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DU GRAND ART

Publié le par Miss Comédie

Linstant théâtre

DU GRAND ART

      C’est entendu, la pièce de Yasmina Reza fait  désormais partie des classiques.

Je ne me risquerai pas à en dire du bien, ni du mal ; c’est du grand art,  de l’art béton.

 

Maintenant il faudrait créer autour de ART un évènement  artistique  inédit qui s’intitulerait « ART SANS FIN ».

 

Il s’agirait de prolonger la représentation aussi longtemps qu’une fin irréfutable s’impose sans modifier quoi que ce soit sur le tableau.

Même distribution des rôles, même texte jusqu’au dernier  dialogue avant la  scène finale voulue par l’auteur.

 Là, les comédiens improviseraient  de nouveaux épisodes – une alternance d’affrontements et de réconciliations, nouvelles péripéties conjugales  - ou extra-conjugales, d’Yvan l’ami souffre-douleur, aller-retours du tableau sur le plateau, nouveaux débats autour de la même question sans réponse : « L’Art  contemporain et-il vraiment de l’art ? » ou bien « d’où vient la surenchère spéculative autour d’une  oeuvre d’art ? Dérive intellectuelle  de quelques collectionneurs, snobisme, régression mentale, ou perception extra-sensorielle de l’oeuvre réservée aux initiés ?

 

Bref, il y aurait de quoi meubler cette quête du Graâl, entre trois amis proches de la rupture mais cherchant désespérément à l’éviter.

 

Car gribouiller une toile n’est pas la solution.  Le problème reste entier, même si le feutre est lavable.

 

Les spectateurs s’en vont ravis car la pièce écrite provoque un tel sentiment de reconnaissance pour le bonheur qu’elle apporte à chacun que la ruse de la fin n’est que pirouette acceptée de bon coeur.

Ce n’est que plus tard, le lendemain,  dans un mois peut-être, que la question surgit dans notre esprit : « Sont-ils encore vraiment amis ? »

 

Ce petit jeu que j’imagine demande quelques heures de spectacle en plus, évidemment... Il faut avoir du temps devant soi.

Mais quel régal d’assister à ce déploiement de générosité et de talent de la part de ces trois acteurs prodigieux : Charles Berling, Jean-Pierre Darroussin et Alain Fromager.

Je n’avais pas envie de les quitter.  C’est peut-être pour ça que j’ai imaginé ce jeu de « déconstrucion ».

 

 

Et maintenant, à vous de jouer.    Quelle fin, pour vous, serait une issue possible à ce conflit amical ?

 

Miss Comédie

 

Au théâtre Antoine à Paris jusqu'au 17 juin

 

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EDOUARD BAER, UN MATIN SUR FRANCE-INTER

Publié le par Miss Comédie

EDOUARD BAER, UN MATIN SUR FRANCE-INTER

Edouard Baer n’est qu’humour. Il a l’humour en lui. Son oeil, son vocabulaire, sa voix, tout chez lui respire l’amour de l’humour.  

Dès qu’il ouvre la bouche on guette l’understatement. Il peut dire très sérieusement « je n’ai pas votre numéro de portable », la phrase devient irrésistible. Il n’y a que lui pour faire cet effet-là.

Souvenez-vous de sa tirade culte dans ASTERIX et CLÉOPATRE.  Un monument d’humour sous-jacent.

 

Et bien ce matin-là, à BOOMERANG, il avait l’âme mélancolique et il avait décidé d’être grave, sinistre même.

 

Sous les banderilles d’Augustin Trapenard, le magnifique animateur-improvisateur qui fait de chaque invité un personnage hugolien, transfiguré, il aurait pu se déchaîner.

Non, il choisit de faire chanter Boris Vian et c’est surprenant. 

Ce poème oublié est une bombe lacrymogène, oui, on pleure tant

ces mots font mal.

On se dit que non, Edouard Baer n’a pas voulu s’exprimer à travers ces mots-là... alors pourquoi ?

Le voici ce poème, jugez-en.

 

Je voudrais pas crever

Avant d'avoir connu

Les chiens noirs du Mexique

Qui dorment sans rêver

Les singes à cul nu

Dévoreurs de tropiques

Les araignées d'argent

Au nid truffé de bulles

Je voudrais pas crever

Sans savoir si la lune

Sous son faux air de thune

A un coté pointu

Si le soleil est froid

Si les quatre saisons

Ne sont vraiment que quatre

Sans avoir essayé

De porter une robe

Sur les grands boulevards

Sans avoir regardé

Dans un regard d'égout

Sans avoir mis mon zobe

Dans des coinstots bizarres

Je voudrais pas finir

Sans connaître la lèpre

Ou les sept maladies

Qu'on attrape là-bas

Le bon ni le mauvais

Ne me feraient de peine

Si si si je savais

Que j'en aurai l'étrenne

Et il y a z aussi

Tout ce que je connais

Tout ce que j'apprécie

Que je sais qui me plaît

Le fond vert de la mer

Où valsent les brins d'algues

Sur le sable ondulé

L'herbe grillée de juin

La terre qui craquelle

L'odeur des conifères

Et les baisers de celle

Que ceci que cela

La belle que voilà

Mon Ourson, l'Ursula

Je voudrais pas crever

Avant d'avoir usé

Sa bouche avec ma bouche

Son corps avec mes mains

Le reste avec mes yeux

J'en dis pas plus faut bien

Rester révérencieux

Je voudrais pas mourir

Sans qu'on ait inventé

Les roses éternelles

La journée de deux heures

La mer à la montagne

La montagne à la mer

La fin de la douleur

Les journaux en couleur

Tous les enfants contents

Et tant de trucs encore

Qui dorment dans les crânes

Des géniaux ingénieurs

Des jardiniers joviaux

Des soucieux socialistes

Des jardiniers joviaux

Des soucieux socialistes

Des urbains urbanistes

Et des pensifs penseurs

Tant de choses à voir

A voir et à z-entendre

Tant de temps à attendre

A chercher dans le noir

Et moi je vois la fin

Qui grouille et qui s'amène

Avec sa gueule moche

Et qui m'ouvre ses bras

De grenouille bancroche

Je voudrais pas crever

Non monsieur non madame

Avant d'avoir tâté

Le gout qui me tourmente

Le gout qu'est le plus fort

Je voudrais pas crever

Avant d'avoir gouté

La saveur de la mort...

 

Evidemment il y a là une grande coquetterie du verbe, mais on perçoit nettement un mal de vivre qu’Edouard Baer s’est approprié  élégamment pour BOOMERANG.

De quoi désarçonner Augustin Trapenard qui n’en demandait pas tant !

 

Cette émission de France-Inter réserve souvent des surprises. Augustin Trapenard a l’art de faire dire aux gens célèbres ce qu’ils ne voudraient surtout pas dire.

 

Miss Comédie

 

 

 

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