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MODIANO, NOBLE NOBEL !

Publié le par Miss Comédie

 

imagesLE SACRE D’UN PRINCE   DU PAVÉ DE PARI

 

Quand j’évoquais, il y a à peine quatre jours, la sortie du  nouveau roman de cet éternel promeneur,  j’avais hâte de replonger dans son univers étrange et familier mais je ne soupçonnais pas qu’il serait notre nouveau Nobel, après Camus, après Le Clézio…

Il l’a eu enfin !   J’ai déjà partagé ma joie avec ma libraire,  et une poignée de clients émus.

 

J’avais lu des pronostics : un écrivain africain était favori …..

Quelle voix clairvoyante s’est élevée pour rappeler aux membres du Comité que Modiano existait ?

Et depuis si longtemps, avec sa trentaine de romans, tous marqués par ce frémissement qui n’appartient qu’à lui, celui d’un homme à la poursuite de lui-même et de son passé, un passé qu’il ne cessa de réinventer, nous rendant chaque fois plus impatients de percer son mystère.

Peu à peu il nous a fait partager sa blessure secrète, celle que nous portons tous sans le savoir, juif ou non, depuis la nuit des temps.  Cette blessure, personne ne l’a évoquée avec autant de charme, sans pathos, juste des personnages qui échappent au temps et au bonheur.

Inutile de parler davantage de ce que représente Patrick Modiano pour ses lecteurs, chacun le porte dans son cœur comme un  parent  éloigné et si proche,  complice et tellement discret.

Ce magicien des mots qui fait surgir en nous des interrogations secrètes, aura soixante-dix ans dans neuf mois.

Que Dieu lui prête vie encore longtemps.

 

 

 


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MODIANO, TOUJOURS

Publié le par Miss Comédie

 

 

  Modiano.jpgJe viens de lire dans le JDD d’aujourd’hui  un article magnifique.

Il est signé Marie-Laure Delorme et il parle du nouveau roman de Patrick Modiano, « Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier ».

Quand on connaît, et qu’on aime ce romancier hors normes, lire cet article donne une émotion telle que l’on se croit déjà dans le livre.

C’est ce qu’on pourrait appeler  « une bonne  critique ».  Mais  le mot ne convient pas !  Pourquoi appeler « critique », un texte qui fait tout le contraire ?   C’est une apologie, une louange, une immersion totale dans l’œuvre choisie.

 

Ah, si je ne connaissais pas Modiano, avec quelle hâte j’irais acheter le livre pour retrouver au fil des lignes les sensations subtiles que Marie-Laure Delorme décrit avec un talent presque modianiesque !

Alors, si je ne connaissais pas Modiano, je saurais déjà avant de le lire  que j’allais adorer cet écrivain.  Au risque d’encourir les foudres de ceux qui jugent sur pièces, qui nient l’espèce de prémonition qui vous saisit devant  certains signes, commme une critique de ce genre.

Certes, je suis dans le camp de son auteur, je sais d’avance que le livre me passionnera comme les autres, et que l’univers de Modiano me rassure sur la nature humaine.  Mais la façon de s’y plonger, le choix des mots pour le décrire,  sont si convaincants qu’ils peuvent ¨« vendre » le livre aux lecteurs les plus indifférents.

 

Sur la photo qui accompagne l’article, Patrick Modiano est « tel qu’en lui-même enfin l’éternité le change » :  auteur devenu éternel, il  subit malgré tout la lente métamorphose du temps.

Le regard seul atteste de la profondeur immuable de son âme.

Il ne sourit pas au photographe, il ne cherche pas à illustrer l’événement, il se prête simplement à la boulimie de notre  époque pour l’image de la star.

 

Le texte et l’image sont formidables. C’est tout.

Maintenant, après cette pub pour la journaliste du JDD, j'attends d'avoir lu le livre pour vous  dire... ce que j'en pense !

Miss Comédie  -  oct.14

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GLENN GOULD : COMMENT JOUER BACH ?

Publié le par Miss Comédie

 

 

  GlennGould2.jpg

 

 

Il n’est pas impossible que Gould ait eu un jour ce dialogue imaginaire avec Jean Sébastien Bach.  Ils se sont même certainement parlé plusieurs fois.  Car Gould joue Bach comme s’il avait lui-même composé sa musique.  Les autres,  Beethoven, Chopin, Brahms, Berg, il les joue comme tous les autres interprètes, à sa manière, mais on ne peut dire qu’il les domine.

La musique de Bach est SA musique.  Il sait ce qu’elle contient, il comprend ce qu’elle veut dire et il nous transmet l’inspiration même du compositeur.  Bach seul a pu lui livrer ses secrets.  Qui d’autre ?

    Jeune Gould Glenn Gould est au piano.  Il travaille l’adagio du concerto n° 5 qu’il doit jouer en concert à Toronto, sa ville natale . Il a vingt ans et  sa carrière s’annonce bril

Bach est son compositeur de prédilection.  Sa manière d’aborder son œuvre est révolutionnaire pour l’époque, son style clair et dépouillé séduit les mélomanes.

Mais le jeune Glenn Gould est un perfectionniste.

Aujourd’hui le doute s’est installé en lui et  il reprend inlassablement le même passage,  penché sur le clavier, son visage reflètant  une extrême concentration, presque de la douleur.

 

Gienn Gould s’est arrêté de jouer,  découragé.

Il s’éloigne du piano et se laisse tomber dans le fauteuil qu’il appelle son « reposoir »,  caressant au passage le dos de Nicky son setter qui se couche à ses pieds.

En face  de jui, accroché au mur, un  portrait de Jean-Sébastien Bach peint par un inconnu, le regarde.

Ce portrait est pour Glenn Gould source d’apaisement et d’inspiration, il lui confie ses doutes comme l’on prie une image sainte.

 

Les yeux fixés sur le visage empreint de sérénité de son idole, il murmure

« Je n’y arrive pas.   Comment jouer ce morceau en apparence si facile ?   Comment lui donner une valeur ajoutée ?

  Johann Sebastian BachLa voix qui lui répond le fait sursauter.  Face à lui, le portrait s’est animé et Bach lui parle.

« Qu’appelles-tu une valeur ajoutée, Glenn ?

 

Bien sûr, cela devait arriver, après tant de dialogues muets entretenus avec le portrait, un jour ou l’autre, Bach allait lui parler.

 Très ému, il répond :

«  Et bien… ma touche personnelle, mon inspiration à moi, un éclat qui illuminerait chaque note pour la rendre unique, prolongée, un…

« Mais pourquoi vouloir ajouter tout cela ?   Joues les notes telles qu’elles sont écrites, toute la beauté du morceau est au bout de tes doigts.

« Comme  chez tous les autres pianistes…

«  Non non, tu te trompes, chaque pianiste transmets à ses doigts la profondeur de sa pensée, le trouble de son âme,  le bonheur de jouer, et tout cela est différent selon l’interprète

«  Maitre, je vais devoir accompagner Yehudi Menuhin, un violoniste unique, incomparable… et moi, je trouve mon toucher trop sec, trop impersonnel.

«  Moi je le trouve parfaitement fidèle à  l’arithmétique de ma composition.  Je ne  veux pas d’une interprétation sentimentale, je veux une musique qui s’adresse à l’âme plutôt qu’aux sens.

«  Vous voulez dire… dépouillée de tout artifice ?

« Exactement.  Ce que tu appelles la « valeur ajoutée » n’est que fioritures, chichis et détourne de l’essentiel.

« Maître,  je sais bien que je suis sur la bonne voie… Mais comment puis-je me perfectionner ?

«  En dépouillant encore et encore, jusqu’à ce que le morceau devienne comme  un squelette, une ellipse.  C’est ce que fait Menuhin, remarque-le !  Son violon est un souffle pur, inspiré du divin. 

Glenn Gould se lève et se rapproche du tableau, tend la main pour toucher ce qu’il croit être la  main du musicien mais il ne renc ontre que la surface glacée de la vitre.

 

glenngould.jpeg.size.xxlarge.letterboxRassuré il se rassied sur sa chaise pliante,  le visage au ras du clavier, et se remet à jouer.  

C’est fou ce que son exécution paraît facile.  Un enfant pourrait jouer cet adagio, semble-t-il.

Que cache cette apparente clarté, ce déroulement  de chaque note comme une évidence ?  

Une recherche inlassable, un immense amour sont derrière la perfection du jeu de Glenn Gould.

 

Improvisé par Miss Comédie - Sept. 2014



 

 

 

« 

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UN DINER D'ADIEU

Publié le par Miss Comédie

 

 

 

 

 un-diner-d-adieu_1000x486.jpgComment mettre fin à une amitié de trente ans devenue encombrante ?  En l’invitant à un dernier dîner, sans qu’il soupçonne que c’est un dîner d’adieu.

C’est le sujet insolite de cette pièce de Mathieu Delaporte et Alexandre de la Patelière, qui avaient déjà œuvré ensemble pour LE PRENOM.  Belle référence.

Ici l’on quitte, ouf, le boulevard du libre échange et des turpitudes conjugales pour naviguer dans les méandres nébuleuses  de l’amitié.

 Plus question de sexe mais toujours de  rupture et  ici, elle fait mal.  Vous allez me dire « ah, donc on ne rit pas. » (si on n'y rit pas on n’ira pas…)

Détrompez-vous.  Quand on a sur scène deux natures aussi diamétralement opposées que Eric Elmosnino et Guillaume de Tonquédec, (qui  sont de vrais copains de  théâtre) et bien non, on ne riit pas, on pleure.  Au milieu, la belle Audrey Fleurot joue l’épouse,   spectatrice faussement naïve de leur pugilat avec beaucoup de drôlerie.

Dès l’entrée en scène de cet ami invité pour la dernière fois, on sent que ce dîner d’adieu est une fausse bonne idée.

 

 32463_635453602696137259.jpgEntre ces deux-là, l’échange est exquis.  Ils sont de force égale, même si Elmosnino a la grâce et le métier d’une star.

Les auteurs de la pièce  ont la cruauté  de leur demander des jeux de scène insensés, de mener l’affaire sournoisement vers un dénouement imprévisible, de nous balancer des répliques  et des monologues de haute voltige, dont celui d’Elmosnino qui dure cinq minutes et où il se lance dans un show hallucinant.   Soudain seul au monde,  il murmure, il déclame, il soupire, il donne à ses effets une touche de retenue qui provoque l’explosion de rires.  Comment fait-il ? Les autres surjouent. Lui, il fredonne et ça percute, il  se permet   un certain détachement, un peu gainsbourien, peut-être ?.    L’efficacité est  jubilatoire.

La pièce s’offre parfois  des  délires  à la Ionesco, le texte mêle joliment les effets comiques et les envolées lyriques… la quadrature du cercle, quoi.

En sortant, dans ce délicieux square Sacha Guitry, on est heureux et confiant en l’amitié. Et surtout pas honteux d’avoir ri.

 

A voir d'urgence au théâtre Edouard VII, mise en scène Bernard Murat.

Miss Comédie - Septembre 2014

 

 

 

 

 

 

 

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LA PHOTO MYSTERE DE SEPTEMBRE

Publié le par Miss Comédie

 

 

 

 

 

  certains-l-aiment-froide-20-g

 

Ce film, personne ne l’a vu. Mais deux des personnages sur trois sont hyper connus.  Je vous demande le nom des trois personnages et le titre du film.  Question à 3 niveaux de difficulté…

 

 

 

 

REPONSE de la Photo-mystère d’Août :

 

Il s’agissait du décor de FENETRE SUR COUR, l’immeuble d’en face que lorgnait James Steward.

C’était pas facile mais j’ai eu pas mal de réponses justes.

 

A bientôt !

 

Miss Comédie

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JEREMY CHARBONNEL, L'HUMOUR FOU

Publié le par Miss Comédie

 

 

 

 

Il se donne actuellement à l’Espace Gerson à Lyon un spectacle qui   s’appelle « l’HOMME MODERNE ».  Un titre  a priori pas vraiment hilarant.

Mais le jeune homme qui le mène tambour battant vaut le détour.

 AFFICHEIl s’appelle Jérémy Charbonnel et  c’est encore un inconnu mais pas pour longtemps car son one man show a déjà fait pleurer (de rire)  les festivaliers en Avignon cette saison et il sera bientôt au théâtre du Ranelagh à Paris.

 

Jérémy Charbonnel est vraiment hilarant. Mais il ne donne pas dans la gauloiserie, la pornographie, la scatologie, la cruauté  – bref, la provoc – de la plupart de ses copains   humoristes.

Il a décidé d’être lui-même, c’est-à-dire un jeune homme bien élevé, élégant, charmant… mais pas seulement ! Peu à peu il dévoile l’acuité de ses dons d’observation en  incarnant des personnages très loin de lui,  des situations qu’on a tous vécues mais qu’il rend inénarrables – voyons, que je me souvienne -  la queue à la poste,  (à mourir),  le bug malvenu sur le PC,(topissime), la belle-mère à la clinique d’accouchement, (bluffant), le rom  mendiant,  (à pleurer), la DRH cougar, (grandiose)…  et la prof d’anglais, et la blonde,  je ne sais plus, il y en a tant, et tous poilants.

Il n’a pas que l’inspiration féroce mais jamais méchante, il n’a pas que des textes à l’emporte-pièce, il a la gestuelle protéiforme,  il a un visage à transformation (un catalogue d’expressions insensé) – et pourtant à la ville, il est mignon comme tout – un visage que l’on sent promis à un grand destin scénique.PORTRAIT.jpg

C’est tout ?  Non, après les louanges, il faut bien souligner les bémols, sinon je passerais pour l’amie de la famille.  Oui, il pourrait canaliser ses élans, jouer avec les silences-suspense,  revoir  les répétitions à la baisse ,   dégager l’essentiel de la scène,  gommer les effets secondaires….

Enfin, le genre de critiques que l’on fait  seulement à un  vrai professionnel pour mettre en valeur son talent.

Avec ce talent, on le sent prêt à décortiquer notre société,  source d’inépuisables scènes burlesques.   L’humour joyeux et non scabreux, c’est devenu rare.  

Nous rendre  heureux et non pas honteux d’avoir ri,  c’est la grande force des  scènes d’humour de Jérémy Charbonnel.

 

A l’Espace Gerson jusqu’au 20  septembre -  hurry up !

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RENTRÉE RIGOLOTE

Publié le par Miss Comédie

 

 

 

LE RIRE QUI TUE

 

Une rentrée parmi d’autres, celle du cours Furet, école de comédie rue Paul-Valéry dans le XVIème arrondissement de Paris, dans les années 70. Souvenir d’une classe folle.

 

   P1150774_Paris_XVI_rue_Paul-Valery_rwk.jpg

Tous les jeudi il y avait cours de rire.

Faire rire  son entourage n’est déjà pas donné à tout le monde, mais rire en scène, aux éclats, je veux dire, et de manière prolongée, c’est un exploit.  Ca s’apprend.

Chaque élève qui montait sur l’estrade donnait sa démonstration personnelle de l’impuissance.

Evidemment, s’il n’y a pas la motivation du rire, il ne reste que toussotements pitoyables.  L’élève le plus doué du cours,  un disque d’or de la tirade racinienne, que j’admirais entre tous, lorsqu’il voulut bien se prêter à l’exercice, tomba de son piédestal, vaincu.  Il comprit très vite qu’il n’était pas question de s’éterniser sur scène sous les quolibets et retourna à sa place, à la droite du prof qui lui glissa, indulgent : « C’est un autre métier… »

 

Furet prenait la chose depuis le début, en nous apprenant à respirer. Il fallait ensuite projeter hors de notre ventre des « ah » sonores et en cascade sur l’expiration.

Quand la mécanique était au point, on pouvait essayer de mettre « l’humeur », en pensant à quelque chose de drôle.

J’ai trouvé le procédé amusant et j’ai très vite assimilé la méthode.  Je suis devenue la rieuse number one et quand il en avait assez des crachotements, Furet disait « Allez, Julie, à toi. »

Je mitraillais.  Mais je me sentais un peu seule, j’aurais adoré me mesurer à un autre rieur.

 

Il y avait aussi le cours de larmes, mais là, bizarrement, après avoir essayé en vain de pleurer sur un   malheur imaginaire, je finissais par avoir le fou rire et Furet me disait de descendre.

 

 

C’est comme ça qu’un jour, un metteur en scène qui cherchait une Zerbinette vint assister à un cours et fut terrassé par ma démonstration.

