Noiret, Rochefort et Marielle...
LES GRANDS DUCS, film de PATRICE LECONTE
Attention, ce film sera bientôt un film culte !
Ereinté par la critique à sa sortie, en février 1996, boudé par le public, il s’est fait remarquer par un clan de groupies qui se le repassent dans les soirées d’initiés.
Complètement déjanté, tourné à un rythme d’enfer, joué par des acteurs au sommet de leur folie, il multiplie les scènes d’anthologie.
`Difficile de choisir…
Patrice Leconte est spécialiste des castings de rêve. En plus, il adore les stars et apparemment c’est réciproque.
Là, il a fait fort encore une fois : trois des plus grands acteurs du moment : Jean Rochefort, Jean-Pierre Marielle et Philippe Noiret ensemble dans des rôles de comédiens ringards. C’était gonflé. Le scénario l’était plus encore, et quand ils l’ont lu, les trois ont plongé en chœur.
C’était pourtant un peu risqué. Jouer les ringards quand on est trois têtes d’affiche, c’est jouer sur la corde raide. Un effet de trop et l’on tombe dans le grand guignol.
Dans ce film, les trois acteurs – et leurs partenaires – sont complètements zinzins – mais crédibles. Difficile à expliquer.
Chercher une scène fétiche dans Les Grands Ducs c’est chercher une tache noire sur le dos d’un dalmatien.
Depuis les péripéties de leur casting jusqu’à la pièce de théâtre Scoubidou qu’ils interprètent de ville en ville dans la plus grande confusion, chacun des trois a sa minute de folie.
Mais prenons la scène de la scène où Noiret, Rochefort, après avoir décroché leurs rôles grâce à une honteuse remise sur le cachet de base, vont proposer à Marielle d’être leur partenaire dans la tournée.
Ils le trouvent en pleine crise de fureur contre son voisin avant de le voir démolir une cloison de son appartement à coups de piolet.
On est d’emblée dans le bain avec les trois personnages bien positionnés sur le terrain.
Noiret l’attaquant , conquérant, beau parleur, théâtral.
Rochefort, l’ailier gauche, très gauche, simulateur, séducteur, comique au 38ème degré, impérial.
Marielle, le gardien de but, hyper-buté, parano, belliqueux, imprévisible et grandiose.
Ensuite, il n’y a qu’à les suivre dans leur tournée à travers la France et traquer les mini scènes-culte.
Nous assistons à une pièce de théâtre dont nous ne voyons que quelques scènes, chaque fois un désastre. Personne n’est à son poste au moment voulu.
Marielle obsédé par l’état de santé de son bébé, pendu au téléphone entre chacune de ses entrées en scène, (essayez de l’imaginer disant « des cloques ? » d’une voix tremblante) Rochefort éperdu dans le décolleté de l’actrice principale récalcitrante, Marielle encore, fuyant les avances d’un partenaire gay, Noiret au commissariat, Rochefort en plein délire sexuel, Marielle jouant les intermittents du spectacle pour solliciter la générosité du public.
Et je ne parle pas de Michel Blanc, inénarrable dans son rôle de « méchant » producteur au bord de la faillite, qui hait les acteurs et n’a qu’une idée en tête, handicaper l’actrice principale pour saboter la pièce.
Et enfin cette actrice principale, Catherine Jacob qui joue la diva avec panache, incompréhensible mais pleine de panache, toute en rondeurs pulpeuses.
Je vous le dis, ce film est inénarrable, on ne peut le narrer, il faut le voir, un soir de déprime, et le revoir le lendemain pour être sûr de n’avoir pas rêvé.
Miss Comédie