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LAURENCE OLIVIER, VIVIEN LEIGH et....

Publié le par Miss Comédie

 

 

ETRE OU NE PAS ÊTRE HAMLET

 

 

 

hamlet.jpgJuillet  2011.  La cour d’honneur du château de GRIGNAN dans la Drôme.  La nuit est claire mais le mistral souffle et les spectateurs frissonnent autant de froid que de terreur devant le spectacle de la folie d’HAMLET que joue Philippe TORRETON.

Deux spectateurs non autorisés arpentent les terrasses qui dominent la cour, leurs voix se perdent  dans le vent du nord.

 

chateau.jpgLaurence OLIVIER se souvient du décor de l’Old VIC Theater à Londres  où il joua HAMLET pour la première fois en 1938.

« Un vieux théâtre délabré près de la gare de Waterloo, un quartier mal famé où l’on n’osait pas entrer dans un pub pour boire une bière après le spectacle…. Ici, c’est un paradis pour les acteurs !

« Oui, enfin, s’il n’y avait pas ce foutu vent !  gémit   Vivien LEIGH.

« Toujours à te plaindre…Tu ne changeras jamais. Regarde donc le spectacle !

 

Les deux amants se penchent dangereusement par-dessus les épaisses murailles.

« Ils ont rempli la cour à ras bord !  Look, il y a des gens qui n’ont pas pu entrer, ils sont des centaines dans la petite rue… 

«  L’affiche est barrée : c’est complet jusqu’à la fin.

« Il doit y avoir des amoureux de Shakespeare frustrés…

« C’est la loi des grands nombres !  Et dans ce petit espace, ne peuvent être admis que ceux qui ont réservé dès les premiers jours…

« … et certains privilégiés…

« Ca donne ça :  « Allo ? Je voudrais réserver… On vous coupe : « c’est complet, madame ! » Elle insiste « mais c’est pour fin Août… C’est complet jusqu’à la fin. Au revoir madame.  Elle n’a pas donné son nom, c’est une inconnue, on ne lui vendra pas les places disponibles du premier rang.

« 0n a peine à imaginer que dans quelques jours le village de GRIGNAN retombera dans le silence et les ruelles seront désertes.

 

Ils sont sur le toit de la Collégiale.  La vue s’étend jusqu’aux monts de la Lance, la plaine est tranquille, un parfum de lavale couple 1nde monte jusqu’à eux.

On entend les bribes d’une réplique d’OPHELIE qui s’effiloche dans le vent.  Elle est minuscule, face à HAMLET qui l’invective.  La voix puissante de TORRETON domine le bruit des rafales.

Ils se serrent l'un contre l'autre. Laurence OLIVIER murmure :

"Te souviens-tu, mon Ophélie, comme nous nous sommes déchirés dans cette scène ?

"Oui, mon Hamlet, tout ça a très mal fini.


 

 

 

 

 

Et puis, à quelques mètres du couple, dans l’ombre de la terrasse, une autre voix s’élève :

«  Bel organe, le TORRETON, tu ne trouves pas, Gad ?

C’est  Edouard  BAER.  Avec son compère Gad ELMALEH ils s’amusent à lancer des cocottes en papier sur la scène.  Avec le vent, certaines atterrissent sur la tête des spectateurs  interloqués.

 

« Ils croient que c’est dans la mise en scène ! s’esclaffe Edouard.

« Ah !   HAMLET en a reçu une dans le cou ! Il pipe pas, le bougre !

« Comment va-t-il se sortir de to be or not to be ?  Ecoute bien, Gad !

 

Laurence OLIVIER s’approche :

« Vous aussi vous avez joué HAMLET ?

Gad ELMALEH désigne Edouard BAER :

« C’est lui. Il a joué HAMLETaux Bouffes du Nord, qui est un peu l’équivalent parisien du Old Vic Theater, n’est-ce pas ? Et ce soir…

Edouard s’interpose :

s aec04 - cm - - edouard baer - 1 - 048« Ce soir je suis la doublure de Philippe TORRETON. A la moindre défaillance, je saute sur le plateau.  Et là, vous verrez un HAMLET …grandiose, unique, irremplaçable.

