DEMONS au Rond-Point : j'aime, moi non plus.
Avant de me lancer dans une analyse assez difficile (car qui suis-je pour juger une pièce choisie par un metteur en scène aussi original et talentueux que Marcial di Fonzo Bo et qui semble séduire un public très large ?) je vous livre un extrait savoureux de la critique du magazine ELLE : « pour mettre en bouche ces dialogues sèchement fouettés, un casting XXXL inédit. » Ouah ! Plus loin, on parle de la mise en scène : « infusé à Alfredo Arias, avant d’essorer son univers au contact de Claude Régy. » J’ai apprécié le vocabulaire. C’est presque du Audiard (Michel). Il donne des complexes à qui veut écrire quelque chose de fort sur un spectacle. Mais enfin, pas trace de jugement de valeur, juste une description et je vais tenter d’aller plus loin.
Au début je me suis crue dans une pièce mineure de Tennessee Williams. Un couple qui se livre à une sorte de combat rituel que l’on devine fréquent, provocations perverses, reproches lancés en rafale, bref la vraie scène de ménage vue et revue, pas un mot nouveau qui éveille l’attention, pas une réplique canon, mais on écoute et on regarde car les deux acteurs sont prodigieux, Romain Duris en Casanova élégant, Marina Foïs belle et féline, on pense à une Elisabeth Taylor de trente ans dans La Chatte sur un toit Brûlant. Plus la pièce avance, plus elle est impressionnante.
Mais ça dure, ça dure. On s’ennuie. Tant de violence va mener où ?
Et bien justement, au bout d’une petite heure arrive le couple de voisins du dessus (ou du dessous ?) également prodigieux dans des seconds rôles qu’ils vont vite survolter : Gaspard Ulliel, surprenant en époux modèle d’une femme obsédée par sa maternité, une Anaïs Demoustier très mignonne.
Le face à face n’est pas tout de suite évident. L’entreprise de séduction est ardue. Un moment fort, Romain Duris en démon tentateur face à Gaspard Ulliel à peine réticent.
Mais la scène ne vaut que par leur présence et leur talent.
Le texte est plat, démodé, sans surprise, mais les intentions sont là et les acteurs les font passer avec un naturel étonnant. Ils sont habités, convaincants, menés par une direction d’acteur « infusée » à la Claude Regy. Bref, ils sauvent la pièce.
C’est ce que j’ai ressenti, c’est ce qui rend difficile l’analyse : on est bluffé par le jeu des comédiens, on oublie la pièce.
Finalement, je me suis mouillée un peu plus que la journaliste de ELLE, quitte à me faire des détracteurs mais j’assume.
Miss Comédie
DEMONS, au théâtre du Rond-Point jusqu’au 11 octobre.
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