La Dolce Vita et la fontaine de Trévi
LA DOLCE VITA ET LA FONTAINE DE TREVI
Ce film, sorti en 1960, inaugure bien la décennie la plus f oldingue, la plus poétique et la plus novatrice depuis les années trente.
C’est une fresque insensée qui décrit notre monde en douze tableaux évoluant sur la via Veneto. Un monde où les plaisirs ont la part belle au milieu des interrogations mystiques, des préoccupations de l’esprit, de la douloureuse fuite du temps, thèmes graves dominés par la présence charnelle de la Femme, instigatrice de tous les maux.
Tout cela est quand même très subversif, pessimiste et légèrement pornographique.
Lors de la première projection du film à Milan, le 5 février 1960, Fellini et Mastroianni ont été agressés par la foule et à deux doigts d’être lynchés.
N’empêche, au Festival de Cannes qui a suivi, le film reçut la Palme d’Or. Les foules sont versatiles.
Au milieu d’une distribution pléthorique, en majorité italienne, Marcello Mastroianni se promène en Candide tour à tour émerveillé, perverti ou meurtri en compagnie de partenaires féminines à la beauté pulpeuse – le type féminin de prédilection de Fellini. Dans la scène qui nous occupe, celle ô combien légendaire de la fontaine de Trevi, Anita Eckberg les surpasse toutes. Elle est fantastique.
C’est la nuit, la nuit romaine porteuse de tous les envoûtements, obscure et bruissante d’appels, de murmures.
Anita Ekberg erre dans les rues à la recherche de Marcello qui a pu obtenir un rendez-vous nocturne. Il est tombé sous le charme de cette star américaine venue en visite à Rome. Il lui a donné une vague adresse et elle le cherche dans les rues désertes. Elle a entre les mains tout contre son cou, un tout petit chat qui miaule de toutes ses forces, elle lui parle doucement tout en criant le nom de Marcello et sa voix résonne sur les murs des ruelles.
Elle sait qu’elle finira par le retrouver, elle savoure les minutes qui passent, sûre de son pouvoir, grisée par la douceur de la nuit romaine.
Lui, à quelques mètres de là, doit éprouver la même sensation. Peut-être qu’il la voit de loin, il s’amuse à la suivre sans bruit.
Elle débouche tout à coup sur la place de Trevi, face à la fontaine jaillissante, assourdissante, fantasmagorique. « Oh my Goodness ! ».
Immobile un instant, elle contemple. Elle s’avance, le chaton sur la tête, et vacille devant le spectacle.
Elle n’y tient plus, libère le chaton qui s’enfuit, marche, vers le bassin et dans un dernier appel à Marcello, s’immerge jusqu’aux cuisses.
Le visage levé, les yeux fermés, elle se laisse asperger par la cascade et c’est cette image-la que la caméra de Fellini fixa pour l’éternité.
C’est aussi cette image là que contemple Marcello. On imagine son désarroi. Mais quoi, elle l’attend, il faut y aller.
Du banc de pierre où il s’est assis, il se dit qu’après tout, la situation n’est pas dénuée de charme.
Au moment où Marcello rejoint Anita en extase au milieu du bassin, voilà que soudain… la fontaine se tait, les eaux cessent de jaillir, c’est le silence.
Ils sont face à face et… et bien, encore une scène qui finit par un baiser, je ne le fais pas exprès mais c’est courant dans des situations comme celle-ci, même dans la vie.
De nos jours la vision de cette scène nous fait sourire « bien trouvé, le coup de la fontaine… » ou « qu’est-ce qu’elle était belle Anita Ekberg ! »,
Cette scène est certes d’une grande poésie, mais finalement très chaste. Pas de quoi lyncher ce pauvre Fellini, encore moins Mastroianni qui n’a fait que faire semblant ! (en tout cas sur le plateau…)
Enfin, quoi qu’il en soit, il nous reste cette image magnifique, digne du plafond de la Sixtine ! Et une musique, celle de Nino Rota, bien sûr. Le complément direct de l’image fellinienne.
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Miss Comédie
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