MES SOUVENIRS DE THEÂTRE
Fernandel en tournée (suite)
Monaco
Treize ans après, je me suis retrouvée à Monte-Carlo.
Mon père y habitait toujours.
La ville était inchangée, immuable comme une ville peuplée de fantômes qui gardent jalousement les vestiges du passé.
Hôtel Hermitage.
Quatre chasseurs se sont emparés de nos bagages. Il me fut alloué la chambre 462. Durant l’année 1957, lorsque j’étais standardiste dans cet hôtel, je n’avais pas accès aux chambres.
Je croyais tout connaître de Monte-Carlo. Il me restait à découvrir le théâtre du Casino et sa salle surchargée de dorures, sa loge princière, ses coulisses impeccables.
Mon père assistait au spectacle. Je l’ai vu, au salut, debout dans sa loge, applaudir frénétiquement.
La princesse Grace était venue seule. Belle et hiératique, elle applaudissait en souriant. Fernandel reçut un bouquet de roses rouges lancé du troisième rang d’orchestre.
Moi, debout sous l’ovation, je gardais les yeux fixés sur ce vieil homme qui était fier de moi. Je me sentis soudain ridicule : mes larmes coulaient, comme si le public m’en donnait trop, comme font les stars lorsque le succès les bouleverse.
Le lendemain matin, une pluie fine donnait à la principauté un charme triste de ville autrichienne. Le voyage fut long et lassant, rythmé par le bruit des essuie-glaces du car. Chacun gardait le silence.
Je m’éloignais de cette ville où quelques mois plus tard, mon père abandonnerait la partie.
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