LES SEPT PECHES CAPITAUX / L'ENVIE ET LA LUXURE
L’ENVIE ET LA LUXURE
« J’ai envie de toi. »
C’est clair, l’un ne va pas sans l’autre, sans l’envie il n’y a pas de luxure, c’est pourquoi je les ai réunis, les deux derniers de mes sept péchés capitaux, mais non les moindres.
Dans quel film ?
Nombreux sont les réalisateurs qui ont exposé leurs fantasmes érotiques dans un film plus ou moins scandaleux, mais celui dont il est question aujourd’hui a fait exploser les bornes de la censure avec un film carrément porno. Je sais, lorsqu’il s’agit d’un artiste reconnu, le porno devient furieusement intéressant.
Or là, ce ne fut pas l’avis de nos voisins transalpins qui ne plaisantent pas avec ça. Malgré son immense talent et ses récents succès, le dit réalisateur est trainé en justice, déchu de ses droits civiques, privé de passeport, condamné à deux ans de prison avec sursis ainsi que les deux acteurs principaux, et son film interdit purement et simplement…
Ailleurs, c’est la curée : indignation, gorges chaudes et rires gras, soulèvement des féministes déchaînées, mais cela n’a pas empêché le film d’attirer un nombre impressionnant de curieux, avides de contempler ce que l’on ne saurait voir, et même pire. C’est cela, la luxure, le sexe dans tous ses états, même de loin.
Le cas est unique dans les annales … du cinéma, je crois, et vous avez déjà deviné de quel film il s’agit, même si vous ne l’avez pas vu.
LE DERNIER TANGO A PARIS, de Bernardo Bertolucci, est sorti en 1972 avec Marlon Brando, Maria Schneider
Catherine Allegret et... Jean-Pierre Léaud, ( qu’allait-il faire dans cette galère ? )
Il n’avait que 31 ans, Bertolucci, quand il a écrit ce scénario inspiré probablement d’un de ces coups de coeur imprévus qui surgissent au coin de la rue et accélèrent votre rythme cardiaque. Une passante, peut-être... ou une passagère dans le métro qui provoque en vous un sentiment d’urgence...
Son idée première, a-t-il confié, était de filmer une aventure amoureuse dont les deux protagonistes resteraient anonymes tout au long de leurs rencontres, ce qui aurait pour effet de rendre leurs ébats de plus en plus torrides.
L’attrait de l’inconnue, Truffaut l’a subi aussi, mais son homme qui aimait les femmes était beaucoup plus pudique.
L’idée de l’anonymat était amusante, mais l’essentiel était quand même de fixer des limites à l’intensité de leurs ébats.
Il aurait dû penser à la censure, ou même à un jeune public toujours impressionnable.
Au lieu de ça, il rêve d’un casting « bankable » et propose le rôle principal à Jean-Louis Trintignant, le conformiste, qui élude poliment.
Belmondo, puis Delon, à leur tour, se défilent.
Brando qui venait de faire LE PARRAIN, a la carrure.
Quant au personnage de la jeune fille, aucune actrice connue n’est envisageable.
Maria Schneider, fille adultérine de Daniel Gélin mais inconnue au bataillon des starlettes et un peu paumée, grisée à l’idée de tourner avec le cador américain, elle fonce.
Bertolucci installe son décor dans un appartement vide du XVIème arrondissement de Paris – loin de Cinecitta…par précaution ? – C’est la que la jeune actrice, dix-neuf ans à peine, sera la victime d’un odieux deal entre le réalisateur et sa vedette masculine, dans une scène à peine regardable qui donna tout de suite au film un formidable élan promotionnel.
La scène n’était pas précisée dans le scenario – c’est le détail qui tue. Mais passons.
Qu’il s’agisse là de LUXURE, cela ne fait aucun doute !
Avec ou sans envie, c’est de la luxure pure et dure, sans concession au sens le plus propre, si l’on peut dire, du terme.
Cette scène cul…te n’est d’ailleurs pas la seule preuve du péché de luxure, le film en est plein, chacune de leurs rencontres en est une.
Et jusqu’à celle qui pourrait prêter à rire, celle où le couple se contorsionne sur le dance floor d’une discothèque, en singeant le pas du tango...Brando à contre-emploi ? Pas vraiment. Le rire devient vite sanglot car cette luxure-là va les mener au drame. La sublime dernière scène fait oublier le scandale car il se dégage de ce film, en toile de fond, une émotion intense.
Bertolucci méritait mieux, finalement, que l’anathème et ses acteurs valaient mieux que tous les Oscars d’Hollywood car ils ont donné plus que leur âme à chaque plan du film, pour élever la luxure au rang de tragédie.
Avec les autres péchés capitaux, il est rare d’en arriver à ce genre d’extrémité. Encore que…
Mais la luxure est un cas particulier, c’est elle qui nous a fait chasser du Paradis !
Donc, pour en terminer avec un dernier tango, danse diablement voluptueuse, prometteuse de futures délices,
je dirais simplement que la luxure est comme le piment d’Espelette, il ne faut pas en abuser mais elle donne un piquant délicieux à nos tête-à-tête, avec ou sans beurre.
Et l’envie ? Ah, l’envie… vaste débat !
Miss Comédie
LES SEPT PECHES CAPITAUX- L'ORGUEIL
Chacun des sept péchés capitaux a sa définition, qui va du meilleur au pire ou plutôt du pire au moins pire, comme celle de l’orgueil :
- « Sentiment exagéré de sa propre valeur, estime excessive de soi-même, qui porte à se mettre au-dessus des autres : Être bouffi d'orgueil.
- Sentiment de dignité, fierté légitime, amour-propre : Cacher sa misère par orgueil.
- Personne ou chose, sujet de légitime fierté : Il est l'orgueil de ma famille. »
Le sujet de notre dissertation étant le péché, restons dans le péché et parlons de l’orgueilleux, celui s’estime au-dessus les autres.
Là, le modèle est tout trouvé, il est l’emblème de l’orgueil par excellence, et même celui de notre douce France.
Pour une fois l’orgueilleux en question ne sera pas la star d’un long métrage mais celle d’une pièce de théâtre qui fut en son temps l’orgueil de son créateur, Edmond Rostand.
CHANTECLERC, le coq magnifique qui règne en maître sur la basse-cour, est tellement convaincu de son importance qu’il est persuadé que son chant fait lever le soleil.
Nul n’a osé contester ce pouvoir car les animaux de la ferme le craignent et l’admirent pour sa prestance et pour l’ordre qu’il fait régner sur la basse-cour.
Mais voilà qu’il tombe amoureux de la poule faisane et son égarement est tel qu’un matin il oublie de chanter.
Le soleil, fatalement, apparaît au lever du jour et Chanteclerc est la risée de la basse-cour... Il subit alors la tyrannie de certains animaux pervers qui l’obligent à se battre avec un coq de combat ce qui faillit lui coûter la vie. Il réussit sa reconquête grâce à son côté chevaleresque qui éloigne l’ennemi chasseur et ramène la paix dans la basse-cour, et son chant résonne à nouveau haut et fort, hymne à sa vanité glorieuse :
« C'est que j'ose,
» Avoir peur que sans moi l'Orient se repose !
» Je ne fais pas « Cocorico ! » pour que l'écho
» Répète un peu moins fort, au loin « Cocorico ! »
» Je pense à la lumière et non pas à la gloire.
» Chanter, c'est ma façon de me battre et de croire,
» Et si de tous les chants mon chant est le plus fier,
» C'est que je chante clair, afin qu'il fasse clair ! »
C’est sûr, et sa chanson le prouve, Chanteclerc est l’exemple parfait de l’orgueilleux mais n’est-il pas en même temps sentimental ? Courageux ? Pacifique ?
En tout cas, il vole bien au-dessus de la mêlée dans cette basse-cour peuplée de tous les péchés du monde :
le merle est persifleur, cynique, il tourne en ridicule le chant des autres oiseaux, la pintade est prétentieuse et snob, elle rassemble les sots et les mondains pour se moquer de Chanteclerc , le paon est si vaniteux qu’il cesse de faire la roue lorsqu’il baisse les yeux et aperçoit ses pieds, qui sont horribles... il est aussi médisant que la pintade... les nocturnes, hiboux et autres oiseaux de nuit menés par le sinistre grand-duc, sont les ennemis jurés du Jour et veulent éliminer Chanteclerc, son complice. Ils sont cruels, perturbateurs et conspirateurs....
Bref, une horde sauvage dont les bas instincts se libèrent dès que Chanteclerc est en péril.
Autrement dit, l’orgueil n’est qu’une noble attitude qui fait valoir ce qu’il y a de louable dans la nature humaine.
Est-ce bien là le propos de l’auteur de Chanteclerc ?
Et si l’orgueil avait soudain pris la place de sa légendaire modestie ?
Le siècle ne fait que commencer et Edmond Rostand savoure ses deux victoires phénoménales ; CYRANO DE BERGERAC en 1897 et L’Aiglon en 1900, lorsqu’il tombe malade et part soigner sa pleurésie à Cambo-les-Bains dans les Pyrénées Atlantiques .
C’est à la villa Arnaga, qui sera sa résidence définitive, que germe en lui l’inspiration de sa prochaine pièce, Chanteclerc.
Il y travaille durant plusieurs années, dessinant les décors et les costumes de ce projet fou et la pièce voit le jour le 7 février 1910 au théâtre de la Porte St-Martin à Paris avec trois têtes d’affiche : Lucien Guitry, Jean Poquelin et madame Simone, entourés de 70 comédiens et figurants portant plumage ou pelage aux couleurs chatoyantes.
Rostand était alors le grand dramaturge français et les Parisiens attendaient sa prochaine pièce avec impatience. Plus le temps passe plus la fièvre monte et lors de la première, c’est une émeute.
La presse était déchaînée, on ne parlait plus que de cette bande de comédiens déguisés en animaux qui récitaient des alexandrins et éprouvaient des sentiments humains.
Le succès fut immédiat mais de courte durée et la pièce n’eut pas le retentissement de CYRANO ou même de l’AIGLON.
Après CHANTECLERC, Rostand laissa tomber sa plume et n’écrivit plus pour le théâtre.
Pourquoi ? Espérait-il un nouveau triomphe qui eût renforcé sa gloire ?
Son amour-propre en prit-il un coup ?
Et si c’est le cas, nous voici encore devant une belle preuve d’orgueil, non ?
Miss Comédie
LES SEPT PECHES CAPITAUX : A GOURMANDISE
:
LA GOURMANDISE
Encore un péché qui n’en est pas un - à condition de ne pas tomber dans l’excès.
Le gourmand adore ce dont il ne faut pas abuser.
Le gourmand n’est ni glouton, ni vorace, il tâte, hume, goûte, mâche, déguste, savoure à petites bouchées ce qu’il faut de salé ou de sucré avec la précision d’un gourmet.
Certaines vitrines attirent irrésistiblement le gourmand, celles des confiseurs : Dans ces temples de la gourmandise, le chocolat est roi.
Ah le chocolat ! En tablettes, bouchées, fondant, mousse ou éclairs, il est le piège fatal du gourmand.
Et le voilà qui s’installe dans les salles obscures où il régale les gourmands de pellicule…..
.... CHARLIE ET LA CHOCOLATERIE célèbre le culte du chocolat, dans un film unique en son genre, transcendantal dirait Salvador Dali.
La gourmandise ici est vraiment un péché capital et la chocolaterie un paradis inaccessible aux esprits impurs, offrant ses délices à celui qui a su comprendre le sens sacré de la Famille.
Cette parabole résume tant bien que mal tout ce que le film contient de manichéisme mais heureusement, l’essentiel n’est pas là.
On est cloué par un déploiement de tableaux mêlant la magie et le réalisme, d’effets spéciaux époustouflants, de personnages transfigurés par l’imagination débridée de Tim Burton.
Impossible à décrire, cette histoire s’adresse aux enfants mais aussi aux adultes qui ont gardé leur faculté d’émerveillement.
Tout ce qu’on aime chez Tim Burton est là, ses incursions dans le domaine des contes de fées , ses clins d’œil furtifs à ses cinéastes préférés dont on reconnaît quelques bribes légendaires , son habileté à exploiter les fabuleuses machineries du numérique pour ajouter au mystère.
Essayons de résumer : le responsable de toute cette histoire, c’est d’abord le Père, dentiste de profession, qui interdit à son fils Willie de manger des sucreries car cela abime les dents .
Celui qui l’incarne est aussi fantomatique que son rôle est prosaïque : c’est Christopher Lee, l’immortel.
Willie le fils frustré n’a plus qu’une idée en tête, faire chocolaterie qu’il a construite, un temple ouvert à tous les cœurs purs. Willie c’est Johnny Depp, l’enchanteur, figure emblématique du héros à la Tim Burton, créature à la fois inexpressive et survoltée ce qu’il arrive à traduire on ne sait comment, avec son beau visage livide et ses yeux étincelants.
On ne sait trop d’où vient le charme presque luciférien de Johnny Depp.
Ici, il prend un côté « parrain » qui ajoute à son mystère, en lançant un jeu destiné à redonner vie à sa chocolaterie tout en éliminant les visiteurs indésirables.
Le jeu consiste à découvrir les quatre « tickets d’or » cachés dans quatre tablettes de chocolat envoyées à travers le monde… Le gagnant se verra invité à visiter la cité interdite et déguster à vie les réserves de chocolat.
Trois « gosses de riche » gloutons et indisciplinés sont éliminés après une série d’épreuves dantesques…
Imaginez une cascade de chocolat tombant dans une rivière de chocolat où l’un des garçons plonge, ivre de gourmandise, pour être ensuite aspiré dans un tuyau qui l’emmène dans un autre décor… C’est l’un des incroyables effets spéciaux du film .
Deux autres candidates, aussi gloutonnes et mal embouchées, seront éjectées après avoir été bien malmenées.
Tandis que le quatrième, Charly, petit garçon honnête et généreux qui vivant modestement dans une famille unie qui ne peut lui offrir qu’une tablette de chocolat par an, se voit invité à résider à la chocolaterie pour le restant de ses jours, avec sa famille, les mettant ainsi à l’abri du besoin
A l’origine de cette belle histoire, un livre écrit par Roald Dahl publié en 1964 aux Etats-Unis. Un énorme succès qui fit le tour du monde avant d’inspirer Tim Burton.
Voilà : éblouissement, mystification, angélisme, le spectateur est comblé.
Pour ce qui est de la gourmandise, on ne peut pas dire qu’il soit chocolat...
Miss Comédie
LES SEPT PECHES CAPITAUX / LA COLERE
LA COLERE
On ne peut pas appeler ça un péché.
La colère est un réflexe respectable et bon pour la santé.
Il permet d’évacuer les mauvais ses pulsions et de réguler le rythme cardiaque.
L’espace d’un instant vous n’êtes pas beau à voir mais ça ne dure pas, vous vous sentez soudain libéré d’un poids et maître du jeu.
En plus, la colère est une pulsion éphémère, elle n’est pas dans les gènes, un saint homme peut avoir de grosses colères, c’est même un signe de réactivité positive.
C’est d’ailleurs ce qui rend difficile le choix d’un film dédié à la colère.
Une seule solution : la scène-culte.
Claude Pinoteau nous la sert sur un plateau en or en 1974.
LA GIFLE, c’est son deuxième film en tant que réalisateur et il nous offre un duo de choc : Lino Ventura et Isabelle Adjani.
Lui, le père dépassé par la jeune génération, avait déjà tourné dans le premier film de Pinoteau , LE SILENCIEUX, premier succès qui les encourage à continuer l’année suivante avec LA GIFLE.
Elle en ado révoltée à la voix suraigüe, avait pourtant envoûté son public l’année précédente à la Comédie Française avec son « petit chat est mort » dit d’une voix angélique par son personnage, Agnès de l’ECOLE DES FEMMES.
Comme quoi pour faire carrière, la bonne voix n’est pas celle qu’on croit .
Les voilà donc face à face pour LA GIFLE :
A première vue, la lutte est inégale. Le lion et le moucheron...
Mais les cris perçants et l’agressivité hystérique de la jeune fille ont vite raison du calme apparent de Papa Ventura.
La gifle est magistrale – une vraie gifle balancée par l’ancien catcheur qui s’en excusa après coup ...
La première prise a dû être la bonne et car elle est censée marquer la rupture entre le père et la fille qui part rejoindre sa mère à Londres. On ne sait pas si les deux acteurs ont fini le tournage en meilleurs termes que leurs personnages...
Evidemment le film n’est pas entièrement habité par la colère, ce serait déprimant. D’accord, les personnages d’ados en révolte font la majeure partie du scénario, avec un Francis Perrin survolté en petit copain d’Adjani, la plus excitée de tous contre l’autorité paternelle.
C’est un joli portrait de notre société dans les années 70 qui n’est resté dans les mémoires que grâce à cette fameuse gifle et au duo Ventura-Adjani. On a oublié les rôles secondaires, qui sont pourtant tenus par de futurs grands talents, un casting impressionnant pour l’époque.
