du temps... Tu ne crois pas que leur bonheur est ici, dans ce bar, quand la nuit tombe ?
(il se dirige lentement vers la sortie, puis se retourne encore pour une dernière réflexion, comme s’il venait de découvrir à l’instant ce détail :) Le pianiste... la nuit il joue du jazz, et le jour il joue du classique. C’est un signe, ça.
YANN, allant vers lui et lui serrant la main` Un signe de quoi ?
CHRIS Il faut choisir. C’est la nuit ou le jour. Mais pas les deux à la fois. Allez, salut. Il s'arrête un moment sur le seuil, hausse les épaules et sort. YANN retourne s’asseoir dans son fauteuil, l’air sombre.
Le noir se fait sur lui tandis que les silhouettes des musiciens sortant des loges se profilent jusqu’à la porte de sortie après un bref arrêt au bar pour saluer le barman.
… à Marie-Anne CHAZEL dans la pièce que j’ai vue hier soir au Théâtre Tête d’Or à Lyon : « Good Bye Charlie ». Elle sauve le spectacle. Grâce à elle, les spectateurs très mollassons au début (c’est une pièce comique) n’ont pu faire autrement que d’applaudir frénétiquement le travail de la comédienne. Un sacré rôle dans une pièce tarabiscotée, entre la fable onirique et le boulevard burlesque, mais qui lui donne l’occasion de déployer tous ses talents. Je ne l’avais jamais vue sur scène, toujours au cinéma où elle est un peu en retrait, drôle avec retenue, tout en finesse. Je l’ai découverte se donnant à fond jusqu’à la charge, très physique, et donnant de l’émotion au moment où l’on s’y attend le moins. C’est là qu’on retrouve la vraie, la grande comédienne. Là où une autre toupie simule les larmes à grand renfort de simagrées sonores, elle bascule soudain du rire au chagrin et on y croit. Elle est sincèrement triste. Tout simplement. Et l’on a la gorge serrée, cinq minutes après avoir rigolé à ses pitreries. On sort de là heureux d’avoir encore une fois vérifié l’adage que je vous livre dans la réplique qui m’enchante ci-dessous.
Ma mère jouant du piano. Ca la prenait un soir, comme ça, quand elle revenait du travail et qu’elle n’avait pas envie de parler, elle s’asseyait devant le piano, soulevait le couvercle et restait quelques minutes immobile, comme cherchant dans sa tête la musique qui pouvait le mieux convenir à son état du moment. Elle fouillait dans le tas de partitions, en choisissait une et la plaquait sur le pupitre. Encore une minute de concentration, les yeux fixés sur les notes, et ses mains commençaient à courir sur le clavier. Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours été fascinée par son jeu comme l’oiseau devant le sifflement du serpent. J’arrivais en catimini, j’avais sept ans, puis dix, puis quinze et toujours sa musique me prenait à la gorge. Je sais pourquoi maintenant. Je sais maintenant que je recevais sa douleur. Après sa mort j’ai compris beaucoup de choses sur ma mère. Je l’ai comprise trop tard, comme tout un chacun… Quand elle jouait, c’était comme d’autres entrent en méditation. Leur esprit s’évade de leur corps et la sérénité prend possession de tout leur être. Je la voyais, habitée, les yeux fixés sur le papier ou bien fermés, son corps avait des élans vite réprimés, des balancements, elle scandait, elle murmurait pour elle toute seule. Son mal de vivre passait tout entier dans ses doigts et se mêlait au mal de vivre de Chopin, de Liszt ou de Schuman. Ma mère aurait été une comédienne hors pair.
