BOHRINGER, LE RETOUR
L'INSTANT THÉÂTRE
TRAINE PAS TROP SOUS LA PLUIE
Au théâtre de l’Atelier, j’ai vu hier soir Richard Bohringer ressuscité. Un autre Bohringer… Mais qu’a-t-il de changé ?
On le sait, le sale gosse a reçu une grosse baffe qui l’a mis par terre. Mais il s’est relevé en disant « même pas mal ! ». C’est tout lui, cette hargne.
N’empêche que ça lui a fait mal. Très très mal.
Aujourd’hui, il raconte.
La performance vaut le détour. Un comédien de cinéma, mais aussi de théâtre, très très connu, qui vient, seul sur scène dans une absence de décor qui le montre tel qu’il est. Il ne bombe pas le torse, il ne redresse pas les épaules, il ne cache pas qu’il a encaissé sévère. Mais ce soir il est là, il tourne en rond, il ne tient pas en place.
Il dit « pourquoi je suis là ? Pour recommencer à vivre. »
Il fallait un texte, il se l’est écrit tout seul, il ne savait pas au juste ce qu’il voulait dire, il voulait simplement montrer qu’il était vivant, qu’il avait des souvenirs, qu’il se rappelait parfaitement certains épisodes de sa vie.
Ecrire, il l’a déjà fait, et avec quel talent ! Mais là… c’était comme se mettre à nu.
Là, ses mots balancés comme ça, murmurés souvent, à peine audibles, comme s’il s’en voulait de se dévoiler ainsi, ses mots sont magnifiques.
Poète, il l’est sans artifice, sans recherche, sans chichis, le poète de la rue, de la ville si belle la nuit, pas un poète de salon. Mais son art est difficile car il évite les pièges de la vulgarité, du facile, du lieu commun.
Dans ces histoires qu’il raconte, à bâtons rompus, il y a ses personnages favoris, pris sur le vif. Sa grand-mère, sa fille, son chat, un boxeur, un acteur disparu, et ses anecdotes sont tantôt burlesques, tantôt déchirantes.
Parfois, il s’adresse à nous, le public, il ne peut pas s’empêcher de franchir la ligne de fuite du comédien, cette barrière qui le sépare des spectateurs, il la refuse, il est avec nous, tout le temps.
Il nous demande par quel miracle nous sommes là, car l’inquiétude plane sur la ville, pourquoi nous sommes là ?
De la salle une voix de femme lui a répondu : « parce qu’on vous aime ! »
Surpris, il n’a pas trouvé la réplique, il lui a envoyé un baiser.
C’est vrai, il est attachant, le sale gosse. Encore plus qu’avant l’Absence, une aussi longue absence, si longue et si douloureuse qu’il n’a pu s’empêcher de nous la faire partager, dernier épisode de son monologue. Des instants si longs et si durs à revivre qu’il nous les jette en pâture avec des mots qu’il a du mal à articuler.
Mais voilà, il est là pour les dire. De sa voix « éraillée par l’alcool, le tabac… et le chagrin », phrase qu’il a relevée dans une critique et qui le fait doucement rigoler.
Miss Comédie
C’est au théâtre de l’Atelier à 19h à partir du 8 mars pour 30 représentations exceptionnelles.