Je fus convoquée le lendemain pour répéter ma prestation devant l’acteur principal.

Le metteur en scène s’appelait Jean-Louis .Thamin . II montait « Les Fourberies de Scapin » avec Jean-Luc Moreau dans le rôle de Scapin.

 

 

J’avais dû lire pour la dernière fois Les Fourberies de Scapin en classe de 3ème et je n’en avais aucun souvenir.

Zerbinette ?  C’est la fille qui rit.  Elle rit à perdre haleine en racontant une histoire à dormir debout, une tirade interminable entrecoupée de rires cristallins mais pas seulement !  Il faut que ces rires soient eux-mêmes hilarants, provocateurs, communicatifs pour entraîner une salle entière.

Devant elle sur le plateau il y a le vieux Géronte qui tempête, mais ça ne suffit pas pour déclencher le rire de Zerbinette.  Il faut qu’elle le trouve ailleurs, et qu’elle s’appuie sur une technique en béton.

 

Jean-Louis Thamin m’a pris rendez-vous avec Micheline Boudet, la tenancière du titre de Zerbinette d’Or, pour qu’elle me délivre une partie de ses secrets de fabrication.

Dans son salon Louis XV nous avons passé une heure à la regarder minauder et distiller de temps à  autre un petit rire de fauvette comme on donne aux enfant des miettes du gâteau de la veille.

En fait, elle était flattée mais elle ne se souvenait pas du tout de la manière dont elle s’y était prise pour donner sa Zerbinette.   Jean-Louis avala sa tasse de thé et écourta la séance, exaspéré.  Jean-Luc et moi avions trouvé l’épisode succulent.

 

 

Jean-Luc Moreau était un Scapin d’enfer. Comme garçon il était craquant  et comme acteur il était éblouissant. 

Devant lui, je me sentais toute petite et nulle.

Mais l’ensemble de la troupe m’admirait parce que je savais rire.

 

Jean-Louis Thamin était un tortionnaire. Ce que nous faisions n’était jamais bien.

Il fallait toujours aller plus loin, chercher son personnage ailleurs « qu’à la pointe de ses souliers.. »

Il nous disait que nous allions être des costumes vides.

Nous l’écoutions, navrés et honteux.  Nous partions à la découverte de nous-mêmes, toujours plus loin.

Je pense qu’il avait raison.  C’est ainsi qu’on arrive à trouver le deuxième souffle, celui de notre moi inconnu, que l’on découvre avec stupeur et délectation.

Moi je débutais et mon moi inconnu  m’échappait complètement. Je m’acquittais de ma tâche plus ou moins bien, selon les soirs. J’avais mon baromètre.  Quand je sortais de scène, la gorge sèche, je trouvais mon Scapin qui me tendait une bouteille d’eau avec un commentaire bref. Ca allait du  « bravo », « gagné », « je t’adore», au « faiblard », « à refaire »  ou « héroïque » lorsque le public  n ‘avait pas suivi.

 

Jean-Luc est devenu une star, tous les théâtres parisiens lui doivent un ou plusieurs succès de fréquentation, c’est un stakanoviste de la mise en scène.  Comme acteur, il est devenu trop rare.  Et comme ami, encore davantage.  Mais à part lui, j’ai gardé de cette époque quelques affections tenaces.   Parmi toutes mes expériences  professionnelles, celle des Fourberies de Scapin a marqué ma vie en m’offrant des rencontres « du troisième type ». 

 

Car c’était un tout : Jean-Louis avait fait de ces Fourberies un concentré d’excellence..  Ce n’était pas un débutant :  Il avait déjà fait ses preuves à la Comédie-Française avec des pièces difficiles, comme Les Précieuses Ridicules.

Nos  costumes étaient des reproductions  de gravures XVIIIème   réalisés dans les ateliers d’une couturière attachée à la Maison. 

 

Le décor était lui aussi inspiré de gravures de l’époque de Molière. Il y avait un chariot sur lequel je chantais la tarentelle en frappant sur mon tambourin,  avec plus ou moins d’entrain selon le degré de réussite de la scène du rire, juste avant.

 

Lorsque la pièce s’est arrêtée, j’ai mis quelques semaines à retrouver mon rire habituel.  J’ai été prise d’angoisse, j’avais perdu une fonction naturelle de l’homme, pour attraper une mécanique de robot.

Je m’entraînais à rire chez moi, en écoutant Coluche.  Je m’enregistrai sur mon  poste radio, et j’écoutais avec horreur  mes toussotements.  Privée de mon public, j’étais retombée dans la platitude du réel.

 

Et puis, je suis partie en vacances et j’ai oublié la scène de Zerbinette.  C’est ainsi qu’il est revenu sans crier gare, et un jour je me suis entendue égrener ma cascade habituelle,  sans effort, un rire bêtement naturel mais tellement réjouissant.

 

 

Smiley.jpg(Vous retrouverez cet épisode dans le troisième tome de mes mémoires, en cours d’écriture…)

Miss Comédie – septembre 2014

 

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LA PHOTO-MYSTERE d'Aout

Publié le par Miss Comédie

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A la mi-août, comme tous les mi de l’année, c’est le moment de la photo-mystère.

 

 

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Ce décor fait partie d’un film sorti ily a tout juste soixante ans, en août 1954.  Quel est ce film ?

Réponse le mois prochain.

 

La photo-mystère de juillet  montrait Jean Vilar et Gérard Philipe en train de répéter le texte du PRINCE DE HOMBOURG    sur la scène du TNP installé à SURESNES en attendant de prendre sa place au Théâtre National de Chaillot.

La pièce sera jouée au Festival d’Avignon en juillet 1952.

 

L’anecdote :

Jean Vilar engage cette année-là le jeune compositeur Maurice Jarre qui composera plus tard  la célèbre fanfare de LORENZACCIO.

 

Au mois prochain pour une photo-mystère de rentrée…

 

Miss Comédie

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MES MOMENTS MUSICAUX DE L'ETE

Publié le par Miss Comédie

 

 

Lever de rideau sur un été capricieux, soleil paresseux, orages tumultueux sur des publics courageux mais ravis. Ainsi ces trois concerts donnés avec une meteo sans bémol.
SAOU CHANTE MOZART A DIEULEFIT
19 juillet 2014

 

THARAUD.jpgALEXANDRE THARAUD

La salle est petite, dans le bel espace culturel de la Halle à Dieulefit.

Il a pourtant choisi de jor là,   devant un public restreint mais averti, après Aix en Provence, avant une ribambelle de villes où l’on se bat pour l’accueillir un soir.

Tharaud, l’enfant prodige qui parcourt le monde avec le même succès, sans tapage, sans éclipses, sans caprices.

Son talent  se reconnaît dans un répertoire très large, de Scarlatti à Bach, de Ravel à Schubert.

Ce soir, il ne nous a pas étonnés avec les sonates de Mozart que l’on connaît bien, mais il nous a quand même bluffés avec l’impromptu D 899 de Schubert qu’il a enlevé  avec fougue.   Réinventé.  Cet impromptu est trop connu pour ne pas lasser, parfois, sous des doigts trop académiques.  Là, Tharaud semblait inspiré par on ne sait quelle affinité avec Schubert.

Que nous dit-on de cet impromptu ? Qu’il fait partie des huit impromptus que Schubert omposa  en novembre 1827, après un voyage d’agrément à Gratz en compagnie de son ami Jenger, un an avant sa mort.

Alexandre Tharaud a choisi de jouer unr œuvre  de Schubert dans le cadre d’un festival uniquement dédié à Mozart.   A-t-il imposé ce choix pour répondre à l’invitation des responsables de Saou chante Mozart, alors qu’il ne se sent pas vraiment mozartien ?  On ne le saura pas. 

Mais peu importe : son bonheur de jouer était  visible.

   Sans  chiqué,  un sourire intérieur flottant sur  son visage, il était seul, baignant dans un silence religieux, jouant les yeux fermés ces œuvres  cent fois répétées et cent fois réinventées.

Avec son physique de premier de la classe, il provoque le même enthousiasme qu’une rock star.

Trois rappels exécutés avec le même entrain que s’il débutait son concert

Où s’en allait-il ensuite ?  Où passait-il la nuit ?   Ces artistes qui sillonnent la France au hasard des festivals sont des feux follets qui illuminent nos nuits d’été.   Malgré notre élan vers eux, il ne faut pas songer à leur dire merci autrement qu’avec nos  frénétiques bravos.

 

 FESTIVAL DE PIANO DE LA ROQUE D ‘ANTHERON

26 juillet 2014

 lugansky.jpgNICOLAî  LUGANSKY

Nuit sans nuage, une brise légère, les cigales font silence.

L’ovation s’élève dès les premiers pas de Lugansky sur la scène.

La silhouette est toujours agile, le visage s’est un peu épaissi. Il est beau comme dans mon souvenir, il y a cinq ans, sur cette même scène.

Il porte un smoking.  Non un costume noir classique, un smoking, les deux pans de la jaquette de part et d’autre du tabouret. 

Le tabouret, il est déjà réglé, il ne fait pas le cinéma fréquent des pianistes qui ne sont pas à la (bonne) hauteur.

Il ne fait pas semblant de rentrer en lui-même, il attaque tout de suite les notes claires et vibrantes du prélude de César Franck.

C’est déroutant, tout comme la sonate pour piano de Prokovfiev, mais son choix s’adresse à des mélomanes avertis, et son exécution est si brillante qu’il n’y a qu’à absorber la Musique, sans se poser de question.

Il joue sans partition, dans un enchaînement de rythmes frénétiques ou langoureux, les notes sont en lui, au bout de ses doigts.   

Il joue avec  sobriété, avec cette  élégance  naturelle, laissant la musique exprimer d’elle-même ce qu’elle a à dire.   La classe.  Une classe folle.

Le spectacle  est fantasmagorique, comme à chaque concert donné dans le Parc du Château de Florans.  Cette conque acoustique qui s’élargit d’année en année pour envoyer les sons de plus en plus loin, de plus en plus haut sur les gradins exponentiels, est comme la voûte géante d’une base de lancement spatial. 

En dessous, minuscule, le pianiste et son instrument, comme isolés du monde.

Lugansky nous fait grâce de gestes ou de mimiques qui pourraient détourner l’attention de la seule Musique.   

Après l’entracte, les treize préludes de Rachmaninov,  rarement joués,  nous emportent dans une sarabande faite de contrastes, une succession d’allégresse et de déchirements qui nous révèlent les sources lointaines de son talent.    

Quatre rappels très simplement acceptés et le bel exilé s’échappe, emportant avec  lui  les secrets d’une  âme slave intacte.

 

 

1er Aout

 

 capucon_angelich.jpgNICOLAS ANGELICH et RENAUD CAPçON

 

Toujours le même charme d’un lieu magique, et le délicieux préambule d’un pique-nique sur la pelouse avant le concert, entourés des 365 platanes et de la haute garde des séquoïas centenaires.

Tout cela fait partie d’un plaisir renouvelé, intact, chaque année depuis vingt ans avec la découverte de pianistes venus du monde entier, parmi les plus talentueux.

Aujourd’hui, l’immense Angelich, avec le petit Capuçon.  Lorsqu’ils arrivent main dans la main, au milieu des acclamations, on a envie de rire : Angelich est-il anormalement grand ou Capuçon anormalement petit ?

Question talent, ils se donnent la main  Nicolas Angelich est célèbre depuis des années, il a partagé la scène avec les plus grands après avoir donné son premier concert à 7 ans.

C’était en 1977 et le piano est devenu son alter ego, son double.

Renaud Capuçon, lui, a intégré le conservatoire de Musique de Chambéry à 4 ans… et n’a plus quitté cette route musicale qui l’a menée au sein d’orchestres fameux en tant que premier violon.

Ce soir il joue sur ce violon mythique de 1733 ayant appartenu à Isaac Stern, sur lequel il a joué dans le court-métrage de Simon Lelouch « 7,57 am-pm » dans le métro parisien, dans l’indifférence générale…   

Entre eux deux  la complicité est évidente, dès le premier morceau.  Ils ont choisi un programme entier consacré à Brahms, après plusieurs disques dédiés à ce compositeur enregistrés ensemble.  L’exécution en est  acrobatique et  ne permet pas le moindre écart de synchronisation. Bluffant.

Ils ont sensiblement la même approche de cette musique toute en surprises, d’allégresse en méditation, on ne sait trop quels sentiments l’ont inspirée. 

Il faut « aimer Brahms », sans se poser de question.

Première partie assez  rasoir, sans élans d’aucune passion, juste la prouesse technique.  Il faut quand même admirer la cohésion du duo qui, lui, semble parfaitement emballé par cette musique.

Après l’entracte, l’orage commence à gronder au-dessus des gradins. Des roulements de tonnerre qui n’annoncent rien de bon.  On voit sortir les capuches, le public s’agite.

Mais les deux musiciens imperturbables, attaquent la 3ème sonate et soudain le charme opère : oui, Brahms peut nous émouvoir, en tout cas nous captiver.

Quelques gouttes de pluie tentent de nous distraire de cette écoute mais renoncent : le public les ignore.

Les deux interprètes achèvent le concert sous un déluge… de vivats et d’applaudissements frénétiques.  Quatre rappels, toujours de Brahms, ils adorent.  Nous aussi, finalement.

 

Il y a eu aussi du théâtre, un Dom Juan  de Molière adapté et interprété par une jeune troupe pleine de fougue et de talent.

Le metteur en scène, Clément de Dadelsen, a joué la carte du  respect de l’époque et a dirigé ses jeunes comédiens dans ce sens, le rythme de la langue de Molière restituant tour à tour la drôlerie et l’émotion pure.

La magie du spectacle opérait d’autant plus qu’il se déroulait dans le décor champêtre et charmant de la cour du « Petit Belvédère », propriété de Martine et Fabien Limonta, instigateurs de soirées littéraires ou théâtrales réutées chaque été dans la région de St Paul Trois chateaux, Drôme Provençale.  Un vrai bonheur !

 

 

J’aurais voulu vous parler du Lucrèce Borgia de Victor Hugo qui se donnait dans la cour du cha^teau de Grignan, cadre merveilleux pour de grands textes du répertoire.  Malheureusement, là, le temps n’a pas voulu se mettre en scène. Le spectacle a été annulé à cause de la pluie.  Dommage.

 

Miss Comédie -  Août 2014

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JULES ET JIM, LE POUR ET LE CONTRE

Publié le par Miss Comédie

 

 

 

  _Dessin.jpgLa Brune et la Blonde se retrouvent à la terrasse du Flore pour regarder passer les touristes en buvant une blonde et une brune.

 

LA BRUNE

Hier soir j’ai vu JULES ET JIM  qui repasse  à la Pagode.

LA BLONDE

Quel chef-d’œuvre !

LA BRUNE

Ah, tu trouves ?   jules-et-jim-affiche_69977_6027.jpg

LA BLONDE

Pas toi ?

LA BRUNE

Je déteste ce film.

LA BLONDE

Ah.  Voyons. Tu détestes quoi, dans ce film ?

LA BRUNE

Je déteste l’image qu’il donne de la femme,  une image méprisable, abominable.

LA BLONDE, (riant)

C’est tout ce que tu as vu dans ce film ?

LA BRUNE

J’ai vu des scènes de camaraderie à trois surjouées, comme leur course folle ridicule. J’ai aussi vu l’histoire d’une amitié magnifique détruite par les manœuvres perverses d’une femme.

LA BLONDE

C’est un sujet de tragédie antique, comme….

LA BRUNE

Sauf que ça se passe aujourd’hui et que cette femme est le prototype actuel d’une vraie  salope.

LA BLONDE

Salope ?

LA BRUNE

Difficile de trouver mieux comme salope.

LA BLONDE

Tu y vas fort. Elle n’est peut-être qu’ insatisfaite.

LA BRUNE

Elle se les fait tous les deux et elle est insatisfaite ? Pourquoi elle va pas voir ailleurs, alors ?  Pourquoi elle s’acharne  à tourner en rond entre les deux ?

LA BLONDE

Tu  n’essaies même pas d’entrer en profondeur dans le thème du film. Tu  ne vois que la partie émergée de l’iceberg. 

LA BRUNE

Quel iceberg ?  Moi je vois ce que Truffaut nous montre. 

