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MONSTRES SACRÉS

Publié le par Miss Comédie

Les-Grands-Ducs.jpg

 

Le bar du Lutétia à Paris.  L’une des tables du fond de cette salle très sombre est occupée par trois hommes ordinaires dont on entend parfois les rires tonitruants.

En s’approchant, on reconnaît trois monstres sacrés.  Jean-Pierre MARIELLE, Jean ROCHEFORT et Philippe NOIRET ont  échangé quelques plaisanteries avant d’attaquer un  sujet délicat : leur avenir professionnel.

 

« Au chômage en même temps : c’est quand même un signe, non ?  lance Philippe NOIRET avant d’avaler une gorgée de Cheval Blanc.

«  Un mauvais signe, oui ! renchérit Jean ROCHEFORT en s’envoyant une lampée de grand Chablis.

«  Quoi ?  Quel signe ? grogne Jean-Pierre MARIELLE, le nez dans sa coupe de Ruinard.

«  Un signe des temps ! Nous sommes trop vieux, voilà ! ! gémit NOIRET

« Bon, bon, on a pas l’âge de DUJARDIN mais des millions de gens préfèrent Clint EASTWOOD  à DUJARDIN !  proteste MARIELLE.

« Ah ! mais lui, mes amis, ses rôles il les écrit, les produit et les réalise tout seul !  Vous pigez la différence ? Nous autres sommes obligés d’accepter ce qu’on nous propose.  Qui se souviendra de « MEME HEURE L’ANNEE PROCHAINE, mon dernier film ?

« Personne, confirme MARIELLE  en finissant sa coupe.

Il fait signe au serveur.

« Donnez-nous la même chose, en plus grand ! Une grande coupe ! Des grands verres ! Nous avons de grandes capacités, vous savez ?

Le garçon s’éloigne et ils retombent dans leur abattement.

« Et toi, c’est quoi, ton dernier film ?. demande ROCHEFORT à MARIELLE.

 

parfun-d-yvonne-1994-04-g.jpg« Bof !  Un film italien -  parce qu’en France, on me croit  mort –

LES MILLES,  un drame affreux. Politique en plus. Ca compte pour du beurre.  Mon vrai dernier film c’est un LECONTE. Du beau travail.  LE PARFUM D’YVONNE fut mon dernier film puisque je me suicide à la fin.

ROCHEFORT soupire.

« Ah, tourner avec LECONTE .  On en redemande ! . .  Ce mec nous donne envie de baiser la caméra,  non  ?

Il  se tourne vers NOIRET :

« Et toi, alors, ton dernier film ? .

NOIRET aspire la dernière goutte de son bordeaux et répond laconique :

«  Moi c’est LE VIEUX FUSIL.

Eclat de rire général.  ROCHEFORT fulmine :

« Tu te fous de nous.  On a dit le dernier film . T’en as fait peut-être quinze depuis LE VIEUX FUSIL..

NOIRET essuie une larme.

« Non, je vous dis, c’est LE VIEUX FUSIL mon dernier film.

 

Le garçon apporte les consommations.

« Voilà messieurs, désolé, on n’a que ces verres.

« Bon, ça ira, laisse tomber distraitement MARIELLE.

Ils lèvent leurs verres.

« Buvons à nos futurs OSCARS !

Ils trinquent.

NOIRET s’exclame soudain :

« Moi,  je rêve d’un rôle où j’aurais les cheveux frisés et où je pète les pombs ! Je veux montrer que je peux être zinzin !

« Et moi je rêve d’un rôle où je serais un obsédé sexuel dit ROCHEFORT.

«  Moi, je veux jouer en tailleur rose avec des boucles d’oreille ! tonitrue MARIELLE.

Ils éclatent de rire :

« Qui oserait écrire un scénario pareil  ?

« Personne.

 

MARIELLE attrape son manteau et sort de sa poche un calepin en croco qu’il feuillette.

« En parlant de  PATRICE LECONTE, ça me rappelle que j’ai rendez-vous à son bureau mardi prochain…  merde, j’aurais pas dû vous le dire.

« Oui, surtout que moi aussi j’ai rendez-vous mardi  chez lui !

NOIRET se lève :

«  Ah ! messieurs, on ne va pas se battre, mais moi aussi j’ai rendez-vous chez LECONTE mardi, et c’est probablement pour le même film !

«  Et le même rôle !

 

Ils se regardent.

« Est-ce qu’on a le même emploi ?  Moi, je pourrais pas faire du MARIELLE, affirme ROCHEFORT, je ne maîtrise pas la grosse cavalerie !.

« Attendez ! crie MARIELLE très surexcité, c’est forcément PAS pour le même rôle, sinon on aurait rendez vous un jour différent !

 

NOIRET défait sa cravate, il étouffe un peu et suggère :

« Et si c’était pour le même film, mais trois rôles différents ?

ROCHEFORT se lève et profère d’un ton lugubre :

«  Ce serait la fête de la bière ! Le Carnaval à Rio !

MARIELLE se lève à son tour :

« La ressuscitation du docteur Meinthe sur une musique de Charlie

Parker !

 

Ensemble ils lèvent leur verre :

« La tournée des Grands Ducs !Affiche.jpg

 

 

C’est comme ça que les trois compères  se sont retrouvés dans le film le plus délirant, le plus rocambolesque, le plus chahuteur, le plus incroyablement drôle qui est superbement passé inaperçu en son temps : LES GRANDS DUCS de Patrice LECONTE.

Ils l’ont heureusement enregistré en DVD, disponible dans toutes les FNAC.

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