« Mais pourquoi vous lancez des…

« C’est censé être les âmes de tous ces morts qu’il va y avoir sur scène :

Polonius 

 , Claudius, Laerte, et finalement Hamlet.  Mais… vous êtes Laurence OLIVIER ?

« Yes I am.

«  Pleased to meet you.  My name is BAER, Edward BAER THE FIRST.

Ils se serrent la main.

gad web p« Et lui c’est  Coco, mon partenaire chouchou. Son nom est ELMALEH, Gad ELMALEH.

« Enchanté.

« Alors, vous, illustrissime Mr OLIVIER, vous avez traité le monologue to be or not to be sur quel mode ?

« Well… au théâtre je l’ai traité sur le mode  furioso, et dans mon film HAMLET, je l’ai joué pianissimo.  Et vous ?

« Et bien, moi j’ai choisi de mélanger les deux. Un mot très très fort, le mot suivant inaudible. Cela maintient l’attention des spectateurs, car cette tirade est un peu lassante, vous êtes d’accord ?

Pas de réponse. Une rafale plus forte que les autres soulève un nuage de poussière sur les dalles de la terrasse. Ils sont seuls.Chateau-de-Grignan_carrousel_gallery.jpg

 

 

 

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STANLEY KUBRICK & ORSON WELLES, rencontre

Publié le par Miss Comédie

 

 

 

kubrick80.jpgOctobre 1978.  Childwickbury House (Hertfirdsgure) au sud de Londres. Dans son manoir entouré de bois et protégé comme une forteresse, Stanley KUBRICK travaille sur le montage de son prochain film SHINING.  Il est de mauvais poil. Stephen KING, l’auteur du roman qui a inspiré le film, vient de lui renvoyer  le scénario : il ne l’aime pas.  Il ne retrouve plus rien de son roman, à part les personnages principaux et l’hôtel hanté. Il lui a fait savoir qu’il refusait de figurer au générique du film. La tuile, car Stephen KING est un écrivain phare aux US.

 

 

200px-20050613-007-childwickbury.jpgDans la salle de montage installée dans les écuries du manoir, KUBRICK est assis dans l’ombre et repasse en boucle la scène  où Wendy et son fils Dannys s’engouffrent dans le labyyrinthe.

 

labyrinthe.jpg« Il n’y a pas assez de menace dans ce labyrinthe !  On les croit à la fête foraine…

KUBRICK se retourne.

« Si tu t’occupais de ta  promo de FILMING OTHELLO et me laisses avec mon labyrinthe…

« Stanley, ne le prend pas mal,  mais question labyrinthes, je m’y connais ! Tu te souviens peut-être de mon film LA DAME DE SHANGAÏ ?

 

miroirs.jpg« Ah oui ! La tuerie dans le labyrinthe de miroirs…

« Avoue que c’était un autre traquenard  que tes couloirs en feuillages.

« Mais enfin, on n’est pas dans le même univers, Orson ! Je fais un film d’horreur où l’horreur ne doit pas se voir, mais se deviner, se faire attendre jusqu’à l’insupportable, je ne veux pas d’effets visuels qui casseraient la tension nerveuse !

« OK. Mais ton labyrinthe est quand même très accueillant !

« Stephen KING ne le trouve pas accueillant, il le trouve inepte ainsi que l’ensemble de mon scénario, et il est furieux que j’aie changé la fin.

« Je le comprends un peu !

«  Dans son livre Jack meurt dans l’incendie de l’hôtel, et moi je le fais mourir gelé dans le labyrinthe.

Orson WELLES éclate de rire.

« Oui, c’est carrément l’esprit de contradiction !

« Je le fais comme je le sens.