LA BLONDE

Mais c’est justement ce qu’il ne montre pas qui est important pour comprendre le film !  Tu n’as pas saisi le drame intérieur de ce personnage . Truffaut l’a pourtant expliqué dans Télérama,  c’est son incapacité à choisir qui sème la discorde entre les deux hommes et il démontre par là l’impossibilité de toute combinaison amoureuse en dehors du couple.

 

La brune écoute la blonde avec un petit sourire.

 

LA BRUNE

Tu l’as appris par cœur, l’article  ?    Alors si  ce qui compte dans un film c’est ce qu’on ne voit pas,  pourquoi il a pris  une caméra ?

  truffaut.jpgLA BLONDE

Truffaut  nous demande de saisir sa pensée  intime sous l’apparence légère et gaie – ou bien morbide de ses images.

LA BRUNE

Mais dis donc, tu fais une thèse sur Truffaut ?...  En attendant pour un « homme qui aimait les femmes », dans JULES ET JIM  il nous arrange bien  !

LA BLONDE

C’est  l’histoire d’un personnage, c’est pas ton histoire !

LA BRUNE, troublée

Ouais… là, tu dis un truc sensé.   Mais ça ne sauve pas le film. Moi je trouve que c’est un mauvais film.

LA BLONDE

C’est ton avis mais tu ne m’as pas convaincue. Tu n’as aucun argument-massue.  Tu viens ?  Je vais prendre le bus, je suis en retard.

 

Elles se lèvent après avoir payé l’addition.

 

LA BRUNE

Attend,  tu veux un argument-massue ?  Et bien le voilà, c’est la fin !

LA BLONDE

La fin de quoi ?

LA BRUNE

La fin du film ! C’est du grand-guignol !  Le coup de massue ! Un suicide aussi inattendu que grotesque, le plongeon, quoi !  Tu sors de là anéantie.   Pauvre Jim. C’était mon préféré, Jim.

(Elle se tourne vers la blonde)    Et toi, lequel tu préfères, Jules ou Jim ?

LA BLONDE

Je ne sais pas, je n’ai pas vu le film.caf_de_flore.jpg

 

Miss Comédie-  31 juillet 2014

(Attention, le dialogue peut très bien inverser les rôles, pas de parti pris de ma part il s’agit de distinguer la chevelure et rien d’autre !

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FERNANDEL AU PALAIS DES PAPES

Publié le par Miss Comédie

 

 

 

 

 LA-COUR.jpg AVIGNON, juillet 1956

Il pleut des cordes sur la cour d’honneur du Palais des Papes.

Sur la scène au plancher détrempé, on a retiré les tapis et les éléments de décor. Au fond, appuyé contre un portant, Jean Vilar fait grise mine.  La première du Prince de Hombourg a dû être annulée et il ne sait pas si les spectateurs pourront être remboursés, les caisses sont vides.

 

TRISTE-jean-vilar-au-festival-d-avignon-M89687-copie-1.jpgGérard Philipe et Jeanne Moreau, les deux acteurs principaux, ont proposé d’abandonner leur cachet mais si le mauvais temps persiste, c’est toutes les représentations qui devront être annulées, une catastrophe.

Il est midi et le ciel est noir comme à la tombée de la nuit.

Franchissant le rideau de pluie,  la  silhouette d’un écclésiastique  se profile, venant à la rencontre de Jean Vilar, qui s’insurge :

« Attendez monsieur l’abbé, la chapelle est derrière vous et elle est fermée !  Vous êtes sur le plateau, là !

 ARRIVEE.jpgSoulevant sa barrette dégoulinante de pluie, l’homme d’église dévoile son visage, faisant sursauter Jean Vilar.

«  Quoi ?  C’est vous, monsieur Fernandel ?  Mais… je n’étais pas prévenu malheureusement nous ne jouons pas  ce soir !

Fernandel arbore son célèbre sourire, plus que large.

« Chut ! monsieur Vilar, c’est bien moi don Camillo en personne.

Depuis que je suis dans le clergé, je fréquente un peu la Papauté alors le Palais des Papes, vous comprenez.. et en plus, le Prince de Hombourg, madone, c’était une bénédiction.

«   Je comprends bien, mais je regrette,  tout est annulé !

«  Justement, monsieur Vilar.  Dans la débâcle il faut réagir. Pour les Papes, c’est raté, mais pour votre pièce, il m’est venu une idée inspirée par le Seigneur.

« Venez dans ma loge, vous m’expliquerez ça.

Ils s’enfoncent dans les tréfonds des coulisses et s’engouffrent dans la loge de Jean Vilar.

 

Assis devant une anisette, Fernandel prend  un air de conspirateur pour annoncer :

«  Je suis votre sauveur, monsieur Vilar.

Jean Vilar contemple avec stupeur un Fernandel savourant  à l’avance  on ne sait quelle victoire.  Il attend la suite, mais l’autre fait durer le plaisir.

« Vous êtes dans le pétrin mon pôvre.

Jean Vilar attend, le front plissé, au bord de la crise de nerf.

« Moi, don Camillo, je suis le curé qui fait des miracles. (Large sourire)

Jean Vilar pose son verre d’eau et   explose   :

«  C’est bon, c’est bon,  où voulez-vous en venir, monsieur Fernandel ? Vous voulez changer mon eau en anisette ?

Fernandel prend le temps de siroter une gorgée d’anisette avant de répondre posément  :

 

« Dès que le beau temps reviendra, vous allez reprendre la pièce et là…  tenez-vous bien, vous allez faire un tabac. IL-BOIT.jpg

«  Un tabac ?

«   Tè, un tabac, peuchère, avec la salle bourrée, diffusion télé mondiale, articles dans la presse, et surtout… surtout, monsieur Vilar !…

« Surtout quoi, à la fin ?

«  Les propositions d’adaptation au cinéma,, par les plus grands réalisateurs !  Et ça,  vous voyez ce que ça veut dire…

«  Oui ?

«  La poule aux œufs d’or ! Le pactole ! Les caisses pleines !

 

Jean Vilar se lève et vient se planter devant Fernandel.

« Mais qu’est-ce que vous me racontez ?  Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?  Par quel miracle…

« … le miracle de don Camillo, je vous dis !   Je vous explique.

«   Oui, expliquez-moi, c’est burlesque.

 

Il se rassied et Fernandel tourne sa chaise face à lui pour lui parler bugne à bugne.

«  Votre pièce, ce sera la même pièce, tout pareil, sauf un petit détail dans la distribution.

«  Ah oui, et quel détail, s’il vous plait ?

« Et ben voilà, le Grand Electeur ne s’appellera plus Grand Electeur mais Grand Archevêque.

Jean Vilar ouvre des yeux ronds.

« Et alors ?

«  Et alors,  c’est moi qui jouerai le rôle : Fernandel alias don Camillo, le curé promu Archevêque !

Jean Vilar est tétanisé.  Fernandel exulte :

« Alors ?  Qu’est-ce que vous en dites ?

 

Jean Vilar se lève, furieux, et le menace du poing : 

«  Vous savez que je fais de la boxe ?

«  Magnifique, vous explosez le box-office !  Fernandel en tête d’affiche,  et la promo « Don Camillo Archevêque »  Je vois d’ici la queue aux guichets… Moi seul peut accomplir ce miracle !

 

Il se lève à son tour, solennel.

«  Je ne demande aucun cachet. Simplement, vous paierez  la soutane violette brodée d’or, et le bonnet, enfin la tiare de l’Archevêque.  Pour moi, juste le denier du culte, un petit  pourcentage sur les recettes du film.  Tout le reste est pour vous et votre troupe, cher Jean Vilar.

A ce moment-là un rayon de soleil s’infiltre par la fenêtre de la loge et vient caresser les pieds de Jean Vilar qui sort précipitamment et court sur le plateau.  On l’entend crier :

Miracle !  Le soleil est revenu ! On peut jouer ce soir !

 

Il se tourne vers Fernandel   qui l ‘a suivi, incrédule, bénissait le ciel de ce coup de bol.

«  Fernandel,  je vous fais Archevêque. Mais je veux être sûr : le miracle, ça marche  à tous les coups en cas d’annulation  ?

«  Ah, ça, monsieur Vilar, je ne garantis rien !  Parce que voyez-vous , mes miracles  je ne les contrôle pas !

«  Ah bon ?

«  Hé non !   Il y en a qui veulent rien savoir ! Ce sont les intermittents du miracle !CROSSE.jpgMiss Comédie - Juillet 2014


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LA PHOTO-MYSTÈRE DE JUILLET

Publié le par Miss Comédie

 

 

 hommage-a-jean-vilar-au-festival-d-avignon-M89695.jpgQUI ?  OÙ ?  QUAND ?

Réponse avec la photo-mystère du mois de Septembre.

 

Le mois dernier, on était en plein Mondial, j’ai eu beaucoup (trop)

de réponses justes… C'était Zidane et Pelé, bien sûr.

A bientôt !

 

Miss Comédie

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LA COMBINAISON ROUGE

Publié le par Miss Comédie

 

 

 

 FORMULE-FORD.jpgElle est plantée là, sur le paddock, ne sachant où se poser. Autour d’elle c’est l’effervescence mais on l’ignore totalement.   Son mari  l’a abandonnée, après avoir tant insisté pour qu’elle l’accompagne à cette course .  Elle déteste le bruit et la violence des circuits.  Mais enfin, il fallait bien un jour aller le voir courir. Tout le monde dit que c’est un grand pilote.   En plus, elle a peur, horriblement peur qu’aujourd’hui, justement, il lui arrive quelque chose.  Elle cherche où elle va bien pouvoir se cacher pour ne pas assister à la course. 

Très vite il lui a tourné le dos pour aller rejoindre les autres pilotes.  Elle le voit de loin, il est dans sa bulle. Elle n’existe plus,  il est hors du monde réel.

Elle se souvient d’avoir vécu ça, elle comprend.  Le théâtre, le cirque, le show, c’est pareil. On s’extrait du monde réel.

Elle s’est appuyée au mur, entre deux piles de pneus. Elle essaie de ne pas se faire remarquer.

Dans les hauts-parleurs, le speaker s’auto-électrise sur les concurrents qui occupent la piste. Les voitures font un bruit d’enfer. Elle se demande  dans combien de temps ce sera le tour des Formule Ford.

Autour d’elle, les mécaniciens s’activent sur les monoplaces. Elle revoit les plateaux de cinéma qu’elle fréquentait autrefois. Là aussi, les  mécaniciens… mais aussi les habilleuses, maquilleuses, assistants tout ce monde dans une bulle.

 

 

 PalmyrPaddock04.jpgLes formules Ford -  les stars  -  attendent, désarticulées, déshabillées.  Elles poussent parfois un cri rauque et prolongé qui la fait sursauter. Ce sont vraiment des bêtes fauves.  Chacune représente le Danger.

Tous ceux qui jouent avec le Danger ont leur manière de l’approcher, un rite  spectaculaire qui donne à chaque événement un côté sacramentel.

Tout à l’heure, elle verra les monoplaces rangées deux par deux, moteur éteint, attendant le signal du départ, les pilotes sanglés, raidis , concentrés.  La Peur est là, enfouie.

Pour le toréador dans l’arène, seul face à sa bête fauve, le Danger est vivant.   Avant de l’affronter les toreros font leur marche en fanfare,  costumes d’opérette,   gestes solennels sous la Tribune de leurs belles, « la fleur que tu m’avais jetée »,  fanfarons mais  concentrés.   La Peur est là aussi.

Au football, on les voit arriver sur le terrain, le front barré d’un trait d’angoisse  ils marchent vers  la pelouse en rang serré.   Une clameur les accueille mais le danger les attend.    C’est l’équipe adverse, mais surtout le   public, les « supporters » . des milliers de bêtes fauves déchaînées.

Et encore, au départ d’un slalom géant, la tension du concurrent prêt à s’élancer, cette sourde angoisse qui serre le cœur, est palpable sous la visière du casque.

L’acteur qui se cache derrière un portant avant d’entrer en scène, le front moite déjà, essayant de dominer le trac qui va disparaître aussitôt face au public, mais qui le tenaille là,  avec l’angoisse de n’être pas à la hauteur.  Comme le metteur en scène qui porte une œuvre à bout de bras et qui risque l’échec.   C’est aussi une corde raide, comme l’équilibriste, comme le trapéziste, le dompteur, le navigateur…

Les images se bousculent dans sa tête.

Le risque est là, extérieur à tous les enjeux économiques qui font monter la pression.  Le sport de haut niveau est porté aux nues par le danger.  

 

L ‘attente est longue, aussi longue que sur un plateau de cinéma.  Son mari fait de temps en temps une apparition, il lui demande si tout va bien, il a rajeuni, il est gai. Il va vers sa monoplace, tourne autour,  l’air recueilli,  dit quelques mots au mécano. Puis il lui fait signe d’approcher, il lui présente son auto, elle l’admire, pose un doigt sur le capot comme pour l’exorciser.  Elle considère l’habitacle, ce tout petit espace où il va se glisser tout à l’heure, à peine la place de bouger, les bras devant lui, les mains sur le volant, rien d’autre n’est possible. 

L’heure du départ approche.  Les mécanos se redressent, les autos sont rhabillées, chacune pousse un feulement de défi

.

 

 scan-3.jpg Les pilotes sont partis se changer.  Soudain, l’air devient irrespirable, chargé de stress.  Elle est prise d’un trac fou,  elle a envie de fuir.  Elle sort du paddock et elle voit venir vers elle un pilote en combinaison rouge, ganté, son casque posé sur son bras. C’est lui.  C’est  son mari.

  Il sourit. Il est singulièrement svelte, juvénile. Et calme.

  Ce n’est plus l’homme qu’elle a connu.  Ce n’est même plus un homme de chair et d’os. C’est une image, une abstraction.

 

L’uniforme du Danger est souvent rouge, armé, doublé, ignifugé, rembourré et accessoirement orné de dorures, de pampilles ou bien  de noms des grandes marques sponsors.   Sur un circuit, dans l’arène, sur une scène de théâtre ou une piste de cirque, le héros est souvent vêtu de rouge pour trancher sur la grisaille du commun des mortels.

Maintenant tout se précipite. Il y a des annonces  dans  les hauts-parleurs, le speaker halète d’excitation. Les pilotes s’engouffrent dans leurs autos.  Elle voit son mari enfiler sa cagoule anti-feu puis  son casque et prendre soudain une apparence invulnérable. Il lui fait un signe de la main et s’approche de sa voiture, se glisse dans le cokpit.  On lui dit qu’elle peut l’accompagner en pré-grille,  assister au rite de la préparation au départ.

Les hauts-parleurs l’assourdissent, elle a l’impression d’un danger imminent. Elle voudrait rentrer chez elle.  La foule   FormuleZetec10.jpgautour d’elle est aux anges, les femmes, les parents des pilotes se pressent autour de leur idole.  Elle, ne sait pas où est passé son mari,  elle ne voit que des casques rutilants,  identiques.

Les voitures sont maintenant dans l’ordre de départ, alignées deux par deux .  Les moteurs sont éteints.  Comment les pilotes peuvent-ils se concentrer, avec tout ce monde autour d’eux ?    Mais bientôt les commissaires dispersent  la foule,  elle  remonte la file des concurrents et  soudain elle l’aperçoit. 

Elle n’ose s’approcher car elle ne connaît pas cet homme.  Il a maintenant en tête le circuit, la moindre courbe, la ligne droite propice au dépassement, il a en mémoire la trajectoire idéale et la faute à éviter.  Et quoi d’autre ?  N’a-t-il pas trop serré le lacet de son chausson droit ?  Ce qu’il pense, à cet instant, personne ne le saura.  Il est seul.

 

C’est peut-être  là, à cette minute précise, juste avant le départ,  avant le risque, puisque même minime, malgré tout il y a toujours un risque, sans quoi où serait le spectacle, où serait la gloire ? à cette minute plus qu’à tout autre instant dans sa vie, il comprend qu’il est seul et que personne ne peut rien pour lui sur cette terre.  Et tout-à-coup cette pensée le remplit d’un calme insensé, une indifférence à son propre sort, une confiance immense en lui-même.

C’est ce qu’il lui a confié un jour.  Aujourd’hui,  sur le point de le voir s’élancer sur le circuit, elle voit cela comme une évidence.  Des noms défilent dans sa tête. De Angelis, Cevert, Senna… Elle a un frisson.  Le Danger  est quelquefois  le plus fort.