Malgré tous ces bémols, LA GIFLE fut récompensée par le Prix Louis Delluc, pas mal pour un débutant (enfin... il avait quand même 49 ans ! )
Mais Pinoteau n’en avait pas fini avec la colère puisque quatre ans plus tard il réalise, toujours avec Lino, L’HOMME EN COLERE, un film très méchant où la colère prend des relents de banditisme... à oublier.
Il se ressaisit très vite en 1980 pour offrir à Sophie Marceau son premier rôle dans LA BOUM, suivi par la BOUM 2 ; succès oblige.
Mais pour en revenir à la Colère, je pense que Claude Pinoteau était à mille lieues de se douter que LA GIFLE puisse être un jour catalogué comme un film sur la colère !
Savait-il seulement que c’est le pape Grégoire le Grand qui, en l’an 600 après JC, dressa la liste des sept péchés originels d’où, selon lui, découleraient tous les autres ?
Et vous ? Le saviez vous ?
Miss Comédie
LES SEPT PECHES CAPITAUX - L'AVARICE
L’avarice, ça n’existe plus .
Nous sommes tous des adeptes d’un nouveau savoir-vivre, LE PARTAGE, que personne ne pratique car personne ne sait ce qu’il faut partager ni avec qui.
Aujourd’hui nous sommes tous éco-responsables dans une société équitable régie par la bio-éthique pour le bien du collectif.
Mais je m’égare.
Revenons à l’avarice au sens archaïque du terme celle de nos ancêtres.
Pour le commun des mortels , c’est Molière qui a inventé l’avare et personne d’autre qu’un avare ne peut porter le prénom d’Harpagon, non ?
Il existe plusieurs films sur le sujet mais je n’irai pas par quatre chemins, celui qui s’impose comme une évidence est évidemment L’AVARE, film de Jean-Girod et Louis de Funès, sorti en 1980.
C’est exactement le remake de la pièce de Molière, tourné dans la chronologie de l’œuvre originale, avec un Louis de Funès débridé en Harpagon plus vrai que nature.
Car ce rôle, il l’avait dans la peau et n’a cessé de multiplier en vain les tentatives pour l’interpréter au théâtre ou à l’écran….
Un acharnement dû, dit-on, à une mère dont l’avarice était spectaculaire et dont il se mit à imiter dès son plus jeune âge les tics caractéristiques.
Il ne devint pas avare mais il se confectionna au fil de sa carrière un personnage imperceptiblement imprégné des menus aspects comiques de l’avare.
C’est visible et même frappant lorsque l’on observe attentivement sa filmographie.
Il trimballa cette frustration mine de rien sous son immense génie comique…
Jusqu’à sa rencontre avec le producteur Christian Fechner et sa collaboration avec Jean Girod pour la réalisation. Le trio se lança dans une aventure qui fit un bruit d’enfer et la sortie du film fut l’événement le plus commenté du moment.
Pourtant, avec 2 millions et des poussières d’entrées, ce fut un succès mitigé pour Louis de Funès, habitué à des chiffres astronomiques.
Le film n’a pas non plus obtenu un César mais a donné l’idée au Jury de décerner un César d’honneur à Louis de Funès pour l’ensemble de sa carrière et un extrait du film fut projeté lors de la cérémonie .
C’était un juste retour des choses car le tournage de L’AVARE avait été pour l’acteur une épreuve physique aussi bien qu’un tour de force professionnel.
A peine remis d’un double infarctus, Louis de Funès dut affronter le froid extrême du début de l’année 1980 et de multiples précautions furent prises pour lui faciliter le travail….Un travail acharné pour s’imprégner du texte de Molière auquel il n’était pas question d’ajouter ses improvisations habituelles...
L’acteur de cinéma rompu à toutes les facéties hors scénario se plia à la rigueur extrême d’un dialogue inaltérable sous la direction amicale mais sévère du co-réalisateur Jean Girod.
Face à lui, il avait comme partenaires une bande d’ »inséparables » dont plusieurs ex pensionnaires de la Comédie Française, mais aussi une meute de jeunes élèves du Conservatoire rompus à tous les pièges de la langue de Molière
…. Sur le plateau contrairement à son habitude, il ne régnait pas en maître et se sentait même parfois, aussi dépourvu qu’un débutant comme pour la scène difficile du dernier acte avec Antelme, face à un Georges Audoubert de la Comédie Fraçaise… … un cador !
Ce qui ne l’empêche pas de nous offrir un large éventail de mimiques, gesticulations et onomatopées jeux de scène dont Molière lui-même , en son temps, n’était pas avare .
Pari réussi, donc : faire de ce monument culturel historique un événement majeur dans le cinéma populaire contemporain – et une nouvelle bataille d’Hernani.
Tous les organes de presse se lancèrent dans cette bataille, les uns pour l’encenser, les autres pour le massacrer. La majorité des critiques fut cependant très élogieuse. Robert Chazal dans France-Soir qualifia l’adaptation de « feu d’artifice ».
Quant à Jean-François Revel alors critique à l’Express, il écrivit dans son éditorial que l’interprétation d’Harpagon par Louis de Funés dépassait de loin celle de Charles Dullin qui créa le rôle et était réputé inégalable. Il termine son article avec une belle phrase d’écrivain :
« tout Molière n’est pas dans l’AVARE, mais tout l’AVARE est dans le film de Louis de Funés
Je m’aperçois que raconter un film comique n’est pas rigolo du tout. Surtout lorsque le ressort comique du film ne repose que sur le jeu de l’acteur – alors qu’une tragédie sous-jacente se dessine tout au long de l’action , uniquement perceptible par le spectateur…
Il faut voir le film, c’est clair . C’est l’avarice dans toute sa splendeur.
Miss Comédie
LES SEPT PECHES CAPITAUX A L'ECRAN
C’est le moment où jamais pour faire un retour sur soi-même alors que la priorité actuelle est de se protéger des autres . Nous vivons une annus horribilis qui ressemble bien à un rappel à l’ordre du Ciel devant une planète sans foi ni loi.
Hé oui, nous pêchons tous sans le savoir et comme nous sommes de plus en plus nombreux, la Terre devient un champ de mines exponentiel.
Il est urgent de se souvenir des sept péchés capitaux et le cinéma est là pour nous les remettre en mémoire.
Il y en a sept et je vous les rappelle, au cas où vous ignoreriez le nom de votre péché mignon :
Colère, avarice, envie , orgueil, gourmandise, paresse, luxure.
Or, le mensonge ne figure pas dans cette liste. Etrange omission ! Car le mensonge est un péché très capital à mon sens, un très vilain péché qui peut faire beaucoup de mal. Je l’ajoute donc à ma liste, n’en déplaise au Seigneur.
On va donc s’amuser à trouver des films qui illustrent le mieux le péché en question. Commençons par le Mensonge, qui est le plus facile à interpréter pour un comédien.
Les films sur le mensonge, on ne les compte plus.
Mais quitte à n’en citer qu’un, je préfère celui qui donne envie de récidive et là, je n’en vois qu’un, qu’on ne se lasse pas de voir et de revoir, le film qui a le pompon de la mensongerie sans relâche, c’est :
LE DINER DE CONS
Dans un scénario machiavélique s’enchaînent les quiproquos, les entourloupes, les coups fourrés autour d’un individu souffre-douleur qui multiplie les boulettes et sème la pagaille dans cet imbroglio de mensonges.
C’est du Feydeau tout cru dans ces chassés-croisés d’adultères entre amis qui se trompent de maîtresses...
Tout le monde ment dans cette histoire et cela pourrait devenir lassant s’il n’y avait ces deux moments de génie qui mettent la salle en délire : Villeret au téléphone sous le regard de Lhermitte hors de lui.
Le casting est époustouflant autour du personnage pivot de Villeret, ce con magnifique qui accumule les bourdes avec un naturel presque retors.
A la hauteur, le génial Thierry Lhermitte, le grandiose Daniel Prévost et tous les complices de ce gang mené de main de maître par Francis Veber, l’auteur de la pièce de théâtre déjà ovationnée avant la sortie du film.
Cette association de malfaiteurs n’ont pas regretté leurs turpitudes : neuf millions d’entrées, derrière TITANIC, et six Cesars la même année : dont meilleur acteur pour Jacques Villeret, meilleur second rôle pour Daniel Prévost et meilleur scenario pour Francis Veber. Sans compter les royalties pour chaque passage sur le petit écran.
Moralité : Il ne faut pas chercher la moralité là-dedans.
Le mensonge, contrairement aux autres péchés capitaux, est une arme à double tranchant : il peut provoquer un drame épouvantable ou déclencher un rire féroce.
Le mensonge, avec ses tours et ses détours, ses manigances verbales a inspiré les plus grands
auteurs de théâtre au point que c’est presque un passage obligé pour maintenir le spectateur en haleine.
Les prouesses de Scapin, d’Arlequin, de Tartuffe comme les héros de Musset pratiquent le mensonge comme ils respirent mais ce n’est pas toujours payant.
Le mensonge est donc un péché capital, même s’il s’agit d’un « pieux mensonge«. Alors là, c’est de la ruse digne de Judas.
Miss Comédie
(Prochain péché capital : l’avarice.)
iNTERMEZZO
Patience ! Miss Comédie sera bientôt de retour avec « une scène par jour » - ou presque !
Le temps de peaufiner une nouvelle formule d’alimentation pour mon blog qui prend un peu trop d’embonpoint, une bonne detox , quoi.
A bientôt pour de nouvelles divagations hors Covid…
Miss Comédie
interùezzp
LA PHOTO-MYSTERE DES PLAGES 3
La plage préférée des cinéphiles même s’ils n’y ont jamais mis les pieds. Film-culte sorti en 1978 et relayé assidûment sur le petit écran, c’est le tableau vivant des vacances à la mer ; éternellement d’actualité.
Sans aller plus loin, vous avez tout pour identifier cette plage…
Alors :
Qui est le réalisateur de ce film ?
Citez quelques noms de la distribution splendide qui anime cette plage ?
Pour ceux qui auraient un trou de mémoire, les réponses seront données dans le prochain article.
Et ce sera la fin des photos-mystère des plages, puisque l’été touche à sa fin.
J’espère que ce petit jeu vous aura distrait un moment avant d’affronter un nouveau mystère, celui de la rentrée...
.
REPONSES DE LA PHOTO MYSTERE 2 :
Film : LA PLAGE
Réalisateur : Danny Boyle
Interprètes : l’Américain Leonardo di Caprio, les deux Français : Guillaume Canet et Virginie Ledoyen.
A bientôt,
Miss Comédie
LA PHOTO MYSTERE DES PLAGES 2
Voici une autre plage dans un autre film, sorti en 2000.Si vous l’avez vu, vous pouvez me donner le nom des trois interprètes principaux ?
Et celui du réalisateur ?
Pour les interprètes, l’un est Américain, les deux autres sont Français.
Pour ce qui est du réalisateur, c’est en général celui dont les gens oublient le nom, grosse lacune car sans réalisateur, il n’y aurait pas de film !
Voilà, ce petit jeu a pour but de nous rafraîchir la mémoire dans cet immense champ de culture qu’est le Cinéma.
Réponses de la Photo-mystère N°1 :
GUSTAV VON ASCHENBACH interprété par Dirk Bogarde
GUSTAV MALHER l’Adagietto de la Symphonie No5
A bientôt sur une autre plage,
Miss Comédie
LA PHOTO_MYSTERE DES PLAGES
LA PHOTO MYSTERE DES PLAGES
C’est sur cette plage, dans un film culte sorti en 1971, que le personnage principal , fou d’amour , vient rendre le dernier soupir.
Quel est le titre de ce film ?
Le nom de son réalisateur ?
Le nom du personnage principal ?
Pour vous aider, la bande originale de ce film comporte un morceau de musique classique mémorable dont l’auteur, immense compositeur autrichien, porte le même prénom que le personnage principal - et, tiens ! quel est ce compositeur et quelle est l’œuvre dont est tiré le morceau du film ?
Réponses dans le prochain article avec la photo-mystère d’une autre plage.
Miss Comédie
WHAT A WONDERFULL WORLD !
Armstrong
WHAT A WONDERFUL WORLD !
J'aperçois des arbres verts
Des roses rouges également
Je les vois s'épanouir
Pour toi et moi
Et je me dis « Quel monde merveilleux ! »
Je vois des cieux bleus
Et de blancs nuages
L'éclatant jour béni
La sombre nuit sacrée
Et je me dis comme pour moi-même
"Quel monde merveilleux"
Les couleurs de l'arc-en-ciel
Si jolies dans le ciel
Sont aussi sur les visages
Des passants
Je vois des amis se serrer la main
Se dire « comment vas-tu »
En réalité ils se disent « je t'aime »
J'entends des bébés pleurer
Je les vois grandir
Ils apprendront bien plus
Que je n'en saurai jamais
Et je me dis tout bas
« Quel monde merveilleux «
Je me dis comme pour moi-même
« Quel monde merveilleux »
Voila ce que chantait Louis Armstrong à l’automne 1967
En pleine guerre du Vietnam, comme si de rien n’était...
Ou plutôt comme si ces visions d’un monde imaginaire pouvaient conjurer le mal qui frappait son monde à lui, cette race qui n’en finissait pas d’être opprimée.
Il chantait, Louis, comme les apôtres chantaient la gloire du Seigneur et sa musique adoucissait les blessures de ses frères mais n’adoucissait pas les moeurs.
Armstrong et ses frères nous ont offert avec leur musique de quoi apporter la paix dans le monde, comme les cantates de Bach ou l’Hymne à la Joie de Beethoven... mais , hélas , certains n’entendent que les voix stridentes de la discorde.
Et voilà que les statues vont payer pour tous les mécréants d’hier et d’aujourd’hui. Ils ont décapité la statue de Christophe Colomb , comme ça on ne sera plus tenté de lui tresser une couronne pour avoir découvert l’Amérique.
On interdit la projection au cinéma du film « Autant en emporte le vent ». Pourquoi ? Pour saper irrémédiablement la mémoire du Septième Art au nom de la justice raciale ?
Mais les Blancs et les Noirs s’aimeront-ils d’amour pour autant ?
On en doute.
Mais… ces démonstrations excessives, tyranniques et incontrôlées ne sont-elles pas annonciatrices d’une prise de conscience collective ? D’un refus de l’indifférence ?
On peut toujours rêver.
Cette chanson est un message d’amour et d’espoir que Louis Armstrong lançait à ses frères et au monde entier.
Si l’on écoute les medias, les politiques, les associations et les réseaux sociaux, ce monde n’est pas merveilleux, il est calamiteux.
Mais si l’on arrive à faire taire les sirènes déchaînées et que l’on est seul face à sa propre vision du monde, on ne voit plus que…….ce que voyait Armstrong dans sa chanson.
Sauf qu’en 2020, entre le virus et la propagation de la violence sur cette planète, pour garder l’espoir, il faut être d’une inconscience proche du coma éthylique.
Miss Comédie
PS L'appli cation Deezer ne nous autorise que dix secondes du morceau gratuits... Pour le reste il faut payer après une série de mots de passe etc..... Quel monde merveilleux...
LA MAISON D'ESCHER
LA MAISON D'ESCHER, LA MAISON DE TOUS LES POSSIBLES
Accrochez-vous !
Vos yeux ont perdu l’équilibre, vous fixez deux garçons qui montent ensemble le même escalier mais regardez bien, l’un monte les marches, l’autre les contremarches… dieu du ciel, ils n’ont pas la même force de gravitation… un autre escalier s’envole vers le vide, vous distinguez un mur qui est aussi un plancher, à première vue ce dessin ne représente que le chaos, mais pour un mathématicien, tout est parfaitement normal. En attendant, pour s’y repérer, l’usage des petits cailloux est conseillé sinon vous ne trouverez jamais la sortie.
Et puis c’est fou, vous n’arrivez pas à vous décrocher de cette vision dérangée et dérangeante qui n’est pas une illusion d’optique, non plutôt l’illusion de la perspective, de la gravitation, mais tout cela cohabite, l’envers côtoie l’endroit, le haut est aussi le bas, et l’on se dit finalement que c’est peut-être comme ça autour de nous et que l’on ne s’en aperçoit pas.
C’est à la fois fascinant et énervant. Ce vertige qui vous prend devant l’impensable, l’inexplicable, l’irrationnel. On pense « cette gravure est l’œuvre d’un fou. »
Il n’est pas fou, Escher, bien qu’il affirme lui-même que « ce que l’on voit là n’est rien, comparé à ce qu’il a dans la tête... »
C’est que notre monde est bourré de mystères que seuls des initiés arrivent à percer et nous passons à côté de l’impensable sans nous en douter, à chaque seconde. Nous sommes ici mais aussi peut être ailleurs, qui sait ?
La maison d’Escher est celle de tous les possibles géométriques et arithmétiques mais elle est aussi traversée par des forces magnétiques qui s’installent au fil des années.
L’œuvre d’Escher n’est pas métaphysique, ni même surréaliste, son inspiration est purement mathématique.
En 1922 au cours d’un voyage en Espagne, il reste en arrêt devant la façade de l’Alhambra à Grenade et ses motifs répétitifs basés sur des formules arithmétiques.
Il suivit cette voie pour créer des les constructions impossibles, des motifs en deux ou trois dimensions qui se transforment graduellement en leur contraire.
