ROSE AUTOUR DE MINUIT - Scène 58
LE BAR. YANN, ROSE, LE BARMAN
L’irréparable dialogue.
YANN
Vous avez raison. C'est mon film. Je m'appelle Kubrick. Je fais ce que je veux. Je vais déchirer le script et le réécrire moi-même. Je prends tous les risques, cela me donne tous les droits. N'ayez pas peur, Rose, vous allez enfin savoir ce que c'est que d'exister sur une pellicule.
ROSE
Je vais enfin savoir ce que c’est qu’exister le jour.
YANN
Exister le jour ?
ROSE
Oui, attendre le jour comme j’attendais la nuit.
YANN
Vous n’aimez pas le jour ?
ROSE
Oh non. Vous savez, le jour il ne m’arrive rien. Pourquoi ? Parce que le jour je suis transparente. Je me lève, je traîne, je regarde passer les gens, j’attends le soir. Le soir, voyez-vous, j’ai de l’estime pour moi-même. Les gens m’admirent. Toute la nuit je peux croire que je suis quelqu’un de bien. Dès que le jour se lève, je deviens grise et laide et plus personne ne fait attention à moi. C’est le jour qui fait ça. Si vous m’engagez pour ce rôle, le jour aura un sens pour moi.
YANN
Et Nat ?
ROSE
J’aime Nat. Ce film ne changera rien.
YANN
Vous courez un danger. Il faut que vous le sachiez.
ROSE
Un danger ?
YANN
Ce rôle, c’est la fin de votre histoire d’amour. Lisez le scénario.
ROSE
Mais je ne suis pas la Rose du scénario !
YANN
Si, vous êtes la Rose du scénario.
(A suivre)