Elle  tourne les talons. Il ne faudrait pas qu’il l’aperçoive et perde soudain ce détachement suprême.

 

Miss Comédie  Juillet 2014

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RONALDO DOPÉ PAR NEYMAR

Publié le par Miss Comédie

 

Je reviens !  Après cette petite interruption due à un malaise de mon Mac, replongeons au cœur de l’actualité avec la rencontre IMAGINAIRE de deux stars du football mondial.


 ronaldoandneymar.jpgPlage de Copacabana, juin 2014.  Sur la terrasse du Copacabana Palace, deux jeunes hommes boivent des guaranas en   contemplant la vue prodigieuse qui s’étend sous leurs yeux.
 Ils sont aussi beaux l’un que l’autre : la plus parfaite expression du type latin, cheveux d’un noir brillant pour l’un, crête multicolore pour l’autre,  mais  mêmes yeux noirs au regard  prêt à tirer, sourire  ravageur mais rare, gestes félins. Les muscles sont là, au repos.

Christiano Ronaldo et Neymar Jr se  sont retrouvés entre deux matchs  pour partager leurs émotions loin de l’hystérie collective.

 

« C’est le plus bel endroit du monde, constate Ronaldo.

«  L’œuvre de Dieu pour les peuples amérindiens, et qui durera jusqu’à la fin du monde   Un symbole de paix indestructible.

«  Je devrais venir m’installer ici,  après tout c’est le pays de mes ancêtres.

«  Christiano, Madrid t’a acheté assez cher, tu es leur otage. 

-       il boit une gorgée et remarque vivement : «  un otage pas trop mal traité, non ? Logé à La Finca, le quartier chic de Madrid, avec tes coéquipiers .
  Oui, oui, d’accord mais je suis exilé. Ici je me sens autant chez moi qu’à Madère.
-        Alors, pourquoi tu tires la gueule depuis le début ?   
Neymar  plaisante mais Ronaldo lui saisit le bras en le regardant dans les yeux :
-       Tu  trouves que j’ai des raisons de danser la samba ?

-       Il y a un silence.   Neymar pose son verre et poursuit d’une voix douce :

-       Christiano.  Tu es le plus grand joueur de football du monde, avant Messi, avant moi !! …   -

 Ronaldo le coupe :

  neymar-sera-t-il-la-star-de-ce-mondial.jpg-       Ah non ! Tu es meilleur dribbler que moi. Et ici, tu as joué mieux que moi ! Tu as sauvé l’équipe du Brésil  dans son match d’ouverture, tu as massacré le Cameroun, et tout ça avec une maîtrise, une facilité ! Tu es déjà l’idole des Brésiliens, et tu ne vas pas arrêter de monter, Neymar !  Alors que moi…

-        Quoi  toi ?   Tu ne vas pas baisser la tête alors que tu as pris la tête de ton équipe et que, à toi tout seul,  blessé, tu l’as fait gagner contre le Ghana !

-        Ha !  Un but dérisoire, qui n’a servi à rien. Je suis un has been.

-       Tu es un héros !

Ils  vident ensemble leur verre.

 

Ronaldo agite nerveusement son pied droit contre un ballon invisible.   Son genou  gauche bandé le fait souffrir. Son front est barré de deux traits de fatigue mais son regard est plein d’une ardeur guerrière.  Alors qu’il se souvient :

 - Contre le Ghana  j’étais seul.    Mon genou blessé je m’en foutais, je ne sentais pas la douleur. Mais j’enrageais de voir les autres galèrer, et ces colosses black frais comme des gardons, infatigables, et ce butteur surdoué  !

J’ai eu la même sensation contre le Cameroun.  Mais moi, j’avais toute ma forme physique.

 

-       Neymar, tu es plus jeune que moi, tu n’as pas eu la moitié des coups que j’ai reçus sur la tête.

-       Quels coups ?  Ton histoire de viol ? Ca s’est bien terminé, no ?

Ronaldo hausse les épaules.

-       Ca, c’est du passé… Non, par moments je  me dis que je pourrais faire mieux ailleurs…

-       Ailleurs qu’au Real Madrid ?

-       No, ailleurs dans la vie…  - il hésite -  j’ai envie d’être acteur, Neymar.

Neymar soupire :

-       Jesus Maria !  C’est le métier le plus dangereux ! Tu abandonnes ton âme pour devenir un être multiple tu ne sais plus qui tu es !

 

Ronaldo sourit :

-       Quand j’ai tourné pour Nike, chaque fois je me suis retrouvé, et j’étais heureux !  Même quand ils m’ont transformé en mannequin de vitrine  dans The Last Game !

 

Ils s’esclaffent.

 

«-N’empêche,  c’est un putain de foutu beau film !  T’as vu le score de visiteurs sur toute la planète ? Un record historique !!  C’est un coup mortel pour la concurrence.    Et en plus  leurs  équipements sont topissimes !

 

 

 1.-copacabana.jpgSur la plage au-dessous d’eux, une foule de supporters ou de touristes, on ne sait  plus, font une fête insensée tandis que le soleil descend lentement, prêt à s’engloutir dans la mer.  Ce soir, ils auront tous une raison de s’éclater, au nom de leur équipe favorite, s’identifiant aux héros, oubliant leurs misères quotidiennes.  Le footabll est un grand euphorisant pour ceux qui le vivent en spectateurs.  Pour les acteurs de ce jeu plus guerrier qu’on ne le croit, c’est une autre histoire.

Neymar se lève et s’accoude à  la balustrade.

«  J’avais quatorze ans quand les Stones ont donné leur concert sur cette plage, en 2006.  il y avait … je ne sais plus, quelque chose comme sept millions de spectateurs en délire !   J’aurais voulu que la fin du monde arrive là, pendant leur concert !

Derrière lui,  Ronaldo est la cible d’un groupe de touristes qui le mitraillent en riant.   Furieux, il s’élance :

«  Go away !  Leave him alone !  Assassino ! Ronaldo-copie-1.jpg

Ronaldo n’a pas fait un geste.

-       Ils auront la dernière photo de CR7 au Mondial 2014…  La première Coupe du Monde où  Dieu n’était pas avec moi.

-       Tu dois te dire une chose, amigo : tu as  pris tous les risques. C’est l’essentiel au football.  Risk everything !  C’est ça ta victoire, elle est au fond de toi-même.

 

Ronaldo enregistre. Il reste un moment tête baissée, concentré sur ce qu’il vient d’entendre.  Puis il se lève et va vers Neymar, le prend dans ses bras pour un abrazo  fraternel.

« Tu as raison, Neym…  Tu es plus jeune mais tu as la sagesse des anciens.  Je déteste perdre, tu le sais.  Cette épreuve sera une grande leçon pour moi.  Je sais que certains parient sur ma retraite.  Mais je continuerai. I take the risk. »ballon-de-foot.jpg

 

26 juin 2014

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LA PHOTO-MYSTÈRE DE JUIN

Publié le par Miss Comédie

V

 

 

  ZIdane-et-Pele_full_diapos_large.jpgQui sont ces deux hommes ? A quelle occasion sont-ils réunis ?

Je ne peux pas vous dire grand-chose, c’est déjà très facile pour la plupart d’entre vous.   Mais ce qui est facile pour les uns, n’est pas du tout évident pour les autres.

 

sachez seulement que ce sont deux immenses stars.

Alors, j’attends vos réponses !

 

 

La photo de mai était paraît-il tellement facile qu’en lisant la réponse j’imaginais le haussement d’épaule !

Il s’agissait de Blow Up, évidemment.  Le film d’Antonioni a-t-il fait à ce point salles combles ?

A bientôt, pour une photo vraiment mystérieuse.

 

Miss Comédie

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A CRAZY DOG

Publié le par Miss Comédie

 


 

C’est l’histoire étonnante  d’un homme qui a perdu son chien.  Il a suffi d’une minute d’inattention, le temps d’entrer au drugstore acheter un paquet de clopes et le chien n’était plus assis devant  la porte, à l’attendre, comme il le faisait toujours, inquiet mais patient. L’homme  part à sa recherche dans les rues de New-York. 

 

drigstore.jpgIl marche dans un froid terrible, grelottant dans son petit manteau. Il sait qu'il n'a pas beaucoup de chances d'apercevoir son chien dans la foule qui arpente les trottoirs, il se dit que s'il y avait une justice, ce serait son chien qui partirait à sa recherche, mais non, il se trouve que les rôles sont renversés et tout en marchant il se demande pourquoi son chien l'a quitté. Il cherche à se souvenir, mais qu'ai-je donc fait, quelle maladresse, quel mauvais traitement,  à ce petit animal qui n'était que douceur, fidélité et bonté. Pourquoi es-tu parti ? murmure-t-il, les larmes aux yeux.  Son chien était sa seule possession, son unique compagnon de solitude. 

Dans sa longue marche, il rencontre des chiens, certains accompagnant leur maître, d'autres lâchés en liberté, les narines frémissantes, peut-être en quête de nourriture, ils ne lui prêtent aucune attention.

Plus tard il est assis derrière la vitre d'un snack-bar, il mange un hot-dog. Il regarde dans la rue et il voit encore passer toutes sortes de chiens. La plupart sont grands, massifs, beaucoup plus impressionnants que son chien à lui, qui est frêle et craintif.  Il est pris de terreur à la pensée qu'un de ces molosses puisse s'attaquer à son petit chien.

 

 

 new-york--chinatown--rue-163865.jpgIl reprend sa route et traverse des quartiers entiers, bientôt le jour baisse et le froid devient intense, il est maintenant très loin de chez lui.  La fatigue s'abat sur lui en même temps que le froid et il est pris de panique.  Quel fou je suis pense-t-il, je suis perdu.  Où suis-je ?  Il  distingue l'entrée d'une bouche de métro et s'y engouffre, reprend le chemin de chez lui, il lui faut changer plusieurs fois, les gens le regardent curieusement, il se demande pourquoi.

Enfin il arrive dans son quartier, dans sa rue. Il fait nuit noire. Il est affamé, transi, désespéré de n'avoir pas retrouvé son chien. Il n'aspire plus qu'à rentrer chez lui, se verser un verre de bourbon, se coucher et dormir. Ce sera sa première nuit sans son chien, absolument seul.

Il relève le col de son manteau et s'apprête à faire les cent derniers mètres entre le métro et la porte de son immeuble.

 

 

 DUMBO-brooklyn-nuit.JPGSoudain, il le voit.

Le chien court d'une foulée légère, droit devant lui, son poil  blanc étincelant par instant, lorsqu'il passe sous un réverbère. 

L'homme dévie sa trajectoire, file derrière l'animal qui ne l'a pas vu.  Où va-tu ?  Il s'empêche de siffler, il veut voir ce que poursuit son chien, quelle proie inaccessible, quel idéal de vie de chien, quel maître plus intelligent.

Le chien poursuit sa route d'une allure régulière. Il ne s'arrête ni pour flairer une trace, ni pour lever la patte, ni pour chercher son chemin. 

C'est lui, c'est bien lui, son collier de cuir rouge autour du cou, ses deux taches noires, l'une  en forme de béret sur la moitié du crâne et une oreille,  l'autre en forme de chaussette sur sa patte gauche.   L'homme doit courir pour garder la distance, mais il ne sent plus la fatigue, ni le froid.

Le chien ralentit enfin, et le voilà qui s'arrête devant la porte d'un hôtel. 

Cet hôtel, l'homme le connaît bien, il n'est pas à plus de cinq cents mètres de chez lui, il y a quelquefois rencontré des prostituées, et ces soirs-là il laissait son chien seul à la maison, la mort dans l'âme. Il savait que jusqu'à son retour le chien pleurerait, couché sur le seuil de la porte.

L'homme s'est arrêté lui aussi, et regarde. C'est un petit hôtel très modeste, la porte est fermée la nuit, on distingue les lettres lumineuses de l'enseigne  "Hôtel Bijou".

Le chien, assis sur ses pattes de derrière, pousse un léger aboiement, puis un second, puis un troisième, pas plus.

La porte de l'hôtel s'entrouvre, on aperçoit un  fond de lumière.  Le chien s'élance à l'intérieur.  La porte se referme.

Lentement, l'homme rentre chez lui. Il sait qu'il ne reverra jamais son chien.chien-a.jpg

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IN THE HOPPER ROOM (suite)

Publié le par Miss Comédie

 

 

 

28fenetreslanuitUne fois n’est pas coutume.   Aujourd’hui je ne signe pas mon article.  Cette réponse à ma question « et vous, que voyez-vous ? » m’a cloué le bec. Alors, la voici :

 

LA VISION D’UN DE MES LECTEURS

 

«  …et bin c'que j'vois j'vais t'le dir:

L'immeuble représenté sur ce superbe tableau de Hopper est le même que celui de "fenêtre sur cour", célèbre film de Hitch. mais côté rue et non côté cour. Quelques années plus tôt en 1928 année de création de ce tableau «Night Window», il s'est passé un évènement particulièrement étrange, affreux, toujours non élucidé dans cet immeuble, en fait un hôtel, son nom le "Manhattan", c'est l'été, un été chaud comme NY peut en connaître, caniculaire. C'est la fin d'après midi à la limite de la tombée du jour, le genre de soirée où les esprits surchauffés ne savent plus à quel saint se vouer. Le rideau qui volette nous indique que toutes les fenêtres sont ouvertes, la moindre petite brise, le plus petit courant d'air sont recherchés, une jeune femme, Louise vient d'enlever sa robe tachée de sang, elle baigne dans le lavabo de la salle de bains avec du savon Pears'Soap. Elle n'est pas certaine Louise de faire disparaître toutes les taches de sang, si je n'y arrive pas, la première poubelle sera la bienvenue. Elle est calme Louise, ce n’est pas le genre de fille à s’affoler pour une peccadille. Louise est accroupie, elle boucle ses valises, une très grande et deux plus petites, elle a réservé au terminal Greyhound de la 8th Avenue une place pour un bled paumé de l’Ontario. Elle arrive au Toronto coach terminal au petit matin, après quelques recherches elle trouve un paysan dans son pick-up Trucks, qui accepte après de longues tractations, le physique de Louise n’y est pas pour rien de l’emmener avec ses bagages, dans ce bled paumé Cordova Mines où elle vécut de sept à dix sept ans hébergée par  ses grands parents. Elle retrouve facilement la maison depuis longtemps à l’abandon, sous la pierre de l’entrée, la clef rouillée est toujours là, tremblante elle s’approche de la porte la serrure rechigne un peu, mais c’est comme dans son souvenir, elle n’a jamais été très coopérative cette porte, son grand père piquait des colères mémorables, en général cela se terminait par un grand coup de pied dans le battant. Avec un petit sourire en coin, Louise osa le coup de pied et la porte s’ouvrit, heureuse d’être à nouveau sollicitée. L’intérieur de la maison n’a pas changé, elle rentre ses lourdes valises qu’elle dépose derrière dans le jardin. elle repart au drugstore faire quelques courses, sans oublier le quotidien du jour. En rentrant, Louise creuse un immense trou au fond du jardin, la terre est meuble et facile à travailler, la grosse valise emplie parfaitement l’espace creusé. Epuisée par ces travaux de terrassement et ce voyage pénible Louise sans ouvrir le journal s’endort dans le fauteuil défoncé et poussiéreux du grand père. Réveillée par la température un peu fraiche de la nuit, Louise se lève va chercher du bois, fait une flambée dans le vieux poêle, qui aussitôt enfume la copieusement pièce, elle retrouve les bonnes odeurs de son enfance, elle se fait cuire des œufs, boit un verre de lait et ouvre le journal, un vague article en troisième page sur une disparition inexpliquée à New-York, d’une jeune femme, la petite amie d’un escroc et dangereux personnage, truand notoire, qui dirigeait quelques Speakeasies et bordels de Chicago pour le compte de Capone. Plus personne n’entendit jamais parler de ce fameux Tony, ni de Louise.  "

Michel T.  Art director, Lyon

 

Pas mal, non ? Cette fenêtre  favorise les courants d'art.

Miss Comédie.

 

 

 

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LA PHOTO-MYSTÈRE DE MAI

Publié le par Miss Comédie

V

 

 

  blowupgreenpark_zps717b3b49-copie-1.jpgDans quel film de 1966, inspiré d’une nouvelle de Cortazar, se trouve ce plan ?

