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la scene du jour

LA VICTOIRE DE JAIN

Publié le par Miss Comédie

LA  VICTOIRE DE JAIN

 

Victoire de la Musique 2017, c’est elle. JAIN, petite française née à Toulouse mais grande voyageuse,  auteur-compositrice et interprète de deux albums depuis 2015 , déjà  convoitée par les organisateurs de concerts  du monde entier.

Ce soir-là,  elle eut tout de suite l’adhésion du public qui enchaîna avec elle ce cri « OU-I ! » qui semblait être le refrain de la chanson   MAKEBA,  aux paroles insaisissables.

 

C’était le même élan du public  que pour « Allumez le feu », sauf que les années ont simplifié le texte. Et pour ce qui est de la voix, elle n’arrivait  pas vraiment à couvrir le tumulte.   Autour de la chanteuse,  la même machine de guerre que pour une rock star confirmée :   orchestre  symphonique avec violons, doublé de l’arsenal de percussions arabes, guitares électriques, effets acoustiques.

Il parait que tout cela est réglé par ordinateur.

 

Jain s’agite dans son faisceau de lumière mais si sa voix est à peine perceptible,  on sent que c’est elle qui mène le jeu.

Le public acclame. Au final, c’est Jain qui obtient la Victoire, elle seule, le spectacle est Sa décision, Son travail, Son talent, Son acharnement.

On connaissait déjà la grande cavalerie  des concerts de Johnny, Sardou, Mylène Farmer, et les groupes anglais.

Mais l’essentiel, c’était leur voix et leurs textes.

Le changement est allé très vite, seuls les ados ont vu venir le vent avec les CD et dans les discothèques.

Nous, on continuera à aimer Nino Ferrer ou Barbara mais à la maison.

 

Pour les concerts, il faudra se former le goût  à la nouvelle beatmania, pas désagréable, d’ailleurs.

J’ai été fascinée par le show de Jain sur mon écran.

  

 

En tout cas, pour elle, c’est parti.  Les fans  l’ont déjà adoptée telle qu’elle est,  pas vraiment belle, look petite fille modèle mais pas top-modèle, petite robe noire à col Claudine, « (pour contraster avec sa musique » c’est ce qu’on appelle son identité visuelle -  coefficient 10 dans l’examen de passage..

En la voyant, j’ai pensé  à Edith Piaf, toute menue toute seule sur le grand plateau nu,  seule  avec sa voix. L’ovation  du public  était assourdissante.

Mais c’était il y a longtemps.  Et  c’est bien  normal que les temps changent.  Comme le chantait Léo Ferré, « chacun son tour d’aller au bal »...

C’est la fin des chansons d’amour, dpmmage.

 

 

Regardez-la sur YouTube, remporter sa Victoire de la musique tambour battant.

 

Miss Comédie

 

 

 

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KISSIN A LA ROQUE D'ANTHÉRON

Publié le par Miss Comédie

La scène du jour

KISSIN  A  LA ROQUE D'ANTHÉRON

 

 

  La Roque d’Anthéron, 22 juillet 2017

 

 

Kissin.  Ce nom, déjà.  Il nous met l’eau à la bouche…

On l’attend.  La nuit tombe sur les gradins pleins à craquer.   Son public trépigne.

 Il entre. Grand, tout de blanc vêtu, son visage  donne une idée de ses tourments  intérieurs.  Je constate avec stupeur qu’il ressemble à Beethoven comme un frère.

Il attaque sans une seconde de concentration cette sonate opus 29 de Beethoven si souvent jouée.

Comment parler  pertinemment de l’interprétation prodigieuse de Kissin ?   Je suis mélomane mais pas musicologue.  Mes mots vont peut-être paraître naïfs ou impropres aux initiés.  

Cette sonate me semblait familière mais très vite, je me suis  dit que je ne la connaissais  pas vraiment.   Je découvre un nouveau ravissement.  Chacun de ses quatre mouvements font  jaillir des doigts de Kissin tous les élans de son âme.   Nous entendons quelque chose qui ressemble à la sonate opus 29 mais surdimensionnée, réinventée, une sonate « vécue ».

Il va falloir jeter tous les enregistrements précédents.

 

 

Cette sonate  emplit la première partie du récital. Trois quarts  d’heure de silence absolu dans l’immense espace du parc de Florans.

  Les cigales, fidèles accompagnatrices de tous les concerts  donnés dans ce parc,  se sont tues.

Il est seul.  Son regard flotte au-dessus du piano. Il n’a pas besoin de partition, la musique est en lui.  Beethoven a pris possession de lui, ses doigts obéissent au compositeur lui même.

Nous perdons toute notion du temps présent.  Nous subissons le pouvoir émotionnel des notes -  ceci n’est pas une fleur de rhétorique mais un phénomène qui  se produit  très rarement, quoi qu’on pense.

 

La deuxième partie, consacrée aux préludes de Rachmaninov, nous procure la même sensation de prodige.  Le piano projette autour de lui des flots de passion slave.  C’est du brutal.  Moins d’émotion peut-être, mais le diable au corps.  Le déchaînement spasmodique de la musique de Rachmaninov semble décupler l’énergie de Kissin.  Il est chez lui dans cet  univers tourmenté, cyclothymique.

Nous le suivons, fascinés.  Le temps passe trop vite.  

 

C’est fini.  Une seconde tête penchée vers le clavier  il écoute mourir la dernière vibration du dernier accord.

L’explosion de reconnaissance qui s’élève alors le réveille, il se lève, salue et sort, tel un somnambule.

Nous ne nous calmerons qu’après le troisième rappel qu’il donne presque joyeusement.

 Un  sourire maladroit  juste avant de nous quitter  et Kissin  disparait.

Je retombe sur terre.  Je n’ai pas envie de parler. Dans la foule qui s’écoule hors du parc de Florans, je veux rester seule avec Evgénie- Kissin.

 

Miss Comédie

 

 

 

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LES RESTOS DU COEUR

Publié le par Miss Comédie

LES RESTOS DU COEUR

LA SCENE DU JOUR

 

J’adore ce petit film télé pour les Restos du cœur, un bijou.

Deux enfants qui discutent entre eux, six-sept ans à peine, mignons comme tout.

La petite fille, une beurette à la tignasse bouclée, voudrait accompagner son copain au Resto du cœur.

Lui, un blondinet adorable, refuse.

« Mais pourquoi je peux pas aller avec toi ?

« Je te dis que c’est un secret !

« Tu as pas confiance ou quoi ?

« Mes parents m’ont dit de pas en parler, d’accord ?

La petite fille insiste. Elle voudrait savoir ce que son ami fait « la-bas » ? Il lui explique qu’il peut s’amuser avec des jouets pendant que sa mère « fait ses devoirs ».

« Mais elle est plus à l’école, ta mère ! – et là, le sourire coquin de la gamine est à tomber.

Le petit garçon explique que c’est une dame qui aide sa mère et on comprend qu’elle doit l’aider à faire son CV « pour le travail ».

Et puis, la dernière phrase donne le frisson, il ajoute :

« Mon père, il vient surtout pour les repas…

Et là, son visage devient grave, fermé, prêt à pleurer.

Comme nous.

Ca m’a donné envie de répondre tout de suite à l’appel des dons pour les Restos du cœur.

Bravo à leur agence de com.

 

 

Miss Comédie

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CAMUS, LE RENDEZ-VOUS MANQUÉ

Publié le par Miss Comédie

 

LES SURPRISES D'UN ORDINATEUR

 

 

J’étais devant mon document Word vierge, à hésiter entre un sujet et un autre quand l’écran s’est éteint brusquement. Le temps de m’interroger, il se rallumait aussitôt.

A la place de mon doc vierge il y avait comme une scène de film.

Ca représentait une pièce  envahie de livres,  sur les étagères, sur les chaises, sur le sol, et se faisant face de part et d’autre d’un bureau, un homme et une jeune fille. 

J’ai vu la scène s’animer et la caméra s’est rapprochée des deux personnages.  De face, j’ai reconnu Albert Camus.

 

 

 220px-Albert_Camus-_gagnant_de_prix_Nobel-_portrait_en_bust.jpgIl  est vêtu d’un costume léger bleu marine. Sous la veste, son éternel gilet de laine gris.  Il a l’air fatigué.  Son bureau est encombré de livres, de papiers, de photos d’acteurs.  La fenêtre est fermée.  Il s’adresse à la jeune fille.

 

- Alors, ma chère, nous avons enfin un théâtre...

- Oui, monsieur, enfin !

Il lui parle d’égal à égale. Elle  paraît très jeune, à peine  dix-huit ans. Elle a devant elle une idole. On sent qu’elle prend sur elle pour paraître naturelle, qu’elle a conscience de vivre un moment exceptionnel. Les minutes commencent à filer à un train d’enfer.

Il lui parle encore.

