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EN ATTENDANT LE PARADIS

Publié le par Miss Comédie

Conversation imaginaire

EN  ATTENDANT LE  PARADIS

Mireille Darc et Jean Rochefort, assis sur la margelle d'un pont dominant le fleuve Styx, "fleuve des Morts" ,  regardent  Danielle Darrieux gravir les derniers mètres de la route escarpée qui mène vers l'Au-delà.

 

Elle est essoufflée et s'arrête un moment pour reprendre haleine.

 

"Il était temps de lever le camp, non ?   Ironise Rochefort.

Danielle Darrieux sourit et reprend sa marche.

"D'accord, cent ans c'est long mais j'en aurais bien  aligné dix de plus.

Mireille Darc  se lève et lui tend la main, elle l'aide à s'asseoir près de Jean Rochefort.

"Bien sûr, vous étiez en pleine forme... Moi j'en avais ma claque  il était temps que ça s'arrête...

 Mon seul regret, c'est  de laisser mes proches dans la peine.

Rochefort sardonique :

" Oui vous n'avez pas honte,  le samouraï est  à terre.

 

Danielle Darrieux regarde autour d'elle.

"C'est ici le terminus ?

"Pas tout à fait, dit Rochefort en se levant  et sur un ton de tragédien, c'est,  le bureau de casting  de saint Pierre, on doit patienter ici  pendant qu'il  examine  notre dossier.  C'est là qu'on  se mord les doigts de  s'être laissé aller  à certaines pratiques  pas très   catholiques... Alors que ces pratiques,  vertudieu, étaient justement  paradisiaques! 

 

Derrière eux, une porte s'ouvre dans un grincement.

Un homme en robe blanche en sort et demande :

"Mademoiselle Darrieux !

" C'est moi !

"Bon, vous êtes là enfin, ne bougez pas jusqu'à ce que je vous appelle !

Il disparait à l'intérieur et referme la porte derrière lui.

 

"Et voilà !   s'indigne   Rochefort,  On nous prend pour des poneys de cirque !  Cela me rappelle un certain tournage où don Luis Bunuel m'avait relégué dans une loge sordide  avec deux actrices de second plan , avec l'ordre d'attendre que l'assistant m'appelle pour tourner ma scène ! J'ajoute que j'étais déjà une tête d'affiche   Une forte tête d'affiche ! Une telle désinvolture m'avait terrassé. Et voilà que ça recommence.

"Mais il va peut-être t'annoncer que tu vas au paradis ?   suggéra Mireille Dar de sa voix douce.

"Permets moi d'en douter, ma grande. Ma vie ne fut qu'un défilé  d'histoires  salaces, pas un brin de charité chrétienne !

" Tu es sévère, Jean... proteste Danielle Darrieux,  Tu étais capable de  tendresse...

'"Oui,   envers les chevaux, seules créatures dignes de respect sur terre...

Danielle Darrieux paraissait inquiète.

"Mais quels sont les critères de jugement ?  Il y entre peut-être le talent ?

Rochefort éclata de son rire inégalable.

"Ah ah ah !  Le talent !  Mais c'est un critère diabolique !  Un facteur d'inégalité condamné par nos sociologues bien pensants !

"Pourtant, le talent contribue à donner du bonheur aux gens !

"Ouais.  Mais c'est très subjectif, le talent. Plein de gens pensent que Bartabas a du talent.  Moi je pense que c'est une truffe.

Mireille Darc s'insurge  gentiment :

"C'est parce  que tu es jaloux de ses chevaux !

 

La porte s'ouvrit à nouveau.

"Mademoiselle Mireille Darc, veuillez entrer par ici, s'il vous plait. Vous êtes admise dans le cercle des élus pour partager la félicité éternelle .

Elle se tourna vers ses deux compagnons et leur envoya un baiser léger.

 "Peut-être à tout à l'heure !

Et la lourde porte se referma sur elle, laissant filtrer des chants mélodieux sur des musiques célestes.

 

Les deux grands acteurs se regardèrent,  pas rassurés.

"Vous, Danielle, vous allez la rejoindre.

Mais la porte s'ouvrit à nouveau :

"Monsieur Jean Rochefort ?  Venez par ici, votre amour des bêtes vous ouvre les portes du paradis. Votre admission s'est jouée à une voix près, celle de Bartabas, qui vous accuse d'égoïsme  car vous ne possédiez qu'un seul cheval.

 

Danielle Darrieux se retrouve  seule.  Elle   contemple le flot tumultueux du Styx en contrebas et  murmure :

 "Quand  même,  saint Pierre a fait entrer Rochefort au Paradis... Moi, avec mes  quatre mariages il va me jeter en enfer !   Mais peut-être se souviendra-t-il que j'étais la vedette du Bon Dieu sans confession ?"

 

Miss Comédie

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INTRA MUROS au théâtre de la P&pinière

Publié le par Miss Comédie

L'instant théâtre

INTRA  MUROS  au théâtre de la P&pinière

Pour Télérama,  cette pièce n’est « pas du théâtre d’art, mais au moins  d’ excellent artisanat ».

Je sais bien que l’artisanat a acquis depuis longtemps ses lettres de noblesse, mais quand même, excusez-moi du peu, c’est drôlement  réducteur pour qualifier   INTRA MUROS.

