DEDIE A ROMAN POLANSKI
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Roman Polanski qui connaît l’étrange pouvoir des génies de la musique...
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L’ESPRIT D’AMADEUS
Il est minuit. Dans le salon de la grande maison, Dolorès laisse tomber son livre et s’étire longuement dans le canapé. Le CD qu’elle avait mis pour accompagner sa lecture vient de s’achever, les dernières notes du concerto N°27 de Mozart qu’elle ne se lasse pas d’écouter en boucle. Dehors, le vent secoue les jalousies qu’elle laisse toujours baissées.
Elle se lève, va à la fenêtre, cherche à percer l’obscurité profonde de cette nuit de septembre. Pas d’étoiles. Le vent est annonciateur d’orage. Des éclairs commencent à illuminer le ciel mais l’orage est encore loin.
Dolorès n’enlève pas le CD de son socle mais elle éteint le lecteur.
Elle ramasse son livre, éteint les lumières du salon et monte dans sa chambre en baillant, elle est morte de fatigue.
Pour rien au monde elle ne serait allé à cette soirée où elle aurait pu rencontrer « plein de gens », où sa copine Mercédes voulait absolument la traîner. Ce soir, non. La journée a été vraiment dure à l’atelier, le théâtre attendait les costumes pour la générale, ila fallu mettre les bouchées double.
Et puis cette maison, où elle vient d’aménager, qui est devenue son palais, qu’elle a achetée sur un coup de foudre. En plein milieu du quartier Sol, à deux minutes de la Puerta del Sol et du kilometro cero qui est le point de départ de toutes les routes d’Espagne, et aussi le point de rencontre de tous les Madrilènes.
Le jardin qui entoure la demeure est mal entretenu et la maison n’est pas non plus dans un état parfait, mais les pièces gardent encore les vestiges d’un passé fastueux. Dolorès est tombée amoureuse des frises peintes sur les murs, des grands miroirs baroques, des meubles et des tapis que les anciens propriétaires ont laissés là, depuis si longtemps.
Dolorès monte l’escalier et arrive dans sa chambre où le lit monumental surmonté d’un dais est toujours ouvert.
Elle passe dans le cabinet de toilette vétuste, se déshabille promptement, fait une rapide toilette et saute avec délice dans ce lit immense où elle a toutes ses aises. Calée sur les oreillers, elle ouvre le livre commencé au salon et tente de poursuivre sa lecture. Mais ses yeux se ferment, elle va s’endormir, elle s’endort
Dolorès dort depuis longtemps, deux heures ? Trois heures ? Dans son sommeil, le concerto de Mozart égrène les notes nostalgiques du mouvement lent. Elle accueille ce rêve avec bonheur, d’abord, et puis lentement émerge du sommeil. Ce n’est pas un rêve. La musique est bien réelle, elle résonne entre les murs de la maison, elle vient du salon.
« Je suis sûre d’avoir éteint le lecteur… »
Dolorès saute hors du lit et dévale l’escalier. « Qui a pu entrer pendant mon sommeil ? »
Le salon est plongé dans l’obscurité. La petite lumière verte du lecteur est allumée et le son est au maximum, trop fort, mon dieu, trop fort !
Elle allume en tremblant mais le salon est vide.
Aucune fenêtre n’a été fracturée, la porte est verrouillée.
Elle se précipite alors sur le lecteur de CD et l’arrête.
Comme une voix qui se tait, la musique s’évanouit.
« Un esprit… c’est un esprit. J’ai acheté une maison hantée… »
Un violent coup de tonnerre la fait sursauter. Elle croit entendre le vent siffler quelques mots qu’elle perçoit avec terreur : « l’esprit d'Amadeus est là ! ».