Il n’y a pas de petits rôles, il n’y a que des petits acteurs. Stanislavski
Mais on donne souvent les petits rôles aux petits acteurs, c'est un cercle vicieux. Allez je vous retrouve lundi, passez un très bon week-end sous l'anti-cyclone et surtout, à la montagne, restez bien sur les pistes à l'écart des avalanches... Miss Comédie
Bonjour ! Voici une page dédiée à Bernard Giraudeau. Il est dans mon souvenir, avec la dernière pièce où je l’ai vu sur scène, et il est dans l’actualité avec le succès de son dernier livre et l’annonce d’un nouveau pour le mois de mai… Pour nos deux acolytes de ROSE AUTOUR DE MINUIT, et bien ça se gâte vraiment. CHRIS abandonne son script et YANN se retrouve seul. Va-t-il abandonner le film ?
CHRIS Qu’importe ! Votre ego à tous est incommensurable. Il lui disait : “Cette scène-là, tu peux la refaire ?” Et Raphaël refaisait. Il faut savoir que plus tu réécris une scène , plus tu montres que tu es prêt à te vendre. C’est ça, descendre bas. Abandonner tout respect de son propre talent. Et le plus beau, c’est qu’à la fin, pris à son propre jeu, on en arrive à s’oublier soi-même pour ne plus vouloir que le bien du FILM. La plus belle parole de RaphaËL, vers la fin, alors que son scénar n’était plus qu’un album de coloriages dans lequel Kubrick mettait ses couleurs, fut : “Tout ce que je veux c’est que tu fasses un grand film”. Admirable !!! YANN Tu as pris de la drogue, quelque chose ?
CHRIS Non, non. Ca va très bien. (Il se passe la main dans les cheveux, comme s’il cherchait à se ressaisir.)
YANN Je cherche à comprendre. Tu as viré net. D’accord, tu n’étais pas un parangon d’optimisme, mais là...
CHRIS Je suis simplement découragé. (Il pousse le manuscrit vers YANN dans un geste désabusé) Je sens qu’on n’y arrivera jamais.
YANN Moi qui venais de te féliciter pour ton travail...
CHRIS Trop aimable. Je rougis.
YANN Je suis triste parce que je vois que tu m’abandonnes ton script sans un regard, comme un serveur vous apporte un hamburger... (Après un silence :) J’avais très envie de travailler avec toi.
CHRIS Je ne suis pas l’homme de la situation. Heureusement, nous nous en apercevons à temps. Prends le script, fais-en ce que bon te semble. Moi, je disparais.
YANN Comment, tu disparais ?
CHRIS Oui, je pars avec ma femme et ma gamine dans un bled de Normandie. Je vais enfin pouvoir écrire mon bouquin. Je vais redevenir écrivain. Je suis écrivain, tu sais
… au merveilleux GIRAUDEAU, qui est aussi bon écrivain qu’il est acteur fétiche, metteur en scène inspiré et wonderboy éternel. Son dernier livre LES DAMES DE NAGE vient de passer la barre des 150 000 lecteurs… Je ne l’ai pas lu. Mais si son prochain roman s’intitule bien « CHER AMOUR » , je vais me laisser tenter. Je subodore qu’il parlera encore de voyages, de mers lointaines et d’inaccessibles étoiles…
Un grand souvenir de théâtre, c’est l’image de Bernard GIRAUDEAU à genoux, torse nu, face au public, dans « BECKET OU L’HONNEUR DE DIEU » d’Anouilh au Théâtre de Paris. Il jouait Henri II Plantagenet, meurtrier de son meilleur ami devenu son ennemi par amour pour Dieu. Quel moment ! C’était en octobre 2000. Face à lui, il avait Didier SANDRE, un formidable BECKET, aussi rigide que GIRAUDEAU était voluptueux, mais ils auraient pu, eux aussi, échanger les rôles, c’est ça aussi la magie du théâtre, c’est que les comédiens ont un secret pour se transfigurer… Le metteur en scène Didier LONG avait fait là un travail magnifique, la pièce toute entière était un régal à voir et à entendre. C’est pour moi la plus belle pièce d’Anouilh, qui ne tombe jamais dans la mièvrerie et dont la langue reste très actuelle. Je donnerais beaucoup pour revoir cette pièce, ces acteurs, dans ce théâtre. Un bonheur total.