Moi je dis qu’Alexis Michalik a l’Art de raconter  des histoires vraies en les nimbant d’imaginaire, qu’il a l’Art de plonger dans les tréfonds de l’âme humaine sans se prendre pour  Freud, l’Art de faire se côtoyer le réel et l’inventé, le vrai et le faux  sans que cela trahisse la moindre stratégie,  l’Art de nous faire  passer  du rire aux larmes en une réplique, l’Art de faire  oublier sa mise en scène , c’est la vie même qui se joue sur le plateau.

Bon, vous avez compris que j’ai aimé INTRA MUROS.

 

Après EDMOND, what else ?  Et bien, du Michalik pur jus.   Mais chaque fois la surprise.

 

Ce soir, on s'attend à tout.  Pas très ludique, le décor.  Une prison, mieux, une « centrale », le mot est bien carcéral.

Il existe des gens de théâtre à l’âme généreuse  qui se produisent dans les hôpitaux, les prisons.  Ils donnent du bonheur aux malheureux isolés du monde.

Ici, le metteur en scène se retrouve avec deux, seulement deux prisonniers intéressés par le truc théâtral. 

L’un est un anar extraverti fort en gueule, l’autre est muet.

On va les faire raconter leur vie, c’est une forme d’improvisation, exercice pratiqué par les apprentis comédiens pour apprendre à s’extérioriser.  Cela tourne souvent  au psycho-drame.

C’est ce qui va se passer devant nous.

Deux mondes vont surgir, deux destins aussi cruels l’un que l’autre.  Deux histoires qui n'ont qu'un point commun, la prison.

Sinistre ?  Pas du tout.  C'est haletant comme un polar. On les écoute.  On comprend que ces deux-là qui sont venus tâter du théâtre, ont improvisé sur le thème de leur vie ratée et que ça les soulage de se raconter.

 

Et voilà comment le théâtre peut devenir une thérapie quand  tout a été tenté et que rien n’a réussi.

Les deux acteurs sont follement réels dans leur détresse.

 

Voilà comment, avec un sujet pas vraiment folichon, un décor assez glauque et des comédiens inconnus qui  brûlent les planches, on peut faire un théâtre d’Art,  pétri d'humanité.

 

Miss Comédie

 

Au théâtre de la Pépinière à Paris jusqu'au 16 décembre 2017

 

 

 

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Happy birthday

Publié le par Miss Comédie

9 ans ça en fait des articles !

J'ai un peu touché à tout , passant du théâtre au cinéma me payant quelques réflexions perso avec en coulisses l'équipe de Overblog toujours complice pour expédier mes articles sur la toile .

j'ai dépassé l'age de raison mais je suis encore loin de la majorité que j'espère atteindre un jour avec vous mes lecteurs all around the world !

A bientôt pour de nouvelles histoires réelles ou inventées toujours à la frontière entre rêve et réalité .

Miss comédie

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CONFIDENCES au Rive Gauche

Publié le par Miss Comédie

L'instant théâtre

CONFIDENCES au Rive Gauche

Etre infidèle est un facteur génétique de la personne humaine. Après tout, nous ne sommes que la forme évoluée des grands chimpanzés qui pratiquaient allègrement les échanges sexuels sans le moindre sentiment de culpabilité .

 

Depuis, s’est instauré le dogme sacro-saint du Couple et là, c’était

fini la liberté, nous devions  rester fidèles.

 

L’humanité chrétienne s’est acquittée tant bien que mal de ce devoir,   et  les défaillances  ont  donné matière à une infinité de situations  cocasses, affligeantes, rocambolesques, sinistres ou  édifiantes qui ont  inspiré les écrivains et les auteurs dramatiques.

 

 L’auteur de CONFIDENCES, New-Yorkais pur jus, a trouvé le ton juste pour le  public américain qui  rejette toute forme de mensonge : le rire est l’arme fatale contre l’adultère.

   Sa pièce a fait un tabac à Broadway.

 

Eric-Emmanuel Schmidt  a adapté la pièce  avec les  subtilités d’écriture qui régalent  les spectateurs français : comique, d’accord, mais nous voulons aussi une part de drame pour créer l’émotion.

 

Alors, cette histoire d’un jeune père qui se détourne de sa femme devenue mère pour retrouver  l’érotisme dans les bras d’une prof de gym canon, c’est  le point de départ d’une situation banale qui va prendre du piquant lorsqu’il se confie à son père

 

 Là, on rit beaucoup. Le conflit des générations réjouit toujours petits et grands. Nous sommes encore dans la comédie mais chacun se sent concerné , on se dit « ça pourrait très bien m’arriver », à moins que cela ne soit un déjà-vécu, bref on attend que quelque chose se passe, un choc.

 

Cela ne tarde pas.  

Lorsque  la mère du jeune homme se met en tête de sauver le jeune couple du naufrage avec une révélation qui  fait l’effet d’une bombe, la pièce a basculé dans l’émotion.

 

  Jean-Luc Moreau coordonne tout cela avec une rigueur discrète :  pas d’ambigüité, dans sa mise en scène qui

 affiche d’emblée la couleur. Pas de faux-semblant, la situation est claire, les personnages endossent leur rôle sans détour ils nous épargnent les effets comiques ou les larmes. Tout est dans le texte.

 

Eric-Emmanuel Schmidt  a le génie  du coup de théâtre, on le sait. Ici, la révélation finale qui répond à la confidence, c’est encore un clin d’œil qui n’appartient qu’à lui.

 

Au théâtre Rive Gauche à Paris, jusqu'à fin octobre.

 

Miss Comédie

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