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LES LARMES D'ARLETTY

Publié le par Miss Comédie

LES LARMES D'ARLETTY

 Un moment imaginaire dans la vie d’Arletty

Musée de l’Annonciade, Saint-Tropez un jour de Mai 1968

 

Je suis assise dans un fauteuil de cuir face à un tableau de Signac, le fauteuil est placé là pour celui qui voudrait s’abimer dans la contemplation du tableau mais moi, là, j’ai les yeux fermés sur ma douleur.

Moment  imprévisible où la conscience de sa solitude s’abat sur vous comme la foudre et vous submerge.

Mes amis m’ont laissée pour arpenter l’enfilade des salles où s’alignent les toiles sublimes de quelques peintres célébrant la Provence.

J’ai souvent accompli cette visite, ce pèlerinage, devrais-je dire, et admiré ces  paysages transfigurés par  le regard de Vuillard, Bonnard,  mon ami  Marquet ou Signac bien sûr, et Van Dongen dont je fus le modèle….

Aujourd’hui je les revois avec les yeux du souvenir.

Avec la vue, j’ai perdu quelques  bonheurs irremplaçables que je reconnais, tellement amère, chez les autres.  Inconscients, comme je l’étais, au bord de l’ingratitude.

J’ai toujours la même gueule, bien sûr, mais ce n’est plus une gueule d’atmosphère.

 

Ah, ce mot là, il me poursuit encore, il me colle à la peau, ce mot qui est le même dans toutes les langues et dont Henri Jeanson me gratifia dans le dialogue de l’Hôtel du  Nord…

Vingt  ans déjà. Et ça n’a plus arrêté. Quatre films avec mon cher Carné, des films-légendes, sans me vanter. Et puis… les hommes aussi, ont défilé, j’en ai vu de toutes les couleurs, quelques   blonds typés teutons d’ailleurs, comme ma copine Coco Chanel, ce fut notre Occupation favorite…

Le mien, si beau, si blond, m’a suivie longtemps, il voulait m’épouser mais j’ai dit non et il est retourné en Allemagne se marier loin de moi.

Mes larmes coulent à nouveau, se souvenir aussi, ça fait mal.

Comme ce jour à l’Orangerie ou Brialy me trouva en larmes à une table, je venais d’avoir mon coup dur aux yeux et, il m’a  pris la main : « Pleure pas, ma puce… Il te reste la voix ! Tu sais, la voix est un instrument magique, aussi magique que le regard, tu verras… »

Et c’était vrai, en un sens.  Désormais, les voix m’accompagnent et me donnent des sensations multiples, au plus profond des âmes qui me parlent.

Mais que font-ils ?

Des minutes passent, les gens arpentent la salle, ils doivent se demander pourquoi cette femme aux yeux fermés devant ce tableau de Signac ?

Voilà que je reviens à mon idée fixe : « Je ne serai plus jamais la même. » 

Mes larmes coulent dans un curieux mélange de nostalgie et  d’acceptation. 

Le côté inéluctable de notre destinée m’apparait en cet instant comme il le sera à l’heure de ma mort.

Cette immobilité qui se prolonge fait naître des pensées morbides et je trouve le temps long.

Le désespoir a fait place à l’impatience et j’ouvre les yeux sur le tableau de Signac.  Je ne saurai jamais ce qu’il représente...

 Mes amis sont revenus, ils m’entourent, les yeux pleins d’éternité.

Je me lève, retrouve mon rôle d’actrice qui est ma carapace en dehors des plateaux, pour « garder la face », comme on dit.

Mon rire les rassure, le rire, encore un instrument magique contre le désespoir.

Miss Comédie

 

Arletty est toujours Présidente d’Honneur de l’Association des Artistes Aveugles de France

 

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ELOGE DE LA MUSIQUE

Publié le par Miss Comédie

ELOGE DE LA MUSIQUE

 

 

« La  musique est une révélation plus haute que toute sagesse,

que toute philosophie. »  Ludwig van Beethoven.

 

La musique est le sésame ouvre-toi de l’Imaginaire.

Dieu seul  sait dans quels lointains abîmes  de volupté, de mystère ou de nostalgie nous plongent certaines harmonies que nous sommes seuls à décrypter...

Qu’est-ce que la musique, au fond ? Ce n’est pas une invention de l’homme, comme le cinéma ou la peinture, elle nous a été donnée par le Créateur, comme la lumière, au début de la nuit des temps.

A moins qu’elle ne soit née sur le mont Olympe de l’union de la muse Euterpe et du dieu Apollon.....

Ils prenaient du bon temps, là-haut, c’est sûr, et nous ont laissé quelques échos de leurs amours car ensuite, la musique n’a cessé  de se ré-inventer au gré des humeurs et des rites, des modes et des instruments.

Elle est partout, autour de nous, mais seul un être humain doté de  l’oreille absolue est capable de déceler la note qui se cache dans le moindre bruit.  Un musicien, donc, mais tous les musiciens n’ont pas forcément l’oreille absolue, c’est  un  don du Ciel.

Le paradoxe, c’est que tout en étant un art immatériel et  et indéfinissable la musique comporte des  règles que tout musicien doit respecter pour faire entendre ce qui n’existe pas...

A vrai dire, je me suis embarquée dans un sujet bien difficile à traiter...

Difficile, peut-être, mais tellement passionnant.

Que serait la vie sans musique ?

Je ne sais pas vous, mais en ce qui me concerne, je ne peux vivre sans musique. N’importe laquelle, un concerto de Vivaldi ou une chanson de Souchon, un tango d’Astor Piazzola ou un Nocturne de Chopin, je m’envole dans le meilleur des mondes.  Le décor est parfois celui qu’a imaginé l’auteur et je m’insinue dans son histoire, c’est magique.

Et puis, naturellement, il y a ces morceaux  dont je  ne sais  rien sinon qu’ils me chavirent et  dans lesquelles je me laisse emporter sur les vagues de mes rêves les plus fous.

Mais voilà, c’est inracontable, cela ne regarde que moi et mes fantômes..Chacun est seul avec la musique.

Comment  expliquer que  la voix  de Bourvil   cherchant le nom d’un petit bal perdu sur un air d’accordéon, me tire des larmes  autant  qu’une cantate de Bach… ?

Mystère. 

Vus aurez compris que la musique n’est qu’une énigme  dont chacun a la clé.

Alors à quoi bon  me lancer dans  l’énumération  de quelques morceaux sublimes qui ont traversé les siècles et que nous connaissons tous ?

Ces parcelles d’âme de nos génies disparus n’en finissent pas d’être repris par de nouveaux  interprètes qui les transfigurent  avec  leur propre émotion.

Et là, c’est plus fort que moi, je ne peux m’empêcher de penser à l’interprétation de la Fantaisie  chromatique et Fugue en ré mineur de J.S. Bach par Alfred Brendel.  Ce qui se passe là-dedans est un pur miracle, une osmose totale entre les deux musiciens, à des siècles de distance. On est dans la Beauté pure pendant dix minutes, en pleine lévitation, si j’ose dire, par la grâce d’un grand interprète.

Mais les deux plus grands interprètes de la Musique sont toujours la Mémoire et l’Imaginaire, n’est-ce pas ?

Miss Comédie

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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