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BOB DYLAN CRYING IN THE WIND À BERCY

Publié le par Miss Comédie

 

 

 

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17 octobre 2011.  Palais des Sports de  Bercy. L’homme au stetson blanc s’échappe par la sortie de secours.  Il entend  les applaudissements, les sifflets et les cris de son public qui réclame un bis.  Il ne donnera pas de bis.  Il est fatigué.  Il n’est pas satisfait de ce concert.

Il marche le long des couloirs vers l’une des  portes  de derrière,  qui donnent sur la Seine.  Il espère ne croiser personne, aucun garde du corps, aucun fan dissimulé, il veut être seul.

 

141_photo1_1220377192.jpgA  l’extérieur enfin, il aspire une longue bouffée d’air frais et s’allonge sur le mur en pente douce recouvert de gazon qui entoure l’édifice.

Des effluves aquatiques arrivent jusqu’à lui, la Seine est à quelques enjambées.

Bob DYLAN enlève son chapeau, le pose près de lui,  sort de sa poche l’harmonica qui ne le quitte jamais et le porte à ses lèvres.  Les premières notes de Knocking at Heaven’s door s’élèvent dans la nuit. Il ferme les yeux.

 

« Tu as frappé à ma porte et me voilà, dit une voix près de lui.

Bob DYLAN se redresse, furieux.

« Go to hell !

LENNON.jpgL’homme qui lui fait face est John LENNON, il le reconnaît immédiatement.

« Non, je suis très bien au paradis. Mais j’ai quand même écouté ton concert, et je dois dire…

« Oh, stop it, je sais très bien ce que tu vas me dire. It was  bullshit !

« Bob, tu chantes tes anciennes chansons n’importe comment ! On  les reconnaît à peine ! Pourquoi fais-tu ça ?

DYLAN se lève et remet son stetson blanc.  Il s’approche de son vieil ami.

«  Je suis fatigué, John.  J’ai fêté mes soixante dix balais au mois de mai dernier. J’en peux plus.

« Pourquoi continuer les concerts ? Contente-toi des albums, tu en sors un chaque année !

« Tu sais bien que j’ai besoin de mes drogues pour survivre, la scène en est une, la plus toxique.

John LENNON  soupire.

« Et voilà comment l’homme organise   sa perte.  Nous croyons tous être éternels.

 

Ils marchent lentement le long de la berge.

 

Duo.jpg« Tu te souviens de notre première rencontre ?

« Bien sûr, que je me souviens. C’était le 28 aôut 1964 à  New York.

«  Notre première tournée aux US…  Toi, tu étais déjà un titan, la voix  d ’une génération, tes textes avaient du génie. Tu es venu à notre hôtel et nous avons communié ensemble…

« … communié, yeah !  Fumé aussi pas mal !

 

Tous les deux s’esclaffent.

 

francoisdylan.jpg

« L’époque était totalement psych&délique, on ne pouvait pas écrire une ligne sans se shooter.

« Je revenais d’une tournée en Europe où j’ étais tombé amoureux de Brigitte Bardot et  de Françoise Hardy.  C’est loin, tout ça.

 

DYLAN regarde la pâle figure  et la silhouette fluide de son compagnon de route.

 

 «  Tu connais la paix éternelle ?

« Of course, j’ai assez œuvré pour ça…J’ai essayé d’être un bon chrétien. Mais enfin j’aurais préféré attendre un peu.

 

Bob DYLAN s’arrête et ramasse un galet, qu’il jette dans le fleuve en faisant de nombreux ricochets.

« Toi et moi sommes toujours resté en contact.   Lorsque j’ai abandonné la foi judaïque pour devenir chrétien, j’ai écrit une chanson « Gotta serve someone »…

« … et je t’ai répondu avec une chanson : « Serve  Yourself ». Nous étions très mystiques, à l’époque.  

 

DYLAN se fige un instant :

«  Ecoute… tu entends ?  On m’appelle dans un mégaphone… Ils me cherchent partout.  Tell me, John, tu es d’accord que mon concert de ce soir était bloody shit ?

« Yes, really shit, Bob.  J’ai pleuré quand j’ai entendu ta plus belle chanson exécutée à la machette.

« Laquelle ?

« Blowing in the wind.  Massacrée.  J’ai eu pitié de tes fans.

 

Bob DYLAN tire son harmonica et  joue les premières notes, puis chante les paroles sublimes :  trois strophes de  trois vers, trois questions et une réponse : « blowing in the wind ».

 

John LENNON écoute religieusement. Puis il décrète :

« Don’t get around in concert anymore, my friend.  Serve yourself !

 

DYLAN ne répond pas.  Il  paraît soudain tout petit, usé, cassé. Son chapeau blanc  attire  la  lumière  et  rappelle qu’il y a là  une star immense.

 

« Pour moi,  ta plus belle chanson, John, était prémonitoire, yeah, salement prémonitoire, you know.

« Which one ?

« Come together ».  Pourquoi             avoir  mis ces  shot – shot – shot   au début de chaque couplet    ?

John réfléchit.

« Ils s’y sont mis tous seuls, believe me, Bob. It was God’s voice. Lennon-FIN.jpg

 

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MONSTRES SACRÉS

Publié le par Miss Comédie

Les-Grands-Ducs.jpg

 

Le bar du Lutétia à Paris.  L’une des tables du fond de cette salle très sombre est occupée par trois hommes ordinaires dont on entend parfois les rires tonitruants.

