CRAZY INTERVIEW
LE TRIO A L’IMPERMÉABLE
Trois hommes en imperméable, debout dans le fond de la salle du Crazy Horse Saloon à Paris. Devant eux, les spectateurs attablés se gobergent devant le show chaud des filles super gaulées.
Le trio improbable se retrouve là entre deux galaxies : Humphrey BOGART, Albert CAMUS et Peter FALK sont en goguette.
Derrière eux, une journaliste joue à pile ou face celui qu’elle va prendre pour cible.
A l’entracte les trois comp ères sortent dans le hall. Humphrey BOGART et Albert CAMUS allument une cigarette.
Peter FALK sort un mégot de sa poche et s’adresse aux deux autres :
« Vous auriez du feu, par hasard ? »
BOGART fait la moue.
« Colombo tu ferais mieux de te mettre au cigare, avec tous tes trophées….
Albert CAMUS tend son paquet de Gauloises à COLOMBO.
« Jette ça, c’est nocif.
COLOMBO se sert et hausse les épaules :
« Ta Gauloise elle est pas nocive ? Un prix Nobel ça fume plus, ça chique.
CAMUS soupire : « Profitons-en, dans dix ans ce sera inter dit partout.
Les trois tirent une bouffée. BOGART dégrafe sa ceinture et fait un pas en arrière, la journaliste se tient prête à l’aborder enfin mais CAMUS intervient :
« Une gabardine, ça doit rester fermée, reproche-t-il.
« C’est pas une gabardine, c’est un trench, rétorque BOGART.
« Ah, fait COLOMBO, et c’est quoi la différence ?
BOGART fait passer sa cigarette entre le pouce et l’index et fait un pas en avant.
« La différence, c’est que le trench a obligatoirement les pattes des poignets, les pattes d’épaules et le bavolet.
CAMUS s’insurge.
« Ah, mais la gabardine aussi ! Moi, je porte une gabardine. Tu vois bien que j’ai les pattes des poignets, les pattes d’épaules et le bavolet. Sauf que moi, c’est une BURBERRY’S.
BOGART jette sa cigarette par terre et l’écrase du pied.
« CAMUS, tu es snob. C’est l’air de Paris qui fait ça. Moi, mon trench je l’ai acheté chez ABERCOMBIE quand j’ai reçu mon Oscar du Meilleur Acteur, en 1951. Tu le trouves démodé ?
CAMUS l’inspecte et hoche la tête.
« Non, pas vraiment, mais tu mets trop les mains dans tes poches, ça les déforme.
COLOMBO éteint sa cigarette à demi consumée et la met dans sa poche.
« Et moi, à votre avis, mon imper, c’est une gabardine ou un trench ?
BOGART et CAMUS le considèrent du haut en bas avec dédain.
« Pas de ceinture, pas de pattes, pas de bavolet, trop court et une odeur de commissariat… C’est pas du BURBERRYS ni du ABERCOMBIE, ni même du GALLIANO !
CAMUS renchérit :
« Avec tes trois milliards de téléspectateurs tous pays confondus, tu aurais pu t’offrir un vêtement à la hauteur...
« C’est ma femme qui m’a offert mon imper, et je le porterai pour l’éte rnité.
La sonnette de reprise du spectacle retentit et les spectateurs autour d’eux se pressent pour rentrer dans la salle.
Les trois hommes restent en arrière et hésitent à entrer. La journaliste se jette sur BOGART qui la repousse distraitement pour lancer aux deux autres :
« Elles sont pas mal, ces filles, mais je préfèrais Lauren BACALL ;
CAMUS :
« Et moi Maria CASARES.
COLOMBO :
« Comme d’hab, moi j’ai eu droit qu’à des actrices de complément.
BOGART et CAMUS ensemble :
« C’est à cause de l’imper !
Ils s’esclaffent et vont reprendre leur place au fond de la salle.
La journaliste reste en plan, son interview est à l’eau à c ause de cette histoire d’imperméable.