                                                      

  -Je n’aurais jamais cru que ce fût si difficile, soupire-t-il.  Bon, la pièce est longue, lourde... une lourde machine... Et tous ces comédiens.... Mais enfin voilà : c’est encore une femme qui a le courage d’accueillir Les Possédés dans son théâtre…

 

Elle a un sourire qui se veut complice.

 

- C’est elle qui en aura le succès...

- Chut... ne mettons pas les dieux contre nous... Si vous saviez comme je doute... Dans un mois on répète et je ne suis sûr de rien...

                                                     

. «  Ce n’est pas à moi à le réconforter », lit-on sur le visage de la jeune fille. .  Elle ouvre sa serviette  et en sort les documents à signer.  Il tend la main, les pose devant lui tout en suivant le cours de sa pensée.

 A brûle-pourpoint, il demande :

-  Que pensez-vous de Catherine Sellers ?  L’avez-vous déjà vue sur une scène ?

Elle baisse les yeux. « Il me parle comme à son agent. Après tout, oui, je suis la secrétaire de son agent »

 La question semble l’avoir agacée.

- Non, je ne l’ai jamais vue.  Seulement sur des photos...  Je l’imagine bien jouant Maria dans Les Possédés.

   

Il ne  l’écoute pas. Il rêve. Il est vraiment très beau.

- Elle est parfaite.  Et quel métier pour son âge... Une actrice shakespearienne. Elle est passionnée par le théâtre.

 

Comme elle se tait, il demande pour la forme  :

-  Et vous ?

 

Elle hésite, mais l’occasion est trop belle. Les yeux brillants, elle lance :

-  Je vais prendre des cours de comédie.

 

 Il revient sur terre.  Surpris, il l’est forcément, et il ne veut pas le montrer,  mais   la phrase le dérange.  D’un ton sec, il rétorque :

-  Pour quoi faire ?

-  Pour faire du théâtre.

Elle jubile.  Elle croit encore qu’elle va  l’impressionner.

Mais la scène continue et elle va déchanter.

Il regarde la secrétaire qui veut faire du théâtre.  C’est comme si elle avait  enlevé une perruque. La scène tourne à l’échange de balles. Champ, contrechamp.

-  Vous avez tort.

-  Et pourquoi s’il vous plait ?

- Parce que faire du théâtre n’est pas ce que vous croyez.

- Savez-vous seulement ce que je crois ?

Là, elle a une boule dans la gorge.

Il se lève. 

-  Oh oui, je le sais : vous croyez que c’est facile, que ça brille, qu’on n’a qu’à parler et que les gens applaudissent, et que l’on joue tous les rôles qu’on veut, toujours,...

-  Non, vous vous trompez.  Je sais que c’est difficile et long, et frustrant. Mais je veux essayer. Et pourquoi toutes ces comédiennes que vous admirez ont-elles le droit d’en faire et pas moi ?

Il va se planter devant elle et lui parle en se penchant, avec véhémence.

-  Parce qu’elles sont folles !   Oui, il faut avoir la folie en soi pour faire du théâtre, il faut être fou !   Et vous êtes tout ce qu’il y a de plus normale !

 

C’est comme s’il l’avait giflée avec ce mot. Elle rougit violemment.

-  Qu’est-ce que vous en savez ? Est-ce que vous me connaissez?

 

Il  hésite,  retourne s’asseoir à son bureau.

-  Oh, non, bien sûr je ne vous connais pas.  Il y a bien un peu de folie dans chacun de nous.... Mais je vous vois plutôt mariée, avec de beaux enfants, vous êtes si tendre...

«  Normale et tendre.   Je hais cet homme qui ne comprend rien aux apparences. »

Il y a un silence.    A première vue, la scène va finir sur un clash. 

Camus  feuillette les documents  posés devant lui, il les lit à peine et les signe.

Puis il referme le dossier et le lui  tend.  Elle se  lève.  C’est fini.

On lit sur le visage de la jeune fille une sorte de lassitude.

Alors il fait le tour du bureau, vient face à la jeune fille et comme elle  baisse la tête, il lève du doigt son menton, et ses yeux plongent dans les siens.  C’est le moment où ses larmes arrivent malgré elle.

-  Mon petit.  Je vous ai fait de la peine.  Je vous ai dit le fond de ma pensée, je n’avais pas le droit, c’est absurde...

Il essuie la première larme sur  sa joue d’un doigt paternel.

-  Ecoutez-moi.  Nous allons faire un pacte.  Après cette conversation, réfléchissez.  Faites ensuite exactement ce que vous sentez, suivez votre instinct. Je vous donne rendez-vous dans un an. Nous prendrons une soirée entière, je vous emmènerai dîner.   Et  vous me raconterez  ce que vous aurez tenté... ou non tenté... Vous me prouverez peut-être que j’ai eu tort ? 

 

Il la  serre contre lui.

-  Nous voulons tout... Je suis comme vous... Il faudrait plusieurs vies.  Après tout se tromper est encore la meilleure façon de se trouver.  Mais le théâtre est un maquis...   

Elle s’écarte de lui :

- Tous les métiers sont un maquis, monsieur.

- C’est la vérité.  Vous avez le dernier mot.  Maintenant les choses vont se précipiter, je n’aurai plus une minute à moi.  Mais n’oubliez pas : dans un an... le 5 janvier ... Ici, dans ce bureau. Je n’ai qu’une parole.

 

   Son geste de la main s’est fige en même temps que le son de sa voix.

 L’écran redevient noir, puis mon document réapparait.

Machinalemnt mes doigts courent sur le clavier. Les mots vont remplacer les images de cette scène pour la fixer dans le temps.   Scène Imaginaire ? oui, mais souvent, le réel et l’imaginaire se confondent dans notre mémoire.

Il faudra iajouter que la jeune fille, le jour venu,  n’est  pas allée au rendez-vous.  L’accident était déjà dans tous les journaux.

 

Miss Comédie - 25 décembre 2014

 

 

 

 

 

 

 

 

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LES ÉNIGMES D'EDWARD HOPPER (suite et fin)

Publié le par Miss Comédie

 

 

 

Edward-Hopper-Richard-Tuschman-02-copie-1.jpgTous les tableaux de Hopper sont des énigmes. Et il les a peints pour qu’il en soit ainsi.

L’avant-dernier jour du mois de novembre, pour la publication de mon millième article sur Over-blog, j’ai publié une photo censée être la toile de Hopper nommée « Eleven A.M », peinte en 1926.

Il y avait là une double énigme.

La photo ne représentait pas vraiment la toile de Hopper.

Elle était extraite d’une série de clichés qu’un photographe new-yorkais, Richard Tuschman, a exposés sous le titre « Hopper’s meditations ».

Quelques-uns d’entre vous -  des initiés, certes ! –  ne se sont pas laissé avoir.  Mais prise de remords, je veux que tous mes visiteurs sachent ce qu’il en est.


Car c’était une énigme à tiroirs  !   Au mois de septembre dernier,  est sorti en France le film très étrange d’un réalisateur  autrichien, Gustav Deutsch, qui met en scène 13 reproductions de tableaux  de Hopper  sous le titre SHIRLEY – UN VOYAGE DANS LA PEINTURE DE HOPPER.   Un film de fiction où l’on voit les personnages de Hopper s’animer et le résultat est troublant.

  Parmi ces reproductions figure la photo de Richard Tuschman que j’ai choisie pour mon article, car elle était pour moi – ô sacrilège ! – plus belle, plus énigmatique, que l’original de Hopper « Eleven A.M ».

 

Les toiles d’Edward Hopper n’en finissent pas de créer le mystère, avec d’infinies suppositions, de multiples décryptages.

Alors si, en plus, des allumés se mettent à brouiller les pistes  avec  des photos plus vraies que nature, où allons-nous.

 

 

 

En tout cas, dans cette histoire, il faut trancher.  Que s’est-il passé dans cette chambre, pour que la Rousse soit ainsi prostrée devant la fenêtre, seule, à onze heures du matin ?

Et bien, tout est dit dans le texte, sauf les secrètes motivations des deux personnages. Il a très vite flairé que la Rousse n’était pas claire et il l’a suivie dans sa fuite sans trop savoir où cela allait le mener. Et puis,  ce soir-là, il avait surpris une  conversation au téléphone qui lui laissait entendre que la Rousse était  recherchée.

Il avait réuni les quelques objets compromettants dans la valise   et s’était éclipsé  pendant qu’elle dormait, se soustrayant, lui, à l’enquête et la laissant, elle, libre de tout soupçon .  Plus de pièces à conviction, plus de vêtements… pourquoi avait-il emporté les vêtements ?  Une sorte de vengeance, peut-être, pour s’être laissé séduire comme un benêt.  Lâche ?  Certes, il se sentait un peu lâche. Mais avec ce genre de femme, la lâcheté est salvatricee.

Personne ne l’a vu sortir de l’hôtel Bijou.

Il a pris le premier train pour Paris après avoir balancé la valise dans l’eau glauque du port.

 Elle ne  retrouverait jamais sa trace.

