ROSE AUTOUR DE MINUIT - Scène 43
Chris KO...
CHRIS
Qu’est-ce que vous cherchez à faire ?
ROSE
A vous sauver.
Il y a un silence. CHRIS se laisse tomber sur une chaise et semble soudain très las. On sent que ROSE a visé juste.
CHRIS, en petits bouts de phrases débités comme à regret
Oh... Pourquoi me dites-vous tout cela. Je me suis si souvent demandé... Ne croyez pas que je ne me sois jamais demandé... pourquoi je continuais... à me laisser dépouiller... J’aime écrire, voyez-vous. Mais le pire, sachez-le, n’est pas de voir le succès attribué à un autre, non... Le nom sur l’affiche, c’est pure vanité, vous savez... Non... Le pire... C’est de voir ma feuille raturée, mes mots bafoués, rayés, remplacés par des mots médiocres, mes personnages trahis, compromis... et ensuite, devoir signer de mon nom une oeuvre qui n’est plus la mienne...
(Il relève la tête et les regarde, et soudain son attitude change, il devient combatif et se lève)
Mais tout cela peut changer. Laissez-moi écrire un scénario en béton, du genre que les producteurs s’arrachent, vous savez pas ça, vous n’êtes pas initiés, vous ne savez pas qu’il existe des scénaristes illustrissimes, mais oui, devant qui les réalisateurs se traînent à genoux pour qu’ils leur écrive une belle histoire, ça existe, ça, vous savez ? Et l’ultime gloire d’un scénariste, c’est qu’on ne parle pas de lui dans les potins mondains !
(Pointant le doigt vers ROSE)
Avant de faire étalage de vos idées reçues vous devriez vous renseigner sur les réalités de notre métier, espèce de...
Entre le barman. Il allume les lumières et considère les trois personnages avec curiosité. Mais il ne dit rien et passe derrière le bar. On entend les premières notes de Billie Holliday chantant “My solitude”, en sourdine.
ROSE
Bon, écoutez, vos réalités nous on s’en fout.
(Elle va vers NAT et lui met les bras autour du cou.) On va se détendre, dans les loges ?
NAT, fondant
Tu es fatiguée ?
ROSE
Un peu...
Ils sortent enlacés, par le fond, côté estrade. CHRIS se lève et d’un pas lourd va vers le bar.
CHRIS, au barman
Ils s’aiment. Donnez-moi un double scotch.
LE BARMAN, sobre
Tout de suite, monsieur. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres...
(A suivre)