Le roi de l’illusion inspiré par les lois de l’arithmétique, c’est déjà un paradoxe.
La question est de savoir où est la véritable nature des choses qui nous entourent : dans quelle dimension sommes-nous pour les observer ?
Souvenez-vous de votre ancienne maison.
Des réminiscences vous reviennent images de bonheur omniprésentes mais fragiles, culbutés par une présence intruse qui s’infiltre, tel un scorpion surgi du néant sur le mur blanc. Gardez vos larmes, ce sont les aléas de la vie.
Chaque maison est la maison de tous les possibles.
miss Comédie
LE THEATRE A BUREAUX FERMES
Le rideau rouge est tombé, il y a bientôt cent jours.
Les théâtres ont dû fermer leurs portes et les fauteuils repliés prennent la poussière.
Les spectateurs frustrés arpentent les rues, muselés, attendant la fin d’un supplice qui semble s’éterniser.
Bien sûr, - il faut y croire - les trois coups retentiront à nouveau, le rideau rouge se lèvera enfin car la magie du théâtre n’est pas près de s’éteindre.
Le théâtre est la survie de notre imaginaire, enfoui dans les dédales d’un jardin secret que la scène repeuple pour nous sans relâche.
En ce temps là la Comédie Française affichait RELACHE le temps
de changer d’auteur, de décor, de comédiens, le temps de faire peau neuve en quelques jours et les Parisiens savaient qu’une nouvelle création les attendait au tournant, la date était fixée, pas de surprise.
Aujourd’hui on se doute que l’attente sera longue.
Il faudra bien un jour mettre bas les masques et crier nos bravos, debout, devant les fantômes ressuscités du théâtre vivant ! Mais quand ?
Moi je reste spectatrice d’un monde qui a momentanément, j’espère, perdu ses repères et qui, lentement, reprend son souffle.
A bientôt,
Miss Comédie
HOME CINEMA : what else ?
Aujourd’hui où tout être humain se méfie de son prochain et garde ses distances, les salles de cinéma ont fermé leurs portes.
C’est la désolation pour tous ceux qui venaient y oublier la vraie vie et partager une vie de rêve, au coude à coude, avec des inconnus.
Tout le monde sait que le cinéma est le seul endroit où l’on a rendez-vous avec soi-même, tel que l’on a été un jour, tel qu’on voudrait renaître un jour.
A la rencontre de ces images inattendues qui vont éveiller en vous quelque désir inavoué, quelque sanglot, quelque sursaut de révolte, ou l’écho d’une voix depuis longtemps éteinte qui vous bouleverse. Et puis quand la salle toute entière rit, cette libération partagée.
Au cinéma c’est vous qui dansez avec Fred Astaire, qui jouez aux échecs avec Steve Mc Queen, qui menez le char de Spartacus, qui hurlez avec les loups.
Allumez chez vous la lanterne magique et vivez toutes vos métamorphoses, indéfiniment confinée.
Avec un café, le home cinéma. Quoi d’autre ?
Miss Comédie
https://www.youtube.com/watch?v=qyYiO51peVc
LOIN DE LA FOULE, SOUCHON CHANTE
Protège-toi Alain !
Ame des fifties, des sixties aussi,
Et même au-delà des nineties
Te riant des tempes grises,
Tu as chanté sans fin jusqu’à ce que
la vie t’impose un masque et que
ta voix et ta musique arrivent jusqu’ici.
Vieil ado mélancolique
Victoire de la musique
Pourquoi faire ?
Les micros se sont tus…
Il a l’âge que l’on n’avoue jamais.
Il a la voix adolescente des premiers flirts, pour dire doucement le temps qui a passé, avec des mots usés, bribes de vocabulaire oublié, qui nous frappent au coeur.
Les mots des fifties, aujourd’hui.
Ces prénoms qu’on ne donne plus aux enfants, ces voitures qui ne roulent plus vraiment, André Verchuren, le train Mistral, tout cela on a connu enfant ou même plus grand, on ne regrette rien, ce que l’on regrette c’est tous ces bonheurs enfuis, comme ce dernier rendez-vous sous la marquise avec un verre de gin fizz et cette légère brise …
Tout l’album est comme ça, entre humour et tendresse, nostalgique et insolent.
Mais je reviens toujours en boucle à cette Ame des Fifties qui est un petit bijou baroque comme un adagio d’Albinoni.
Miss Comédie
QUAND LES ETOILES SE CONFIENT.....
23 ème jour de confinement. Le pic de l’épidémie n’est pas encore atteint.
Dans l’immensité de la nuit étoilée, la grande ourse et la petite Ourse sont les constellations qui nous semblent les plus proches. Plus brillantes que les autres, elles sont facilement reconnaissables visibles, hiver comme été.
Duo inséparable, elles passent leur temps à observer les allers et venues des navettes spatiales ou la valse lente des objets abandonnés dans l’espace qui ont l’éternité pour eux.
Quant aux planètes, seule la planète Terre offre quelques distractions : sur Mars, Venus, Uranus ou Jupiter, il ne se passe rien d’intéressant.
Cette nuit-là, les sept étoiles de la petite Ourse se sont mises à frémir d’on ne sait quelle agitation.
« Hé, il se passe quelque chose sur la planète Terre ! Un grand silence règne sous la clarté de la Lune, et les rues sont vides dans les cités qui d’ordinaire fourmillent de noctambules !
« Je suis aussi intriguée que toi, Polaris… les humains semblent avoir déserté leur espace vital… mais où sont-ils ?
« J’aperçois des points lumineux qui scintillent dans les villes et quelques-uns aussi de par les étendues champêtres…
« Ils sont donc tous chez eux mais pourquoi ? La finale d’un match de foot international à la télé ?… Prête-moi tes jumelles, que j’examine de plus près, voyons… la France, par exemple, qui me semble bien calme, et Paris (elle s’exclame) c’est fou, les Champs-Elysées sans âme qui vive, le crois-tu ?
elle tend les jumelles à la petite Ourse, qui observe à son tour :
La petite Ourse
Je vois le lion de Belfort qui porte un masque ! Et Jeanne d’Arc sur son cheval en porte un aussi ! Et la tour Eiffel porte une chemise en crêpe noir !
Pourquoi ils font ça ?
« C’est dingue ! Et regarde aussi au Danemark, pour voir ?
« J’y suis ! Et bien, la petite sirène, elle aussi porte un masque !
« Un grand danger menace donc l’Europe, mais l’Amérique est-elle aussi sur ses gardes ?
« Par Jupiter, à l’Ouest y a du nouveau, comme à l’Est, plus une âme dans les mégapoles et… stupéfaction, la statue de la Liberté…
« Quoi ?... écroulée ?
« Non : masquée ! le drapeau US lui couvre le visage jusqu’aux yeux !
« Par Zeus, tu me fais marcher !
« Tiens, prend les jumelles et regarde ! Je suis prise d’une grande frayeur, moi !
La grande Ourse saisit les jumelles et balaie le champ sidéral pour finir par bégayer :
« On touche le fond. Venise a organisé un bal masqué sur la place St-Marc…
La petite Ourse s’affole :
« Mais… il y a des morts ! Je viens de recevoir l’appel d’un numéro masqué… » » De qui ?
« C’est Jean-Larent Cochet le grand professeur de Théâtre, qui vient de rejoindre le Paradis… Il m’a dit…
La grande Ourse, tremblant de toutes ses étoiles
Que t’a-t-il dit ?
« Quelques mots d’une pièce de Molière…
« Quels mots ?
« Le poumon… le poumon… »
Le jour se lève. Les constellations disparaissent peu à peu dans la clarté naissante du firmament.
La grande Ourse et la petite Ourse viennent de comprendre que le mal qui se répand sur la planète Terre n’est pas vraiment imaginaire .
Miss Comédie
ALIEN, LE CONFINEMENT
Le père
On est bien, non ?
La mère
Oui, on est bien, sans radio, sans télé, sans smartphone.…ça fait du bien.
La fille
On fait le vide…
Le fils
On n’a qu’un souci, c’est qu’on est confinés depuis sacrément longtemps !
Le gendre, derrière son journal
CONFINES… vous vous sentez vraiment confinés, ici ? Devant un champ de blé ?
Le fils
Ben oui, le confinement fait de nous des confinés ! (il ricane).
Le gendre, hargneux
Absurde ! Le con fini c’est celui qui a lancé le mot confinement pour faire de nous des poulets d’élevage !
Le père
Allez, tu ergotes, là !
Le fils
Alors si on n’est pas confinés, on est quoi, d’après toi ?
Le gendre
On est tout simplement isolés, voilà.
La mère
Ah oui, j’aime mieux ça, le mot est plus élégant.
Le gendre
C’est surtout le mot JUSTE !
Le fils
Trop tard ! Le monde entier est confiné jusqu’à… quand, au juste ?
La fille
Comment savoir ? on est coupés du monde !
La mère
Seigneur ! cela fait combien de temps qu’on est là à regarder pousser le blé ?
Le père, pris de stupeur
Bon sang la boulette ! On aurait pu garder la télé !
Miss Comédie
ALIEN, L'ARME INVISIBLE
Bizarrement, la Nuit des Cesars, avec ses remous tristement iconoclaste, marque symboliquement la fin d’une époque.
Je ne me doutais pas que l’enchaînement de mes articles, inspirés par une actualité que je voulais ludique, serait soudain brisé net par un événement dramatique qui s’abat sur la planète toute entière.
Comme tout le monde, je retiens ma respiration. L’inspiration, elle, est tarie, il faut éviter d’être à bout de souffle.
La Bête s’attaque aux plus faibles – je sens qu’il vaut mieux qu’Elle m’oublie.
Nous voilà donc renvoyés chez nous jusqu’à nouvel ordre car la Bête tue tout ce qui bouge.
C’est le « va dans ta chambre » des enfants dont on n’arrive pas à venir à bout.
Déjà la France a peu à peu changé de visage.
Ce nouveau territoire vidé de ses habitants et de ses véhicules a quelque chose d’hallucinant. C’est comme un présage d’apocalypse, une vision de cauchemar.
La nuit devient un prolongement du cosmos, muette interrogation sans réponse.
Le silence a envahi l’espace des vivants, palpable comme un voile de brume.
Les jours ont perdu leur chronologie, les heures s’écoulent sans rime ni raison, les agendas restent vides de sens.
La question est : « jusqu’à quand ? »
Il n’y a pas encore de réponse.
Mais la certitude qui se profile à l’échelle planétaire : quelle que soit la durée de notre réclusion, quel que soit le nombre de survivants, quelle que soit l’ampleur du désastre économique, est que rien ne sera plus comme avant.
Miss Comédie
AVE CESAR
La première Cérémonie des César, appelée aussi LA NUIT DES CESAR, eut lieu le 3 avril 1976 au Palais des Congrès à Paris.
Elle fut présidée par Jean Gabin, dont ce fut la dernière apparition publique sept mois avant sa mort. Les images d’archives le montrent assis au premier rang, son visage éternellement impassible sous sa crinière blanche, se levant péniblement à l’appel de son nom pour monter sur scène et proférer d’un ton las, la phrase « je déclare ouverte la Première cérémonie des César ».
Il était déjà malade, mais il avait tenu son rôle avec grandeur, sous les yeux attentifs des deux maîtres de cérémonie, Pierre Tchernia et Jean-Claude Brialy.
J’imagine que planait sur cette première remise de prix un suspense sans précédent, comme l’entrée des gladiateurs dans l’arène, devant César.
Ce fut Jean Gabin accompagné de Michèle Morgan (« tu as de beaux yeux, tu sais... ») qui remit le César du meilleur film à Robert Enrico pour LE VIEUX FUSIL, sous les acclamations du public. Adhésion totale, pas d’intermittents pour protester, pas de partisans du désarmement non plus. Un choix qui donna au film une reconnaissance éternelle.
Derrière lui, trois concurrents malheureux mais d’égale stature :
Cousin Cousine, de J Ch Tacchella,
Que la fête commence de Bertrand Tavernier,
Sept morts sur ordonnance de Jacques Rouffio.
Le meilleur réalisateur fut Bertrand Tavernier pour QUE LA FETE COMMENCE, suivi par François Truffaut pour Adèle H , Robert Enrico pour le Vieux Fusil,
Jean-Paul Rappeneau pour Le Sauvage.
On aurait pu les classer ex-aequos...
Le César de la meilleure actrice posait un sacré problème d’ego… Romy Schneider l’emporta pour son rôle dans L’IMPORTANT EST D’AIMER, au grand dam d’Isabelle Adjani qui s’était levée avant même que le prix soit décerné, persuadée qu’elle était l’heureuse élue.
A côté d’elle, mais plus humbles, des stars déjà confirmées : Catherine Deneuve pour Le Sauvage, Delphine Seyrig pour India Song…
Excusez moi du peu. Mais à l’époque, les écrans étaient peuplés de créatures divines bourrées de talent. Il n’y avait que l’embarras du choix .
Pour le César du meilleur acteur ils ont dû probablement tirer au sort pour désigner Philippe Noiret dans LE VIEUX FUSIL alors que caracolait derrière lui Gérard Depardieu pour Sept Morts sur ordonnance, Victor Lanoux pour Cousin Cousine , Jean Pierre Marielle pour Les Galettes de Pont-Aven…
En lice pour cette première compétition, les films étrangers alignaient quatre fleurons du 7ème art européen :
Parfum de Femme de Dino Risi, l’emportait sur Aguirre ou la Colère de Dieu de Werner Herzog , Nashville de Robert Altman, La Flûte enchantée d’Ingmar Bergman
... and the winner was : PARFUM DE FEMME, bien sûr, inoubliable Gassman.
Il y eut deux César d’honneur, un peu bizarres, pour Diana Ross, une chanteuse égarée au cinéma, et Ingrid Bergman.
Pour rafraîchir l’atmosphère, le spectacle comportait des moments de détente où quelques figures connues de la chanson venaient se produire hors compétition.
Tout cela était encore bon enfant, plein d’humour et de tolérance, les gens étaient là pour se congratuler, non pour se critiquer.
C’était encore la grande famille du cinéma, heureuse de se retrouver pour une nuit de consécration.
Quarante quatre ans plus tard, tout a changé.
Les films ont perdu cette frivolité qui faisait leur charme, le propos n’est plus de divertir mais de démontrer.
Sous des images parfois insoutenables, la violence est devenue le piment des scénaristes qui délaissent l’imaginaire pour la réalité au premier degré.
Les acteurs ont droit à leur jour de gloire avant d’être oubliés, remplacés par de nouveaux talents.
Surtout, chaque compétition est devenue un combat d’idées, une lutte sournoisement politique.
On nous annonce que le grand favori des César 2020 est le film de Polanski, « J’accuse », ce qui promet une belle démonstration de force de la part des féministes.
Et pourquoi tout d’un coup, la Nuit des César ne donne sa chance qu’à des réalisateurs venus du Belouchistant ?
« OK, boomer ! » me répond la jeune génération.
Miss Comédie
J’apprends à l’instant la démission collective des membres de l’Académie des César, à la demande d’un groupe de personnalités du cinéma (dont Bertrand Tavernier !!!!... ) Oui, tout change. Que va-t-il se passer le jour J ?
HERNANI, BATAILLE POUR UNE REFORME
« La première d’Hernani » par Albert Besnard (1849-1934)
Depuis la nuit des temps, le monde est en perpétuel changement car l’immobilité c’est la mort. Cela se fait tout naturellement, mais certains êtres humains participent, volontairement ou non, à ce changement , provoquant ainsi des réactions qui peuvent tourner au pugilat, à la grève, voire à la violence.
Voyez la bataille d’Hernani.
Victor Hugo en a eu marre d’être soumis aux codes imposés par Boileau dans l’écriture dramaturgique.
Il écrivit une magnifique pièce de théâtre qui avait tout pour rendre fous les gardiens de la tradition.
Comme on n’est jamais trop prudent, il soumit la pièce à la censure royale et Charles X du moment qu’on ne touchait pas à sa majesté, donna son accord pour la représenter au Théâtre Français. Pour ce qui était de la censure littéraire, il laissait aux puristes le soin de se manifester.
La veille de la première, Victor Hugo convoqua chez lui son groupe d’amis intellectuels et artistes pour une lecture de la pièce.
Le bruit avait circulé que l’oeuvre piétinait certains tabous, mais lesquels, au juste ?
Tout émoustillés, toujours prêts à renverser les vieilles idoles, la jeune garde fit bloc avec la réforme.
Elle était de taille, la réforme : finie les trois unités, les alexandrins, la tragédie se mêlait à la comédie et le tout finissait par un drame.
Il fallait s’attendre à une levée de boucliers, ce fut un combat à mains nues et lancer d’injures . L’évènement resta dans l’histoire sous le nom définitif de « bataille d’Hernani ».
Le soir de la première à la Comédie Française, le 25 février 1830, la salle était pleine et l’ambiance survoltée entre les deux camps .
Les classiques et les romantiques déchainés, devenus ennemis par le seul motif de la forme donnée à un divertissement, donnant à ce prétexte la force d’un credo inaliénable.
Le peintre Albert Besnard réalisa une fresque de l’évènement.
