ZOOM SUR LES SCÈNES QU' ON AIME
En ces temps instables, nous sommes tous à la recherche des valeurs sûres – au fait, c’est quoi au juste, les valeurs sûres ? des idées, des marques de voitures, des denrées alimentaires, des personnages célèbres ? on peut en tout cas trouver des valeurs sûres au théâtre et au cinéma. Et en particulier dans certaines scènes mythiques qu’on ne se lasse pas de revoir.
Au théâtre, Gérard Philipe fut une valeur sûre, ô combien. Et puis pfffuit ! Disparu. Personne ne peut plus revoir Lorenzaccio avec lui dans le rôle titre, puisqu’il est mort. Les scènes mythiques du théâtre restent dans nos mémoires, c’est à chacun de restituer dans son souvenir la magie de ce que l’on ne reverra jamais.
Mais au cinéma, les valeurs sûres laissent des traces. Et certaines scènes ont encore un succès d’enfer sur les grands et petits écrans.
Par quel miracle ?
J ai revu quelques-unes de ces scènes et après mon instant d’extase j’ai eu envie d’en savoir plus sur leur histoire. Et c’est passionnant de voir à quel point l’impact de ces scènes était imprévisible ! C’est juste le résultat d’une équation réussie entre le savoir-faire et le naturel, l’humeur fusionnelle des acteurs entre eux.
Au fond d’eux-mêmes ils auraient dû le savoir, au moment où ils la tournaient, que la scène allait faire un tabac. Mais on n’est sûr de rien et en tout cas le réalisateur, lui, tout satisfait qu’il put être de la prise, ne se doutait pas qu’elle était plus que parfaite.
Voilà le mystère de ces scènes mythiques qui restent des valeurs sûres à travers le temps.
On commence par la plus célèbre, honneur aux anciens : depuis 1931 elle n’a pas pris une ride.
LA PARTIE DE CARTES dans MARIUS
LE FILM
Réalisé par Alexandre Korda (1931) mais supervisé par Marcel Pagnol, MARIUS est le premier volet de la « Trilogie Marseillaise » de Pagnol, MARIUS, FANNY et CÉSAR.
Tourné en extérieurs sur le Vieux Port de Marseille, le film est une adaptation de la pièce de Pagnol qui fit un trimphe deux ans plus tôt
S au théâtre de Paris avec Raimu et Orane Demazis.
Sorti en 1931, c’est l’un des premiers films parlants où Raimu put se faire un nom grâce à sa voix tonitruante… et à son accent méridional.
LES ACTEURS
Qui joue quoi dans cette scène ?
César : Raimu
Panisse : Fernand Charpin
Escartefigue : Paul Dulac
Monsieur Brun : Robert Vattier
LA SCENE
Ils sont quatre autour de la table pour une partie de manille , dans ce bar de la Marine que dirige César avec sa tonitruante hospitalité.
Ses partenaires, ce sont les habituels : Panisse, maître voilier dans le Vieux Port, Escartefigue, le Capitaine du ferry-boat, et monsieur Brun, l’œil des douanes, un lyonnais pur beurre qui parle pointu.
Ca commence calme, on galège juste comme il faut, mais il y a tout de suite quelque chose qui cloche, une petite malice qui pointe et qui va très vite dégénérer.
César est un tricheur, c’est notoire. Nous avons droit à un échange de mimiques inénarrables entre lui et Escartefigue. Après quelques passes d’armes bien envoyées, Panisse finit par quitter la table.
Les trois autres continuent à jouer en devisant. Il est question maintenant de Marius et de sa mystérieuse maîtresse.
Sujet scabreux s’il en est, dont César s’empare allègrement pour faire rebondir la scène qui faisait semblant de s’endormir !
Maintenant, après le « coup » du « Panisse coupe à cœur », on entend une vérité qui fait mal. César, l’air de rien, balance que « c’est dans la marine qu’il y a le plus de cocus… »
Escartefigue est marin, et fier de l’être. Il est aussi cocu et tout le monde le sait… Touché au cœur, il quitte à son tour la table non sans avoir clôt la scène par un magistral « la Marine française te dit merde ! »
Tout cela est à pleurer de rire, on ne se lasse pas d’entendre cette truculence marseillaise débitée avec un naturel phénoménal par des acteurs grandioses.
A voir et revoir sur YouTube.
Et à bientôt pour une autre scène de folie.
Miss Comédie
AOOM