Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Le Premier Homme ( Albert Camus )

Publié le par Miss Comédie

Le Premier Homme ( Albert Camus )

L E  PREMIER HOMME

Albert Camus 

 

 

« A toi, qui ne liras jamais ce livre « 

 

 

Il était parti, ce matin du 4 janvier 1960, après avoir passé le jour de l’An avec sa famille et ses amis dans sa maison de Lourmarin.

Francine, sa femme, avait pris le train  pour Paris avec les jumeaux, Catherine et Jean. Lui, avait voulu rentrer en voiture avec Michel Gallimard, sa femme et sa fille Anne, dans la Facel Vega de l’éditeur.

Il était détendu, heureux. Dans sa mallette, il emportait le manuscrit du Premier Homme, qu’il allait re-travailler pour en faire le premier chapitre de sa trilogie.

 

Il avait 46 ans, l’âge de toutes les passions. Il venait de découvrir celle du théâtre, qui le lança   dans l’adaptation et la mise en scène de la pièce monumentale de Dostoievski, LES POSSEDES ;  Une folie qui l’épuisa et lui fit prendre du  recul dans ce qu’il appela « le maquis théâtral ».

 

Plus durable fut sa passion pour Maria Casarès,  « l’Unique « , une déesse de la scène pétrie de trac et de talent avec qui il entretint une correspondance passionnée, lui qui aimait « toutes les femmes « mais fut éternellement   fidèle à son épouse, Francine.

 

Tout cela ne figure pas dans Le Premier Homme  naturellement.  C’est juste un signe de reconnaissance, un flash-back miniature sur un parcours fabuleux.

 

La mallette contenant le manuscrit fut retrouvée à ses pieds, dans ce qu’il restait de la Facel Vega qui mit fin à sa vie.

 

Conservé religieusement par sa fille Catherine, le précieux texte  ne  fut publié qu’en 1994. C’est un monument dédié au père inconnu et au souvenir d’une enfance lointaine dans le temps et dans l’espace,  mais si incroyablement vivante  dans sa mémoire !

 

C’est bien lui , Albert Camus, ce gamin de la rue de Lyon à Bellecour, le quartier pauvre d’Alger.

 

Le décor et les personnages sont ceux d’un roman de Zola transplanté au Maghreb, avec une famille hybride peu encline à la bienveillance, et le recours quotidien d’un instituteur doté de clairvoyance qui fut un éclaireur sans relâche sur la route qui mène au sommet.

 

Ce serait une histoire très banale, en somme, si l’auteur n’était pas celui que l’on sait.

Car le fil conducteur de cette histoire n’est autre que l’éternelle et impuissante recherche de ce père qu’il n’a pas connu,  sur les traces de sa courte vie avant son engagement dans l’armée et sa fin héroïque.   L’ombre de Lucien Camus   plane sur Mondovi, sur la ferme qui l’employait, sur ces terres arides et ces êtres familiers, Arabes ou Espagnols qu’il côtoyait.  Retour aux sources, reportage déchirant  et inutile mais quel témoignage sur l’enfance d’un futur Prix Nobel !

 

Ce premier chapitre  pose aussi  l’énigme de cette trilogie inachevée : qu’allait-on apprendre sur cette moitié de vie d’un homme qui avait déjà fait tant parler de lui ?

Allait-il enfin livrer son sentiment profond sur cette guerre d’Algérie qui l’avait meurtri plus que tout autre ?

Et ce mot  indéfini qui apparaît plus tard dans son œuvre, à tout propos, ABSURDE,  ce  mot si simple à peine teinté de mépris auquel il prête un sens mystérieusement existentiel dans sa Philosophie de l’Absurde….. allait-il  nous en parler plus clairement ?

Car pour nous,  l’absurde était tout entier dans cette brusque décision de revenir à Paris en voiture et non en train, absurde cette route glissante et cette fin brutale  comme  un caprice du destin.

 

Camus disait : « L’absurde ne mène pas à Dieu, mais il ne l’exclut pas. »

Comprenne qui pourra.

Mais enfin, il nous reste ce Premier Homme, ce premier chapitre magnifique et c’est déjà pas mal !

 

 

Miss  Comédie

Voir les commentaires

MODERATO CANTABILE de Marguerite Duras (1958)

Publié le par Miss Comédie

MODERATO CANTABILE de Marguerite Duras (1958)

MODERATO CANTABILE  de Marguerite Duras (1958)

 

Encore un livre oublié dont la subtile violence nous avait peut-être échappé... Une leçon d’érotisme à mots couverts.

Comment faut-il jouer la sonatine de Diabelli ?

Moderato cantabile.  L’enfant sait mais refuse de répondre. Modéré et chantant.  A la prof impatientée il oppose un front buté. Sa mère sourit, attendrie.

Quelques lignes limpides ouvrent le récit, des phrases lapidaires entrecoupées de silence, une scène de vie quotidienne très banale dans une ambiance « modérée et chantante »,  aucun signe d’une fatalité rampante… même après que l’on eût entendu le Cri.

La suite est beaucoup moins limpide.

Marguerite Duras y déploie déjà superbement son penchant pour la tragédie et surtout pour l’alcool.

La dame au petit garçon va entamer un long cheminement initiatique autour de ce cri,  et du crime passionnel qu’elle va découvrir, dans ce café qui sera le lieu de sa rencontre avec l’Homme.

Qui est cet homme, qu’elle ne connaît pas, mais qui semble la connaître ? Que sait il, lui, sur ce crime impressionnant qui va devenir le motif obsessionnel de leurs rencontres ?

Ces rencontres vont devenir les étapes d’une liaison énigmatique qui se dévoile peu à peu, à coups de verres de vin, toujours plus avidement consommés au rythme d’un désir aussi intense que dissimulé.

La braise sous la cendre !

 

A la première lecture, j’avais adoré. Un charme fou se dégageait de ces questions sans réponse, de ce mystère non élucidé qui s’étire interminablement dans une rencontre sans lendemain.

Plus tard ce suspense purement littéraire m’était apparu comme un procédé et m’avait lassée.

Le dernier chapitre, lui, est un vrai morceau d’anthologie.

L'enfant n’est plus avec sa mère.

L’homme et la femme vivent un moment émotionnel très fort, presque sans parole, laissant le lecteur à bout de souffle, hanté par cette dernière question : pourquoi ce renoncement ?

A chacun sa réponse.

Et si le désir inassouvi était la meilleure et plus voluptueuse réponse à un amour impossible ?

Miss Comédie

 

La photo ci-dessus est tirée du film de Peter Brook sorti en 1960, MODERATO CANTABILE, avec Jeanne Moreau et Jean-Paul Belmondo, scenario et dialogues signés Marguerite Duras.

(Pour le casting, il y avait mieux que Bebel, qui n’est pas vraiment un symbole de refoulé sexuel... à mon avis.)

 

 

 

Voir les commentaires