Le tableau représente la salle Richelieu avant le lever du rideau. D’emblée on remarque l’agitation régnant dans un endroit où le calme et les mœurs policées dominent en temps normal ; « une rumeur d’orage grondait dans la salle », dira Théophile Gautier. Au premier plan, portant les cheveux longs et des vêtements excentriques en signe d’appartenance à la mouvance romantique, les partisans d’Hugo ne peuvent tenir en place. Plusieurs d’entre eux, la bouche ouverte, lancent insultes et quolibets à leurs adversaires. Sur la gauche du tableau, on reconnaît Théophile Gautier, bravant l’adversaire avec son torse bombé et son gilet rouge. L’un de ses alliés, monté sur la scène, semble vouloir singer les gestes et la pose d’un spectateur de l’autre camp. Entre ces deux personnages, tous les occupants des premiers rangs se regroupent en une cohorte informe, parcourue par l’effervescence de la joute oratoire qu’elle mène avec les autres spectateurs du balcon. Parmi les défenseurs de la pièce venus pour l’occasion, citons Gérard de Nerval, Alfred de Musset. La plupart étaient déjà là à l’ouverture des portes du théâtre en début d’après-midi et se sont livrés pour passer le temps à un chahut où les chansons l’ont disputé aux cris d’animaux. Entre les « pro » et les « anti » Hernani, la salle compte d’autres éminents spectateurs venus par simple curiosité. Parmi eux citons en particulier Chateaubriand.
Dès les premiers vers, la querelle est engagée. « Il suffisait, écrit Théophile Gautier, de jeter les yeux sur ce public pour se convaincre que deux systèmes, deux partis, deux armées, deux civilisations même, — ce n'est pas trop dire — étaient en présence, se haïssant cordialement, comme on se hait dans les haines littéraires, ne demandant que la bataille, et prêts à fondre l'un sur l'autre. »
(Michel Winock, dans L’HISTOIRE PAR L’IMAGE, juin 2012)
Le sujet de la pièce ? La mise en scène ? Les comédiens ? Tout cela n’était pas leur problème.
Les amours d’un proscrit avec la jeune infante dona Sol, les turbulences de la cour d’Espagne présentées avec le lyrisme et l’élégance de l’auteur des Misérables, tout cela passait au second plan, derrière la Réforme.
HERNANI fut un vrai succès, alimenté par le bruit de la bataille qui attisa la curiosité, et 39 représentations suivirent cette « première » mouvementée.
Victor Hugo avait 27 ans, il était déjà célèbre et devint grâce à cette bataille la coqueluche des beatniks de l’époque férus d’art dramatique et poétique, menés par un Théophile Gautier au gilet rouge et un Gérard de Nerval déjanté – mais aussi, malgré son âge (62 ans) un Chateaubriant admiratif et désenchanté.
La réforme d’HERNANI, si elle déchaîna les passions, annonçait la fin de la dramaturgie classique. Depuis, les alexandrins sont passés de mode et les trois unités sont passées au rancart.
Ce qui n’empêche pas les foules de se pâmer devant LE CID de Corneille ou BERENICE de Racine, sans parler des éternelles merveilles linguistiques de notre cher Molière !
Il faut se rendre à l’évidence, ça ne sert à rien de lutter contre les réformes.
Miss Comédie
LA PREMIERE
LA DERNIERE
LES FILMS DE LEGENDE : L'AFFAIRE THOMAS CROWN, un beau doublé !
Ce qui est légendaire dans cette affaire, c’est surtout la scène de la partie d’échecs.
Cette scène, j’en ai déjà parlé sans la replacer dans son contexte, comme si le film lui-même était un sujet secondaire.
Grosse erreur !
Le film de Norman Jewison devient intéressant lorsqu’on le compare à son remake réalisé par John McTiernan sorti trente ans plus tard.
Du coup la scène de la partie d’échec devient un épiphénomène purement publicitaire et tout l’intérêt se recentre sur la psychologie des personnages, totalement différente d’un film à l’autre.
En l’espace de trente ans, le personnage féminin a changé sa manière de séduire car, pour la femme d’aujourd’hui la séduction est devenue un but minable, l’essentiel est de démontrer sa valeur par A+ B.
Entre Faye Dunaway et Renée Russo, le personnage de l’enquêtrice a donné un sacré coup de jeune au film, sans changer une virgule au script !
Cela dit, la version de Norman Jewison sorti en 1968
reste légendaire dans la mémoire collective .
Pourquoi ?
Le casting ?
Steve Mc Queen s’est emparé du rôle-titre que Sean Connery vient de refuser. A la lecture du scénario, il a immédiatement flairé le coup de maître.
Il a 38 ans, c’est le wonderboy du moment, une carrure.
Faye Dunaway, elle aussi, gagne le rôle de Vicky Anderson après le refus d’ Anouk Aimée et de… Brigitte Bardot, forte de son succès récent dans Bonnie and Clyde.
Elle est parfaite dans son personnage de garce pomponnée qui drague ouvertement sa proie, persuadée qu’elle le mène par le bout du nez.
Lui, joue le jeu de l’amourette sans se donner beaucoup de mal pour la « posséder ».
Film machiste, dira-t-on, mais légendaire quand même,peut-être grâce aux 55 secondes de ce baiser qui s’est longtemps fait désirer autour de l’échiquier…. ?
Non, ouvrons les yeux : le scénario exploite magnifiquement cette affaire de casse auto-programmé par le héros, et même si la fin est nébuleuse le suspense est mené avec maestria et de toute façon, c’était la première apparition de cette Affaire qui devait marquer les esprits
Alors pourquoi un remake ?
Et bien pour régler cette question de féminité libérée.
Dans ce cas, est-ce vraiment une réplique exacte ?
Ce qui manque à THOMAS CROWN AFFAIR de John Mc Tiernan, c’est… Steve Mc Queen.
C’est frustrant mais logique puisque l’idée directrice du remake était de renverser les rôles : la Femme doit dominer et tout le monde sera content.
Changement de casting, donc.
Pierce Brosnan est une bonne tête d’affiche, ex James Bond, , flegme british faute de carrure cow-boy.
Renée Russo, superbe mais « nature » elle en met doucement plein la vue. C’est le chat qui met la patte sur la queue de la souris avant de l’avaler.
Son enquête se fera tambour battant et son flirt sans minauderies.
Ici la guerre des sexe se fait sans ménagements
Les rapports conflictuels le resteront jusqu’au bout malgré les tentations de la chair. Qui sera le perdant de l’affaire ? C’est la question qu’on se pose jusqu’à la scène fracassante du chapeau melon.
Jusque-là, le canevas du remake est calqué strictement sur celui de la première version, avec démonstrations mécaniques, golfiques, maritimes , aéronautiques qui veulent en mettre plein la vue… en toute hypocrisie.
Mais ici l’enjeu de l’enquête est autrement plus réjouissant qu’un casse banal. Le vol de tableau qui donne lieu à des finesses de mise en scène et à une fin carrément emballante.
Car pour ce qui est de la scène « légendaire », celle de THOMAS CROWN 2 décroche haut la main le pompon ! Comparée à la scène de la partie d’échecs, c’est la bombe H contre le feu sous la cendre , tant pis pour Steve Mc Queen...
La voix roque de Nina Simone dans le rythme d’un rap déchaîné, pendant que l’homme au chapeau melon disparait dans la foule..... Chapeau !
Alors ?
Même si les deux films sont calqués l’un sur l’autre, comment les comparer ? Impossible. Chacun a en plus ce que l’autre n’a pas, chacun est supérieur à l’autre sur un plan et pas sur un autre.
Finalement ils sont indissociables. L’idéal serait de les voir toujours à la suite, comme je l’ai fait.
Pourtant, la première version pose le problème de la fin. Que veut dire ce message délivré à l’enquêtrice lorsqu’elle attend de pied ferme Thomas Crown pour le coffrer ? Il dit « Venez avec l’argent ou gardez la voiture. » Pourquoi cette invitation à laquelle elle ne se rendra pas ? Et finalement, comment a-t-il restitué l’argent ?
Qui peut m’expliquer la fin de l’AFFAIRE THOMAS CROWN ?
Miss Comédie
LES FILMS DE LEGENDE : GILDA (1946)
Quand on regarde cette photo et la séquence toute entière tirée de ce film GILDA, on se dit que la Beauté, comme l’Art, est un mot creux et versatile, comme la Mode.
Aujourd’hui, je regarde la Joconde et je me dis que Rita Hayworth est mille fois plus belle.
C’est normal, les temps changent, elles avaient chacune ce qu’il fallait pour coller aux standards de l’époque.
La Joconde a fasciné les foules avec son petit sourire, qui pour moi, n’évoque pas un mystère insondable , mais plutôt la lassitude du modèle qui trouve le temps long.
Plus tard elle est entrée au musée mais là il n’était plus question de Beauté, mais de mythe culturel.
Rita Hayworth avec sa gestuelle, son sourire, son regard pétillant, n’a pas sa place au musée. A part pour quelques rats de bibliothèque encore sous le charme, sa Beauté est franchement dépassée.
Quelle trentenaire branchée voudrait lui ressembler ?
En 1946, après le succès foudroyant de GiLDA, Rita Hayworth est surnommée La Déesse de l’Amour. Ha ha !
Qui pourrait porter ce titre en 2020 ?
On attend donc la relève. Or, j’ai beau chercher, de nos jours, point de relève.
La Beauté a pris un tournant inquiétant. En fait, le Laid a acquis des lettres de noblesse, à la suite d’on ne sait trop quel renversement des critères.
Mais parlons de GILDA, ce film de Charles Vidor qui a fait de la petite danseuse une étoile fulgurante dans le ciel déjà bien étoilé d’Hollywood.
Le film, lui, n’a été qu’un piédestal pour la star.
Un « film noir » cent fois remanié, rafistolé, pour aboutir à une histoire abracadabran animée par un duo de choc : Glenn Ford et... Rita Hayworth.
Un film sauvé par ses acteurs, c’est courant mais alors là ! GILDA est sauvé par une seule séquence explosive, la scène du gant. A l’époque, les spectateurs ne pouvaient qu’enchaîner les séances pour revivre ces sept minutes torrides - enfin,,," torrides" pour l’époque l'adjectif est déplacé....
sur YouTube on a déjà dépassé les limites du torride.
Est-elle doublée pour cette chanson humoristique qui lui va
« comme un gant » ? Put the blame on Mame...
( Mame étant le compositeur de la mélodie, on ne peut que le blâmer d’avoir inspiré à Rita cette danse fatale .....)
Doublée ou pas doublée, peu importe la voix, c’est son corps voluptueux, sa grâce, son sourire, et surtout ce coup de génie de retirer son long gant noir le long de son bras blanc, lentement, un seul gant, un geste qui dévoile plus qu’un vulgaire streep-tease.
Après ça, on comprend que toutes les majors se soient battues pour l’avoir au générique, que Fred Astaire ait suggéré que « l’amour vient en dansant » (avec elle...), que Orson Welles lui ait passé la bague au doigt, suivi par le prince Ali Khan et trois autres infortunés moins connus.
Tous ces mariages ont mal fini, comme sa vie hélas, qui sombra dans le drame après une si belle jeunesse...
Elle nous laisse le souvenir éblouissant de ces femmes des années d’après-guerre qui rêvaient avant tout – quelle idée ! - de plaire aux hommes.
Miss Comédie
Gilda sur Youtube ---> https://www.youtube.com/watch?v=LZn86sSWtEQ
Gilda et Fred Astaire ---> https://www.youtube.com/watch?v=qyYiO51peVc
C'ETAIT HIER . LES FILMS DE LEGENDE
LA VOIE LACTEE _ LUIS BUNUEL 1969
LA VOIE LACTEE, On l’appelle aussi « le chemin de saint Jacques de Compostelle ». Pourquoi ?
C’est au XIIe siècle qu’un ermite fut guidé par un « champ d’étoiles » vers ce village de Galice où il découvrit le tombeau de l’apôtre Jacques venu évangéliser l’Espagne en son temps.
La cathédrale édifiée depuis à Compostelle qui contient les reliques est devenue le but de pèlerins du monde entier venus marcher pour leur salut ou pour honorer la mémoire du saint apôtre.
C’est ainsi que Luis Bunuel imagina le voyage de Pierre (Paul Frankeur) et Jean (Laurent Terzieff), deux clochards parisiens quittant les ponts de Paris pour prendre le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, où ils espèrent croiser des passants plus généreux.
En réalité, ils rencontrent successivement Satan (Pierre Clémenti), Jésus (Bernard Verley ), une Vierge Marie (Edith Scob) pas très aimable avec son fils ,un jésuite (Georges Marchal) et un janséniste, un curé fou (Julien Guiomar) évadé d'un asile, une prostituée (Delphine Seyrig), le marquis de Sade (Michel Piccoli) etc...
Multitude de rencontres qui bousculent les hérésies
et démolissent les certitudes... incarnées par une multitude d’acteurs connus, tout le gratin des agents d’artistes se retrouve à l’affiche et par miracle, ils étaient tous libres pour le tournage ! En 1969 il est vrai , la plupart faisaient leurs débuts dans le box-office...
Jean-Claude Carrière, alors âgé de 38 ans, apporte au scénario et aux dialogues la pointe de piment érotique que l’on retrouve dans tous les films de Bunuel.
C’est tour à tour réjouissant, burlesque, effrayant et surréaliste, bien sûr, mais en fin de compte, on finit par se poser les questions essentielles : Dieu existe-t-il ? Son enseignement charismatique n’a-t-il pas été déformé au fil du temps pour arriver à ce que le mal prenne le pas sur le bien ?
C’est que tout est symbole dans ce film, où chaque séquence, pour insolite ou surprenante qu’elle puisse être, vient illustrer une position théologique. Un carton vient d’ailleurs rappeler, avant le générique final, que les idées brassées dans le film viennent toutes, ou bien des Écritures, ou bien de telle ou telle position hérétique mais historique. Si Buñuel, dans sa narration, innove sans cesse, en revanche, sur le point théologique, il sélectionne des thèmes, mais il n’invente rien.
Pourquoi ce film n’est-il revenu en mémoire ? C’est en écoutant sur France Inter une interview de Jean-Claude Carrière qui en parlait fort bien avec le recul, certain que ce fillm était devenu intemporel.
Miss Comédie
C'ETAIT HIER : ET AUJOURD'HUI ?
C’ETAIT HIER pièce de Harold Pinter
APPEL A CANDIDATURE : QUI LA REMETTRA A L’AFFICHE ?
L’évocation des souvenirs est un exercice périlleux, en littérature comme au théâtre. Chacun a sa manière de remuer ses souvenirs.
L’envie de revoir C’était hier, pièce mythique de Pinter m’est venue naturellement en lisant le dernier livre de Modiano, celui qu’il a appelé L’Encre Sympathique et qui est un envoûtant retour vers un passé quelque peu imaginaire.
Ici, le lecteur est seul avec lui-même, plongé dans un univers onirique qui n’appartient qu’à Modiano, petite musique intimiste difficile à partager.
Au théâtre, c’est une autre histoire.
En 1971, C’était hier révéla au public parisien la vision de Pinter sur le sujet et ce fut un gros succès, grâce à deux monstres sacrés, Delphine Seyrig et jean Rochefort, et à la mise en scène inspirée de Jorge Lavelli.
Mais les temps changent.
Qui, aujourd’hui, pourrait redonner vie à ces dialogues si ambigüs, à ces évocations contradictoires qui laissent perplexe ?
Le pari est tentant pour un homme de théâtre chevronné car la pièce est une oeuvre de haute volée et le sujet intemporel.
C’était hier, titre absolument réducteur par rapport à la foule de nos souvenirs, ne tient que par le talent des comédiens à faire passer le faux pour du vrai – à dire leur réplique tout en pensant à autre chose.... Mais en fait, le propos n’est-il pas seulement l’affrontement de deux femmes sur le prétexte de se souvenir ?
Apparemment, les quelques adaptations qui ont été montées en France n’ont pas convaincu. Pourquoi ?
La très intelligente et sensible critique d’Armelle Héliot, critique de théâtre au Figaro, donne un début de réponse pour ce qui est de la dernière en date au théâtre Montparnasse, mais elle s’attaque aussi à ce texte « flottant » qui ne fait qu’égarer le spectateur.
Alors ? Je suis sûre que les souvenirs peuvent se raconter et se jouer de manière à surprendre et à émouvoir, même s’ils sont confus – surtout s’ils sont confus !
Par Armelle Héliot le 3 avril 2016 10h13 | Réactions (0)
Qui connaît un peu les textes de l'écrivain britannique reconnaît aux premiers mots "C'était hier", pièce très célèbre présentée sous son titre anglais "Old times". Trois bons comédiens sont réunis par Benoît Giros : Marianne Denicourt, Adèle Haenel, Emmanuel Salinger. Une nouvelle traduction de Séverine Magois, un décor soigné et un travail de vidéo, ne réussissent pas à donner au spectacle une densité convaincante.
Tout flotte, chez Pinter. Tout a toujours flotté. On est le plus souvent incapable de dire, en sortant du spectacle de certaines de ses pièces, que l'on a vraiment compris ce qu'il voulait nous suggérer.