C’est peut-être ce à quoi elle pensait, en se laissant rafraîchir par la brise venue de la mer.

Et le concierge ébloui  en sera pour ses frais.

 

Miss Comédie - 

 

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LES ENIGMES D'EDWARD HOPPER

Publié le par Miss Comédie

  Cet article est le millième publié sur "unesceneparjour.com".  La direction me doit une gerbe de roses rouges...

 

 

     Edward-Hopper-Richard-Tuschman-02.jpg Il l’avait rencontrée au  bar de l’hôtel Raphaël,  à Paris. C’était un endroit qu’il fréquentait pour son calme, ses toiles de Turner et son décor grand siècle.

On pouvait y croiser Gainsbourg ou quelques figures féminines intéressantes.

Ce jour-là il fut surpris d’en voir une, rousse flamboyante, assise sur l’un des hauts tabourets du bar.  C’était une attitude  que pratiquaient plutôt les gogo girls de Pigalle.  Celle-ci avait de la classe.   Elle n’avait pas quitté son étole en renard bleu et ses jambes croisées étaient un attentat à la pudeur.

Il avait hésité sur la tactique puis opta pour la tactique de James Bond, un peu risquée mais souvent payante.

« Vous êtes capable de me faire un vrai bloody mary ? »  avait-il lancé au barman  avec un clin d’œil, avant d’aller s’asseoir à une table.

Elle n’avait rien dévoilé du fond de sa pensée.   Elle s’était pourtant retournée pour le repérer, feignant de parcourir des yeux l’ensemble des  tables.

Mais pour lui c’était gagné.    Il ne la quitta plus des yeux.  

C’était le genre de situation qui lui donnait des palpitations.  Un suspense phénoménal.  Comment enchaîner ?

Il la vit  griffonner quelque chose sur un petit calepin sorti de son sac.

Vider son verre, lentement.

Décroiser  les jambes,  et ce fut comme  la fin d’un film d’Ava Gardner. 

 Mais  voilà qu’elle ondulait pour quitter son piédestal  et se dirigeait vers la sortie.    Il crut que c’était râpé lorsque  le barman   lui déposa son bloody mary avec un  billet plié en quatre.  

 

Il  remarqua l’œil à peine goguenard et  se saisit du billet. « Je vous attend dans le taxi. »

Il n’eut pas le temps de juger de la qualité du breuvage, à peine celui de jeter quelques euros sur la table et courut vers la sortie.

L’avenue Kléber était déserte, il vit la Mercedes noire rangée le long du trottoir, la Rousse à l’intérieur.   Le chauffeur lui ouvrit la portière.

Il y eut d’abord un silence prolongé, pendant lequel il se demanda si son physique était vraiment irrésistible, ou bien sa voix, ou bien si la femme était une habituée des bars à putes mais le moment était si  bloody hot  qu’il arrêta là les suppositions.  Wait and see, disent les british.

 

La suite avait été hors de toute attente, hors de  l’imagination la plus romanesque.   Une sorte d’enlèvement de Zeus par Iole la mortelle sublime, sur les ailes  gris métal d’un Cygne qui aurait fait le plein des sens.

 

L’inconnue avait des ressources.    Il avait annulé tous ses rendez-vous pour une semaine foudroyante, d’hôtels en hôtels.

Ils s’amusèrent à mêler le sordide au luxueux, dans un périple amoureux plein d’imprévus.  

 Il était sous le charme, elle semblait vraiment amoureuse. 

« Tu es mon coup de foudre qui dure », disait-elle.

Ils ne savaient rien l’un de l’autre. Elle voulait garder son mystère et cela l’arrangeait, lui, de garder le sien.

Elle déployait ses signes extérieurs de richesse sans aucun complexe dans  les bas-quartiers et entrait naturellement dans le moule des palaces.

Ils parlaient cinéma, théâtre.  Elle en connaissait un rayon sur le sujet.  Le soir, ils jouaient au  gin-rummy en buvant des vodkas-perrier.

 

« Tu as toujours mené cette vie-là ? lui avait-il demandé un jour.

« Je suis une enfant gâtée, j’ai toujours eu ce que je voulais dans la vie, avait-elle répondu en riant, et toi, je t’ai voulu, je t’ai eu ! »

 

Le septième jour,  à l’hôtel Bijou, un  des plus toquards de leur randonnée,  sur le port de Nice,  elle se réveilla seule.    Elle s’étira, sourit.  Il devait  être descendu admirer  les coques bariolées  des bateaux de  pêcheurs.

Elle ferma les yeux, les rouvrit aussitôt, quelque chose n’allait pas.

 Elle bondit hors du lit.   Son sac, ses bijoux, ses vêtements, avaient disparu.

 

A onze heures, intrigué, le concierge de l’hôtel  était monté coller un œil à la serrure de la chambre 7.     OK, c’était un couple illicite, mais quand même. De ce qu’il vit,   il ne put  rien conclure sur la situation.  

Il  crut   distinguer un filet de sang sur le parquet  -  ou  était-ce une hallucination ? et se dit  que le cadavre était peut-être  dans la salle de bains et qu’elle  attendait un complice pour l’aider à s’en débarrasser.  Il se demanda s’il ne devrait pas appeler la police.

 

Miss Comédie

(Il n’est pas interdit de donner sa version de l’histoire.)

 

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VOUS FUMEZ OU VOUS VAPOTEZ ?

Publié le par Miss Comédie

 

 

 fume.jpgA la terrasse du Petit Suisse,  rue de Vaugirard,   les fumeurs bravent la caillante de ce débuut décembre.  Un homme âgé est assis, offrant son visage au soleil.  Il est vêtu d’un épais manteau en drap couleur camel et tient entre le pouce et l’undex un long fume-cigarette dont il aspire de temps en temps de longues bouffées.   Il y a quelque chose d’anachronique dans sa présence ici.  Son âge ?  Sa tenue vestimentaire ?  Surtout ce fume cigarette d’une autre époque.  On le verrait mieux sur la banquette d’un bar chaleureux des Champs-Elysées.
Les yeux fermés, il ne voit pas arriver une jeune fille qui vient s’asseoir à la table voisine.

C’est une jolie blonde aux cheveux courts évoquant Jean Seberg, qui porte sans grelotter un petit blouson de cuir rouge.

Très vite elle sort de son sac une cigarette électronique et un portable.  Elle se met à mâchonner la cigarette électronique et à tapoter sur le portable.  L’image même de la modernité.

Au serveur, elle commande un café.  Cela tire l’homme âgé de sa béatitude.

Premier temps, indifférence courtoise.  Mais… quelque chose l’interpelle, et ce n’est pas la beauté juvénile de la fille d’à côté – qui, elle aussi, s’étonne.

 

« Pardon monsieur, c’est un nouveau modèle ?

Surpris : «  Un nouveau modèle de quoi, mademoiselle ?

« Ben, de vap !

L’homme boit une gorgée de son cognac avant de s’enquérir :

« Mademoiselle, de quoi parlez-vous, enfin ?  Et puis, c’est à mon tour de vous demander… vous fumez ?

La fille hausse les épaules.

«  Non, vous voyez bien, je vapote. vapote.jpg

«  Oui, je vous ai vu tapoter sur votre téléphone. Mais à la bouche, vous avez une cigarette ou quoi ?

«  Cela s’appelle une cigarette électronique et je ne la fume pas, c’est un mot dépassé, on ne fume plus, on vapote, il faut sortir, un peu !

L’homme se sent agressé et se replie sur lui-même, fermé au dialogue.  La  jeune fille insiste.

«  Mais vous, monsieur, vous faites semblant de vapoter mais vous fumez une vraie cigarette !  

 

L’homme tape du poing sur la table.

«  Ah, ça suffit avec ce mot barbare, vapoter, vapoter, vous faites quoi, au juste, avec ce sifflet !

 

La fille : « Et vous, vous faites quoi avec ce… ce…

« … fume-cigarette, voilà ce que c’est ! Un objet élégant qui filtre la nicotine et ne vous laisse pas de papier sur les lèvres !

 

La jeune fille sourit :

« OK, je pige, vous êtes vraiment un has been, vous !    Mais quand même, il faut que je vous explique…  Vous savez que la cigarette est interdite dans les lieux publics, non ?

«  Oui, hélas.  Je suis condamné à fumer dehors, un scandale de notre société castratrice !

«  Bon, enfin c’est comme ça, il faut s’y faire, on s’en porte pas plus mal… mais il existe une cigarette électronique qui nous donne l’illusion de fumer, mais qui n’est pas nocive.  C’est ce que j’ai à la bouche.

«  Et le goût est le même ?

«  Pas tout à fait…  Mais c’est une réalité nouvelle.  Et à « réalité nouvelle », désignation nouvelle… On ne fume plus, on vapote.

« Mais c’est un mot horrible !

«  C’est le mot de l’année, selon le prestigieux Oxford Dictionnary.

Vous n’avez pas fini de l’entendre.