 

Réponse  de la photo-mystère d’Avril :

Il s’agissait de Philip Glass et Bob Wilson,  le compositeur et le metteur en scène  de l’opéra « Eistein on the Beach ».

Cet opéra, d’une durée de cinq heures, a été créé au Festival d’Avignon le 26 juillet 1976.

 

Au mois prochain pour une nouvelle photo-mystère, si Dieu le veut.

 

 

Miss Comédie

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IN THE HOPPER ROOM

Publié le par Miss Comédie

 

 

 

LUI.jpg NIGHT WINDOWS  (Hopper 19266)

 

 

Encore une histoire de fenêtres. Hopper, lui aussi, était intrigué par ce qui se cache derrière les fenêtres.

 

 28fenetreslanuit.jpgCe tableau est particulièrement mystérieux et donne libre cours à l’imagination, avec ces menus indices qui ne révèlent rien.

Experts et biographes ont sûrement déjà décrypté tout ce qui se dissimule dans cette toile.

Moi, je ne suis que spectatrice  ignorante, comme la plupart de ceux qui défilent devant ce tableau dans le musée  d’Art Moderne de New York où  il est exposé.  Mon esprit a le champ libre pour échafauder un scénario, pas de frontières culturelles ou iconoclastes.

Je  constate d’abord   que l’auteur de la toile  était placé          au même niveau que son modèle, le regard balaie ce décor éclairé violemment et peut en distinguer les détails.

Le tableau a été peint de nuit, les fenêtres se détachent sur la façade de l’immeuble plongé dans l’obscurité. La rue, en bas, doit être déserte et  silencieuse.

Hopper avait-il, pour peindre cette scène, un quelconque lien avec l’occupante de l’appartement  ?  Habitait-il lui-même dans cet appartement ?  Ou bien   agissait-il seulement en voyeur ? Etait-il, comme nous, intrigué par ce qui se passait dans cette chambre ?

 

 

Car il s’agit bien d’une chambre, dont nous entrevoyons le bord d’un lit, et une partie du corps dénudé  d’une femme.

Que voyons-nous encore ?

La fenêtre ouverte.  C’est l’été et la chaleur doit être étouffante car  le  rideau qui s’envole vers l’extérieur suggère que l’on a créé un courant d’air avec une autre ouverture de l’appartement.

 

Un scénario s’élabore vaguement La propriétaire du bout de chair rose à peine visible mais tellement présent  pourrait s’appeler Lola. 

Lola est sortie tard du cabaret et l’une des chorus girls l’a ramenée chez elle, dans cet immeuble cossu d’un quartier de New-York.

Lola est  danseuse dans un speakeasy très couru de Broadway.

Lola est donc peut-être une femme légère.

Mais une fois rentrée chez elle, sait-t-elle que quelqu’un l’attend dans l’immeuble d’en face pour la fixer sur une toile ?

Ou bien l’ignore-t-elle  ?  Non, parce que si elle l’ignore, pourquoi laisse-t-elle la lumière illuminer sa chambre afin que son étage soit bien visible de l’autre côté de la rue   ?

Il faut croire que Lola SAIT que quelqu’un en face fait son portrait, et alors Lola est la femme du peintre, ou un modèle engagé pour figurer dans la scène.   Et si c’est le cas….Le décor lui aussi est factice.  Le peintre a loué cet appartement qui se trouvait libre en face de son atelier  et a joué les voyeurs en toute liberté.Washington_Square_nord1.jpg

Oui, je préfère cette version-là à celle de l’épouse officielle : pourquoi aurait-il voulu la peindre dans un appartement de location ?

C’est donc Lola, modèle familier du peintre, qui se trouve à cet instant dans l’appartement de Washington Square North, face à l’atelier de Hopper.

 

Ceci posé, que se passe-t-il à l’instant où l’œuvre est devant nos yeux  ?   Hopper a certainement voulu saisir un moment précis de la vie de Lola et nous laisse le choix de l’imaginer.   

Et bien  Lola attend  le moment de poser réellement, et achève sa toilette, dans cet angle mort où l’on n’aperçoit qu’une vague armoire dans un rougeoiement de veilleuse.   Elle vient de rentrer, un peu fatiguée, elle a pris une douche, et se penche pour enduire ses jambes  de crème rafraîchissante.  Elle sait qu’elle va devoir poser pendant quelques heures, elle ne sait pas encore dans quelle posture,  Edward travaille sur des inspirations subites et inattendues, elle  le connaît bien et elle attend le coup de téléphone qui lui indiquera la pose à adopter.

C’est pourtant le moment d’attente, que Hopper a choisi de fixer.  Le vide de la pièce, sa lumière crue, le rideau agité par le vent et surtout l’illusion de présence de son modèle.

 

Lola sera certainement surprise, voire déçue, de ce parti pris, pourtant elle est habituée aux demandes farfelues du maître, toujours sûre que ce sera à son avantage, nue ou habillée.

 

Lola   connaît les thèmes favoris de Hopper, ceux qui inspirent ses plus belles toiles :   la solitude, l’éloignement,  les grands espaces ou bien  le mystère de certains lieux de rencontre dans les  grandes villes.

 

Mais là… Pensive, elle regarde le tableau achevé.   Elle est attirée par le rideau qui s’envole  hors de la fenêtre.  C’est ce qu’elle préfère dans le tableau, ce rideau qui s’envole.  Il lui parle du vrai thème de la toile, du vide, de l’absence.  Elle finit par comprendre  ce qu’elle fait là, elle, avec son petit bout de postérieur qui pointe dans le champ, qui ne veut rien dire, sauf qu’elle est là sans être là. 

Voilà ce que je vois, moi, dans ce tableau intitulé Night Windows peint par Edward Hopper en 1926.  Et vous, que voyez-vous ?

 

Miss Comédie

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VELO-DRÔME

Publié le par Miss Comédie

 

 

 

 

 rolland_w484.jpgDeux cyclistes  pédalent l’un derrière l’autre sur une petite route de campagne.   L’un porte un maillot rouge, l’autre un maillot bleu.

 

 

RED

Ca va ?

 

BLUE

Oui, je suis…

 

RED

Tu es QUOI  ?

 

BLUE

Rien, je suis,  là !

 

RED

Tu es  déjà las ?  Mais tu suis toujours ?

 

BLUE

Mais oui, je suis ! Tu vois bien !

 

RED

Je  peux pas te voir,  figure-toi….

 

BLUE

Pourquoi tu peux pas me voir ?

 

RED

 Parce que je suis devant, pardi.

 

BLUE

J’ai compris, tu ne peux pas me voir parce que je suis toujours derrière toi.

 

RED

Et oui.

 

BLUE

j’ai du mal dans les côtes.

 

RED

Ah bon ? Tu as vu un toubib ?

 

BLUE

 Moi j’ai une bonne descente.

 

RED

Oui je sais que tu as la dalle en pente. N’empêche que je suis le plus fort.

 

BLUE

J’aime pas l’effort.

 

RED

Les forts sont toujours devant et toi derrière.

 

 

 

BLUE

Permets-moi de te dire que tu n’es pas très élégant.

 

RED,  en rigolant

Evidemment, quand on met la gomme, on est pas en tutu  !

 

 

Il continue de pédaler à son rythme en sifflotant.

BLUE serre les dents et debout sur les pédales il pique un sprint et dépasse RED  qui tombe des nues.

 

BLUE

Tut tut !  Je passe !   (il se retourne vers RED et lui crie )

Et maintenant tu peux toujours pas me voir ?

RED

Si,  je te vois, mais pourquoi t’es de mauvais poil comme ça  ?2-la-montagne-reine-Tour.jpg

 

 

 

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DÉDIÉ A PATRICK MODIANO

Publié le par Miss Comédie

 

  AVT_Patrick-Modiano_9958.jpgLA PARFUMERIE  DES ARTISTES

 

 

 

La photo représente l’enseigne d’un vieux magasin dans une rue de Montmartre,  La Parfumerie des Artistes. 

Au-dessus de l’enseigne, deux fenêtres aux volets ouverts.

Au-dessous de l’enseigne, la vitrine du magasin ne figure pas sur la photo. Peut-être le photographe n’a-t-il voulu saisir que le caractère naïf  de l’inscription aux lettres de couleurs vives ? 

 Rue-Lepic-.jpgCette photo doit dater de plusieurs années, la parfumerie a dû changer de nom aujourd’hui.

 .

  Mais les deux fenêtres closes éveillent l’attention  et la photo  prend soudain l’aspect d’une énigme.

Les rideaux tirés derrière les vitres semblent  faits d’un tissu lourd  d’un beau rouge sombre, du velours peut-être.

Les balcons  portent chacun des jardinières fleuries.

On en conclut que l’appartement qui se cache derrière ces fenêtres doit être confortable, sinon cossu. Bien sûr, ses dimensions doivent être modestes, si l’on considère la taille des fenêtres et leur position très basse, au-dessus du magasin. 

On  note encore que la photo a été prise de jour. Si les rideaux sont tirés, il faut croire que c’est  pour cacher quelque chose.  La parfumerie est-elle un lieu de rendez-vous ?  

L’occupant est-il parti précipitamment, en retard, sans prendre le temps de tirer les rideaux ?

Le local est-il fermé, à vendre, ainsi que l’habitation qui s’y rattache ? Pourquoi le photographe a-t-il fixé son objectif sur l’enseigne et non sur la vitrine du magasin ?

 

Le mystère appelle les suppositions,  toutes aussi plausibles. L’imagination élabore un scénario.

 

La femme qui habite cet appartement  a choisi ce quartier populeux de Paris pour échapper à son passé. C’est une bourgeoise des belles rues de la rive gauche.  Elle est partiee  en emportant avec elle  quelques meubles, quelques objets qui lui étaient précieux, comme ces rideaux de velours rouge.

 Elle a bâti tant bien que mal sa nouvelle existence entre ces quatre murs, elle ne s’y sent pas complètement installée, comme pour garder la liberté de revenir en arrière après une rupture brutale.

Elle s’efforce d’oublier pourquoi elle a voulu tourner la page. Elle se persuade que le renouveau est ici, dans ce quartier éloigné où rien ne vient lui rappeler son passé

.

Ce qu’elle aime à présent, c’est descendre l’escalier vermoulu qui mène à la parfumerie, et ouvrir la porte sur la rue, balayer le trottoir comme elle l’a vu faire aux boutiquiers voisins.

E t respirer les effluves des parfums mêlées, aligner les flacons, épousseter les présentoirs, se persuader qu’elle a trouvé là le but de sa vie.

 parfumerie2009-g.jpgElle parle avec ses clientes des progrès de la cosmétique, elle sait tout sur  les nouveaux produits, les nouvelles techniques.  Elle conseille avec tact, elle regarde attentivement les visages fanés qui cherchent la crème miracle, elle les aime, ces visages  qui ont été beaux, ces joues flêtries qui ont été fraîches et rebondies, ces cous fripés qui ont été graciles.  Elle est comme ces femmes. Personne n’échappe à la vieillesse mais certains la subissent  comme une tragédie et ces femmes-là ont droit à toute sa compassion.

 

Elle n’a pas choisi le nom de sa parfumerie. Elle est tombée dessus par hasard, c’est la main de son ange gardien qui l’a guidée jusque dans cette rue, devant  cet écriteau pendu à la vitre de la porte d’entrée : ‘’Pas-de-porte à vendre”.

La Parfumerie des Artistes était faite   pour elle.  Elle n’a même pas eu à la repeindre, les couleurs étaient encore fraîches.

 

Elle aime ce quartier vivant, bruyant. A midi elle ferme sa porte et part marcher au hasard. Elle sait qu’elle ne rencontrera personne de son ancienne vie.  C’est ce qu’elle voulait à tout prix, rester à Paris mais ne plus voir personne, tirer un trait. C’est fait.  Personne ne viendra la reconnaître ici, dans ces rues sales et sans charme.  Quelquefois elle a un coup au coeur, c’est plus fort qu’elle : un visage, un regard... C’est lui.  Mais non. Ce ne peut être lui.

 

 Elle sait bien pourquoi cette parfumerie s’appelle ainsi. C’est à cause de la proximité du théâtre du Tertre.  D’ailleurs,  plusieurs de ces actrices, avant de s’installer dans leur loge, viennent chercher un produit qui leur manque. Des comédiennes de second plan, sans rien de l’éclat d’une vedette.  Mais allez les voir sur scène, et vous serez surpris.  Elles sont métamorphosées, sublimées. De vraies stars.

Un soir elle a remonté la rue Lepic et a pris une place au théâtre du Tertre. On jouait une pièce de Ghelderode, « Sortie  de l’Acteur ».  L’un des rôles féminins était tenu par une jeune femme  qui venait quelquefois lui acheter des produits de beauté.  Sa peau était très flêtrie.  Ce soir-là, elle la reconnut à peine. Elle avait un port de reine et son visage irradiait de présence.  Ah, la vie vous met de sales couleurs au visage. Le théâtre, il n’y a que ça de vrai.

C’était sa raison de vivre. 

 

Le théâtre, il vous prend et puis il vous jette. Un jour, ça ne marche plus. Il n’y a plus aucun rôle pour vous, vous arrivez toujours trop tard, ou trop tôt...  Le bureau du chômage devient votre refuge et ça, c’est mauvais signe.  C’est la descente aux enfers. On en remonte rarement.  Il vaut mieux rompre, vite, et chercher des parfumeries à vendre.

 -rideau-de-theatre-de-couleur-rouge.jpgLe soir, la femme n’a même pas à tirer les rideaux. Depuis qu’elle habite là, elle ne les a jamais ouverts. De son lit, elle  contemple  ce souvenir, le seul qui, bizarrement, l’apaise.  Elle vit dans une ombre perpétuelle mais cela ne la gêne pas.

  Un jour, peut-être, il lui viendra l’envie de faire entrer le soleil.

 

C’est une histoire qui se tient, oui tout à fait possible.   Et l’on pourrait en rester là, s’il n’y avait cette question, toujours la même :  qui a bien pu prendre cette photo, et pourquoi seulement l’enseigne et les deux fenêtres aux rideaux rouges  ? 

 

 

 

 

 Poudrier-.jpgMiss Comédie.

 

 

 

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FACE A FACE

Publié le par Miss Comédie

 

 

 

tgv_01.jpgHélène a pris place dans le TGV pour Paris.  Elle fulmine car elle est tombée sur une place isolée avec vis-à-vis, ce qu’elle redoute au-dela de tout.  Il faut prendre l’air absent, ignorer les bruits incongrus – toux, tapotements sur l’ordi, froissement des pages de journal déployées sous son nez, etc – impossible de croiser les jambes et éviter de heurter les pieds de son vis-à-vis pour ne pas semer le doute sur ses intentions si le vis-à-vis est du sexe opposé.

Hélène déplie sa tablette et y pose son iPhone et le ELLE  en priant pour que la place reste vide jusqu’au départ, ce qui voudrait dire jusqu’à l’arrivée.

  Elle se croyait sauvée lorsqu’un homme en costume gris fait irruption dans le wagon et après avoir vérifié le numéro de sa place, commence par enlever sa veste,  la plier soigneusement, la ranger au-dessus de son fauteuil, ouvrir sa tablette, y poser son cartable  et enfin prendre place sans même lui jeter un regard.

 

  C’est un beau mec élégant,  cartable Hermès, souliers cirés.  Elle est un peu soulagée.   En  même temps, vexée de n’avoir pas eu un signe de civilité, elle s’apprête à croiser ses jambes de façon discrète mais glamour lorsque le monsieur sort son portable.  Aïe !     Il ne se lève pas pour aller parler sur la plateforme.  il tapote un numéro et commence une conversation dont pas un mot n’échappera à Hélène. Ecoeurée, elle décroise les jambes et se plonge dans  le ELLE.

 

« Allo  Luc ?  Tiens, tu réponds ?

-       …

« …  dans le TGV je monte à Paris signer un marché.  Dis donc, je voulais te  demander…  Je dîne ce soir chez les Sanders… tu connais les Sanders ?

 

Hélène sursaute.  Elle aussi connaît les Sanders.  Même qu’elle dîne chez eux ce soir, elle aussi.  Quelle coïncidence. Elle dresse l’oreille.

«  Tu  sais qui ils ont invité ? Tu vas rire… Hélène Krall, la nouvelle directrice littéraire de Charing Cross Books.

-       -…

-       - Oui, c’est elle  qui a viré Joseph pour mettre  son mec à sa place.  Il paraît que c’est une tueuse.