Old times que l'on découvre à l'Atelier est l'une de ses pièces les plus célèbres, souvent jouée en langue française.
Elle ne tient à rien, à presque rien.
Il y a un homme et une femme qui vivent en Grande-Bretagne, au bord de la mer. Il y a une femme, qui a fait le voyage depuis Taormina pour retrouver son amie de jeunesse.
Elles évoquent leurs souvenirs. Vingt ans. C'est très bref, vingt ans.
Elles ont la quarantaine.
Kate (Marianne Denicourt) et Deeley (Emmanuel Salinger) se sont éloignés de Londres. Kate est seule souvent puisque Deelley est souvent en voyage tout autour du monde. Anna (Adèle Haenel) est mariée, mais elle est venue seule.
Il n'est pas question d'enfants.
On la connaît cette pièce qui a été créée en France alors même qu'elle était présentée en Angleterre. Elle date de 1971. Dès l'année suivante Jorge Lavelli l'avait mise en scène au Théâtre Montparnasse. Avec, cela fait partie de la légende de Pinter en France, Delphine Seyrig, Françoise Fabian, Jean Rochefort.
On l'a revue mise en scène par Jean-Pierre Miquel, qui aimait beaucoup Pinter. Elle avait été créée par la Comédie-Française à Avignon, du temps d'Alain Crombecque. Au Cloître des Carmes, puis reprise à Paris, toujours au Montparnasse. Claire Vernet, Catherine Ferran, Alain Pralon jouaient la traduction d'Eric Kahane.
Et puis on n'a pas oublié non plus, à Hébertot, une mise en scène de Sami Frey, avec lui, entouré de Christine Boisson et Carole Bouquet.
Un tulle, des projections, images des rêves de Kate que l'on aperçoit allongée sur un canapé, au fond.
Le tulle disparaît. Au fond, un grand paysage maritime. C'est très élégant. Kate est en pantalon, fine et chic. Marianne Denicourt avec ses cheveux noirs, ses yeux saisissants, sa voix bien placée, a beaucoup de charme. Une beauté qui frappe.
Etrangement, Anna est fagotée dans une petite robe chemisier bleue qui ressemble plus à une blouse d'écolière d'autrefois qu'à une jolie robe. Drôle de décision. Elle ne donne pas le sentiment de la vérité du personnage et souvent Adèle Haenel ne sait pas quoi faire de ses bras, de ses mains. C'est une comédienne excellente au théâtre aussi et l'on se souvient comme elle était bien, la saison dernière, dirigée par Maïa Sandoz dans Le Moche, notamment. Là, la mise en scène efface le personnage alors qu'au contraire elle doit être impressionnante et mystérieuse, telle que l'a écrite Pinter et telle qu'elle pourrait la jouer notamment avec d'autres vêtements...Mais la présence, la grâce d'Adèle Haenel, sa jeune intelligence, séduisent.
On ne sait à quoi cela tient mais tout flotte trop encore. Comme si le metteur en scène n'arrivait pas à décider fermement d'une tension.
Emmanuel Salinger ne s'impose pas assez. La pièce est un peu ainsi. Il y a peu d'hommes qui sanglotent, qui ont sangloté dans la littérature. C'est un personnage difficile à incarner.
Mais n'exagérons pas : c'est bien C'était hier, la pièce telle que nous connaissons. Pourquoi n'avoir pas repris ce titre de légende ? Marketing ? Et il y a des moments, notamment lors d'une grande tirade d'Anna, ou on a bien du mal avec les temps du passé. Question de traduction ?
Bref, autant de petites scories qui empêchent, pour le moment, le spectacle bref, deux actes de 40 minutes, de "prendre" et de toucher le public. »
Toucher le public. Là est le vrai mystère du théâtre. C’est aussi un défi, pour ceux qui en veulent.
Miss Comédie
FRANCOISE SAGAN & FILS
Le voici, le révélateur de ce roman inédit qui a fait l’évènement choc de la rentrée littéraire.
Denis Whesthoff vient de ressusciter le mythe Sagan que l’on croyait mort et enterré.
Ultime cadeau que Sagan avait caché parmi la montagne de paperasses qu’elle laissait à son fis – un fardeau qu’il a porté avec amour recueillement avant d’y découvrir ce manuscrit inachevé.
Bien sûr, la surprise était de taille et la tentation de se taire était forte.
Mais maman tenait à faire valoir son cadeau. Elle fit le coup de l’apparition une nuit que son fils avait une insomnie.
« Denis, tu as trouvé Les quatre coins du coeur ?
« Oui maman, c’est très beau mais c’est un brouillon !
« Comment, un brouillon, c’est juste un premier jet en deux parties à corriger, tu es capable de t’en charger, non ?
« Mais... pourquoi faire ?
« Pour le faire publier, pardi.
« Non, mais tu rêves, maman !
« Pourquoi je rêve ?
« Tu oublies que tu es morte, maman (il se tape le front) et depuis quinze ans, et je n’en suis pas encore remis, moi, tu comprends ?
« Et bien tu vas le publier à ma place. Je te lègue mes droits d’auteur, en compensation de toutes mes dettes.
Denis Whesthoff sauta hors de son lit se versa un verre d’eau.
« Maman je t’adore, j’ai infiniment de respect pour ton oeuvre, mais personne ne voudra lire le roman d’un fantôme ! (il parcourt la chambre des yeux) et d’abord, où es-tu ? Tu me fais faire un cauchemar, là. Laisse-moi dormir !
La voix de Sagan se fait plus lointaine :
« Je suis à ton bureau, mon chéri. J’ai les deux manuscrits sous les yeux. Viens un peu, là, je vais te montrer ce que tu dois faire.
Denis Whesthoff marche vers son bureau et s’assied à sa table de travail.
«Maman, j’ai 57 ans, tu ne vas pas me faire faire mes devoirs, chose que tu n’as jamais faite, d’ailleurs...
« Regarde. Tu dois déjà ramener les deux manuscrits à un seul. Facile ! Tout est noté.
Les pages défilent une à une. Chacune d’elles porte des annotations à l’encre rouge.
Interloqué, Denis contemple l’ouvrage corrigé par la main de l’auteur. Quelques lignes terminent le récit inachevé, écrites à l’encre rouge, et cette fin qu’il n’aurait pas imaginée, le bouleverse.
« Maman...
La voix de Françoise Sagan, cette voix fluette, reconnaissable entre toutes, se fait tendre et ferme à la fois :
« Mon enfant, tu es le prolongement de moi-même, je sais que tu feras éditer ce livre et qu’il aura un grand succès. Grâce à toi.
Tu vois, c’est facile, tu n’as pas grand-chose à ajouter, tu suivras les conseils de l’éditeur. Le plus dur, pour toi, sera d’ameuter la colonie des medias, les vautours de la culture. Mais cette histoire les fera pavoiser, avant même de lire le roman ils en feront des gorges chaudes ! Tu vas devenir célèbre mon fils, le temps d’un top des ventes !
« Je m’en fous d’être célèbre , Maman, mais si cela te fais dormir en paix...
« Tu feras éditer Les quatre coins du coeur » ?
« Ecoute, je trouve ce titre assez idiot mais c’est ton oeuvre, je la ferai éditer, je te le promets.
Il sentit une pression sur son épaule et se retourna, mais le bureau était vide. Il éteignit la lampe au-dessus du manuscrit et se dirigea vers son lit. Une forte odeur de marijuana flottait dans la chambre.
Il sourit et se blottit entre les draps.
Il pensa à sa fille Joyce, qui vénérait sa grand-mère. Du haut de ses douze ans, elle allait le regarder comme un nouvel auteur à succès.
En quelques minutes il venait de retrouver l’envie irrésistible de l’aventure, et le moyen idéal de redonner un sens à sa vie.
Miss Comédie
Publié depuis Overblog
PIERRE LE TAN, BREVE RENCONTRE IMAGINAIRE
Place Saint-Sulpice à Paris, c’est la nuit, une nuit de fin d’été, rafraîchie par la fine pluie qui a détrempé la terre battue autour de la fontaine.
Un homme marche, mains dans les poches, le long de la rue Bonaparte qui borde la place.
Il est grand, cheveux gris, la démarche souple d’un marcheur. Ses pas glissent sur le pavé encore luisant de pluie.
Il marche dans ce quartier dont chaque rue lui évoque un souvenir. Mais aujourd’hui ses pas résonnent comme le rappel d’un flot de souvenirs qu’il ne partagera plus.
Memory Lane. Soixante-dix pages comme un catalogue de portraits choisis dans un passé déjà lointain et restitués par la grâce des dessins a de son ami Pierre Le Tan.
Il se prend à monologuer à mi-voix.
«Memory Lane. C’était en 1980. J’avais trente-cinq ans, lui trente.
Nous étions deux orphelins, avec des parents hors du temps, fantômes d’une autre époque... Memory Lane. C’est étrange, nous étions amis depuis si longtemps et nous n’avons travaillé ensemble que si tard ...»
Il contemple l’imposante bâtisse de la basilique qui lui évoque ce « rappel à Dieu », ce réconfort illusoire des croyants. Il se surprend à espérer pour son ami cette paix éternelle qui le prive, lui, de la paix de chacun des jours à venir.
Le voici qui débouche dans cette rue de Vaugirard où son ami résida longtemps. Il s’arrête, la rue est déserte, les grilles du jardin du Luxembourg sont fermées. Pourtant, une silhouette assise sur le muret qui longe le jardin attire son attention.
« Patrick ?
Il connait cette voix. Il s’approche. L’ombre se lève et vient vers lui.
« Oui, c’est moi, je suis près de chez moi, tu vois...
Nullement étonné, Modiano est pourtant ému jusqu’aux larmes.
« Pourquoi es-tu parti, Pierre ? Je suis seul avec nos souvenirs.
« Tu t’y attendais, non ? Je souffrais, tu le savais. Il fallait partir.
« Que vont devenir tes précieuses collections ? Tes filles n’ont aucun goût pour les morceaux de porcelaine brisée !
« Ca m’est égal. Ce sont des jouets pour les vivants.
« Et pour ceux d’en haut, qu’y a t-il ?
« Les souvenirs, des collections de souvenirs, c’est le tissu de notre vie !
Ils se sont mis à marcher côte à côte vers le Palais du Luxembourg.
« Dis-donc, tu es retourné au Saint Gothard ?
« Non, jamais. Je fréquente rarement Montmartre, c’est trop pentu pour mon âge. Par contre j’adore rêvasser cité Bergère, devant la boutique de chaussures.
« Il y a toujours la plante grimpante dans la vitrine ?
Ils éclatent de rire.
«Le dessin que tu en as fait dans Memory Lane est très beau... mais on ne voit pas les mocassins de Paul Contour qui attendent d’être ressemelés !
Ils sont hilares à l’évocation des années soixante, qu’ils ont savourées ensemble près de quarante ans auparavant.
« Ce petit livre nous a rendus indissociables, finalement.
Ta plume et mon crayon, le cercle parfait.
« Notre premier succès en librairie...
« Pas vraiment suivi pour Poupée Blonde !
Justement les voilà derrière l’Odéon, et tous deux revoient ce qui fut leur petit théâtre imaginaire de Poupée Blonde.
Ils s’assoient sur le muret adossé aux grilles du Jardin du Luxembourg et contemplent la terrasse du Petit Suisse
Déserte.
Et soudain ils ont la même idée. D’un bond ils s’élancent à travers la place en direction du café et prennent place à l’une des tables ruisselantes de pluie, s’installent face à face dans un mouvement théâtral et prennent la pose.
« Paris de ma jeunesse ! s’exclame Pierre Le Tan. Et Patrick Modiano d’enchaîner :
« Mon dernier livre aura ce titre-là, comme le tien, Pierre.
Nous serons indissociables jusqu’au bout
Miss Comédie
PS - Une nouvelle édition de Paris de ma jeunesse préfacé par Patrick Modiano paraîtra chez Stock le 6 novembre 2019
SONGS IN MY HEART : YESTERDAY (suite et fin)
YESTERDAY par Paul Mc Cartney 1965
Yesterday, all my troubles seemed so far away
Now it looks as though they're here to stay
Oh, I believe in yesterday
Suddenly, I'm not half the man I used to be
There's a shadow hanging over me
Oh, yesterday came suddenly
Why she had to go I don't know she wouldn't say
I said something wrong, now I long for yesterday
Yesterday, love was such an easy game to play
Now I need a place to hide away
Oh, I believe in yesterday…
Eternelle, universelle, c’est une grande chanson parmi les plus grandes.
Quelqu’un a dit que les Beatles étaient des bienfaiteurs de l’humanité. Pas faux, si l’on songe aux amours qui ont dû naître sous le charme de leur musique…
Une vague déferlante qui recouvre l’univers musical du 20ème siècle.
Cette chanson-là, Paul Mc Cartney la chante seul, accompagné de sa guitare acoustique et d’un quatuor à cordes classique.
C’est SA chanson à lui, la mélodie et les paroles sont de lui et c’est le premier morceau de toute l’œuvre des Beatles a avoir été créé et chanté par l’un des membres du groupe, seul.
Sortie au Royaume Uni en août 1965 sur l’album Help, puis quelques mois plus tard il sort en single aux US et arrive illico au top du Billboard Top 10. C’est le début de son odyssée de l’espace.
D'après le magazine Rolling Stones, YESTERDAY est la chanson la plus reprise de l'histoire de l'industrie musicale.
Le Livre Guiness des records recense plus de trois mille versions enregistrées.
C'est aussi la chanson la plus diffusée de l'histoire internationale de la radio : aux alentours de 7 millions de fois, de 1965 à 2000, selon BMI
Un prodige que l’on a presque du mal à justifier... et qui doit l’étonner lui-même, Paul Mc Cartney, lorsqu’il lui arrive d’entendre aujourd’hui ce YESTERDAY, venu de si loin, comme l’écho d’une vie antérieure.
Miss Comédie
SONGS ON MY HEART : GEORGIA
GEORGIA ON MY MIND, la chanson que l’on écoute les yeux fermés.
En 1960 Ray Charles reprend à son compte Georgia on my mind, une chanson composée en 1930 par un certain Hoagy Carmichaël, et en fait le mega-tube de l’époque.
Pas vraiment un hasard : il est né en 1930 en Georgie…
Son interprétation est déchirante, on est complètement chaviré, d’abord parce que l’on sait qu’il est aveugle, bien sûr, et puis, cette Georgia, c’est peut-être aussi une femme qu’il a aimée et qui porte le même prénom que son pays natal…
Il faut le voir se dandiner sur son clavier, en virtuose exalté, il en fait des tonnes mais lui, c’est pas pour la galerie, il ne voit que du feu - au fait, que voyait-il vraiment, Ray Charles ?
Il a eu douze enfants de dix femmes différentes, les avait-il choisies pour leur parfum, la douceur de leur peau, leur voix, ou bien savait-il parfaitement que Georgia était belle, aussi belle que sa terre natale ?
Georgia, Georgia
The whole day through
Just an old sweet song
Keeps Georgia on my mind (Georgia on my mind)
I said Georgia
Georgia
A song of you
Comes as sweet and clear
As moonlight through the pines
Other arms reach out to me
Other eyes smile tenderly
Still in peaceful dreams I see
The road leads back to you
I said Georgia
Ooh Georgia, no peace I find
Just an old sweet song
Keeps Georgia on my mind (Georgia on my mind)
Other arms reach out to me
Other eyes…
Whoa, Georgia
Georgia
No peace, no peace I find
Just this old, sweet song
Keeps Georgia on my mind
I said just an old sweet song
Keeps Georgia on my mind…
Cette complainte, Ray Charles n’a pas cessé de la chanter, de concert en concert, d’album en album, tout au long de sa longue carrière.
Car en dépit des dégâts causés par son amie l’héroïne, puis, une fois désintoxiqué, par ceux de l’alcool, il continua à courir le monde, les yeux fermés, jusqu’en 2004, à 74 ans.
Le grand Ray Charles est mort...
Grand émoi dans le monde musical même si Ronald Reagan lui vola la vedette avec ses funérailles nationales le lendemain.
Georgia on my mind devint l’hymne de la Georgie, bien sûr.
Une statue et un musée dans sa ville natale, Albany, sont là pour perpétuer sa mémoire au cas où le vinyle ferait défaut… Mais la chanson a pris son envol pour d'autres années-lumière.
Miss Comédie
.
SONGS IN MY HEART / L'AME des POETES
CHARLES TRENET
Les chansons de Charles Trenet ont une vie parallèle, complètement dissociées de celle de celui qui les chante, comme si celui-ci avait un double écrivant dans l’ombre, invisible, sensible et tendre, inspiré par les trésors de la mémoire, les beautés de la nature ou les mirages de l’imaginaire .
Dans la lumière, un Charles Trenet triomphant, insolent, ouvertement gai au mépris de toutes les censures - ce qui ne l’empêcha pas d’être applaudi sur toutes les scènes du monde par des fans de tous âges et sexes confondus.
C’est en lisant les paroles de ses chansons que l’on découvre l’âme du poète.