 

L’homme secoua le fume-cigarette dans le cendrier et le rangea dans la poche de son gilet.  Puis il  jeta quelques euros sur la table et se leva.

« Au revoir mademoiselle.  Je vous suis reconnaissant de ce cours de langue vivante.

Elle le vit s’éloigner d’un pas tranquille, le col relevé, enfiler ses gants et écarter d’un coup de sa semelle un papier gras sur le trottoir.  Elle se dit que les anciens avaient  quand même de l’allure. cigarette--1.jpg

 

 

 

 

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JEREMY CHARBONNEL, L'HUMOUR FOU

Publié le par Miss Comédie

 

 

 

 

Il se donne actuellement à l’Espace Gerson à Lyon un spectacle qui   s’appelle « l’HOMME MODERNE ».  Un titre  a priori pas vraiment hilarant.

Mais le jeune homme qui le mène tambour battant vaut le détour.

 AFFICHEIl s’appelle Jérémy Charbonnel et  c’est encore un inconnu mais pas pour longtemps car son one man show a déjà fait pleurer (de rire)  les festivaliers en Avignon cette saison et il sera bientôt au théâtre du Ranelagh à Paris.

 

Jérémy Charbonnel est vraiment hilarant. Mais il ne donne pas dans la gauloiserie, la pornographie, la scatologie, la cruauté  – bref, la provoc – de la plupart de ses copains   humoristes.

Il a décidé d’être lui-même, c’est-à-dire un jeune homme bien élevé, élégant, charmant… mais pas seulement ! Peu à peu il dévoile l’acuité de ses dons d’observation en  incarnant des personnages très loin de lui,  des situations qu’on a tous vécues mais qu’il rend inénarrables – voyons, que je me souvienne -  la queue à la poste,  (à mourir),  le bug malvenu sur le PC,(topissime), la belle-mère à la clinique d’accouchement, (bluffant), le rom  mendiant,  (à pleurer), la DRH cougar, (grandiose)…  et la prof d’anglais, et la blonde,  je ne sais plus, il y en a tant, et tous poilants.

Il n’a pas que l’inspiration féroce mais jamais méchante, il n’a pas que des textes à l’emporte-pièce, il a la gestuelle protéiforme,  il a un visage à transformation (un catalogue d’expressions insensé) – et pourtant à la ville, il est mignon comme tout – un visage que l’on sent promis à un grand destin scénique.PORTRAIT.jpg

C’est tout ?  Non, après les louanges, il faut bien souligner les bémols, sinon je passerais pour l’amie de la famille.  Oui, il pourrait canaliser ses élans, jouer avec les silences-suspense,  revoir  les répétitions à la baisse ,   dégager l’essentiel de la scène,  gommer les effets secondaires….

Enfin, le genre de critiques que l’on fait  seulement à un  vrai professionnel pour mettre en valeur son talent.

Avec ce talent, on le sent prêt à décortiquer notre société,  source d’inépuisables scènes burlesques.   L’humour joyeux et non scabreux, c’est devenu rare.  

Nous rendre  heureux et non pas honteux d’avoir ri,  c’est la grande force des  scènes d’humour de Jérémy Charbonnel.

 

A l’Espace Gerson jusqu’au 20  septembre -  hurry up !

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JULES ET JIM, LE POUR ET LE CONTRE

Publié le par Miss Comédie

 

 

 

  _Dessin.jpgLa Brune et la Blonde se retrouvent à la terrasse du Flore pour regarder passer les touristes en buvant une blonde et une brune.

 

LA BRUNE

Hier soir j’ai vu JULES ET JIM  qui repasse  à la Pagode.

LA BLONDE

Quel chef-d’œuvre !

LA BRUNE

Ah, tu trouves ?   jules-et-jim-affiche_69977_6027.jpg

LA BLONDE

Pas toi ?

LA BRUNE

Je déteste ce film.

LA BLONDE

Ah.  Voyons. Tu détestes quoi, dans ce film ?

LA BRUNE

Je déteste l’image qu’il donne de la femme,  une image méprisable, abominable.

LA BLONDE, (riant)

C’est tout ce que tu as vu dans ce film ?

LA BRUNE

J’ai vu des scènes de camaraderie à trois surjouées, comme leur course folle ridicule. J’ai aussi vu l’histoire d’une amitié magnifique détruite par les manœuvres perverses d’une femme.

LA BLONDE

C’est un sujet de tragédie antique, comme….

LA BRUNE

Sauf que ça se passe aujourd’hui et que cette femme est le prototype actuel d’une vraie  salope.

LA BLONDE

Salope ?

LA BRUNE

Difficile de trouver mieux comme salope.

LA BLONDE

Tu y vas fort. Elle n’est peut-être qu’ insatisfaite.

LA BRUNE

Elle se les fait tous les deux et elle est insatisfaite ? Pourquoi elle va pas voir ailleurs, alors ?  Pourquoi elle s’acharne  à tourner en rond entre les deux ?

LA BLONDE

Tu  n’essaies même pas d’entrer en profondeur dans le thème du film. Tu  ne vois que la partie émergée de l’iceberg. 

LA BRUNE

Quel iceberg ?  Moi je vois ce que Truffaut nous montre. 

LA BLONDE

Mais c’est justement ce qu’il ne montre pas qui est important pour comprendre le film !  Tu n’as pas saisi le drame intérieur de ce personnage . Truffaut l’a pourtant expliqué dans Télérama,  c’est son incapacité à choisir qui sème la discorde entre les deux hommes et il démontre par là l’impossibilité de toute combinaison amoureuse en dehors du couple.

 

La brune écoute la blonde avec un petit sourire.

 

LA BRUNE

Tu l’as appris par cœur, l’article  ?    Alors si  ce qui compte dans un film c’est ce qu’on ne voit pas,  pourquoi il a pris  une caméra ?

  truffaut.jpgLA BLONDE

Truffaut  nous demande de saisir sa pensée  intime sous l’apparence légère et gaie – ou bien morbide de ses images.

LA BRUNE

Mais dis donc, tu fais une thèse sur Truffaut ?...  En attendant pour un « homme qui aimait les femmes », dans JULES ET JIM  il nous arrange bien  !

LA BLONDE

C’est  l’histoire d’un personnage, c’est pas ton histoire !

LA BRUNE, troublée

Ouais… là, tu dis un truc sensé.   Mais ça ne sauve pas le film. Moi je trouve que c’est un mauvais film.

LA BLONDE

C’est ton avis mais tu ne m’as pas convaincue. Tu n’as aucun argument-massue.  Tu viens ?  Je vais prendre le bus, je suis en retard.

 

Elles se lèvent après avoir payé l’addition.

 

LA BRUNE

Attend,  tu veux un argument-massue ?  Et bien le voilà, c’est la fin !

LA BLONDE

La fin de quoi ?

LA BRUNE

La fin du film ! C’est du grand-guignol !  Le coup de massue ! Un suicide aussi inattendu que grotesque, le plongeon, quoi !  Tu sors de là anéantie.   Pauvre Jim. C’était mon préféré, Jim.

(Elle se tourne vers la blonde)    Et toi, lequel tu préfères, Jules ou Jim ?

LA BLONDE

Je ne sais pas, je n’ai pas vu le film.caf_de_flore.jpg

 

Miss Comédie-  31 juillet 2014

(Attention, le dialogue peut très bien inverser les rôles, pas de parti pris de ma part il s’agit de distinguer la chevelure et rien d’autre !

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LA COMBINAISON ROUGE

Publié le par Miss Comédie

 

 

 

 FORMULE-FORD.jpgElle est plantée là, sur le paddock, ne sachant où se poser. Autour d’elle c’est l’effervescence mais on l’ignore totalement.   Son mari  l’a abandonnée, après avoir tant insisté pour qu’elle l’accompagne à cette course .  Elle déteste le bruit et la violence des circuits.  Mais enfin, il fallait bien un jour aller le voir courir. Tout le monde dit que c’est un grand pilote.   En plus, elle a peur, horriblement peur qu’aujourd’hui, justement, il lui arrive quelque chose.  Elle cherche où elle va bien pouvoir se cacher pour ne pas assister à la course. 

Très vite il lui a tourné le dos pour aller rejoindre les autres pilotes.  Elle le voit de loin, il est dans sa bulle. Elle n’existe plus,  il est hors du monde réel.

Elle se souvient d’avoir vécu ça, elle comprend.  Le théâtre, le cirque, le show, c’est pareil. On s’extrait du monde réel.

Elle s’est appuyée au mur, entre deux piles de pneus. Elle essaie de ne pas se faire remarquer.

Dans les hauts-parleurs, le speaker s’auto-électrise sur les concurrents qui occupent la piste. Les voitures font un bruit d’enfer. Elle se demande  dans combien de temps ce sera le tour des Formule Ford.

Autour d’elle, les mécaniciens s’activent sur les monoplaces. Elle revoit les plateaux de cinéma qu’elle fréquentait autrefois. Là aussi, les  mécaniciens… mais aussi les habilleuses, maquilleuses, assistants tout ce monde dans une bulle.