« Tu enchaînes des films qui n’ont aucun point commun. Après BARRY LYNDON, tu passes au film d’horreur…

« Ne me parle pas de BARRY LYNDON, le plus beau bide de ma carrière. Tu n’as

jamais connu ça, toi.

« Moi ?  Et mon DON QUICOTTE qui n’a jamais vu le jour, c’est pire !  Moi, après CITIZEN KANE, j’ai cru que le monde m’appartenait. J’ai pris un ego de pharaon.  Fais gaffe :  si tu fais un succès mondial, tu ne seras plus jamais satisfait.   Tu seras condamné au succès.  Tu passeras le restant de ta vie suspendu au box-office. C’est ce qui m’est arrivé.   Après CITIZEN KANE je n’ai fait que descendre.   Et ça ne tient pas à la qualité du film ! Non, c’est seulement que le hasard est maître du jeu.

 

citizen-kane.jpgKUBRICK hoche la tête.

« Je sais. Moi, j’attend mon CITIZEN KANE, film après film mais chacun d’eux est un remède à mes tourments.  Ca me suffit.  Je méprise la profession et ses honneurs.

« Tu dis ça mais tu aimerais bien présider le jury des Césars ou du Festival de Cannes ! Je t’assure que c’est assez plaisant !

 

KUBRICK hausse les épaules.  Il débranche la table de montage et prend Orson WELLES par le bras.

 

« Allez, on rentre. J’ai un bourbon d’Ecosse hors d’âge.  Toi et moi, nous avons renoncé à la silhouette Beau Brummel, tu pèses combien ?

« J’ai dépassé les cent kilos mais je mesure quelques inches Avec-Rita.jpgde plus que toi !

« J’avais dix ans quand tu as affolé les Etats-Unis avec ton canular radiophonique Les Martiens arrivent sur terre ! A l’époque tu étais beau comme un jeune premier, et un peu plus tard quand tu filais le parfait amour avec Rita HAYWORTH, je t’enviais  beaucoup.  Moi j’ai toujours été laid.

«  Veinard, tu ne t’es pas vu vieillir. Et tu as gardé ta femme. Moi, elles m’ont toutes quitté, même Jeanne MOREAU !

 

 

Sortant de la salle de montage,  ils marchent dans le parc éclairé par la lune, entourés d’un monde végétal envahissant et protecteur à la fois. Le monde de KUBRICK  Après un moment d’un silence fraternel, Orson demande :

« Tu as quel âge, Stanley ?

« Cinquante ans.

« J’ai 13 ans de plus que toi et je suis au bout du rouleau.  J’ai tourné mon dernier film il y a trois ans. C’est fini. J’arrête.  Plus envie.

 

Dans le fumoir, KUBRICK sert un verre de bourbon à Orson WELLES qui allume son dixième cigare de la journée.

 

« Orson, tu feras d’autres films.  F COMME FAKE n’est pas une conclusion.

 

vérités et mansonges

« Mais si ! Justement ! VERITÉS ET MENSONGES le titre français, le dit bien ! Je suis un prestidigitateur et je raconte l’histoire du plus grand faussaire de tous les temps Elmyr DE HORY, dont les copies de grands maîtres ont trompé les experts du monde entier.  Tout ici-bas n’est que mensonge mais l’illusion est universelle.

 KUBRICK l’a  écouté attentivement.

« Je te rejoins complètement. Mon dernier film sera semblable au tien. Je l’appellerai EYES WIDE SHUT et personne n’y comprendra rien.

Orson WELLES lève son verre , il lance un défi à KUBRICK :

« Je te parie que tu n’oseras pas terminer le film sur un mot-clé qui sera ta conclusion claire et nette !

« Quel mot, Orson ?

« FUCK !

 

Ils trinquent en riant et boivent leur whisky cul sec. Le pari a été tenu. Eyes-wide-shut.jpg

 

 

 

 

 

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