Longtemps, longtemps, longtemps
Après que les poètes ont disparu
Leurs chansons courent encore dans les rues
La foule les chante un peu distraite
En ignorant le nom de l'auteur
Sans savoir pour qui battait son coeur
Parfois on change un mot, une phrase
Et quand on est à court d'idées
On fait la la la la la la
La la la la la lé
Longtemps, longtemps, longtemps
Après que les poètes ont disparu
Leurs chansons courent encore dans les rues
Un jour, peut-être, bien après moi
Un jour on chantera
Cet air pour bercer un chagrin
Ou quelqu'heureux destin
Fera-t-il vivre un vieux mendiant
Ou dormir un enfant
Tournera-t-il au bord de l'eau
Au printemps sur un phono
Longtemps, longtemps, longtemps
Après que les poètes ont disparu
Leur âme légère, c'est leurs chansons
Qui rendent gais, qui rendent tristes
Filles et garçons
Bourgeois, artistes
Ou vagabonds.
Présomptueux ? Peut-être, car il semble quand même ne pas douter être parmi les élus dont les chansons vont courir les rues...
Mais l’avenir ne lui a-t-il pas donné raison ?
Miss Comédie
SONGS IN MY HEART - LE SUD
Pour moi, cette chanson est un mystère. Dès les premières notes elle vous plonge dans un état d’hypnose, une évocation rêveuse de souvenirs d’enfance de paysages familiers dans un éternel été, tout cela dans l’attente d’une fin inéluctable.
Magie de quelques mots simples qui en disent long, portés par une musique intemporelle elle aussi.
« C’est un endroit qui ressemble à la louisiane
A l’italie,
Il y a du linge étendu sur la terrasse
Et c’est joli,
On dirait le sud,
Le temps dure longtemps
Et la vie sûrement
Plus d’un million d’années
Et toujours en été...
Y a plein d’enfants qui se roulent sur la pelouse,
Y a plein de chiens,
Y a même un chat, une tortue des poissons rouges,
Il ne manque rien,
On dirait le sud,
Le temps dure longtemps et la vie sûrement
Plus d’un million d’années,
Et toujours en été...
Dididilim didilim...(la voix de nino qui s’envole, devient lointaine, chante en sourdine, relayée par le piano et les basses)
Un jour ou l’autre il faudra qu’il y ait la guerre,
On le sait bien,
On n’aime pas ça mais on ne sait pas quoi faire,
On dit c’est le destin...
Tant pis pour le sud,
C’était pourtant bien...
On aurait pu vivre plus d’un million d’années...
Et toujours en été... »
C’est tout, la voix s’évanouit, la musique s’éteint. On reste là, pensif, n’osant rompre ce charme triste qui nous a envahi .
Le sud fut le dernier et plus grand succès de nino ferrer, dix ans après mirza, qui le révéla au grand public.
Fut-il heureux de cette consécration, lui qui ne s’était reconnu ni dans les yéyés ni dans la variété et qui n’eut qu’une seule ambition, celle d’être un musicien de jazz ?
Eternel insatisfait, nino abandonna la vie parisienne et le
Show-biz pour tenter une renaissance vers le sud...
Mais cela finit comme dans la chanson « tant pis pour le sud... C’était pourtant bien, on aurait pu vivre plus d’un million d’années... Et toujours en été... »
Il décida de partir le matin du 13 août 1998, dans un champ de blé.
Miss Comédie
SONGS OF MY HEART
Il y a les tubes de l’été, coups de foudre éphémères. Plus rarement, les tubes de l’année, coups de coeur qui ont la vie dure.
Mais que faut il ajouter à une chanson pour qu’elle devienne la chanson du siècle ? A peine quelques mots qui captent l’émotion, qui éveillent l’attention.
John Lennon a chanté Imagine, la chanson qui dit si joliment que nous sommes passés à coté du bonheur. C’est lui qui a signé la chanson du siècle.
Imagine there’s no heaven,
It’s easy if you try,
No hell below us,
Above us only sky
Imagine all the people
Living for today
Imagine there’s no countries
Itisn’t hard to do
Nothing to kill or die for,
No religion too
Imagine all the people
Living life in peace
You may say I’m a dreamer
But am not the only one
I hope some days you’ll join us
And the world will live as one...
Imagine no possessions,
I wonder if you can,
No need for greed or hunger
A brotherhood of man
Sharing all the world...
You may say i’m a dreamer
But i’m not the only one…
I hope some day you’ll join us
And the world will live as one...
Cette chanson, nous l’avons entendue maintes fois et elle nous bouleverse sans trop savoir pourquoi. Et puis, tôt ou tard nous percevons le sens de ces mots tout simples qui nous rappellent que nous sommes sur une mauvaise pente et que l’abîme n’est pas loin...
Miss Comédie
ANNA KARINA, JEAN-LUC GODARD, NOUVELLE VAGUE .?
Jean-Luc Godard et Anna Karina sont encore sous le choc après ces retrouvailles-surprise organisées par Thierry Ardisson, vingt ans après leur séparation.
C’était aux Bains-Douches, la discothèque branchée, pour l’émission « Bain de Minuit » en 1987.
Lui, savait, Anna Karina, elle, ne s’attendait pas à cette rencontre. Elle ne fit face que le temps de quelques répliques, puis coupa court à l’interview et s’enfuit, visiblement bouleversée. La régie envoya le générique de fin et Jean-Luc Godard eut ce mot : « Et bien, je n’ai plus qu’à rentrer chez moi.
Que se passa-t-il le lendemain ? Ils ne pouvaient pas en rester là.
Imaginons.
Ils se sont donné rendez-vous dans un café du Quartier Latin, ou de la Bastille, peu importe le décor pour cette rencontre de pure fiction, suite et fin d’un raté du hasard.
Il est arrivé le premier et il a commandé un café. Ses mains tremblent un peu. Godard ému ? Il pense qu’elle ne viendra probablement pas. C’était stupide, cette idée de retrouvailles.
Il regarde sa montre et décide qu’il partira aussitôt son café avalé.
Lui redoute cette confrontation, les explications, les retours sur le passé. Tout cela est inutile et malsain.
Mais elle arrive, juste à l’heure. Elle porte le petit chapeau qu’elle arborait pour l’émission, elle est belle, à quarante ans, encore plus que lorsqu’il l’a rencontrée, il y a vingt ans.
Il se lève pour l’accueillir, ils ne s’embrassent pas.
Il crâne :
« Pourquoi es-tu partie si vite ? Ca ne se fait pas.
Elle s’assied près de lui sur la banquette et il doit se tourner vers elle pour l’écouter.
« C’était trop dur.
« D’accord c’était dur. Même pour moi. Mais il faut jouer le jeu. C’est le métier.
« On aurait pu me prévenir.
« C’était une surprise. Il croyait que ça te ferait plaisir.
« Ah, oui ! (elle a un petit rire) un plaisir...
Le garçon s’approche.
« Vous désirez boire quelque chose ?
Anna Karina le regarde de ses splendides yeux de biche.
« Quelle heure est-il ? Un café, s’il vous plait.
Derrière ses lunettes, Godard l’observe comme s’il la découvrait aujourd’hui. Elle explose soudain :
« Toi aussi, tu croyais me faire plaisir ?
Surpris, il murmure :
« Ben... oui !
Les yeux d’Anna lancent des éclairs.
« Parce que toi, tu étais au courant, non ? Tu as accepté de jouer à ce jeu pervers, par curiosité, comme ça, pour voir ce qui allait se passer, hein ?
Il baisse la tête.
« Tu me détestes, Anna ?
Elle respire profondément.
« Non.
« Pourquoi as-tu quitté le plateau, alors ?
Le garçon dépose un café sur la table et ne se décide pas à s’éloigner, il la boit des yeux.
Elle se redresse et sa voix devient plaintive :
« Tu n’as rien compris ? J’étais si émue que ça devenait impudique.
« Impudique ?
« Oui, oui, bien sûr, tout me revenait... Tous ces souvenirs... Tu as tout oublié, n’est-ce pas ?
Il a un geste de lassitude.
« Non, bien sûr que non. Je n’ai rien oublié, ce n’est pas par curiosité que j’ai accepté cette émission... j’avais... (il hésite) c’était un désir fou de te revoir.
Ils se taisent, un courant électrique passe entre eux tout à coup. Ce moment est de ceux qui peuvent faire basculer une vie. Mais le temps perdu ne se rattrape jamais, comme dit la chanson.
« Finalement tu as eu raison, dit Godard. Tout cela doit rester entre nous.
Un ange passe. Et puis comme pour revenir à la réalité :
« Tu es heureuse ?
Elle a un sursaut et articule sur un ton monocorde :
« Oui, je travaille beaucoup, je tourne film sur film, je n’ai pas à me plaindre, tu sais, je viens de tourner avec André Delvaux un très beau long-métrage...
Il rit, de son rire aigrelet.
« Non, je veux dire : heureuse ?
Elle tourne son visage vers lui et le fixe intensément. :
« Je ne sais pas ce que tu veux dire .
« Oui, à quoi bon, soupire Godard. De toute façon, cela ne me regarde plus. (Puis, brusquement :) Oh, Anna, redis-moi encore une fois « J’sais pas quoi faire ! Qu’est-ce que je vais faire ? »
Ils éclatent de rire tous les deux et Anna se prend au jeu. Elle débite la rengaine de Pierrot le Fou avec une mimique irrésistible.
Dans un même élan, ils s’étreignent en riant, comme soulagés, car la glace est rompue.
« Tu es toujours aussi bonne, dit Godard en se levant pour aller payer au comptoir.
Ils sortent enlacés comme deux vieux copains, et le garçon qui a tout entendu se dit que pour ces deux-là, « ça va continuer »...
La scène est imaginaire et le dialogue complètement improbable, mais cette fameuse émission sur la Cinq a bien eu lieu.
Le mystère reste entier sur l’effet qu’elle a eu sur la relation entre Godard et son ex-épouse et interprète.
Le garçon de café a-t-il vu juste ? Moi je suis pour l’amour toujours.
Miss Comédie
JEAN-PIERRE MARIELLE ET LE FANTÔME DE GROUCHO MARX
Juillet 2008 : un moment dans la vie de JP Marielle..
Festival de la correspondance de Grignan.
Une foule de fans de tous âges remontent lentement la ruelle qui mène à l’esplanade de la Collégiale transformée en espace de lecture.
Une certaine excitation se devine dans les rangs de ceux qui ont pu réserver leur place pour cette soirée exceptionnelle.
Un spectacle de gourmets : Patrice Leconte met « en espace » la correspondance de Groucho Marx, lue par Jean-Pierre Marielle.
Autre chose que les lettres de mon moulin. Ca promet d’être plutôt drôle.
Dans la sacristie de la chapelle Collégiale qui donne sur l’esplanade, face aux gradins installés pour le festival, Jean-Pierre Marielle jette un oeil sur le ciel menaçant. L’orage n’est pas loin.
Il se retourne vers Groucho Marx, assis dans une stalle monastique, le cigare au bec.
« Tu vas voir que ça va nous tomber dessus.
« No problem ! Tu mets un chapeau et tu lis, okay ? Tu as signé pour toutes les lettres et moi j’ai la permission de minuit et je retourne au paradis, vu ?
« Et s’il y a plus un seul clampin ?
« Well you go on reading. Just for me, darling et Pierre... mais il est pas là, ton ami Pierre Vernier ?
T’inquiète, il est toujours à l’heure. Bon, laisse-moi me concentrer. Par quelle lettre on commence ? Hé ho, Patrice, aide-moi. Groucho me détraque le ciboulot. Tu as vu mon manuscrit quelque part ? Je l’ai paumé, bordel ! Et mes musiciens, tu les as vus ? Il me faut du jazz, moi.
Patrice Leconte a l’oeil à tout. Il attrape la brochure et la tend à Marielle. Il n’a pas vu, et c’est normal, le fantôme de Groucho Marx qui, pour rien au monde, n’aurait loupé ce prétexte pour revenir sur terre.
Groucho Marx n’était pas avare de sa prose. Ses lettres, souvent de plusieurs pages, adressées aussi bien à la Warner Bros qu’à son éditeur, son jardinier ou sa fille, débordent de son humour dévergondé. Truculentes, mordantes ou hilarantes sur le papier, elles se doublent de l’énorme puissance comique du phrasé de Jean-Pierre Marielle.
Sur les gradins on tire les mouchoirs, les larmes coulent.
Pierre Vernier qui figure les destinataires muets, a du mal à garder son sérieux.
La lecture s’est déroulée avec, au-dessus de l’assistance, un incessant roulement sourd. Mais Marielle se foutait pas mal de la pluie qui menaçait. Son texte le remplissait d’extase. Il en faisait des tonnes. Le public en redemandait.
Groucho tenait l’orage à distance par ses pouvoirs désormais surnaturels et, la dernière formule de politesse envoyée dans un déluge... d’applaudissements, ce fut l’averse, monstre, dans une salve de coups de tonnerre, le tout illuminé par des éclairs sans chocolat.
Marielle s’est retrouvé dans la ruelle, mêlé à la foule ruisselante, et ses invectives contre le ciel, la terre, Groucho et le métier d’acteur dominaient le vacarme de la pluie.
Groucho suivait, hilare, son interprète et l’accompagna jusqu’à l’hôtel de la Plume le bien nommé où il disparut de ce monde comme il était venu.
Dans le brouhaha de la salle en pleine ébullition, encore sous le coup de ce moment de résurrection, Jean-Pierre Marielle eut ce mot : « Mais où est passé Groucho ? »
Seule, Agathe Natanson, son épouse, l’entendit et sourit.
Lui, dans la fumée de sa cigarette, s’était replongé dans son « ailleurs ». C’était très important pour lui, « l’ailleurs ».
Et la légèreté. Et la Musique.
Les mots, très rarement. Seuls les mots qui venaient d’ailleurs.
Les silences de Jean-Pierre Marielle, en interview, avaient une profondeur vertigineuse. Il pouvait se livrer entièrement, sans parler. Un talent très rare. Unique.
Il est parti, et d’écouter son entretien avec Olivier Bellamy, un jour de 2010, mes larmes coulent.
Miss Comédie
NOTRE-DAME, ÂME DE PARIS
« ....c’est que l’amour est comme un arbre, qui pousse de lui-même
et jette ses racines profondément dans notre être et continue souvent de verdoyer dans un coeur en ruine. »
Extrait de « Notre Dame de Paris – 1482 » - Victor-Hugo
Miss Comédie
AKHENATON SE FÂCHE
Sur le parvis de la pyramide du Louvre, la nuit tombe.
Sur le sol, mis en lumière par la clarté de la lune, une multitude de morceaux de papier gluants taquinés par le vent voltigent autour du monument transparent.
Un spectacle désolant, digne des bas-quartiers du Caire.
Une silhouette majestueuse apparait soudain et arpente le sol dévasté, enjambant les décombres dans un bruissement de soie et un cliquetis de parures d’or.
Nefertiti est offensée par cette nouvelle provocation et s’adresse à son époux Akhenaton :
« Comment avez-vous pu laisser faire ça ? Il ne suffisait pas de laisser construire cette lamentable copie du tombeau de votre fils Toutankhamon ?
Akhénaton soupire.
« Ma divine, c’est une oeuvre d’art, un hommage miniature à notre dynastie.
« Bon, le mal est fait. Mais, par Anubis, quid de ces ordures surgies du néant ?
La voix d’Akhenaton se fait impérieuse.
« Calmez-vous, ma reine. Hum... Je suis seul responsable.
« Comment ?
« Oui, moi Akhenaton, Xéme pharaon de la XVIIIème dynastie, j’ai jeté ma malédiction sur une oeuvre qui enlaidissait encore le joujou de Mitterrand.
Nefertiti tape du pied :
« Je veux savoir ! Par Toutatis, dites-moi tout !
« L’artiste a voulu prolonger la pyramide par une perspective grossière de ses fondations, à l’aide de photographies collées sur le sol. On touche le fond, non ?
« En effet, on touche le fond. Qu’avez-vous fait alors ?
« J’ai demandé au dieu Soleil Aton de faire fondre les joints de colle afin que les panneaux se détachent et se répandent en lambeaux sous les pas des passants.
Neffertiti bat des mains :
« Casus belli, aurait dit César !
« Non pas du tout ! L’artiste a affirmé aux medias que son oeuvre avait la sublimité de l’Ephémère ! Et chacun s’est incliné, rempli d’admiration.
Nefertiti fait la moue.
« Donc, votre malédiction est passée inaperçue !
« Oui, dieu merci. Une bonne malédiction est une malédiction jmprobable et insoupçonnable !
Miss Comédie
SUR LES PAS DE FRED ASTAIRE, LA LÉGENDE
1930. En France, Maurice Ravel compose son concerto en sol.
Céline écrit LE VOYAGE AU BOUT DE LA NUIT, son premier roman.
A New-York, Edward Hopper réalise son AUTOPORTRAIT.
Et Fred Astaire fait sa première apparition à l’écran après des années de succès sur scène : David O’Selznick l’engage pour créer le morceau EMBRACEABLE YOU, dans sa comédie musicale GIRL CRAZY.
C’est la première marche d’une ascension irrésistible.