En s’approchant, on reconnaît trois monstres sacrés.  Jean-Pierre MARIELLE, Jean ROCHEFORT et Philippe NOIRET ont  échangé quelques plaisanteries avant d’attaquer un  sujet délicat : leur avenir professionnel.

 

« Au chômage en même temps : c’est quand même un signe, non ?  lance Philippe NOIRET avant d’avaler une gorgée de Cheval Blanc.

«  Un mauvais signe, oui ! renchérit Jean ROCHEFORT en s’envoyant une lampée de grand Chablis.

«  Quoi ?  Quel signe ? grogne Jean-Pierre MARIELLE, le nez dans sa coupe de Ruinard.

«  Un signe des temps ! Nous sommes trop vieux, voilà ! ! gémit NOIRET

« Bon, bon, on a pas l’âge de DUJARDIN mais des millions de gens préfèrent Clint EASTWOOD  à DUJARDIN !  proteste MARIELLE.

« Ah ! mais lui, mes amis, ses rôles il les écrit, les produit et les réalise tout seul !  Vous pigez la différence ? Nous autres sommes obligés d’accepter ce qu’on nous propose.  Qui se souviendra de « MEME HEURE L’ANNEE PROCHAINE, mon dernier film ?

« Personne, confirme MARIELLE  en finissant sa coupe.

Il fait signe au serveur.

« Donnez-nous la même chose, en plus grand ! Une grande coupe ! Des grands verres ! Nous avons de grandes capacités, vous savez ?

Le garçon s’éloigne et ils retombent dans leur abattement.

« Et toi, c’est quoi, ton dernier film ?. demande ROCHEFORT à MARIELLE.

 

parfun-d-yvonne-1994-04-g.jpg« Bof !  Un film italien -  parce qu’en France, on me croit  mort –

LES MILLES,  un drame affreux. Politique en plus. Ca compte pour du beurre.  Mon vrai dernier film c’est un LECONTE. Du beau travail.  LE PARFUM D’YVONNE fut mon dernier film puisque je me suicide à la fin.

ROCHEFORT soupire.

« Ah, tourner avec LECONTE .  On en redemande ! . .  Ce mec nous donne envie de baiser la caméra,  non  ?

Il  se tourne vers NOIRET :

« Et toi, alors, ton dernier film ? .

NOIRET aspire la dernière goutte de son bordeaux et répond laconique :

«  Moi c’est LE VIEUX FUSIL.

Eclat de rire général.  ROCHEFORT fulmine :

« Tu te fous de nous.  On a dit le dernier film . T’en as fait peut-être quinze depuis LE VIEUX FUSIL..

NOIRET essuie une larme.

« Non, je vous dis, c’est LE VIEUX FUSIL mon dernier film.

 

Le garçon apporte les consommations.

« Voilà messieurs, désolé, on n’a que ces verres.

« Bon, ça ira, laisse tomber distraitement MARIELLE.

Ils lèvent leurs verres.

« Buvons à nos futurs OSCARS !

Ils trinquent.

NOIRET s’exclame soudain :

« Moi,  je rêve d’un rôle où j’aurais les cheveux frisés et où je pète les pombs ! Je veux montrer que je peux être zinzin !

« Et moi je rêve d’un rôle où je serais un obsédé sexuel dit ROCHEFORT.

«  Moi, je veux jouer en tailleur rose avec des boucles d’oreille ! tonitrue MARIELLE.

Ils éclatent de rire :

« Qui oserait écrire un scénario pareil  ?

« Personne.

 

MARIELLE attrape son manteau et sort de sa poche un calepin en croco qu’il feuillette.

« En parlant de  PATRICE LECONTE, ça me rappelle que j’ai rendez-vous à son bureau mardi prochain…  merde, j’aurais pas dû vous le dire.

« Oui, surtout que moi aussi j’ai rendez-vous mardi  chez lui !

NOIRET se lève :

«  Ah ! messieurs, on ne va pas se battre, mais moi aussi j’ai rendez-vous chez LECONTE mardi, et c’est probablement pour le même film !

«  Et le même rôle !

 

Ils se regardent.

« Est-ce qu’on a le même emploi ?  Moi, je pourrais pas faire du MARIELLE, affirme ROCHEFORT, je ne maîtrise pas la grosse cavalerie !.

« Attendez ! crie MARIELLE très surexcité, c’est forcément PAS pour le même rôle, sinon on aurait rendez vous un jour différent !

 

NOIRET défait sa cravate, il étouffe un peu et suggère :

« Et si c’était pour le même film, mais trois rôles différents ?

ROCHEFORT se lève et profère d’un ton lugubre :

«  Ce serait la fête de la bière ! Le Carnaval à Rio !

MARIELLE se lève à son tour :

« La ressuscitation du docteur Meinthe sur une musique de Charlie

Parker !

 

Ensemble ils lèvent leur verre :

« La tournée des Grands Ducs !Affiche.jpg

 

 

C’est comme ça que les trois compères  se sont retrouvés dans le film le plus délirant, le plus rocambolesque, le plus chahuteur, le plus incroyablement drôle qui est superbement passé inaperçu en son temps : LES GRANDS DUCS de Patrice LECONTE.

Ils l’ont heureusement enregistré en DVD, disponible dans toutes les FNAC.

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