 

 

 PalmyrPaddock04.jpgLes formules Ford -  les stars  -  attendent, désarticulées, déshabillées.  Elles poussent parfois un cri rauque et prolongé qui la fait sursauter. Ce sont vraiment des bêtes fauves.  Chacune représente le Danger.

Tous ceux qui jouent avec le Danger ont leur manière de l’approcher, un rite  spectaculaire qui donne à chaque événement un côté sacramentel.

Tout à l’heure, elle verra les monoplaces rangées deux par deux, moteur éteint, attendant le signal du départ, les pilotes sanglés, raidis , concentrés.  La Peur est là, enfouie.

Pour le toréador dans l’arène, seul face à sa bête fauve, le Danger est vivant.   Avant de l’affronter les toreros font leur marche en fanfare,  costumes d’opérette,   gestes solennels sous la Tribune de leurs belles, « la fleur que tu m’avais jetée »,  fanfarons mais  concentrés.   La Peur est là aussi.

Au football, on les voit arriver sur le terrain, le front barré d’un trait d’angoisse  ils marchent vers  la pelouse en rang serré.   Une clameur les accueille mais le danger les attend.    C’est l’équipe adverse, mais surtout le   public, les « supporters » . des milliers de bêtes fauves déchaînées.

Et encore, au départ d’un slalom géant, la tension du concurrent prêt à s’élancer, cette sourde angoisse qui serre le cœur, est palpable sous la visière du casque.

L’acteur qui se cache derrière un portant avant d’entrer en scène, le front moite déjà, essayant de dominer le trac qui va disparaître aussitôt face au public, mais qui le tenaille là,  avec l’angoisse de n’être pas à la hauteur.  Comme le metteur en scène qui porte une œuvre à bout de bras et qui risque l’échec.   C’est aussi une corde raide, comme l’équilibriste, comme le trapéziste, le dompteur, le navigateur…

Les images se bousculent dans sa tête.

Le risque est là, extérieur à tous les enjeux économiques qui font monter la pression.  Le sport de haut niveau est porté aux nues par le danger.  

 

L ‘attente est longue, aussi longue que sur un plateau de cinéma.  Son mari fait de temps en temps une apparition, il lui demande si tout va bien, il a rajeuni, il est gai. Il va vers sa monoplace, tourne autour,  l’air recueilli,  dit quelques mots au mécano. Puis il lui fait signe d’approcher, il lui présente son auto, elle l’admire, pose un doigt sur le capot comme pour l’exorciser.  Elle considère l’habitacle, ce tout petit espace où il va se glisser tout à l’heure, à peine la place de bouger, les bras devant lui, les mains sur le volant, rien d’autre n’est possible. 

L’heure du départ approche.  Les mécanos se redressent, les autos sont rhabillées, chacune pousse un feulement de défi

.

 

 scan-3.jpg Les pilotes sont partis se changer.  Soudain, l’air devient irrespirable, chargé de stress.  Elle est prise d’un trac fou,  elle a envie de fuir.  Elle sort du paddock et elle voit venir vers elle un pilote en combinaison rouge, ganté, son casque posé sur son bras. C’est lui.  C’est  son mari.

  Il sourit. Il est singulièrement svelte, juvénile. Et calme.

  Ce n’est plus l’homme qu’elle a connu.  Ce n’est même plus un homme de chair et d’os. C’est une image, une abstraction.

 

L’uniforme du Danger est souvent rouge, armé, doublé, ignifugé, rembourré et accessoirement orné de dorures, de pampilles ou bien  de noms des grandes marques sponsors.   Sur un circuit, dans l’arène, sur une scène de théâtre ou une piste de cirque, le héros est souvent vêtu de rouge pour trancher sur la grisaille du commun des mortels.

Maintenant tout se précipite. Il y a des annonces  dans  les hauts-parleurs, le speaker halète d’excitation. Les pilotes s’engouffrent dans leurs autos.  Elle voit son mari enfiler sa cagoule anti-feu puis  son casque et prendre soudain une apparence invulnérable. Il lui fait un signe de la main et s’approche de sa voiture, se glisse dans le cokpit.  On lui dit qu’elle peut l’accompagner en pré-grille,  assister au rite de la préparation au départ.

Les hauts-parleurs l’assourdissent, elle a l’impression d’un danger imminent. Elle voudrait rentrer chez elle.  La foule   FormuleZetec10.jpgautour d’elle est aux anges, les femmes, les parents des pilotes se pressent autour de leur idole.  Elle, ne sait pas où est passé son mari,  elle ne voit que des casques rutilants,  identiques.

Les voitures sont maintenant dans l’ordre de départ, alignées deux par deux .  Les moteurs sont éteints.  Comment les pilotes peuvent-ils se concentrer, avec tout ce monde autour d’eux ?    Mais bientôt les commissaires dispersent  la foule,  elle  remonte la file des concurrents et  soudain elle l’aperçoit. 

Elle n’ose s’approcher car elle ne connaît pas cet homme.  Il a maintenant en tête le circuit, la moindre courbe, la ligne droite propice au dépassement, il a en mémoire la trajectoire idéale et la faute à éviter.  Et quoi d’autre ?  N’a-t-il pas trop serré le lacet de son chausson droit ?  Ce qu’il pense, à cet instant, personne ne le saura.  Il est seul.

 

C’est peut-être  là, à cette minute précise, juste avant le départ,  avant le risque, puisque même minime, malgré tout il y a toujours un risque, sans quoi où serait le spectacle, où serait la gloire ? à cette minute plus qu’à tout autre instant dans sa vie, il comprend qu’il est seul et que personne ne peut rien pour lui sur cette terre.  Et tout-à-coup cette pensée le remplit d’un calme insensé, une indifférence à son propre sort, une confiance immense en lui-même.

C’est ce qu’il lui a confié un jour.  Aujourd’hui,  sur le point de le voir s’élancer sur le circuit, elle voit cela comme une évidence.  Des noms défilent dans sa tête. De Angelis, Cevert, Senna… Elle a un frisson.  Le Danger  est quelquefois  le plus fort.

Elle  tourne les talons. Il ne faudrait pas qu’il l’aperçoive et perde soudain ce détachement suprême.

 

Miss Comédie  Juillet 2014

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A CRAZY DOG

Publié le par Miss Comédie

 


 

C’est l’histoire étonnante  d’un homme qui a perdu son chien.  Il a suffi d’une minute d’inattention, le temps d’entrer au drugstore acheter un paquet de clopes et le chien n’était plus assis devant  la porte, à l’attendre, comme il le faisait toujours, inquiet mais patient. L’homme  part à sa recherche dans les rues de New-York. 

 

drigstore.jpgIl marche dans un froid terrible, grelottant dans son petit manteau. Il sait qu'il n'a pas beaucoup de chances d'apercevoir son chien dans la foule qui arpente les trottoirs, il se dit que s'il y avait une justice, ce serait son chien qui partirait à sa recherche, mais non, il se trouve que les rôles sont renversés et tout en marchant il se demande pourquoi son chien l'a quitté. Il cherche à se souvenir, mais qu'ai-je donc fait, quelle maladresse, quel mauvais traitement,  à ce petit animal qui n'était que douceur, fidélité et bonté. Pourquoi es-tu parti ? murmure-t-il, les larmes aux yeux.  Son chien était sa seule possession, son unique compagnon de solitude. 

Dans sa longue marche, il rencontre des chiens, certains accompagnant leur maître, d'autres lâchés en liberté, les narines frémissantes, peut-être en quête de nourriture, ils ne lui prêtent aucune attention.

Plus tard il est assis derrière la vitre d'un snack-bar, il mange un hot-dog. Il regarde dans la rue et il voit encore passer toutes sortes de chiens. La plupart sont grands, massifs, beaucoup plus impressionnants que son chien à lui, qui est frêle et craintif.  Il est pris de terreur à la pensée qu'un de ces molosses puisse s'attaquer à son petit chien.

 

 

 new-york--chinatown--rue-163865.jpgIl reprend sa route et traverse des quartiers entiers, bientôt le jour baisse et le froid devient intense, il est maintenant très loin de chez lui.  La fatigue s'abat sur lui en même temps que le froid et il est pris de panique.  Quel fou je suis pense-t-il, je suis perdu.  Où suis-je ?  Il  distingue l'entrée d'une bouche de métro et s'y engouffre, reprend le chemin de chez lui, il lui faut changer plusieurs fois, les gens le regardent curieusement, il se demande pourquoi.

Enfin il arrive dans son quartier, dans sa rue. Il fait nuit noire. Il est affamé, transi, désespéré de n'avoir pas retrouvé son chien. Il n'aspire plus qu'à rentrer chez lui, se verser un verre de bourbon, se coucher et dormir. Ce sera sa première nuit sans son chien, absolument seul.

Il relève le col de son manteau et s'apprête à faire les cent derniers mètres entre le métro et la porte de son immeuble.