Il a choisi la danse, un peu par hasard, et la danse va lui apporter la gloire. Il a 31 ans.
Je dis « un peu par hasard », car c’est pour accompagner sa soeur Adele qu’il s’inscrit dans un cours de danse à New-York.
Leur duo a tout de suite du succès. Il change de nom et de Fred Austerlitz devient Fred Astaire pour prendre le départ avec sa soeur pour des tournées très remarquées à Broadway et en Angleterre.
C’était un faux départ. Lors d’une tournée à Londres, Adele rencontre lord Cavendish, fils du duc du Devonshire... et l’épouse.
Coup du sort ? Plutôt coup de chance pour Fred Astaire qui se lance dans une carrière en solo tumultueuse, effrenée, entre cabarets et comédies musicales où ses pieds agiles et sa maîtrise des claquettes font trembler les planches et remplissent les salles.
Ses numéros de danse sont époustouflants mais il n’a pas encore trouvé la partenaire idéale. Eleanor Powell, Rita Hayworth et même Cyd Charisse malgré leur beauté font figures de faie-valoir. Elles n’atteindront jamais la parfaite symbiose de sa future partenaire de cinéma, Ginger Rogers.
C’est donc en 1930 qu’il la rencontre pour la première fois.
Le choc, se produit trois ans plus tard sur le tournage de CARIOCA leur premier film ensemble. Bien qu’ils ne soient pas têtes d’affiche, ils se découvrent la même passion pour la danse.
Fred Astaire et Ginger Rogers ont tourné dix films ensemble, de 1933 à 1946, tous avec la même rigueur chorégraphique, tous avecla même adhésion de la critique et du public.
Ensemble ou séparément, ils ont mis la comédie musicale à l’honneur sur les écrans après son règne au cabaret.
Cette apparente légèreté dans leurs évolutions, cette facilité à suivre ensemble une cadence étourdissante, on oublie le travail phénoménal que cela a dû demander à chacun d’eux au fil des années.
En 1946, Fred Astaire accuse le coup. Après le tournage de « La Mélodie du Bonheur » avec Bing Crosby mais sans Ginger Rogers, il annonce à la presse qu’il arrête le cinéma.
Concert de protestations, le public n’admet pas sa disparition.
Il a 53 ans. C’est un peu jeune pour passer la main, non ?
Ne serait-ce pas un stratagème de star pour se faire désirer ?
Mais sa retraite sera de courte durée. Alors que les pieds lui démangeaient déjà, l’année suivante, le duo Gene Kelly/Judy Garland sont en répétition pour le film « Parade de Printemps », et voilà que Gene Kelly se casse la cheville.
La mega-tuile pour un acteur. Que faire d’autre qu’appeler un de ses pairs tête d’affiche pour le remplacer... Qui ? Fred Astaire évidemment.
Un coup de chance pareil, ça ne s’invente pas et ça ne se refuse pas.
La production du film, trop heureuse de s’offrir une affiche pareille, engage Fred Astaire pour Parade de printemps... et pour le suivant, avec… Ginger Rogers à la place de Judy Garland ! Coup double.
Dix ans plus tard, le couple star se retrouve par la grâce du hasard et finit en apothéose avec « Entrons dans la danse.
Fred Astaire n’a pas épousé Ginger Rogers. Ils n’ont pas entretenu de liaison tapageuse ou secrète mais
sont restés proches longtemps après leur dernier film.
Ils avaient les mêmes goûts vestimentaires et, une élégance discrète et sans show off – le star-system bourgeois, si cela existe.
En 1967 ils co-présentèrent les Oscars à Santa Monica, et provoquèrent l’allégresse générale en arrivant en dansant jusqu’à la scène… Ils avaient alors 68 et 56 ans et une popularité à l’épreuve du temps.
Cq’était une belle histoire, non ? Vous pouvez les retrouver sur YouTube... quelques minutes de bonheur.
Miss Comédie
AU HASARD DES FLASHES
Une bonne grippe, et voilà que l’immobilité vous rend soudain réceptive à toutes les sources d’information disponibles, et elles sont nombreuses, voire envahissantes : Il faut sélectionner, parmi les thèmes qui sont souvent très éloignés de ce que l’on attend de la Culture.
Ces derniers jours, entre deux quintes caverneuses, voici ce qui m’a fait dresser l’oreille au fil des relais d’information :
PIERRETTE FLEUTIAUX N’ÉCRIRA PLUS.
Je l’avais un peu oubliée, depuis le choc de « Nous sommes Eternels » en 1990, qui m’avait remuée jusqu’au plus profond.
C’est un éloge d’ Anne Wiazemsky dans un magazine qui m’avait alertée. Elle venait de recevoir le Prix Femina pour ce roman édité chez Gallimard.
J’avais tout de suite compris que cette histoire de frère et soeur incestueux était autobiographique et j’avais plongé dans son récit fiévreux, suspendue à son mystère jusqu’à la fin doublement tragique.
J’avais été touchée par la personnalité de l’auteur, avant de savourer son style, tellement sa fragilité, son humanité et son intelligence de l’âme humaine se devinent entre les lignes.
Elle a écrit beaucoup de livres, Pierrette Fleutiaux, et je suis passée à côté de la majorité d’entre eux, mais je garde le souvenir de « Des phrases courtes, ma chérie », où les rapports d’une fille avec sa mère vieillissante sont décrits avec une délicatesse rare.
Elle a même écrit des livrets d’opéra, curieusement, dont celui de
« Nous sommes éternels » ! (J’ai du mal à imaginer ce roman adapté pour l’opéra !
J’ai compris à travers les commentaires qui ont suivi sa disparition qu’elle laisse un vide réel, elle était très aimée dans les milieux de l’édition.
MOLIÈRE TOUJOURS MOLIÈRE
Bien sûr, chaque saison théâtrale se doit de programmer au moins une pièce de Molière, plus ou moins bien montée, plus ou moins dotée de « grosses pointures à l’affiche .
Cette année, nous avons, en même temps deux sommets de l’art théâtral intemporel : Le Malade Imaginaire et Le Misanthrope.
Le Malade Imaginaire
se joue jusqu’au 25 mai au Théâtre de Paris dans une mise en scène de Daniel Auteuil, avec Daniel Auteuil dans le rôle titre, et sa fille Aurore dans le rôle de Toinette.
Un duo étincelant, parait-il, j’ai hâte de le voir de mes yeux !
La dernière pièce écrite par Molière avant de mourir sur scène dans le rôle d’Argan, le malade imaginaire, justement...
Le Misanthrope
se joue jusqu’au 18 mai, au théâtre Libre, dans une mise en scène de Peter Stein avec Lambert Wilson dans le rôle titre.
Un rôle de composition, pour cet acteur plutôt philanthrope et rompu à toutes les métamorphoses, au théâtre comme au cinéma.
ROBERT MITCHUM VU PAR BRUCE WEBER
Bruce Weber, photographe très connu dans les milieux de la mode et du spectacle dans les années soixante, a longuement travaillé sur le personnage de Robert Mitchum, qui représente pour lui le symbole absolu de la virilité. C’est vrai, rappelons-nous, tous ses films le montrent sous cet angle, un mec totalement viril, sans une once de féminité cette fameuse dualité que se reconnait Depardieu lui même.... Une virilité naturelle, souple mais indiscutable.
Pas macho non plus, car Mitchum était un tendre, et quand il chante « Sunny », on a la larme à l’oeil.
Donc, Bruce Weber a eu envie de faire un documentaire filmé sur Mitchum, à partir de photos, d’extraits de films, de dialogues, de commentaires extérieurs sur l’homme, sur l’acteur.
Le film est sorti en salle au mois de février, il s’appelle « NICE GIRLS DONT STAY FOR BREACKFAST ».
Drôle de titre, que l’on comprend peut-être en voyant le film.
Je me demande s’il a rempli les salles... Juste quelques initiés cinéphiles et nostalgiques du monde fou des sixties ?
Bruce Weber, ce vieillard à barbe blanche plutôt classé parmi les grands photographes s’est débrouillé pour se glisser dans l’actu cinématographique de ce début d’année – empruntant la carrure d’une icone bien vivante dans nos mémoires.
Il nous a donné envie de revoir le visage blasé et le sourire laconique de Robert Mitchum. Dans Le Dernier Nabab, il était dans l’ombre de Robert de Niro mais il imposait sa saine virilité sans en rajouter. Pourtant, en 1976 il ne jouissait plus de la colossale popularité de La Nuit du Chasseur...
C’est donc cette particularité de l’être humain devenue rarissime, la Virilité absolue, que Bruce Weber a voulu rappeler à travers la carrière de Robert Mitchum.
Dans de film, on le voit vieux. C’est dommage. C’est en vouloir à sa belle gueule, une gueule « comme on n’en fait plus ».
Miss Comédie.
KARL LAGERFELD, QUAND LA MODE ÉTAIT SOUVERAINE
« Je ne fais pas revivre le tailleur Chanel, je le rends vivant. »
« La tendance est le dernier stade avant le ringard. »
Adieu Karl Lagerfeld, le dernier mot de l’élégance . .
Miss Comédie
VAN GOGH VRAI OU FAUX ?
« La Nuit Etoilée », de van Gogh. On ne se lasse pas de contempler ce tableau. Il représente ce que le peintre voyait de la fenêtre de sa chambre, à l’asile du Monastère St-Paul-de-Mausole à St-Rémy de Provence.
Plongé dans la nuit de son isolement forcé, il regardait par la fenêtre la splendeur déployée d’un ciel étoilé qui devenait pour lui la source d’une inspiration nouvelle.
Pour lui, « la nuit est beaucoup plus vivante et richement colorée que le jour. »
A voir ce tableau, il me vient en mémoire certaines nuits provençales où les étoiles sont si présentes dans un ciel violet sombre qu’elles semblent auréolées d’une lumière incandescente.
Il s’est donc mis à l’oeuvre. Cette nuit de mai 1889 particulièrement illuminée, chargée de nébuleuses, dominée par la lune, et l’on imagine le chant d’un rossignol lointain - tout cela pour faire jaillir du pinceau de van Gogh cette explosion de couleurs. Une huile sur toile de folie qu’il a envoyée à son frère Théo et qui allait plus tard être considérée comme son grand oeuvre. Une oeuvre inimitable.
Inimitable ? C’était sans compter sur le talent d’Elmyr de Hory, faussaire de génie, le plus grand faussaire de son temps.
Ce peintre hongrois avait de l’or dans les mains mais ses propres oeuvres ne se vendaient pas.
Cette toile de van Gogh qu’il a reproduite a confondu les experts les plus avertis, comme ses faux de Picasso, Matisse, Modigliani, et d’autres.
La Nuit Etoilée de van Gogh a donc circulé dans le monde des collectionneurs du monde entier, en même temps que celle d’Elmyr de Hory...
Et maintenant, imaginons : un homme s’est trouvé un jour possesseur de la précieuse Nuit Etoilée, et à son émotion s’ajouta la conscience de posséder un trésor.
Or, que possédait-il en réalité ? Le tableau de van Gogh ou l’oeuvre d’un faussaire de génie ?
Allons plus loin : un autre homme tout aussi heureux de posséder sa Nuit Etoilée, peut-être à l’autre bout du monde, peu-être voisin de palier du premier homme, n’avait pas le moindre doute, lui non plus, sur l’authenticité de son tableau.
Il faut croire que la toile de van Gogh fut un jour reconnue comme son oeuvre avérée puisqu’elle repose aujourd’hui au Moma à New York. Mais à quel moment l’arnaque a-t-elle été découverte ?
Les spécialistes le savent probablement, mais j’ai eu du plaisir à brouiller les pistes l’espace d’un instant.
Regardez cette copie. Ce n’est pas le travail d’un peintre du dimanche. Un artiste créateur en est l’auteur. Il a substitué son âme à celle de van Gogh pour illuminer la toile de son inspiration.
On s’étonne que ce talent eût pu être méconnu, vidé de son sens.
Et pourtant... Le faussaire lui-même n’est-il pas le premier à ignorer son inspiration ?
La vie de Elmyr de Hory ne fut qu’une cavalcade de défis et d’aléas, d’exils en exils, encouragé par des marchands de tableaux véreux qui l’exploitèrent jusqu’au bout de sa route.
En 1961 le dandy quinquagénaire à bout de souffle, fuyant les capitales où ses faux commencent à être suspectés, il se fait construire une villa somptueuse sur les hauteurs d’Ibiza.
Il y mena grand train dans l’anonymat absolu masqué par des noms d’emprunt.
C’est là que le destin lui a donné rendez-vous pour mettre fin à la supercherie, une fois pour toutes.
Comme dans un roman de Stefan Zweig il se fera justice lui-même pour échapper à la justice terrestre.
Ce destin fantastique valait bien l’écriture d’un scénario de film.
Orson Welles s’en est chargé en 1976, le film a pour titre F For Fake (VF : Vérités et Mensonges)
Elmyr de Hory y joue son propre rôle, comme un avant-propos plein de panache à la fin qui allait suivre, quelques mois plus tard.
Quoiqu’il fasse, le faussaire ne change pas l’Histoire.
Van Gogh restera pour l’éternité l’auteur de La Nuit Etoilée.
Miss Comédie
BACK TO BACH
L’année 2019 commence un peu chahutée, mais il faut rester aux aguets de manifestations inattendues qui jouent sur le renouveau et nous bluffent par leur virtuosité...
Ca existe, j’ai eu ce choc fortissimo au moment des fêtes de fin d’année.
Il est déjà tard pour en parler mais cet émerveillement-là pourra durer l’année entière, c’est une découverte dont je ne me lasserai pas, pas plus que je ne me lasse d’écouter Le Sud de Nino Ferrer.
Je ne suis pas spécialement fanatique de Bach mais je ne pourrai plus écouter ses concertos, fussent-ils interprétés par Gould lui-même, depuis que j’ai entendu, un jour par hasard, quatre de ses concertos joués, embrasés, sublimés, par David Fray et sa troupe de pianistes prodiges.
Quatre claviers jouent la même partition sans en altérer la moindre note, dans un ensemble parfait animé par un David Fray inspiré.
Ce n’est plus le maître de chapelle austère et métronomique que l’on entend d’une oreille, cela devient une musique joyeuse qui
rajeunit le morceau, aussi bien dans la douceur de l’andante que dans l’allégresse des allegros
C’est stupéfiant, ce que quatre claviers peuvent donner de souffle et d’enthousiasme, cela vous soulève, vous étourdit, vous ravit.
Rien de sacré dans cette musique qui évoque même le tempo d’un orchestre de jazz et donne parfois une irrésistible envie de danser !
Mais l’ensemble est d’une telle générosité que l’idée d’un envol mystique vous traverse l’esprit. Bach l’a voulu ainsi puisque Dieu est au centre de toute son oeuvre comme chacun sait et David Fray le premier.
David Fray est né à Tarbes où il a fait ses études musicales avant d’entrer au Conservatoire Supérieur de Musique et de Danse de Paris.
L’orchestre qui accompagne cet enregistrement paru chez ERATO est l’Orchestre National du Capitole de Toulouse .
Le palmarès de David Fray est riche de nombreux prix reçus dès son plus jeune âge et sa discographie comprend, outre les oeuvres de Jean Sebastien Bach, sa figure de proue, des interprétations de Liszt, Mozart, Schubert.
Son calendrier prévoit des concerts tout au long de l’année dans de nombreuses villes de France dont un à Lyon en compagnie de Renaud Capuçon.
Il y a un an je ne connaissais pas son nom. Mais à notre époque un pianiste tel que lui ne reste pas longtemps inaperçu. Les medias l’ont vite repéré et vous le trouverez partout, sur YouTube, sur Deezer, sur Google et même sur demande à Alexa, la nouvelle coqueluche des fous d’Internet, fille d’Amazon et Mata Hari des réseaux sociaux. Une star, quoi.
Miss Comédie
PEACE AND LOVE
FRANCIS LAI, MUSIQUE EN TÊTE
Vous rappelez-vous ce mois de mai 1966, quand soudain tout le monde s’est mis à fredonner « chabadabada », c’était l’hymne à Un Homme et Une Femme, à l’époque on ne faisait pas l’amalgame, le film de Lelouch emballait tous les Français, sans distinction de genre.
Palme d’Or au Festival de Cannes, deux Oscars, trois Golden Globes... Qui dit mieux ?
La musique de Francis Lai a continué à accompagner les films de Lelouch et de bien d’autres cinéastes d’ailleurs, on ne les compte plus. Le nombre de musiques qu’il a écrites pour le cinéma, est hallucinant. Tout comme le nombre de ses chansons.
Aujourd’hui qu’il nous laisse cet héritage pléthorique, à nous de démêler les favoris des méconnus et il est difficile de se remémorer la plupart de ses succès, que des interprètes fameux ont rendus quelque temps célèbres.
Non, pour moi, Francis Lai, c’est chabadabada, et rien d’autre, un raz de marée dans mon souvenir. Cette année-là je faisais le tour des photographes de mode pour me faire faire des « tests » et dans tous les studios ils passaient chabadabada, les filles le chantonnaient, les garçons le sifflotaient...
