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PROUST ET PICASSO , LA RENCONTRE

Publié le par Miss Comédie

PROUST ET PICASSO , LA RENCONTRE

PROUST ET PICASSO , LA RENCONTRE

 

Marcel PROUST avait déjà quitté ce monde lorsque GUERNICA fit une entrée fracassante dans l’univers pictural.

Mais ce jeune homme fragile, avide de toutes les formes d’art , avait pu suivre avec intérêt la prodigieuse ascension du peintre catalan.

Pendant que Picasso imposait peu à peu dans ses tableaux une autre vision du monde avec le cubisme, Proust avait enfin conclu son pacte avec la littérature et son premier roman-fleuve « A la Recherche du temps perdu » l’avait rendu célèbre.

Ils étaient alors, chacun dans sa galaxie, les étoiles montantes d’un Paris en pleine euphorie artistique.

 La Rencontre eut lieu par hasard à l’occasion de la création du Ballet-Opéra « Renard » de Stravinsky par les Ballets Russes, le 18 mai 1922 .

Ce soir-là, un couple de mécènes anglais avait organisé un souper après le spectacle au Majestic, le restaurant à la mode de l’avenue Kleber, pour une quarantaine d’invités triés sur le volet.

A leur table, trônait Stravinsky naturellement, devenu incontournable depuis son scandaleux SACRE DU PRINTEMPS, près de lui , Diaghilev l’ « entraîneur » des Ballets Russes, bien que leur rivalité les rendit souvent   féroces l’un envers l’autre.

Venaient ensuite les quatre solistes de  RENARD

Dont Nijinska, soeur de Nijinsky, qui avait réalisé la chorégraphie.  On dit que Diaghilev l’avait prise en grippe car elle lui rappelait son ex-amant Nijinsky avec qui il était brouillé.

A la même table se trouvait la princesse Edmond de Polignac, commanditaire du ballet , lesbienne discrète dont l’époux, lui, aimait les garçons, et qui avait dû charmer Ravel qui lui dédia sa célèbre « Pavane pour une infante défunte »...

Les heures passaient, et trois places restaient vides tandis que les autres tables se remplissaient du Tout Paris prêt à festoyer.

C’était une soirée comme les autres en ces années folles où l’on ne pensait qu’à retrouver les plaisirs du spectacle et de la table.

 Vint l’heure du café, et l’on vit entrer, chancelant et mal vêtu, visiblement ivre, leur ami James Joyce.  A peine remis de leur embarras, les hôtes anglais  accueillent un petit homme trapu, bronzé et l’air farouche qui salue l’assemblée, le bras levé, et  s’assied à sa place sans un mot.

C’est vers deux heures du matin, alors que la plupart des invités avaient déjà déserté la table, que se présenta le dernier convive, un homme d’aspect juvénile, le visage pâle comme un mort, frêle et élégant dans sa redingote cintrée, ses éternels gants en chevreau à la main.

Marcel Proust s’avance en hésitant, il salue poliment  avant de s’asseoir à la place restée vide à son nom, entre Joyce et Picasso.

Il repousse la carafe de liqueur que lui tend le serveur et retient son souffle.  Il vient de reconnaître James Joyce, le poète qu’il admire depuis son adolescence, dont il connait l’oeuvre par coeur, et son regard s’emplit de stupéfaction.

Les deux hommes, qui ont chacun une profonde estime l’un pour l’autre, qui ne pouvaient qu’espérer se rencontrer un jour, ne savent pas quoi se dire.  Ils échangent quelques mots balbutiés, des propos  ineptes sur leur santé défaillante, et ce fut tout.  Désespéré, honteux, Joyce se leva et  disparut dans la nuit.

Restés seuls, Proust et Picasso ont-ils été plus bavards ? On ne le saura jamais car il était trop tard.

Ils se sont levés, ont échangé un regard

Le temps s’est arrêté sur cette image qui a gardé son secret.

Pourquoi Proust est-il arrivé si tard ? Lui qui se couchait toujours de bonne heure ?  Et pourquoi Picasso qui s’ennuyait ferme dans cette soirée, ne s’est-il pas enfui avant la fin ?

Ce qui est sûr, c’est qu’après cette rencontre ratée, Proust et Picasso ne devaient jamais se revoir.  Proust, qui avait souffert toute sa vie de ses bronches fragiles, allait disparaître en Novembre de la même année, à 51 ans.

 Miss Comédie

 

 

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