 

Hélène croise ses jambes et les décroise mais il ne la regarde pas, il est  le nez à la vitre à regarder défiler le paysage pendant qu’il parle.

 

TGV-02.jpg-       Si elle est belle ?  Ca je sais pas, je te dirai demain.  Mais le bruit court qu’elle les tombe tous.  Mais moi tu comprends, je m’en fous qu’elle soit belle, je veux seulement venger mon copain Joseph.  Donc, j’ai un plan.

-       Il se met à chuchoter, Hélène comprend quand même l’essentiel du discours.

 

-       «  Non, mieux que ça : je vais la draguer.  Je vais lui proposer de la raccompagner chez elle, je ferai une halte au bar du Raphaël et là,  je lui parle d’un auteur très connu  qui signerait bien avec Charing Cross et je lui donne rendez-vous le lendemain pour le rencontrer.  … Quoi ?  Et bien, je n’irai pas au rendez-vous, évidemment !

-       - …

-       «  C’est gonflé  ?  Ben oui, c’est gonflé, mais c’est tout ce qu’elle mérite  !     Tu sais comment elle a fait virer Joseph ?  … Oui et bien, c’est pas mieux !

 

Hélène rugit intérieurement.  « Ce salaud de Joseph avait fait passer les ventes d’un jeune auteur sur le compte d’un de ses protégés, ni vu ni connu, il a fallu que je mette le nez dans les comptes pour le voir !

Il ne fallait pas qu’elle croise son regard.  Elle se cache derrière  le ELLE.    Elle enrage, à la fois de  dépit de se découvrir une image  si peu flatteuse, mais aussi d’impatience de se retrouver ce soir, chez les Sanders, face à face avec son futur dragueur.

Ah, il voulait la draguer ?  Il allait comprendre sa douleur.

 

Il y eut un éclat de rire et l’homme, apparemment très satisfait de son plan, éteignit son portable et ouvrit sa serviette pour y saisir un ordinateur qu’il déploya sur la tablette.  C’est à ce  moment-là qu’il s’aperçut de la présence d’Hélène et qu’il accusa le coup.

 

TGV-03.jpgHélène était canon.  Un visage félin aux yeux bleu transparent sous une cascade de cheveux blonds, un corps moulé dans un tailleur de créateur et des jambes qu’il avait bêtement ignorées durant le trajet.  Il adopta une attitude discrètement attentive,  un « pardon » en retirant son pied, un sourire charmeur réitéré chaque fois que leurs regard s se croisaient. Mais devant le visage fermé d’Hélène, il n’osa pas entamer le dialogue.

A la gare de Lyon, ils se  retrouvèrent dans la file des taxis.  Là,  il risqua le tout pour le tout.

-       Vous avez un plan pour ce soir ?  demanda-t-il sur le ton d’un guide touristique.

-       Non…  pas encore, répondit Hélène  qui comprit soudain le parti à tirer de la situation.

-       Ah… très bien, voulez-vous que l’on se retrouve quelque part ?   Mais je me présente : Edouard Bader…

-       Il lui tendait la main, elle la serra.

-       « Marie Dupont.   Elle lui sourit, il sentit une onde électrique lui parcourir le corps. II n’osait croire à une victoire aussi rapide et  eut un sourire ravageur alors qu’elle susurrait :

-       J’ai une envie folle d’aller voir le spectacle du Crazy…  Vous accepteriez de m’y emmener ?

-       Avec joie !  C’est une idée géniale !

Il avait déjà oublié son plan de vengeance. Celle fille était autrement passionnante.

-       - Le spectacle est à 2Oh 15,  retrouvons-nous chez Francis à 2O heures ?

-       - D’accord,  j’y serai.    A ce soir Marie.. !

-       - Ciao, à ce soir !

Ils s’engoufrèrent chacun dans leur taxi, sans même échanger leurs numéros de téléphone.

A dix-huit heures, les Sanders eurent un coup de fil  d’Edouard qui les priait de l’excuser, il avait un empêchement pour le  dîner.

A vingt heures pile, il commandait un scotch chez Francis.

A   vingt et une heure,après trois scotch et l’esprit embrumé,

furieux de n’avoir aucun moyen de joindre Marie,    il  demanda l’addition.  Puis il appela un taxi et à tout hasard,  fila chez les Sanders.

On venait juste de passer à table.

Les présentations furent rapides alors qu’on lui remettait son couvert. Il eut un haut le cœur lorsqu’on lui présenta Hélène Krall qui prit place exactement face à lui et dont le sourire carnassier  lui fit l’effet d’un soufflet.epees.jpg

 

-        

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LA PHOTO-MYSTÈRE D'AVRIL

Publié le par Miss Comédie

 

 

 

 

Mapplethorpe1.jpgCette photo a été prise  en 1976 par un grand Photographe américain.

Il faut deviner qui sont ces deux garçons, pourquoi ils posent  ensemble et si possible, le nom du photographe. Fastoche !

 

 

 

Le mois dernier, plusieurs petits malins ont reconnu Audrey Hepburn et George Peppard échangeant ce  baiser  fougueux sous la pluie dans le film de Blake Edwards DIAMANTS SUR CANAPÉ.

Le nom du réalisateur a-t-il été modifié volontairement pour vous égarer ?   J’espérais que certains le souligneraient, mais finalement tout le monde est tombé dans le panneau.

A bientôt pour une nouvelle photo-mystère !

 

Miss Comédie

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DÉDIÉ A JOHN LENNON

Publié le par Miss Comédie

 

 

 john_lennon_photo1.jpgDEDIE A  JOHN  LENNON    LE TRÉSOR DE L’HÔTEL DE CROISSIEU

 

EXT. JOUR

 

Vu de la rue, un édifice en travaux protégé par des palissades. C’est un hôtel particulier dont les vestiges XVIIIe  sont en cours de restauration. 

Le chantier fermé au public laisse entrevoir une cour pavée occupée par des engins, des outils, des tas de sable.

 

Une grosse Audi noire stoppe devant le chantier et se gare sur le trottoir.  En sort un homme en pardessus gris qui pénètre dans la cour par la porte réservée aux entreprises du bâtiment. 

Son assurance démontre qu’il est le propriétaire des lieux.

 

  IMAGE_2011_01_13_13291058.jpgEXT. JOUR

la cour de l’hôtel de Croissieu

 

On voit l’homme  traverser la cour tout en inspectant les alentours. Il redresse une brouette renversée, ramasse une canette vide, lève la tête vers les derniers étages avant de gravir les marches du perron et d’ouvrir la porte principale en cours de ponçage et de pénétrer dans l’hôtel.

 

INT. JOUR

 

Rez de chaussée de l’hôtel de Croissieu

A l’intérieur règne une demi-obscurité.  Les pas de l’homme glissent sur le plastique qui recouvre le parquet du hall, vaste espace vide sur lequel débouchent les galeries latérales, à droite et à gauche de  l’escalier monumental.

L’homme s’arrête au milieu du hall, surpris par une  musique stridente  provenant  des étages supérieurs.  Il reconnaît la chanson des Beatles « Yellow Submarine » montée à fond.

  Il va vers l’escalier et la caméra le suit tandis qu’il arrive au palier du premier étage et qu’il ouvre la porte de la première pièce.

 

INT. JOUR

 

Premier étage hôtel de Croissieu

 

 

 

 

La pièce est vide,  envahie par cette musique  endiablée.  L’homme fait le tour de la pièce sans pouvoir discerner l’origine de la musique, passe dans la pièce voisine où résonnent les mêmes rythmes  et s’aperçoit que chaque pièce de l’étage  est sonorisée de la même façon.

 Au bout d’un moment la musique se tait  puis égrène les premières notes de quelques autres chansons des Beatles, comme si quelqu’un recherchait un morceau précis sur un CD.

Cette fois, c’est la voix de John Lennon chantant « Imagine » qui résonne dans tout l’hôtel.

Le propriétaire  parcourt tout l’étage à la recherche de l’origine du bruit. Pas une âme ne se manifeste durant son inspection, le bâtiment semble absolument désert.

 

Au bout du couloir, un autre escalier s’envole vers le deuxième étage.   

Le propriétaire  emprunte cet escalier jusqu’au  deuxième palier.

 

INT. JOUR

 

Deuxième étage hôtel de Croissieu

Le couloir est plongé dans l’obscurité mais une lueur provenant de l’une des pièces attire l’attention de l’homme, qui marche dans sa direction.

Sur le pas de la porte, il s’arrête, interdit, tandis que la musique s’arrête brusquement.

 

INT. JOUR

L’appentis.

 

La pièce est exigüe, c’est un appentis où sont entassés des outils, des vêtements de travail, une petite table avec un réchaud à gaz butane, deux chaises, une échelle…

Assis par terre en tailleur, un homme en bleu de travail est en train de manger son casse-croûte.   Son visage est ridé, mal rasé, une casquette vissée sur le crâne.  A l’apparition du propriétaire il ne semble pas étonné et continue à manger sans dire un mot.

 

                                                LE PROPRIÉTAIRE 

                                                Bonjour !

                                                L’HOMME

                                                Bonjour. 

                                                LE PROPRIÉTAIRE

                                                C’est vous qui écoutiez la musique ?

                                                L’HOMME

                                                Non.

                                                LE PROPRIÉTAIRE

                                                Comment non ? C’est qui alors ?

                                                L’HOMME

                                                Personne.  Ils  sont tous partis.

                                                LE PROPRIÉTAIRE

                                                Et vous, vous restez là et vous…

                                                L’HOMME

                                                Je reste parce que j’habite là.  La musique me

                                                dérange pas.

                                                LE PROPRIÉTAIRE

                                                Vous habitez là ?

                                                L’HOMME

                                                Oui, c’est chez moi ici.  Je surveille les travaux.

                                                LE PROPRIÉTAIRE, désarçonné

                                                Ah.

                                                (un temps)

                                                Vous savez que la maison a été vendue…

                                                L’HOMME, ricane

                                             Ouais, ils disent ça.  Mais moi je voudrais bien savoir

                                              qui a acheté ça !

                                                LE PROPRIÉTAIRE

                                                 C’est moi.

 

L’homme considère le propriétaire, la fourchette en l’air, la tête levée pour l’examiner attentivement.

                                                L’HOMME

                                                Donc,  vous allez me virer.

                                                LE PROPRIETAIRE

                                                Je suis désolé, mais…

L’homme se lève péniblement, pose son assiette sur la table, époussette sa salopette, et se plante devant le propriétaire, qui le dépasse de deux têtes.

                                                L’HOMME

                                              Je partirai.  Mais je ne vous dirai pas où est le trésor.

                                            Moi seul, sais où se trouve le trésor dans cette maison.

                                                LE PROPRIETAIRE

                                                D’accord. Je crois en effet, qu’il vous faut

                                                partir.  D’ailleurs  vous ne devriez pas

                                                être là, le chantier est fermé pour le  week end.

 

 

Il tourne  les talons et repasse dans le couloir.  L’homme attrape son blouson, sa sacoche et lui emboîte le pas, descendant l’escalier derrière lui.  A cet instant, la chanson « Imagine » reprend, toujours aussi fort.

 

INT. JOUR

Le hall de l’hôtel de Croissieu

Les deux hommes se retrouvent dans le hall et s’arrêtent pour écouter.ange lumineu

Le propriétaire semble affolé.

 

                  LE PROPRIÉTAIRE

                  Mais enfin, il y a quelqu’un ici !  

                   L’HOMME, l’air goguenard

             Vous savez, John Lennon a passé la                    nuit  ici une semaine avant d’être  

             a ssassiné… Vous ne saviez  pas                 ça ?  Alors, la musique…

 

Il se dirige vers la porte et sort en faisant un grand signe de la main : 

 

                                                L’HOMME

                 Ciao ciao !  Bonne chance à l’hôtel de Croissieu !

 

Le propriétaire reste pétrifié alors que la chanson « Imagine » s’arrête pour enchaîner sur « Come Together » et puis le silence se fait définitivement.

 

Il hésite encore à sortir, regardant autour de lui. 

Son portable sonne.

 

                                                LE PROPRIÉTAIRE

Allo, oui, je viens de faire un tour.  Non, personne, à part un vieux cinglé qui traînait…

Comment ? … C’est l’acousticien ?  Mais pourquoi…  Ah bon !  Il installe la sonorisation

avant  l’arrivée des peintres, lundi…  oui, c’est normal… D’accord…   

                                                Attendez… je commence à comprendre…

Bon,  je vous retrouve lundi à la réunion de chantier OK ?

 

Il  remet le téléphone dans sa poche et s’assied sur les marches de l’escalier.  Il reste un moment à écouter le silence.   Pas un bruit, pas une musique ne retentit pendant qu’il fait le guet.  L’acousticien est seul détenteur de la télécommande, le trésor de l’hôtel de Croissieu.  Et en plus, il est fou. Fou de John Lennon.TELECOMMANDE.jpg

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DÉDIÉ A TWIGGY la Brindille

Publié le par Miss Comédie

 

...Twiggy-3.jpg Twiggy la brindille,  qui était de la partie.

 

 

 

SHOOTING  de choc

 

Nous sommes en 1966. Guy Bourdin est une icône de la photo de mode, on se l’arrache.  Ses reportages dans Vogue ou Harper’s Bazaar font sensation.  Et les annonceurs publicitaires qui font appel à son talent sont triés sur le volet.

 Pour les mannequins, travailler avec lui est un pic de carrière.

Ce jour-là, il y avait  un shooting pour une campagne de pub Charles Jourdan  dans un  appartement du boulevard Malesherbes à Paris.

L’Agence Catherine Harlé a recruté quatre cover-girls juniors choisies pour la minceur de leurs jambes.

Pas de séance maquillage, on ne verra pas leur visage. Pour les visages, Bourdin demande des tops.  Celles qui ont été convoquées aujourd’hui, bien que débutantes, l’intéressent car rien n’est plus difficile à photographier que des jambes : au développement   un mollet un tant soit peu galbé apparait toujours surdimensionné.

Les filles ont rendez-vous  dans un immeuble haussmanien d’allure bourgeoise – ce  qui les déroute quelque peu, mais chacune affiche un détachement de professionnelle lorsqu’elles se retrouvent sur le palier. On lit sur leur visage la même interrogation : est-ce ici qu’il habite ? 

 Un  jeune Asiate ébouriffé  les fait entrer et les  conduit dans le « bureau » de Guy Bourdin, lequel  est en train de téléphoner.

Plantées là, muettes, elles contemplent la star.

 guy-bourdin-self-portrait-vogue-paris-march-1965.jpgGuy Bourdin est jeune, silouhette menue et visage lisse, il est vêtu d’un pantalon de velours et d’un gilet noir sur une chemise blanche.  Clean

Il les regarde l’une après l’autre et leur demande de se présenter tout en vérifiant  sur un cahier qu’il n’y a pas d’erreur – l’homme est minutieux et tâtillon, semble-t-il.

Les filles sont impressionnées, légèrement inquiètes.

-      Vous avez bien apporté un costume de bain ? demande Guy Bourdin d’une voix douce.

Quatre « oui » murmurés d’une seule voix tremblante lui répondent.

-      Jimmy va vous montrer le vestiaire.

-       L’assistant  japonais, visage hermétiquement fermé, les guide vers une pièce meublée de  chaises pour déposer leurs  vêtements et se mettre en tenue.

 

Tout en procédant à leur  déshabillage les filles se détendent un peu. Finalement, tout ça c’est de la rigolade, pensent-elles, à cet instant tout baigne encore dans l’huile, elles vont « travailler avec Guy Bourdin », la classe.  Puis, très vite, l’assistant revient les chercher.

 

Guy Bourdin s’active sur le plateau, une immense pièce nue  au parquet et moulures du siècle dernier qui devait être un salon et qui donne sur le boulevard.   On a voilé les fenêtres de tissu noir.  Des échafaudages vont d’un mur à l’autre comme s’il s’agissait de  repeindre les murs.

Comme pour marquer le début de la séance,  une musique résonne  brusquement,   assourdissante.   Guy Bourdin   ne travaille que dans des ambiances sonores déchainées ou psychédéliques.  Ca évite la conversation.

.

Il s’approche et  dévisage ses modèles ou plutôt dévisage leurs jambes très attentivement, puis entreprend de les diriger, l’une après l’autre, vers leur perchoir.