 

 

 DUMBO-brooklyn-nuit.JPGSoudain, il le voit.

Le chien court d'une foulée légère, droit devant lui, son poil  blanc étincelant par instant, lorsqu'il passe sous un réverbère. 

L'homme dévie sa trajectoire, file derrière l'animal qui ne l'a pas vu.  Où va-tu ?  Il s'empêche de siffler, il veut voir ce que poursuit son chien, quelle proie inaccessible, quel idéal de vie de chien, quel maître plus intelligent.

Le chien poursuit sa route d'une allure régulière. Il ne s'arrête ni pour flairer une trace, ni pour lever la patte, ni pour chercher son chemin. 

C'est lui, c'est bien lui, son collier de cuir rouge autour du cou, ses deux taches noires, l'une  en forme de béret sur la moitié du crâne et une oreille,  l'autre en forme de chaussette sur sa patte gauche.   L'homme doit courir pour garder la distance, mais il ne sent plus la fatigue, ni le froid.

Le chien ralentit enfin, et le voilà qui s'arrête devant la porte d'un hôtel. 

Cet hôtel, l'homme le connaît bien, il n'est pas à plus de cinq cents mètres de chez lui, il y a quelquefois rencontré des prostituées, et ces soirs-là il laissait son chien seul à la maison, la mort dans l'âme. Il savait que jusqu'à son retour le chien pleurerait, couché sur le seuil de la porte.

L'homme s'est arrêté lui aussi, et regarde. C'est un petit hôtel très modeste, la porte est fermée la nuit, on distingue les lettres lumineuses de l'enseigne  "Hôtel Bijou".

Le chien, assis sur ses pattes de derrière, pousse un léger aboiement, puis un second, puis un troisième, pas plus.

La porte de l'hôtel s'entrouvre, on aperçoit un  fond de lumière.  Le chien s'élance à l'intérieur.  La porte se referme.

Lentement, l'homme rentre chez lui. Il sait qu'il ne reverra jamais son chien.chien-a.jpg

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VELO-DRÔME

Publié le par Miss Comédie

 

 

 

 

 rolland_w484.jpgDeux cyclistes  pédalent l’un derrière l’autre sur une petite route de campagne.   L’un porte un maillot rouge, l’autre un maillot bleu.

 

 

RED

Ca va ?

 

BLUE

Oui, je suis…

 

RED

Tu es QUOI  ?

 

BLUE

Rien, je suis,  là !

 

RED

Tu es  déjà las ?  Mais tu suis toujours ?

 

BLUE

Mais oui, je suis ! Tu vois bien !

 

RED

Je  peux pas te voir,  figure-toi….

 

BLUE

Pourquoi tu peux pas me voir ?

 

RED

 Parce que je suis devant, pardi.

 

BLUE

J’ai compris, tu ne peux pas me voir parce que je suis toujours derrière toi.

 

RED

Et oui.

 

BLUE

j’ai du mal dans les côtes.

 

RED

Ah bon ? Tu as vu un toubib ?

 

BLUE

 Moi j’ai une bonne descente.

 

RED

Oui je sais que tu as la dalle en pente. N’empêche que je suis le plus fort.

 

BLUE

J’aime pas l’effort.

 

RED

Les forts sont toujours devant et toi derrière.

 

 

 

BLUE

Permets-moi de te dire que tu n’es pas très élégant.

 

RED,  en rigolant

Evidemment, quand on met la gomme, on est pas en tutu  !

 

 

Il continue de pédaler à son rythme en sifflotant.

BLUE serre les dents et debout sur les pédales il pique un sprint et dépasse RED  qui tombe des nues.

 

BLUE

Tut tut !  Je passe !   (il se retourne vers RED et lui crie )

Et maintenant tu peux toujours pas me voir ?

RED

Si,  je te vois, mais pourquoi t’es de mauvais poil comme ça  ?2-la-montagne-reine-Tour.jpg

 

 

 

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FACE A FACE

Publié le par Miss Comédie

 

 

 

tgv_01.jpgHélène a pris place dans le TGV pour Paris.  Elle fulmine car elle est tombée sur une place isolée avec vis-à-vis, ce qu’elle redoute au-dela de tout.  Il faut prendre l’air absent, ignorer les bruits incongrus – toux, tapotements sur l’ordi, froissement des pages de journal déployées sous son nez, etc – impossible de croiser les jambes et éviter de heurter les pieds de son vis-à-vis pour ne pas semer le doute sur ses intentions si le vis-à-vis est du sexe opposé.

Hélène déplie sa tablette et y pose son iPhone et le ELLE  en priant pour que la place reste vide jusqu’au départ, ce qui voudrait dire jusqu’à l’arrivée.

  Elle se croyait sauvée lorsqu’un homme en costume gris fait irruption dans le wagon et après avoir vérifié le numéro de sa place, commence par enlever sa veste,  la plier soigneusement, la ranger au-dessus de son fauteuil, ouvrir sa tablette, y poser son cartable  et enfin prendre place sans même lui jeter un regard.

 

  C’est un beau mec élégant,  cartable Hermès, souliers cirés.  Elle est un peu soulagée.   En  même temps, vexée de n’avoir pas eu un signe de civilité, elle s’apprête à croiser ses jambes de façon discrète mais glamour lorsque le monsieur sort son portable.  Aïe !     Il ne se lève pas pour aller parler sur la plateforme.  il tapote un numéro et commence une conversation dont pas un mot n’échappera à Hélène. Ecoeurée, elle décroise les jambes et se plonge dans  le ELLE.

 

« Allo  Luc ?  Tiens, tu réponds ?

-       …

« …  dans le TGV je monte à Paris signer un marché.  Dis donc, je voulais te  demander…  Je dîne ce soir chez les Sanders… tu connais les Sanders ?

 

Hélène sursaute.  Elle aussi connaît les Sanders.  Même qu’elle dîne chez eux ce soir, elle aussi.  Quelle coïncidence. Elle dresse l’oreille.

«  Tu  sais qui ils ont invité ? Tu vas rire… Hélène Krall, la nouvelle directrice littéraire de Charing Cross Books.

-       -…

-       - Oui, c’est elle  qui a viré Joseph pour mettre  son mec à sa place.  Il paraît que c’est une tueuse.

 

Hélène croise ses jambes et les décroise mais il ne la regarde pas, il est  le nez à la vitre à regarder défiler le paysage pendant qu’il parle.

 

TGV-02.jpg-       Si elle est belle ?  Ca je sais pas, je te dirai demain.  Mais le bruit court qu’elle les tombe tous.  Mais moi tu comprends, je m’en fous qu’elle soit belle, je veux seulement venger mon copain Joseph.  Donc, j’ai un plan.

-       Il se met à chuchoter, Hélène comprend quand même l’essentiel du discours.

 

-       «  Non, mieux que ça : je vais la draguer.  Je vais lui proposer de la raccompagner chez elle, je ferai une halte au bar du Raphaël et là,  je lui parle d’un auteur très connu  qui signerait bien avec Charing Cross et je lui donne rendez-vous le lendemain pour le rencontrer.  … Quoi ?  Et bien, je n’irai pas au rendez-vous, évidemment !

-       - …

-       «  C’est gonflé  ?  Ben oui, c’est gonflé, mais c’est tout ce qu’elle mérite  !     Tu sais comment elle a fait virer Joseph ?  … Oui et bien, c’est pas mieux !

 

Hélène rugit intérieurement.  « Ce salaud de Joseph avait fait passer les ventes d’un jeune auteur sur le compte d’un de ses protégés, ni vu ni connu, il a fallu que je mette le nez dans les comptes pour le voir !

Il ne fallait pas qu’elle croise son regard.  Elle se cache derrière  le ELLE.    Elle enrage, à la fois de  dépit de se découvrir une image  si peu flatteuse, mais aussi d’impatience de se retrouver ce soir, chez les Sanders, face à face avec son futur dragueur.

Ah, il voulait la draguer ?  Il allait comprendre sa douleur.

 

Il y eut un éclat de rire et l’homme, apparemment très satisfait de son plan, éteignit son portable et ouvrit sa serviette pour y saisir un ordinateur qu’il déploya sur la tablette.  C’est à ce  moment-là qu’il s’aperçut de la présence d’Hélène et qu’il accusa le coup.

 

TGV-03.jpgHélène était canon.  Un visage félin aux yeux bleu transparent sous une cascade de cheveux blonds, un corps moulé dans un tailleur de créateur et des jambes qu’il avait bêtement ignorées durant le trajet.  Il adopta une attitude discrètement attentive,  un « pardon » en retirant son pied, un sourire charmeur réitéré chaque fois que leurs regard s se croisaient. Mais devant le visage fermé d’Hélène, il n’osa pas entamer le dialogue.

A la gare de Lyon, ils se  retrouvèrent dans la file des taxis.  Là,  il risqua le tout pour le tout.

-       Vous avez un plan pour ce soir ?  demanda-t-il sur le ton d’un guide touristique.