Qu’est-ce qu’elle avait, cette chanson ? Comme toutes les rengaines, elle avait forcément quelque chose en plus, sinon elle ne serait pas devenue rengaine.
La voix de Nicole Croisille, peut-être, oui, qui distille une certaine amertume dans cet air guilleret ?
Ou peut-être simplement l’impact du film, cette histoire d’amour qui n’avait pas d’issue mais qui finissait si bien...
Lelouch avait fait dans la simplicité, tout était vrai et le public avait plongé. Chacun se retrouvait dans ce couple marchant sur la plage de Deauville, l’enfant derrière eux, inconsciente de ce qui se jouait là, dans le balancement des vagues et le cheminement des nuages lourds de pluie...
C’était un film inspiré, et la musique de Francis Lai ne donnait pas dans le romantisme affiché , il prenait au contraire le parti de la légèreté, c’était très fort.
Bon, nous étions dans les années soixante, les années d’or, explosions de talents tous horizons. L’Amour était au coeur de de toutes les inspirations.
Aujourd’hui, on veut nous faire croire que l’homme et la femme ne sont plus qu’un sujet de polémique... Laissez- moi rire. On entend par hasard ce « chabadabada » par une fenêtre ouverte et l’on s’arrête, prêt à remettre ça comme il y a trente ans.
Miss Comédie
ARMSTRONG:KUBRICK EN ORBITE
Conversation imaginaire
Mercredi 17 octobre 2018, jour de la sortie en France du film de Damien Chazelle : FIRST MAN LE PREMIER HOMME SUR LA LUNE.
L’immense salle du cinéma Magellan déverse sur les Champs-Elysées les spectateurs revenus d’une autre planète.
Neil Armstrong vient de se réincarner devant cette génération qui avait oublié ce jour pas si lointain où ils l’ont vu, incrédules, faire ces quelques pas hésitants sur le sol lunaire.
Neil Armstrong vient de revivre en raccourci ces moments incroyables qui ont fait de sa vie de pilote d’essai un destin de héros universel.
Il a pleuré devant des images qu’il croyait enfouies dans le passé, il a retrouvé les doutes et les angoisses de ses proches, il a reconnu les splendeurs et les terreurs de l’espace, le fracas puis le silence de sa trajectoire vers un autre monde.
Il est là, tremblant, encore blotti dans son fauteuil au premier rang de cette salle qui s’obscurcit peu à peu.
Il sursaute. Derrière lui, une main vient se poser sur son épaule.
« Hello first man, happy I presume ?
Neil Armstrong se retourne et éclate de rire en reconnaissant Stanley Kubrick, son camarade d’exploration spatiale, son complice.
« Stanley ! Quelle émotion...
Ils échangent une accolade et marchent de concert vers la sortie.
« Magnifique, ton odyssée de l’espace !
« Oui je suis très ému... Mais ils ont mis le temps ! presque cinquante ans pour se souvenir que la lune a été visitée un jour de juillet 1969 par un astronaute américain !
« Elle l’avait été avant toi par mon héros le Dr Floyd dans mon Odyssée de l’Espace !
« Hé ho, Stanley, d’accord ton héros était très convaincant et ton film prémonitoire, mais tu ne vas pas comparer.
Kubrick lui donne un coup d’épaule amical.
« Its a joke ! Mais j’avais prévu, un an avant, ton irruption sur la Lune ! La NASA m’a piqué l’idée, c’est clair !
L’astronaute n’est pas amateur de débat, il connait le côté caustique du réalisateur de génie.
D’ailleurs ils arrivent sur le trottoir envahi de spectateurs qui commentent le film, encore sous le choc de cette reconstitution plus vraie que nature.
Les deux hommes se mêlent à la foule dans la douceur de cette nuit d’automne qui a tout d’une nuit estivale. Bizarrement, personne ne semble prêter attention à la clarté lunaire qui illumine leur groupe, comme si ce soir la lune n’avait de présence réelle que dans le film qu’ils venaient de voir.
« Kennedy devrait être avec nous ce soir... dit pensivement Armstrong.
« Pourquoi ?
« Tu te souviens qu’il avait juré, en 1961, que l’homme américain poserait le pied sur la lune avant l’homme russe !
« Oui, c’est vrai. Ils l’ont assassiné bien trop tôt. Tu dois être fier d’être celui qui a accompli son voeu. Tu devrais être décoré, à présent, comme un héros national !
Les groupes de spectateurs se dispersent peu à peu et les deux hommes marchent maintenant lentement vers l’Arc de Triomphe.
Kubrick est soucieux :
« Je ne comprends pas bien le sens caché d’une scène du film.
« Ah oui, laquelle ?
« Well, si je me souviens bien, lorsque tu as posé le pied sur la lune, la première chose que tu as faite, c’est de planter le drapeau américain, ça le monde entier l’a vu, c’était la victoire de l’Amérique, il fallait le montrer, non ? Et tu l’avais montré, non ?
« Oui, oui, j’ai tout de suite planté le drapeau américain. C’est vrai, dans le film, on me voit partir dans un coin et m’absorber dans quelque tâche indéfinie...
« Et c’était quoi, cette tâche ?
« Ben, disons que j’avais envie de pisser, voilà. Je me suis écarté pour pisser tranquillement.
Ils éclatent de rire tous les deux.
« Evidemment, tu ne pouvais pas pisser sur le drapeau américain !
« Mais tout ça nous dit pas pourquoi le drapeau a disparu du film !
« Tu sais, nous les réalisateurs avons souvent des motivations secrètes. Damien Chazelle avait une idée derrière la tête. Mais laquelle ?
« Il est pourtant américain... Mais aussi français, tout en étant citoyen américain. Bref, ne cherchons pas à savoir.
« Si, si, il faut savoir ! Et moi, Kubrick j’aurais eu la même idée que lui, à savoir que cette victoire est universelle, c’est celle de l’Homme sur l’Espace. C’est la morale du film.
Neil Armstrong s’insurge :
« OK, OK... A quoi sert cette morale, puisque l’homme n’a pas suivi la voie que j’avais ouverte. La lune est restée une planète hostile, comme Vénus, comme Jupiter... et même comme Mars . Nous restons sur terre, c’est inéluctable.
« La conquête de l’espace n’est pas à notre portée. Tu as réussi un défi inhumain, Niel.Toi seul a pu connaître les sensations extrêmes que ne connaîtra jamais le commun des mortels. C’est la loi du cosmos.
La lune trône à présent, ronde et incandescente, au-dessus de l’Arc de Triomphe.
Tous deux s’arrêtent devant cette vision symbolique.
Stanley Kubrick allume un cigare avant de reprendre sa marche en solitaire. Il lance une dernière réplique à Neil Amstrong en guise d’adieu :
« L’homme n’a que faire de la morale ! Tu as créé un rêve, Neil ! c’est tout ce dont l’homme a besoin jusqu’à la fin des temps !
Miss Comédie
JEAN PIAT, UN MONUMENT
Un monument. L’homme en question n’est déjà plus dans la peau fragile d’un humain, il a déjà la dimension, la densité, la pérennité du minéral.
Tous les monuments ne sont pas des oeuvres d’art, ce mot peut prendre aussi parfois un sens peu gratifiant : un monument de bêtise, un monument d’égoïsme, un monument de luxure...etc..
Pour Jean Piat, évidemment, le « monument » prend son sens le plus honorifique. Dédié au Théâtre, il devient un témoin concret et impérissable de la carrière prestigieuse et exemplaire de ce grand comédien.
Carrière foisonnante, construite pierre par pierre à coups de personnages mythiques qu’il incarna avec un talent égal.
Carrière exemplaire qui l’a écarté des chemins de traverses grâce à sa passion pure et dure pour ce métier.
Homme exemplaire, aussi. On ne lui connait aucun vice, sinon ceux de ses héros historiques.
Sa vie privée ne figure ni sur les réseaux sociaux ni dans les pages de Voici, ni même dans Wikipedia.
Jamais une bagarre dans un bar, jamais un retrait de permis pour conduite en état d’ivresse, jamais une rupture fracassante, mieux : personne n’en sait rien.
Son physique, sa beauté est authentiquement masculine, son sourire n’a rien de queer. (1)
Mais revenons sur sa carrière qui a fait avant tout sa gloire.
La liste de ses rôles au théâtre, au cinéma, à la télévision, de ses mises en scènes, de ses doublages, rend fou. Que des pièces à succès, que des rôles-titres, que des films cultes et la série cultissime (à l’époque on disait « le feuilleton ») où il jouait Robert d’Artois : il était maudit mais tellement beau !
Ce qui frappait chez lui c’était son regard bleu pétillant d’intelligence.
Mais faut-il être intelligent pour faire du théâtre ? Jean Piat posa un jour la question à son professeur au Conservatoire, Béatrice Dussane. Elle lui répondit : « Pas forcément. Mais ça aide. » Il racontait cela à Olivier Bellamy qui le recevait sur Passion Classique, en se tordant de rire.
Et en plus, le monument avait de l’humour. La classe !
(1) queer = étrange, bizarre, gay... en Anglais
Miss Comédie
LE BATTEUR DU BOLÉRO INCOGNITO
Déjà loin, le mois d’août qu’on espérait interminable. C’est comme si le temps avait pris un raccourci infernal. Trente et un jours qui ont disparu comme une photo qu’on supprime de l’iPhone.
Reste le souvenir de quelques moments réjouissants parmi lesquels une découverte inattendue : Jacques Villeret dans LE BATTEUR DU BOLERO.
C‘est un court-métrage signé Patrice Leconte qui prouve avec malice que les chefs d’œuvre les plus consacrés ont tous une part d’inachevé.
La surprise est de taille, car on ne s’installe pas de gaîté de coeur à l’écoute de ce boléro-là. Mais avec Villeret il faut s’attendre à tout surtout si c’est Patrice Leconte qui tient la caméra .
Ca commence par un plan d’ensemble qui nous permet de juger de l’ampleur de l’œuvre avec un nombre impressionnant de musiciens. Diable ! tout ce monde pour une rengaine ?
Autant que pour la Symphonie Fantastique…
Puis, avant que l’engourdissement nous gagne, un travelling très lent nous amène au dernier rang et ladite caméra cadre la silhouette replète du dernier batteur. Jacques Villeret, concentré sur ses baguettes. Elle ne le quittera plus.
En dehors du tempo lancinant de l’orchestre, il ne se passe rien.
Ou plutôt si : tout se passe sur le visage du batteur qui ne montre aucun signe de cohabitation avec les autres interprètes.
Mieux, il paraît s’ennuyer ferme.
Privé de partition car son travail a une régularité de métronome, il n’a nul besoin de garder les yeux fixés sur le chef, comme ses camarades.
Il regarde dans le vide ou ailleurs, soupire, son menton marque parfois la mesure, il attend la fin patiemment.
Son rôle est si négligeable, sa participation si minuscule, que l’on pourrait croire qu’il est filmé à son insu. Mais son jeu est absolument juste, il n’essaie pas de prouver qu’il est là,
assis au dernier rang avec des baguettes qui battent toujours la même mesure. Villleret ne joue jamais, il s’installe tranquillement dans un personnage. (J’en parle au présent, hélas. Mais il est toujours vivant, non ?)
On a oublié la musique. On guette. Il ne se passe rien et beaucoup de choses dans ce plan fixe.
A ce stade on a déjà ri aux larmes, c’est le don de quelques vrais comiques : faire rire avec rien.
Mais le meilleur reste à venir.
Soudain le Boléro hausse le ton. Ca passe de moderato à l‘agitato et l’ensemble de l’orchestre semble pris de frénésie.
Les violons se déchaînent, les tubas s’emballent et les percussions percutent dans un ensemble parfait.
La caméra reste sur le batteur pour qui rien ne change sauf qu’il semble quelque peu perturbé.
Surpris ? Non, il connait la partition, mais peut-être sorti d’un état second un peu trop prolongé.
Il jette des coups d’oeil furtifs mais insistants sur sa voisine dont on aperçoit les battements survoltés.
Le batteur garde le même tempo, ses baguettes ne sortent pas de leurs gonds et une sorte de désespoir s’empare de lui – du moins on le suppose.
Il brûle d’entrer avec l’orchestre dans l’apothéose finale, mais ce n’est pas noté dans la partition.
Le ton monte inexorablement, le boléro s’enfièvre et il est impuissant, son corps est agité de légers soubresauts alors que la batteuse voisine entre en transes sur son tambour.
Les dernières mesures sont assassines, on avait oublié à quel point cette oeuvre est wagnérienne.
Le dernier accord s’abat comme un coup de canon.
Le batteur se lève avec les autres et salue, comme les autres.
Oui, il a sa part de succès, on applaudit le batteur du Boléro.
On regrette que le Boléro soit fini.
Qu’a-t-il fait ? Pas grand-chose. Juste ce qu’il fallait pour que l’on regrette que le Boléro de Ravel, cette rengaine assommante, soit fini. Un coup de maître !
Miss Comédie
MICHELINE ROZAN, L'INCONNUE
Avant de partir, elle a fait un dernier tour dans son théâtre, son oeuvre ultime. A cette heure, l’ombre et le silence règnent dans les Bouffles du Nord.
Elle est sereine. Le théâtre va bien. Peter est encore là pour lui assurer un bel avenir. Elle, est allée jusqu’au bout, elle peut enfin prendre son vol.
Maintenant Micheline Rozan gravit péniblement les derniers mètres du chemin accidenté qu’elle a suivi durant ses dernières années.
Essoufflée mais radieuse, elle s’arrête pour contempler l’imposante bâtisse qui surplombe la vallée du Styx.
Debout sur le parvis, bras ouverts et sourire aux lèvres, Albert Camus s’avance vers elle.
« Bon anniversaire, Micheline ! clame-t-il, vous ne pouviez pas mieux choisir pour fêter la fin du voyage !
Micheline Rozan se redresse, elle paraît soudain légère et alerte, et son visage s’illumine.
« Albert ! Enfin je vous retrouve, vous êtes parti si vite. Nous avions encore tant de projets ensemble...
« Avec vous j’ai découvert le théâtre !
« Et moi avec vous je suis passée de la littérature au théâtre...
Il la serre dans ses bras : « Et pourtant l’expérience des Possédés n’a pas été très encourageante pour nous deux !
« C’était un coup de maître en même temps qu’un coup d’essai, je ne demandais qu’à enchaîner !
Mais ses jambes se dérobent, tant elle est encore faible. Elle se dégage et va s’asseoir sur le muret qui borde le chemin.
Toute une époque revient à sa mémoire, avec ses artistes en quête de gloire qu’elle a poussé vers les sommets.
Maria Casarès s’est rapprochée :
« Micheline, je n’ai jamais oublié votre soutien – elle se tourne vers Camus - dans une situation si difficile à assumer...
Micheline s’étonne en voyant venir vers elle les nombreux disparus qui lui doivent une fameuse carrière, la gloire même.
« Mais vous êtes tous au Paradis ?
Camus précise en souriant :
« Quelques-uns oui, d’autres attendent leur heure. Mais vous, je parie sur la bienveillance de saint Pierre. Vous avez enduré plus de maux que vous ne méritiez, depuis votre plus tendre enfance jusqu’à vos dernières tortures.
Micheline Rozan respire un grand coup. Son corps frêle se dénoue peu à peu, ses mots sortent facilement de sa bouche.
Elle se lève et va vers la Porte du paradis, impériale :
« J’ai fini de souffrir. Maintenant, qu’on me donne le châtiment que je mérite ou bien le repos éternel.
Camus lui barre la route :
« Non, vous devez attendre ici. Votre vie est entre les mains du Juge Eternel et saint Pierre vous appellera pour vous faire connaître votre destination immédiate.
« Comment ? N’ai-je pas droit à plaider ma cause ?
Jeanne Moreau s’approche.
« Nous sommes tous ici pour plaider ta cause. Ma carrière, je te la dois. Tu m’as prise au théâtre pour m’amener au cinéma et tu es restée mon guide jusqu’au bout .Tu as fait de ton métier d’agent un sacerdoce, tu nous a communiqué à tous ta passion pour ce métier et ton secret pour s’y accrocher. Tu as été un modèle d’humanisme et de courage... Que faut –il de plus au Juge Eternel ?
Un applaudissement général accueillit cette tirade.
Dans le groupe compact des fidèles de la grande dame du théâtre, un personnage paraît impatient de témoigner.
« Qui êtes-vous, Micheline Rozan ? Je ne vous connaissais pas...
Comment avez-vous pu réunir tant de suffrages de stars en restant toute votre vie ignorée des médias ? »
Miss Comédie
Ce bref hommage fait à la va vite en raison de l’urgence (quelle idée de tirer sa révérence la veille de son anniversaire !) est une pirouette qui ne fait qu’effleurer les mille et une facettes de son immense carrière.
Avec son humour ravageur, j’ose présumer qu’elle aurait apprécié le ton de ces retrouvailles.
Evidemment, la dernière réplique, celle du personnage inconnu, la résume toute, elle l’Artiste en filigrane sur toutes les affiches.
Elle disait que le trésor le plus précieux de l’individu qui vit en société est l’anonymat. Pourtant, elle mettait toute son âme dans la conquête ‘de la gloire, pour ses poulains. Etonnant, non ?