Pascal QUIGNARD
Cette phrase le résume tout entier. Cet homme se tait en permanence. Mais son silence est assourdissant.
Je le vénère pour ça. Je vous parlera de lui lundi et d'ici là je vous souhaite un très doux week-end.
Miss Comédie
PREMIER CLASH
La sale d’attente.
LUI, ELLE
ELLE
Nous n’aurions pas dû revenir.
LUI
Ecoute, tu as une allergie, moi aussi. Nous sommes chez notre mé-de-cin.Tu as envie de guérir oui ou non ?
ELLE
Je me fous de mon allergie, maintenant. J’ai seulement peur que tu disparaisses, de l’autre côté de la porte. Que cette pièce voit aussi la fin de notre histoire.
LUI
Nous passerons ensemble. Comme ça tu ne me lâcheras pas.
Elle se lève et va s’asseoir sur la chaise voisine de la sienne. Il l’attire contre lui.
Un moment se passe. On entend les bruits de la ville par la fenêtre, un klaxon retentit, il sursaute et s’immobilise, brusquement tendu.
LUI
Je n’ai pas appelé Thomas pour lui dire de ne pas m’attendre.
ELLE, se sépare de lui
Il aura compris.
LUI, inquiet, se lève, va à la fenêtre
Je ne crois pas.... Je devais le prendre à la fac à 5 heures...
ELLE
Je ne savais pas...
LUI
Je ne te l’ai pas dit pour ne pas compliquer les choses... Tu as tellement insisté pour que je prenne ce rendez-vous, à la même heure que toi... Je m’étais promis de l’appeler sans faute...
(Il se lève, visiblement contrarié)
Tu me fais perdre la tête.
ELLE
Tu m’en veux. Tu m’en veux de te vouloir partout près de moi.
Bientôt tu trouveras que je t’aime trop, tu voudras te libérer, t’échapper et ce sera la fin.
LUI
Mais non, mais non...
ELLE, le regarde d’un air pénétré
C’est étrange...
LUI, inquiet
Quoi ?
ELLE, parlant comme sur une inspiration subite
Nous ne sommes plus du tout les mêmes, aujourd’hui.
LUI
Plus les mêmes ?
ELLE
Non...Tu vois... si nous nous étions rencontrés... aujourd’hui pour la première fois, nous ne serions pas tombés amoureux.
Il semble saisi par cette révélation.
ELLE, l’air toujours absent
Ecoute... Nous avons encore une chance... Nous pouvons encore revenir en arrière... Tout peut encore être comme avant...
Il la regarde avec inquiétude.
ELLE
Tu peux aller chercher ton fils... Il ne s’est encore rien passé entre nous...
LUI
Ecoute, c’est fou ton histoire mais...
ELLE
Je ne te connais pas. Fais comme si tu ne me connaissais pas. Va !
LUI
Mais, bordel, on est en plein rêve ! Ce n’est pas parce que j’ai parlé de ce rendez-vous avec Thomas, que tout est remis en question, tu vas arrêter ce jeu stupide, oui ?
ELLE, comme revenue sur terre
Voilà que je te retrouve comme au premier jour. Pour moi, rien n’est changé, tu m’attires toujours autant. Pour toi, c’est autre chose.
LUI
Comment çà, c’est autre chose ?
ELLE
Oui, je sens une réticence.
LUI
Tu sens une réticence ?
ELLE
J’ai eu tort de te demander de venir à ce rendez-vous. Il vaudrait beaucoup mieux que tu ne changes rien à tes habitudes.
LUI
Je sais ce que j’ai à faire.
ELLE
Va chercher Thomas.
LUI qui s’exaspère
Tu insistes ?
ELLE, calme
J’insiste.
LUI, furieux, ramasse sa veste et va vers la porte
Tu l’auras voulu. J’en ai par-dessus la tête.
Il sort. Elle reste immobile sur sa chaise.
(A SUIVRE)
L'AVENTURE COMMENCE....
Un mois plus tard.
La salle d’attente chez le même médecin. Coup de sonnette.
Bruits de pas, de porte, de voix.
La porte du fond s’ouvre. Entrent Maxime et Sonia se tenant par la main.
Elle porte un manteau long à col de fourrure, des bottes. Sa coiffure a changé.
Il est en veste de cuir sur des jeans noirs, chemise blanche, blazer de tweed sous sa veste, cheveux fous. Son aspect est plus soigné qu’avant.
Ils restent un instant debout, à regarder la pièce, un vague sourire aux lèvres.
LUI
C’est un drôle d’endroit pour une rencontre, non ?
Il l’attire brusquement dans ses bras et l’embrasse fougueusement. Elle se dégage.
ELLE
Arrête, pas ici, tu es fou...
LUI
Pourquoi ?
ELLE
C’est l’endroit où ne nous connaissons pas.
Elle s’éloigne de lui et s’asseoit sur la chaise où elle était la première fois. Elle prend un magazine et commence à le feuilleter sans le regarder.
LUI
A quoi tu joues ?
ELLE
Tu m’avais demandé l’heure. Allez, recommence, c’est drôle, regarde, c’est le même endroit, nous étions seuls, tu ne me connaissais pas...
LUI
Justement.... C’est impossible aujourd’hui de te parler de la même façon.
ELLE
Essaie.
LUI, de mauvaise grâce.
Vous aviez rendez-vous à quelle heure ?
ELLE (jouant)
Quatre heures et quart. Pourquoi ?
LUI, mollement
Parce qu’il est déjà quatre heure et... euh...
ELLE le coupe
Tu es mou.
LUI
Comment, je suis mou ?
ELLE
Oui... Je t’assure que je n’aurais pas eu ce coup de foudre instantané si tu m’avais répondu sur ce ton-là... Tu étais nerveux, brutal, saturnien !
LUI
Saturnien ?
ELLE
C’est ce qui m’a plu, ce côté... sombre... infréquentable.
LUI
Pour quelqu’un d’infréquentable, je n’ai pas mis longtemps à tomber dans tes filets...
ELLE
C’est vrai... Il faut dire que l’histoire de la fourrière m’ a un peu aidée. Que pensais-tu de moi, toi, ce premier jour-là ?
LUI
Je t’ai d’abord trouvée belle... Rayonnante... l’image de la vie...
Et puis... plus tu parlais, plus je tombais sous le charme...
Ce côté... invulnérable qu’il y a chez toi...
ELLE
Invulnérable, je l’étais avant de te connaître ! Dès que tu es entré dans cette pièce j’ai commencé à avoir peur.
LUI
Et de quoi ?
ELLE
Que tu disparaisses à nouveau. Avant toi je ne m’inquiétais pas de l’issue des choses. Le mot “fin” n’avait pas de sens tragique... c’était toujours des fins de cinéma...
LUI
Il y a des fins heureuses, libératrices.
ELLE
Je ne veux pas me libérer de toi.
LUI
Moi non plus. Qui a parlé de fin ?
(A suivre)
Si vous aimez mon blog, vous aimerez mes livres:
- Sa lente traversée du mois d'aout
- Les bals de Douvres
- La dictée de Bunuel
- Collisions d'étoiles
Aux éditions le Manuscrit.