-       Non…  pas encore, répondit Hélène  qui comprit soudain le parti à tirer de la situation.

-       Ah… très bien, voulez-vous que l’on se retrouve quelque part ?   Mais je me présente : Edouard Bader…

-       Il lui tendait la main, elle la serra.

-       « Marie Dupont.   Elle lui sourit, il sentit une onde électrique lui parcourir le corps. II n’osait croire à une victoire aussi rapide et  eut un sourire ravageur alors qu’elle susurrait :

-       J’ai une envie folle d’aller voir le spectacle du Crazy…  Vous accepteriez de m’y emmener ?

-       Avec joie !  C’est une idée géniale !

Il avait déjà oublié son plan de vengeance. Celle fille était autrement passionnante.

-       - Le spectacle est à 2Oh 15,  retrouvons-nous chez Francis à 2O heures ?

-       - D’accord,  j’y serai.    A ce soir Marie.. !

-       - Ciao, à ce soir !

Ils s’engoufrèrent chacun dans leur taxi, sans même échanger leurs numéros de téléphone.

A dix-huit heures, les Sanders eurent un coup de fil  d’Edouard qui les priait de l’excuser, il avait un empêchement pour le  dîner.

A vingt heures pile, il commandait un scotch chez Francis.

A   vingt et une heure,après trois scotch et l’esprit embrumé,

furieux de n’avoir aucun moyen de joindre Marie,    il  demanda l’addition.  Puis il appela un taxi et à tout hasard,  fila chez les Sanders.

On venait juste de passer à table.

Les présentations furent rapides alors qu’on lui remettait son couvert. Il eut un haut le cœur lorsqu’on lui présenta Hélène Krall qui prit place exactement face à lui et dont le sourire carnassier  lui fit l’effet d’un soufflet.epees.jpg

 

-        

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LA GRANDE ÉVASION DE PATRICE LECONTE

Publié le par Miss Comédie

 

A LA CAMERA

 

 

 Le petit garçon pédale comme un fou sur la route du bord de mer.

Il vient d’avoir la trouille de sa vie. Avant de partir pour l’école, alors que la maison était vide, il allait pour pisser lorsque – horreur ! les vécés étaient fermés de l’intérieur.   Qui avait bien pu se glisser dans la maison et s’enfermer là-dedans ?  Un voleur, sans doute, qui n’hésiterait pas à le tuer s’il le surprenait en train de piquer l’argenterie.

Paniqué, le petit garçon sauta sur son vélo et prit la fuite.

 

Donc, il pédalait dur le long de la plage où s’alignaient les bronzés de tout poil, à cette heure matinale mais déjà brûlante.

Il soupira : je reviens de la montagne où les bronzés font du ski, décidément il y en a partout !

Il faillit renverser un garçon qui traversait la route, c’était son copain Fifi.  Il s’arrêta pour lui raconter son histoire de vécés et lui dit qu’il n’osait plus rentrer chez lui car le voleur pouvait très bien l’attendre pour le zigouiller. 

« Viens chez moi, j’habite chez une copine, lui dit Fifi.

Mais sur la plage, un attroupement les intrigua soudain.    Un homme surexcité  se lançait  dans l’eau à la poursuite d’un Riva qui venait de quitter l’embarcadère avec à son bord le pilote et une très jolie blonde. L’homme hurlait « Salaud !  Ma femme s’appelle revient, tu entends ? sinon je te casse la g… » une vague le submergea et il fallut  le ramener sur le sable en  piteux état.  En attendant les secours, le plagiste hurlait « Circulez, y a rien à voir ! "

 

Ebranlés, les deux copains se séparèrent et le petit garçon se remit en selle, toujours hanté par l’idée que  les spécialistes de l’intrusion à domicile étaient des gens dangereux.

Il regrettait de n’avoir pas un tandem pour inviter Fifi à pédaler avec lui.

Il aperçut monsieur Hire, le prof d’Anglais, qui discutait sur le trottoir avec le mari de la coiffeuse. Il le détestait, celui-là depuis qu’il l’avait vu danser le tango avec une minette à la fête foraine, alors que sa délicieuse femme bossait au salon de coiffure.

 

Toujours pédalant, il entra dans un sous-bois où parmi les odeurs de pins parasol il huma une essence particulièrement attirante, c’était le parfum d’Yvonne, la prof d’histoire, elle devait faire son jogging par ici, il ne fallait pas tomber sur elle, il avait bel et bien loupé son cours

ce matin.

Il aurait pourtant bien aimé voir ses cuisses, en short ! Et s’il se cachait derrière un arbre ?  Ridicule, elle verrait le vélo. Non, il vaut mieux continuer  de s’éloigner de la maison.

 

Il passa devant l’auberge Les Grands Ducs où ses parents l’emmenaient parfois déjeuner le dimanche et évita le terrain de tennis où il avait une chance sur deux de tomber sur ses camarades en pleine récré.

 

Tiens, la fille sur le pont, là, c’était Marylou qui promenait son caniche, son coeur déjà en pleine débandade se mit à faire des bonds car il aimait Marylou en secret depuis déjà deux mois et demi.

C’était la fille de la veuve de St Pierre, le village voisin, cette femme toujours vêtue de noir depuis que son mari avait disparu en mer.

Les seuls au courant de son amour  étaient Félix et Lola, le frère et la sœur de Marylou. Ils avaient intercepté un billet doux qu’il avait glissé dans sa capuche sans qu’elle s’en rende compte.  Furieux, il les avait vus choper le billet et s’enfuir en rigolant.  Mais il ne savait pas si Marylou avait lu le billet et depuis, il l’évitait à contre-coeur.

 

Il fit demi-tour et prit la petite rue des Plaisirs qui menait à la gare désaffectée, un endroit pas très recommandable où venaient se réfugier les sans-abri l’hiver.  Dans l’un des trains restés en rade vivait un individu hirsute et agressif que l’on appelait « l’homme du train ».  Personne n’osait s’approcher de ce wagon où l’homme pouvait vous infliger des confidences trop intimes.

 

Il rebroussa chemin et hésita.  Il était déjà assez loin de sa maison et il avait faim.  Pas un sou en poche, il réfléchit deux minutes à sa situation et fut pris de désespoir.   Il mit pied à terre et s’assit sur le terre-plein   à l’ombre d’un  platane.  Il eut envie de pleurer, se sentit

perdu.   Dans ces cas-là, il allait dans sa chambre et se plantait devant la cage où Dogora, la perruche bleue, lui remontait le moral avec un joli gazouillis. Mais Dogora était restée seule avec le voleur.

 

Il entendait, de l’autre côté de la route, les cris des bronzés qui jouaient au volley, amis pour la vie.

Il avait envie de parler à Fifi, son meilleur ami en somme.  Mais il était trop fatigué pour partir à sa recherche.

Sur le tronc du platane, une affiche annonçait l’Election de Miss Cabourg, samedi prochain à 20h 30 au Casino.  C’était demain soir.

Encore une empoignade.  Toujours pareil, la guerre des Miss. Et c’est jamais la plus belle qui l’emporte, c’est le Maire qui décide, c’est Papa qui dit ça.

Avant de reprendre son vélo, il eut envie de voir la mer.

Il traversa la route et se pencha par-dessus le parapet qui dominait la plage.

 

Trop de monde.  Des vagues envahies de baigneurs, des parasols, des serviettes étalées. Des enfants excités, trempés, qui se poursuivaient en hurlant.  Il y       avait des bouées, des planches à voile, des seaux et des pelles, des cordes à sauter, des sacs plastiques, des pistolets à eau, des opinels -  un vrai magasin des suicides.

Il se sentit soudain très vieux.  Il fallait quand même rentrer chez lui, et affronter ce voleur.

Et puis, sa mère ce matin, lui avait fait une promesse : « Si tu as de bonnes notes, ce soir, je te jouerai le Boléro de Ravel  »

Il adorait contempler sa mère jouant  au piano le Boléro de Ravel. C’était pour lui, un ravissement sans fin.

Il revint vers son vélo, l’enfourcha et reprit le chemin de la maison à toute berzingue.  Il n’avait plus peur du voleur enfermé dans les WC.

A mi-chemin, un agent lui fait signe d’arrêter : « Hé, mon garçon, tu vas trop vite ! Comment t’appelles-tu ?

« Patrice Leconte !

 

C’est rare, une carrière qui ressemble  point par point à une histoire d’évasion.   La plus belle des évasions, selon Patrice Leconte, ne se réussit  q’avec une caméra -  ou, à la rigueur, avec un vélo.VELO.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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FRANCOIS CEVERT, NINO FERRER : OH, LES BEAUX JOURS !

Publié le par Miss Comédie

 

 

 

Cevert002.jpgJe ne vous demanderai pas d’identifier les personnages, vous n’y arriveriez jamais – à moins d’être fan des seventies…

 

C’était à Monaco, le dimanche 23 Mai 1971.  

