Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

KISSIN A LA ROQUE D'ANTHÉRON

Publié le par Miss Comédie

La scène du jour

KISSIN  A  LA ROQUE D'ANTHÉRON

 

 

  La Roque d’Anthéron, 22 juillet 2017

 

 

Kissin.  Ce nom, déjà.  Il nous met l’eau à la bouche…

On l’attend.  La nuit tombe sur les gradins pleins à craquer.   Son public trépigne.

 Il entre. Grand, tout de blanc vêtu, son visage  donne une idée de ses tourments  intérieurs.  Je constate avec stupeur qu’il ressemble à Beethoven comme un frère.

Il attaque sans une seconde de concentration cette sonate opus 29 de Beethoven si souvent jouée.

Comment parler  pertinemment de l’interprétation prodigieuse de Kissin ?   Je suis mélomane mais pas musicologue.  Mes mots vont peut-être paraître naïfs ou impropres aux initiés.  

Cette sonate me semblait familière mais très vite, je me suis  dit que je ne la connaissais  pas vraiment.   Je découvre un nouveau ravissement.  Chacun de ses quatre mouvements font  jaillir des doigts de Kissin tous les élans de son âme.   Nous entendons quelque chose qui ressemble à la sonate opus 29 mais surdimensionnée, réinventée, une sonate « vécue ».

Il va falloir jeter tous les enregistrements précédents.

 

 

Cette sonate  emplit la première partie du récital. Trois quarts  d’heure de silence absolu dans l’immense espace du parc de Florans.

  Les cigales, fidèles accompagnatrices de tous les concerts  donnés dans ce parc,  se sont tues.

Il est seul.  Son regard flotte au-dessus du piano. Il n’a pas besoin de partition, la musique est en lui.  Beethoven a pris possession de lui, ses doigts obéissent au compositeur lui même.

Nous perdons toute notion du temps présent.  Nous subissons le pouvoir émotionnel des notes -  ceci n’est pas une fleur de rhétorique mais un phénomène qui  se produit  très rarement, quoi qu’on pense.

 

La deuxième partie, consacrée aux préludes de Rachmaninov, nous procure la même sensation de prodige.  Le piano projette autour de lui des flots de passion slave.  C’est du brutal.  Moins d’émotion peut-être, mais le diable au corps.  Le déchaînement spasmodique de la musique de Rachmaninov semble décupler l’énergie de Kissin.  Il est chez lui dans cet  univers tourmenté, cyclothymique.

Nous le suivons, fascinés.  Le temps passe trop vite.  

 

C’est fini.  Une seconde tête penchée vers le clavier  il écoute mourir la dernière vibration du dernier accord.

L’explosion de reconnaissance qui s’élève alors le réveille, il se lève, salue et sort, tel un somnambule.

Nous ne nous calmerons qu’après le troisième rappel qu’il donne presque joyeusement.

 Un  sourire maladroit  juste avant de nous quitter  et Kissin  disparait.

Je retombe sur terre.  Je n’ai pas envie de parler. Dans la foule qui s’écoule hors du parc de Florans, je veux rester seule avec Evgénie- Kissin.

 

Miss Comédie

 

 

 

Commenter cet article