Cette pièce reste dans les esprits comme un joyau du Festival d’Avignon alors sous la houlette de Jean Vilar. Gérard Philipe en était, lui le metteur en scène en même temps qu’un inégalable Lorenzo de Médicis.
Il était entouré de Daniel Ivernel, Charles Denner, Jean Paul Moulinot, Jean-Pierre Jorris – excusez-moi du peu. La marquise Cibo était jouée par Monique Mélinand alors que Jeanne Moreau n’était qu’une « 2ème bourgeoise »…
La musique de Michel Jarre traversait le drame florentin avec grâce.
Les temps ont changé.
Aujourd’hui le texte de Musset reste inébranlable comme un phare au milieu de la tempête. Privé de quelques scènes mais toujours d’une âpreté magistrale. Mais il n’est plus seul. La danse alliée à la musique le galvanise, l’électrise, le rajeunit.
Les acteurs ? Disparus. Remplacés par des créatures polymorphes qui envahissent le plateau sur des rythmes follement modernes.
Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault ont pris la chose en mains. Sous le regard de Daniel Mesguich ils ressuscitent ce héros de la Renaissance en lui insufflant un sang neuf.
Lorenzaccio danse tout en disant le texte avec une précision d’horloge. Son corps et sa voix sont un seul et même personnage, plus Lorenzo de Médicis que jamais, fourbe, idéaliste, débauché, cruel à la fois bourreau et victime. Provocant, émouvant d’un bout à l’autre, jusqu’à ce cri qu’il lance, visage levé vers le ciel, avec une force étonnante, cri de douleur presque animal, interminable. Nous sommes sous le choc.
Sacré comédien, Julien Derouault.
Le Duc aussi, danse et joue le texte, comme les autres protagonistes de cette conjuration qui va aller jusqu’à la mort. Ils dansent et ils jouent, à la perfection. Comment faut-il les féliciter pour leur travail ? Bravo le danseur, bravo l’acteur ? Mais la danse reste l’attraction principale de ce spectacle, avec une troupe homogène qui s’infiltre entre les scènes sur une musique tonitruante.
Cela donne une succession de tableaux vivants, parfois dérangeants, montrant le vice, la trahison, la rivalité et la violence évoqués par le texte.
Leurs évolutions sont parcourues par des flots de lumières changeantes projetés sur la façade sublime du château de Grignan. Visions magiques. Et la musique est là, au diapason, frissons garantis.
Extraordinaire performance que celle de ces danseurs comédiens dont la voix, la diction, l’engagement, sont aussi aboutis que leur chorégraphie.
Au milieu d’eux évolue, majestueuse, Marie-Claude Pietragalla. Elle fait de la marquise Cibo, personnage secondaire de ce drame une pièce maîtresse de ce jeu pervers . Costumée d’un jupon de gaze blanche qu’elle fait virevolter au gré de ses jeux de jambes (sublimes), ou bien nue ou presque dans les moments de séduction, elle s’arrange pour être le centre d’attraction malgré la modeste épaisseur de son rôle.
Elle est la maîtresse de cérémonie d’un spectacle magnifique dont elle est la star.
Au château de Grignan jusqu’au 19 août 2017-07-20
Miss Comédie