 

Elles comprennent alors en même temps le but du jeu : elles vont donc  passer quatre heures sur l’un des deux échafaudages, soit les jambes pendantes sur celui du haut, soit les jambes en l’air sur celui du bas, car l’idée est de faire croiser les modèles.

Une fois la pose prise, interdiction de bouger d’un millimètre.  Après chaque shoot, on change de souliers et de position.  Il y a cinquante paires d’escarpins à photographier. 

Dans la tête de chacune des cover-girls s’insinue une sinistre mélopée : « Nous sommes des mannequins de cire articulés, des marionnettes sans visage, des pantins sans âme…’

  S’il le pouvait, le maître manipulerait leurs mollets à sa guise, mais il n’ose pas.  Simplement il prend l’air très las lorsqu’une fille n’arrive pas à dévisser sa cheville pour lui faire prendre un angle de 90°.   Et surtout, lorsqu’elle ne garde pas la pose : ça le rend fou, elles le voient bien et cela les déstabilise encore davantage.

Au bout de quelques heures,  Il y a de la rébellion dans l’air.  L’ambiance est hyper-tendue.   

  guy-bourdin5.jpgLe « clic-clac » du Hasselblad leur devient insupportable.

Guy Bourdin se résigne à faire un break. Il dit quelque chose en Anglais à l’assistant et part au fond de l’appartement où se trouve son labo.

  L’assistant  fait signe aux filles qu’elles  peuvent descendre des perchoirs  et se détendre.

Groupées autour du distributeur de coca, elles se désaltèrent en silence. La fatigue et le désappointement se lisent sur leur visage.   La musique s’est tue elle aussi.

La pause dure à peine un quart d’heure et Guy Bouin réapparait .

-      Ca va ? demande-t-il avec un sourire sans joie.

Sans attendre de réponse il leur demande  de bien vouloir reprendre le travail.

Et c’est reparti pour deux heures avec maintenant  la musique de Ravi Shankar. Mais les filles sont à cran,  heureusement que leurs visages sont hors champ.  Elles se sentent  comme des poupées désarticulées, des singes savants, des objets, humiliées, désincarnées, dépersonnalisées.

Est-il possible que le résultat de ce travail ne porte pas les traces de la douleur des modèles ?  Et si les filles avaient pleuré, défigurées par la fatigue, la photo aurait-elles montré seulement  l’harmonie et l’équilibre de leurs paires de jambes dissociées de leur corps ?

 

Guy Bourdin était-il conscient de cette absurdité ?

 

A la fin de la séance, une fois rhabillées,  les filles ont vu Guy Bourdin s’approcher et leur tendre la main. Son visage avait une expression indéfinissable qui n’était pas de la satisfaction mais une sorte de tristesse.  Pourtant il leur dit doucement une phrase étonnante : « Vous avez été formidables, je vous remercie. »

Et chacune d’elles,  arrivée au bout de cette expérience exaltante, une fois digérée l’énormité de la déception,  s’est sentie envahie d’un sentiment de culpabilité.  Le comble !  Le soir dans leur lit, une petite voix se mit à résonner dans leur tête : tu l’as voulu ? Tu l’as eu !Hasselblad-501CM-avec-Carl-Zeiss-Planar-80mm-C-T-f2.8.jpg

 

 

 

 

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LA PHOTO MYSTERE DE MARS

Publié le par Miss Comédie

 

 

 

 

 

  BAISER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ce baiser mythique s’est échangé

dans un film de Edward Blake

sorti en 1961.

Qui sont ces  tourtereaux ?

Réponse le mois prochain.

A bientôt !

Miss Comédie

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DÉDIÉ A NATHALIE SARRAUTE

Publié le par Miss Comédie

 

 

 nathalie-sarraute.jpgComment   se brouiller   pour  un  oui  ou  pour u n nom…

 

Deux filles  à la terrasse d’un café.  Une  brune et une blonde,  papotent amicalement en buvant un coca.

 

 

LA BLONDE

Hier  soir j’ai revu LE MEPRIS en DvD.  Quel film ! Il n’a pas pris une ride.  Brigitte Bardot est fabuleuse.

LA BRUNE

C’est là, où elle  essaye  une perruque brune ? BB-Mepris.jpg

LA BLONDE

Oui. Ca lui va super bien. Mais en plus, elle est drôle, légère, elle a l’air de se balader dans ce film comme dans la vie…

LA BRUNE

je croyais que tu n’aimes pas Brigitte Bardot ?

LA BLONDE

Où tu as pris  ça ?  J’adore Brigitte Bardot !

LA BRUNE

Ah ?  Je croyais…

LA BLONDE

C’est Marylin Monroe, que je n’aime pas.

LA BRUNE

Brigitte Bardot et Marylin Monroe, même combat,  le même genre d’actrices…

LA BLONDE, indignée

Quoi ?  Pas du tout !

LA BRUNE

Deux bombes sexuelles   avec un petit pois dans la tête !

LA BLONDE, d’un ton aigre

Un petit pois dans la tête ç’est valable pour Marylin, mais Bardot, je te demande pardon, c’est une futée, très intelligente, Bardot, très fine… Elle JOUE les niaises, elle n’est pas niaise.

LA BRUNE

Marylin c’est pareil. Elle joue les niaises à la perfection.Marilyn-Monroe-007.jpg

LA BLONDE,  hausse les épaules

Mais elle, elle l’est ! Et en plus, elle est désaxée. C’est connu.  Bardot, elle, a la tête sur les épaules, tout le monde sait ça.

 

Un silence. Elles boivent une gorgée de coca.

LA BRUNE

Pourquoi tu es désagréable ?

LA BLONDE

Moi, désagréable ?

LA BRUNE

Oui, très désagréable. Qu’est-ce que je t’ai fait ?

LA BLONDE

Mais rien !  Simplement tu me dis que Marylin…

LA BRUNE

Et alors, j’ai pas le droit d’aimer Marylin Monroe ?

LA BLONDE

 

Si, mais tu la compares à Brigitte Bardot, c’est inepte !

LA BRUNE

Ca veut dire que tu juges Bardot au-dessus de Marylin, de quel droit ?

LA BLONDE

Du droit que c’est ce que je pense.

LA BRUNE

Est-ce que tu détiens la vérité ?

LA BLONDE

Cette fois c’est toi qui es désagréable, non ?

LA BRUNE

Je remets les choses à leur place. Tu m’as agressée à tort.

LA BLONDE

Je t’ai agressée ? 

 

 

LA BRUNE

En bavant sur Marylin Monroe, tu avais l’air de me dire que je n’avais aucun goût, que je n’y connaissais rien, tu crois que je n’ai pas compris ?

LA BLONDE

 

Tu es parano à un point !

LA BRUNE

 

Disons que je suis parano  et que toi tu es juste mégalo.

LA BLONDE, faisant signe au serveur

Garçon ! 

Elles se lèvent tandis que le serveur tend l’addition.

Elles sortent chacune leur porte-monnaie de leur sac et posent leur écot sur la table.

LA BRUNE

Au fait, samedi j’ai un truc qui me tombe dessus, je ne serai pas là pour ton anniversaire… ça t’embêtes pas trop ?

LA BLONDE

Non, non, au contraire… Allez salut !

LA BRUNE

Salut.

Elles partent chacune de leur côté. fDOS-A-DOS.jpg

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DÉDIÉ A TIPPI HEDREN

Publié le par Miss Comédie

V

 

 

 

  TIIPPI-HEDREN.pngDEDIE A TIPPI  HEDREN, petit thriller qu’aurait pu tourner l’héroïne des « OISEAUX » de Hitchcock.

 

 Une chambre, fenêtre grande ouverte, au 19ème étage d’une tour à Boulogne-Billancourt.

C’est l’été, mais le soleil ne s’est pas encore levé.  Le jour qui pointe est presque hivernal.

Marie regarde les nuages lourds de pluie qui encombrent le ciel au-dessus d’une ville prostrée dans un refus de s’éveiller.

De cette fenêtre en plein ciel, elle domine Paris.  Parfois elle s’imagine que d’un geste, d’un regard même, elle pourrait commander les mouvements de la ville.

Marie est heureuse au sommet de sa tour.

 

 

  TOUR.jpgMarie descend de chez elle. La plaque « place Corneille » apposée sur le mur à droite du porche de l’entrée lui semble aujourd’hui incongrue. « Un oiseau de malheur »,pense-t-elle.  Et pourquoi, tout à coup, cette hésitation, ce pressentiment ?

Elle se souvient qu’elle a laissé grande ouverte la fenêtre de sa chambre.

Elle lève la tête et regarde au-dessus d’elle les rangées de baies vitrées de la tour Ouest, avec leurs stores rayés bleu et blanc. Elle pense que même là-haut, tout peut arriver. Un orage,  la foudre, un coup de vent violent. Elle peut très bien ce soir retrouver son appartement saccagé.

 

Marie regarde sa montre.  Avec le métro, elle peut encore être à l’heure à son rendez-vous.

Elle fait demi-tour et se met à courir vers l’ascenseur.

 

 

 

Marie ouvre la porte de sa chambre et se fige. Quelque chose d’énorme bouge sur la rambarde du balcon. Un oiseau monstrueux. Une mouette.

Elle est gigantesque, effrayante dans sa proximité. Ses pattes roses et griffues s’agrippent à la barre de fer. La masse de son corps fumant, plumes hérissées, obscurcit la pièce comme une menace venue du ciel.  Son bec est entrouvert, comme prêt à saisir une proie. Son œil rond est porteur de haine.

 

 

4EME-MOUETTE.jpgUne peur subite s’empare de Marie. Les mouettes arrivent-elles jusqu’à Paris ? Les mouettes volent-elles à la hauteur d’un dix-neuvième étage ?

Puis elle fait un geste du bras et l’oiseau s’envole pesamment. Prend de la hauteur et pousse son cri de désespoir, un cri qui l’épouvante.  Marie la voit tournoyer autour de la tour avant de disparaître, grise sur le gris du ciel.

Marie met la main sur son cœur qui bat follement. Pourquoi cette peur ? C’est ridicule.  Jusque-là, une mouette en vol était un symbole d’évasion, et son cri lui parlait de l’immensité de la mer.

Posée sur son balcon elle devenait menaçante, épaisse et prosaïque comme un pigeon géant. Un oiseau de malheur. MouetteRieuse_DSC5955.jpg

 

Marie pense à ce pressentiment qui l’a fait remonter en toute hâte.  Depuis combien de temps la mouette était-elle en observation sur son balcon ?  Ne s’était-elle pas engouffrée par l’ouverture pour aller se poser, qui sait, sur sa couverture sur sa table de chevet, sur son bureau ?

Quel esprit maléfique habitait  ce corps répugnant ?  L’idée que l’oiseau eût pu frôler ses vêtements, déposer ses immondices dans quelque endroit de la chambre  qu’elle ne découvrirait que plus tard, lui donne la nausée.

Elle reste là, ne sachant quoi faire, désemparée.

« Elle va revenir »  Cette certitude l’envahit de terreur. Elle sait qu’elle ne pourra plus jamais regarder le lever de soleil avec la même sérénité.

 

Maintenant elle sait qu’elle doit quitter cet appartement.

Elle se sent soudain au centre d’une sinistre machination, obligée de fuir sur un ordre d’évacuation venu d’ailleurs.

Elle aurait dû se méfier de la plaque. C’était ici la place des corneilles et autres oiseaux  maléfiques.

Marie se dirige vers la fenêtre avec répugnance et la ferme, au moment où le premier coup de tonnerre fait trembler les vitres.

Elle s’allonge sur son lit.

L’heure de son rendez-vous est passée. mouette-en-vol-1-copie-1.jpg


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DÉDiÉ À ALAIN RESNAIS

Publié le par Miss Comédie

 

 

 

  alain-resnais.jpgEN  SOUVENIR DE MARIENBAD

 

 

« C’était l’année dernière au mois d’août.  Le souvenir de cette soirée est si vivace que je peux la raconter comme s’il s’agissait d’un scénario de film.

 

 ENTREE.jpgDans l’immense salon de cette villa palladienne aux abords de Vicenza où nous étions reçus par mon ami le comte Volpini, le soleil couchant venait juste de faire place à une ombre bleutée.

Entre les colonnes qui s’élancaient vers les fresques du plafond peint, jalonnant   un parcours qui semblait  se prolonger à l’ infini, un couple dansait  sur les dalles de marbre noir.

A cette heure tardive ils étaient  seuls, les derniers  invités de la fête avaient peu à peu déserté les lieux.   Je les regardais, ému. Bientôt j’allais être terrassé de douleur.

La musique les accompagne encore, des violons ou bien des mandolines ? 

C’était  un couple magnifique, je les revois encore, la beauté de  l’un défiait celle de l’autre.  Ils le savaient et ils aimaient cette égalité dans la perfection.  Ils se souriaient par instants, mais leur danse n’avait  rien de sensuel.  Pourtant, ils semblaient ne jamais vouloir cesser cette étreinte. Le temps était  suspendu à cette musique et à leurs pas.

 

Ils étaient arrivés en retard à la fête  et notre hôte les avait accueillis  d’un grand « ah, vous voilà enfin, les Bellini-Corti ! » puis il les pressa chacun contre son cœur.

Anita et Charles Bellini-Corti  se séparèrent ensuite pour se mêler à la foule.   On entendait parler deux ou trois langues, italien, français ou allemand, mais tous semblaient se retrouver entre amis.

La musique suivait le déroulement de la fête, d’abord joyeuse et alerte, et au fil des heures invitant à la détente, puis à la danse.  Ici point de be-bop, point de  fox-trott : la comtesse Volpini atteinte d’une asthénie des membres inférieurs ne devait pas entendre ces  sonorités  à risque.

 DANSE.jpgCharles Bellini-Conti l’invita plusieurs fois pour un  boston, valse lente dont raffolent les Anglais  et que l’orchestre se plaisait à multiplier tout au long de la soirée.

 

Anita, elle, virevoltait de groupe en groupe,  ne se séparant de sa coupe de champagne que pour aller fumer une cigarette  sur la terrasse en compagnie de quelques amateurs de cigare.

 

Lorsque  Charles et Anita  se croisaient, leur regard s’illuminait, il lui prenait la main et la baisait en riant, ou bien il l’entraînait à l’écart pour un boogie improvisé .

 

   TABLE-g.jpgSouvent ils  s’attardaient auprès de la table de jeu où mon ami Sacha et moi nous affrontions  dans une partie d’ échecs.  J’échangeais alors avec Anita un clin d’œil complice.  Je venais de remporter une victoire au dernier tournoi d’Hastings et je me sentais auréolé de gloire.

  On me   racontait que l’ancien  champion du monde russe  Dimitri Paviza,  avait  décrété qu’il tuerait le prochain rival qui lui ravirait son titre.   Cette menace  me laissait indifférent :   Paviza était un fou.

 

Peu à peu, les invités avaient pris congé.    Les serviteurs ramassaient les coupes de champagne vides, retiraient les tables et les chaises pour rendre aux salons leur caractère intemporel.

Puis le chauffeur de Sacha   était venu  vers lui : « La voiture est là, monsieur. »

La partie était finie depuis un moment et nous sommes serré la main. 

Je me suis alors avancé vers Charles et Anita, un peu  ivres qui tanguaient encore au milieu du salon et je les ai apostrophés gentiment :

«  Mes enfants, allons, il est tard.  Je rentre. »

Le frère et la sœur s’immobilisèrent et Anita vint se pendre à mon cou :

« Bonne nuit, père. Nous allons vous rejoindre.

Je me suis éloigné  lentement, appuyé sur ma canne et j’avais déjà descendu quelques marches du perron  lorsqu’une détonation avait retenti.

  J’ai entrevu    une ombre furtive  disparaître  dans l’obscurité  de la terrasse.

J’ai rebroussé chemin en hâte  sans aucun pressentiment de ce qui m’attendait et j’ai vu  mon fils  Charles Bellini-Conti gisant sur les dalles de marbre dans une mare de sang.

 

 

Combien de temps suis-je resté là, à contempler Anita effondrée sur le corps de son frère ?

Les secondes se sont  écoulées dans une chevauchée fantastique jusqu’à ce que je vis Sacha surgir en compagnie de son chauffeur qui me cria :

 

« Ecoutez, il y a eu une affreuse méprise !

 

J’appris alors que pendant qu’il attendait l’heure du départ, celui-ci  avait été abordé  par un inconnu qui lui demandait s’il connaissait un dénommé « Bellini-Conti.