Le pilote anglais Jackie Stewart venait de remporter le Grand Prix de Formule 1  et il y eut  un grand diner de gala à l’hôtel de Paris.

La soirée était  peuplée de stars de tous poils, et présidée par le couple princier, Rainier et Grace.

Mais les invités ont vite oublié le protocole, entraînés par  Moustache et son  groupe de trublions déjà bien rodés au champagne. 

 

Là, on les voit au début  ils sont encore très convenables.

On reconnaît Nino Ferrer tout à droite,  à sa droite Jackie Stewart, puis François Cevert au micro, jambe en l’air, puis Graham Hill,  Moustache l’instigateur de la dérive et un inconnu.

On raconte que très vite Moustache est   monté  sur la table et  a démarré  un French Cancan sur l’air de « Oh when The Saints » joué par ses musiciens et rapidement suivi par Cevert et ses potes.  Ce fut à qui lèverait la jambe le plus haut.

Au bout d’un moment la princesse Grace s’est levée  et a  quitté  la table.

Rainier, lui, s’amusait comme un fou et resta jusqu’à la fin- dont on ne sait rien…  sinon que Moustache fut interdit de séjour à l’hôtel de Paris, ainsi que Guy Marchand et quelques autres.

Les pilotes, ils ont pas osé les virer.

 

 

 

Comme dit Jacqueline Beltoise, la sœur de François Cevert, qui vient de publier un livre magnifique sur son frère, *  « c’était une belle époque… »

Les pilotes se parlaient encore entre eux et les titres ne se jouaient pas à coups de coups bas.

Deux ans plus tard   François Cevert tirait sa révérence.  Idole des circuits, des femmes et des medias, il commençait à collectionner les trophées.

 Il  se croyait  éternel et  ce jour d’octobre 1973 à Mosport aux  Etats Unis            

ce fut comme un brutal rappel à l’ordre du destin. 

 

Quant à Nino, il traîna encore 27 ans son romantisme désenchanté.

Idole des  DJ et des filles, il était  déjà auréolé de la gloire de Mirza et autres chansons idiotes qui déchaînaient les foules. En 1975 Le Sud  allait le porter aux nues.  Il voulait vivre « plus d’un million d’années »… mais il a abrégé, trouvant le temps long.

Ils avaient l’air heureux, sur la photo. 

Ils nous manquent

 

*   C’est dans ce livre, qui s’appelle « François  Cevert »  par Jacqueline Cevert-Beltoise et Johnny Rives, aux Editions  de l’Autodrome , que  j’ai trouvé cette photo et l’anecdote qui s’y rapporte.

 

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LA PHOTO MYSTÈRE : RÉVÉLATION

Publié le par Miss Comédie

Clark Gable, Van Heflin, Gary Cooper and James Stewart

 

  KINGS OF HOLLYWOOD

 

 

Question 1 :   Les reconnaissez-vous ?

Clark Gable, van Hefflin, Gary Cooper et  James Stewart

 

Question 2 :   Ils sont où ?

Au restaurant Romanoff’s à Hollywood.

 

Question 3 :  A quelle occasion ?

ls fêtent New Year’s Eve, le 31 décembre 1957

 

Question 4 :  Pourquoi sont-ils réunis ?

Parce qu’ils sont à cette  époque les « Kings of Hollywood »,

comme le témoigne la légende de cette photo désormais célèbre,

prise par leur ami commun, le photographe Slim AARON.

 

Question 5 :   Qu’est-ce qui les fait rire ?

Slim AARON :  « In fact, the reason these guys are laughing is

that Gable is telling them how bad he thought I would be in the movie. »

 

Voilà, je n’invente rien mais la plaisanterie me semble pas être d’un humour fou…

 N’est pas Groucho Marx qui veut !

 

A bientôt pour une autre photo... ou une autre improvisation,

toujours sur le thème du spectacle, de la littérature ou de la musique.

 

Miss Comédie

 

 

 

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LA PHOTO MYSTÈRE

Publié le par Miss Comédie

 

  Clark Gable, Van Heflin, Gary Cooper and James Stewart

 

 

 

  Les reconnaissez-vous ?

Ils sont où ?

A quelle occasion ?

Pourquoi sont-ils réunis ?

Et surtout : qu’est-ce qui les fait rire ?

 

Si vous pouvez répondre à l’une des questions, vous êtes très fort.

Mais il suffit d’être cinéphile et d’avoir plus de cinquante ans, disons quarante…

 

 

Pour vous aider je vous dirai que ce sont des acteurs très connus à Hollywood.

Ils n’ont jamais tourné ensemble.

Alors ?

 

 

‘Réponses  la semaine prochaine dans ce blog).  Bye Bye !

 

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LES DESSOUS DE LA REINE

Publié le par Miss Comédie

 

 

 

Reine-Elisabeth002.jpgDans la foule, un homme a crié : « Majesté, on voit vos dessous ! »

 

Elle a trouvé ça très drôle.  Elisabeth II n’est pas bégueule.

Elle a éclaté de rire et prenant sa belle petite-fille Kate  à témoin, elle a répondu au monsieur :

« So what ?  My underwear is  as chic as my suit, isn’t it ?

 

Elle  a quatre-vingt sept ans.  Elle n’a rien à cacher, rien à prouver.  Elle est la Reine d’Angleterre et son peuple l’admire et la respecte depuis soixante ans !

 

 

La photo a été prise en juin 2012 à Nottingham  à l’occasion des cérémonies du Jubilé  de diamant de la Reine.

Elle a été publiée dans Paris-Match du 12 décembre 2012.

Devant cette photo je me suis dit : mais qu’est-ce qui peut bien les faire rire comme ça ?

Et j’ai imaginé ce petit dialogue, pas si impensable, d’ailleurs.

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BOURVIL NOUS MANQUE

Publié le par Miss Comédie

andre-raimbourg-bourvil-27-07-1917-1-g.jpg

Une petite pause dans mes conversations imaginaires pour un hommage discret à cet immense acteur (ce mot s’applique aujourd’hui à pratiquement tous les acteurs vivants` ou morts mais lui, en était vraiment un, d’immense acteur.)

Pourquoi lui ?  Né en juillet, mort en septembre, rien n’évoque BOURVIL en ce début d’année.

Pourtant, je suis tombée sur cette chanson bouleversante dans sa simplicite -on ne peut pas faire plus sobre, ni dans les paroles ni dans l’interprétation de BOURVIL, pour parler de la guerre, du temps qui passe, de l’amour enfui, de tout ça qui fait pleurer ou méditer.

J’ai donc eu les larmes aux yeux en écoutant ces derniers mots « et c’était bien », chantés avec l’âme.

J’ai eu envie de lire sa bio et j’ai retrouvé les souvenirs que j’avais gardés de lui à travers sa filmographie.  Je me suis dit « il faut que je fasse un portrait de lui, imaginaire ou pas, mais avec qui le faire dialoguer ?

Le mettre en scène où ? quand ? C’était du fabriqué, ça ne pouvait pas coller avec ce personnage si vrai.

 

On ne lui donnait que des rôles de bêta et ça ne le gênait pas. Il était le « gentil » du cinéma français – sauf dans Le Miroir à deux faces où il martyrise Michèle MORGAN.

Il a fait des cartons avec des chansons idiotes ( La tactique du gendarme) mais il y avait dans sa voix quelque chose qui allait au coeur, c’est mystérieux, le pouvoir de la voix.

 

 

e-cercle-rouge.jpgSon dernier film, il l’a achevé en  sachant qu’il était atteint d’un myélome multiple, une horreur.  C’était en 1967 et le film s’appelait Le Cercle Rouge ,  de Jean-Pierre MELVILLE, avec Alain DELON.

Il y a des titres comme ça, qui vous marquent (comme sur une liste, un nom marqué d’un cercle rouge).  Il avait 57 ans.

Sa femme, Jeanne, est allée tous les ans sur sa tombe à  MONTAINVILLE, dans les Yvelines, où ils avaient leur maison de campagne.  C’est en allant le visiter un jour de 1985 que Jeanne a eu un accident de voiture et qu’elle est morte à son tour.

J’ai aussi voulu savoir pourquoi BOURVIL ? Il s’appelait André RAIMBOURG mais il avait un cousin germain qui faisait déjà du cinéma sous le nom de Lucien RAIMBOURG   et pour ne pas créer la confusion il a choisi le nom de son village natal, BOURVILLE.

 

 

Avec-Fernandel.jpgIl admirait beaucoup FERNANDEL.  Deux géants du rire qui gardaient leurs larmes pour eux seuls.  Ensemble ils ont tourné La Cuisine au beurre, sorti en 1963, qui a fait 6.300.000 entrées.  C’étaient aussi les rois du box-office.

 

Ce devait être un moment inouï, les voir ensemble dans la vie, les écouter se parler, observer leur complicité.  Un moment rare.

Bien sûr, tous ces grands acteurs sont irremplaçables.  Mais lui, BOURVIL, il laisse le même vide qu’un être cher.  Je ne m’explique pas pourquoi.

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