« Et bien, il est là, au milieu du salon, il danse… lui avait-il répondu.

« Pourriez-vous reconnaître cet homme ?  ai – je demandé.

« Peut-être… Il avait un fort accent russe,   répondit le chauffeur .

 

C’était l’année dernière à Vicenza.  Depuis, je n’ai plus jamais  approché une table d’échecs.  Ce jeu maléfique m’avait enlevé mon fils par le jeu non moins maléfique du hasard. »lefouseul.jpg

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PARIS, MA MUSE...

Publié le par Miss Comédie


 Aujourd’hui je revois le quartier où j’habitais autrefois, ce Jardin et ce Palais du  Luxembourg  qui fut le théâtre de scènes légendaires, que l’on se plait à imaginer…

 

L'ADIEU  AU  PALAIS

 

  Palais_Luxembourg_Sunset.JPGDans l’un des salons privés de son palais tout neuf, Marie de Médicis est en conversation avec son confident et ami, Concino Concini.

Celui-ci  se plaint à la Régente :

-       Madame, votre fils dépasse les bornes.

-        Qu’a-t-il fait encore ?

-        Il joue du clavecin en compagnie d’une troupe de baladins, dans le salon de musique contigu aux appartements de Galigaï, aux heures où celle-ci désire prendre du repos.

 

Marie de Médicis a un mouvement d’humeur.

-       Je veux que l’on respecte le repos de ma confidente ! Mais enfin, Concini, vous êtes capable de  faire savoir à Louis qu’il doit se tenir tranquille !

-       -  Nous l’avons tancé plusieurs fois et Monseigneur nous fait toujours la même réponse !

-       Quelle réponse, Concini ?

-       Il répond que Paris est assez grand pour aller se reposer ailleurs.

-       - L’impudent !

-       - Oui Madame.  Il est difficile de faire entendre raison à un jeune homme de seize ans.

-        

La Régente se lève et va à la haute fenêtre donnant sur la pièce d’eau. Elle ne répond pas tout de suite, mais Concini sait bien que la riposte sera dure et il savoure sa victoire.

-       Faites-le mander à l’instant.

Concini s’exécute.  Bientôt le jeune Louis XIII se présente devant sa mère et plonge dans une  profonde révérence.

-      170px-Louis Dreizehn France Madame...

-       Louis, vous êtes dans une tenue débraillée qui ne convient pas à votre rang.

-        Quel rang, Madame ?

-        Le rang de  prince héritier, fils du défunt roi Henri IV.

-       Vous vous trompez,  Madame, je suis roi de par la loi et la volonté de Dieu.  Il est grand temps que je revendique ce pouvoir, après des années de frustrations et de brimades à l’enfant que je ne suis plus.

-        Qu’est-ce à dire ?

-       Le visage de la Reine Mère s’empourpre. Jamais encore son fils n’a osé lui tenir tête. Elle  marche vers lui  et va pour le souffleter, mais  Louis lui saisit le poignet et la repousse violemment.  Concini s’approche, sur la défensive, prêt à intervenir.

-        Que dois-je faire, Madame ?

Louis répond avec fermeté :

-        Rien, monsieur Concini.  Vous avez assez dicté sa conduite à ma mère, pour le malheur de tous.

-       Louis XIII recule de trois pas et leur fait face.  Il prend un ton solennel et sans réplique pour asséner sa  première sentence royale :

-        Madame ma Mère, je vous enjoins de quitter ce jour ce Palais et le royaume de France.  J’ai prévenu ma garde de vous faire escorte jusqu’à la frontière de Belgique.  Vous avez jusqu’à la tombée du jour pour organiser votre départ.

 

Marie de Médicis sait bien qu’il n’y a pas de parade.  Elle a vu, à la fenêtre  du salon, une escouade de gens d’armes accompagner l’entrée du Roi.  Elle devine qu’elle a sous-estimé l’ascendant de son fils sur les fidèles sujets de son père défunt.  Et surtout qu’il a su profiter habilement de l’hostilité croissante du peuple contre Concini, homme cruel et vénal.

-       Louis XIII le lui confirme justement :

-       Quant à vous, Concini, je vous réserve une retraite moins glorieuse que l’exil.        

Concini  fut fait prisonnier par les amis du roi menés par le duc de Luynes. Au cours de son arrestation, faisant mine de tirer son épée, il reçut la décharge d’un fusil en plein visage, puis  son corps fut lardé de coups d’épée.

Marie de Médicis tenta de lever une armée contre son fils mais elle échoua.

 

Ce sont donc, j’imagine, les derniers instants que vécut Marie de Médicis dans ce palais qu’elle avait fait construire à son usage personnel et où elle ne résida que cinq ans.couronne.jpg  

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DÉDIÉ A FRANCOISE SAGAN

Publié le par Miss Comédie

 

 

   SAGAN.jpgqui a si bien écrit sur l’amoralité des jeunes filles.   

 

BONJOUR   TRISTESSE

 

 

Le couple enlacé remonte de la plage par le petit escalier  de bois qui débouche  directement dans le parc.

On les voit marcher en zig-zag dans l’allée de gravier, arriver sur l’esplanade de la villa.  Ils font une pause pour un baiser prolongé avant de pénétrer dans l’immense hall dallé de marbre.

Pieds nus ils se glissent sans bruit le long des couloirs pour arriver plus vite dans la chambre et tomber enfin sur le lit.

La porte est entr’ouverte.  Ils font encore une halte pour un baiser rapide avant d’entrer, histoire de retarder le plaisir.

 

 

Ils entrent en même temps, un seul et même corps pressé de laisser déborder leur désir, ils titubent encore en riant , ils vont entrer dans la chambre de Caroline.

 

Arnaud est allongé sur le lit, il a laissé tomber le livre qu’il lisait et il les a considérés à travers sa mèche blonde.

L’image se fige en plan fixe, le temps s’arrête net.

 

Caroline a réalisé en quelques secondes. Arnaud était venu la rejoindre, sans la prévenir, comme un grand enfant idiot qui ne se méfie de rien.

C’était un immense gâchis qu’elle entrevoyait déjà, avant même qu’un mot fût prononcé.   Les conséquences défilèrent à toute vitesse dans sa tête, imparables : fiançailles rompues, scandale dans la famille.

Elle était découragée.  Tout ça pour une petite amourette avec un garçon de passage qu’elle allait oublier très vite.

 

Elle parla la première.  Elle entendit sa propre voix, ridiculement naturelle.

-  C’est toi ?

Il ne crut pas nécessaire de répondre.  Elle enchaîna :

-  Tu es arrivé quand ?

-  Par le bateau de dix heures.  (Il se leva et entreprit de ramasser quelques affaires)  Je suis désolé, j’aurais dû prévenir… Je vais aller dormir à l’auberge sur la place, j’attendrai le premier bateau demain matin et...

Elle eut un sursaut, un élan.

-  Non... oh, écoute, non... Ah, tu aurais dû me dire....(elle cacha son visage dans ses mains et puis très vite se redressa)  mais tu sais, ce n’est  rien, je t’expliquerai...

 

Elle sentit ce que ces mots avaient de trivial  et s’arrêta net. Elle redescendait de son nuage en chute libre, elle retrouvait brutalement le contact avec la terre. Elle se dit qu’elle était en train de vivre une situation de vaudeville, qu’ils étaient grotesques tous les trois, et en même temps elle avait la conscience de l’irréparable.

Elle avait perdu la confiance d’Arnaud, l’homme qu’elle aimait.

Elle essaya de réfléchir à une solution possible, entre mensonge et arrangement à l’amiable, mais rien ne vint

L’arrêt sur image prit fin lorsqu’elle entendit la voix de l’homme de la plage, sur le pas de la porte :

« Salut ! Je vous laisse.  Tout ça n’est pas bien grave.

Elle le vit s’éloigner dans le couloir, sa serviette enroulée autour de la taille.  Elle le trouva vulgaire et le détesta soudain.

Dérouté, Arnaud s’était immobilisé. A nouveau, la scène se figea en plan fixe. L’incertitude les tenait en haleine.

Qu’allait-il se passer maintenant ?COEUR.jpg

 

 

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LA PHOTO MYSTÈRE DE FÉVRIER

Publié le par Miss Comédie

 

(Il avait les yeux bleux...)

 

 

  Pierre-Vaneck001.jpgQUI ?

Un grand acteur français disparu en 2010.

Vous l’avez peut-être vu dans          ART, la pièce de Yasmina Reza : il faisait partie de la première distribution avec Fabrice Luchini et Pierre  Arditi au théâtre des Champs-Elysées.

Vous ne l’avez probablement pas vu dans LES POSSÉDÉS de Dostoievski adapté et mis en scène  par Albert Camus au théâtre Antoine en 1959.

Sur cette photo il avait 28 ans.

 

QUAND ?

En novembre 1959 la même année que Les Possédés.

 

 

OU ?

Au théâtre Heberto à Paris

 

DANS QUOI ?

« LONG VOYAGE VERS LA NUIT » de Eugène O’Neil, mise en scène de Marcelle Tassencourt.

 

AVEC QUI ?

Gaby Morlay, Jean Davy, Michel Ruhl, Christiane Muller.

 

QUOI D’AUTRE ?

Il était marié avec Sophie Becker, la fille de  jacques Becker et la soeur de Jean Becker.

Deux de ses petits-enfants sont à l’affiche de « Plus Belle la vie » mais là, j’en dis trop !

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RENCONTRE A MANHATTAN

Publié le par Miss Comédie

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DÉDIÉ  À  LAUREN  BACALL ET  HUMPHREY  BOGART, qui savaient si bien jouer la comédie…

 

 RENCONTRE A MANHATTAN

 

 Le Chumley’s café, Bedford Street, Greenwich Village.A l’intérieur de ce café mythique il n’y a plus grand-monde à cette heure matinale.

  Au fond de la salle, sur la banquette, une jeune femme lit un journal en buvant un expresso.  Elle est d’une beauté étrange, un type slave avec des yeux étirés aux paupières lourdes et de hautes pommettes pâles.  Ses cheveux d’un blond cendré sont tirés en arrière et attachés par un ruban.  Elle ne prête aucune  attention aux mouvements de la salle, au va-et-vient du serveur, aux clients assis autour d’elle.

Un homme vient s’asseoir sur la banquette, à la table voisine. Lui aussi a un journal à la main,  le New York Times,  et commence à le déplier, tout en guettant le serveur à qui il  commande un café.

Il est  mince, brun aux tempes grisonnantes. Il a de l’allure, une sorte d’élégance naturelle dans son veston à chevrons élimé.

 

Ces deux personnages sont absorbés chacun dans leur lecture et sirotent leur café sans se presser, en gardant les yeux fixés sur leur journal. 

Au bout de quelques minutes, l’homme dans son geste pour passer à la page suivante, bataille avec le grand format qui refuse de se plier, tente de discipliner les feuillets qui s’obstinent à lui échapper des mains, et dont l’un se détache pour faire un vol plané jusqu’à la table voisine où il atterrit sur la tasse de café.

Consternation, balbutiements, congratulations.   Chacun manifeste la plus parfaite civilité, lui se confondant en excuses, elle affichant le plus gracieux des sourires.

LUI

Garçon, un autre café, s’il vous plait !

ELLE

Mais non, voyons, j’avais fini !

LUI

Et bien vous en boirez un deuxième et je vous accompagnerai, si vous le permettez !

Elle ne répond pas à cette invite mais baisse les yeux et re plie son journal.

LUI

Ah, vous lisez le Figaro…  vous lisez le  Français ? …

ELLE

Mal, mais je m’entraîne…

 

Il se rassied à sa table, vide sa tasse de café et fait signe au serveur de lui en apporter une autre  En attendant, il la regarde.  Elle le sent, lève les yeux et lui sourit.

LUI

Vous êtes très belle.

Elle éclate de rire, rougit un peu et boit une gorgée de son deuxième  l’expresso, se brûle, repose la tasse, rougit carrément.

 

 

 

 Le client assis à la table contre la vitrine, près de la porte, et qui a assisté à la scène, ne les quitte plus des yeux, fasciné par la scène : deux étrangers soudain réunis par un incident mineur et qui peut-être vont vivre une folle  histoire d’amour…

 

Il n’a pas besoin d’entendre ce qu’ils se disent, il comprend qu’il la drague et qu’elle se laisse draguer. Les regards, les sourires, et maintenant leurs mains qui s’enlacent. Le client est ému à la pensée qu’il pourrait, lui aussi, vivre un instant pareil, il suffit de le vouloir, non ?  Repérer une jolie femme, renverser sa tasse de café, et hop !l’affaire est dans le sac. Les jolies femmes ne manquent pas dans les cafés de Manhattan.  Le coup du journal finit bien par marcher.

 

L’homme et la femme se lèvent, ils vont partir ensemble. Ils passent devant le client qui  détourne les yeux mais  tend l’oreille.

ELLE

Et en partant ce matin, je parie que tu as laissé la fenêtre de la chambre des enfants ouverte ?

LUI

Raté, ma chérie. J’ai même acheté du pain pour ce soir.tasse-a-cafe.jpg

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LA PHOTO-MYSTÈRE

Publié le par Miss Comédie

 


 

 

 sami-frey001.jpgQUI ?.

Sous ce masque de Pierrot triste se cache un immense acteur.

QUAND ?

En décembre 1958.

OU  ?

Au théâtre Edouard VII à Paris.

POURQUOI ?

Pour la pièce L’Année du Bac, de José André Lacour, mise en

scène par Yves Robert.

AVEC QUI ?

Michelle Bardollet, André Valmy, René Lefevre,  Roger Dumas,

Yvette Etiévant, Jacques Rispal, Monique Mélinand, Jacques Perrin, Yori Bertin…

MAIS ENCORE ?

Sur cette photo l’inconnu a vingt-et-un an.

Deux ans plus tard, il tournera  un grand film français avec pour partenaire une illustre séductrice de l’époque, dont il tombera amoureux fou.

Plus tard, il  pédalera seul sur la scène du théâtre de la Madeleine, en souvenir de Georges Perec… mais là, j’en dis trop !

IL A DIT :

« Se réviller tous les matins en se disant qu’on a 75 ans, c’est impossible, irréel… »


Eh oui. ce bel adolescent triste a aujourd’hui 77 ans...

 

 

 

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DEDIE A ROMAN POLANSKI

Publié le par Miss Comédie

 

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   polanski.jpgRoman Polanski qui  connaît l’étrange pouvoir des génies de la musique...

 

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L’ESPRIT D’AMADEUS  

 

 mozart_ico05-copie-1.jpg Il est minuit.  Dans le salon de la grande maison, Dolorès laisse tomber son livre et s’étire longuement dans le canapé. Le CD qu’elle avait mis pour accompagner sa lecture vient de s’achever, les dernières notes du concerto N°27 de Mozart qu’elle ne se lasse pas d’écouter en boucle.  Dehors, le vent secoue les jalousies qu’elle laisse toujours  baissées. 

Elle se lève, va à la fenêtre, cherche à percer l’obscurité profonde de cette nuit de septembre.  Pas d’étoiles.  Le vent est annonciateur d’orage.  Des éclairs commencent à illuminer le ciel mais l’orage est encore loin.

Dolorès  n’enlève pas le CD de son socle mais elle éteint le lecteur.

Elle ramasse son livre, éteint les lumières du salon et monte dans sa chambre en baillant, elle est morte de fatigue.

 

Pour rien au monde elle ne serait allé à cette soirée où elle aurait pu rencontrer « plein de gens », où sa copine Mercédes voulait absolument la traîner.  Ce soir, non. La journée a été vraiment dure à l’atelier, le théâtre attendait les costumes pour la générale, ila fallu  mettre les bouchées double.

Et puis cette maison, où elle vient d’aménager, qui est devenue son palais, qu’elle a achetée sur un coup de foudre.  En plein milieu du quartier Sol, à deux minutes de la Puerta del Sol et du kilometro cero  qui est le point de  départ de toutes les routes d’Espagne, et aussi le point de rencontre de tous les Madrilènes.

 

Le jardin qui entoure la demeure est mal entretenu et la maison n’est pas non plus dans un état parfait, mais les pièces gardent encore les vestiges d’un passé fastueux.   Dolorès est tombée amoureuse des frises peintes sur les murs, des grands miroirs baroques, des meubles et des tapis que les anciens propriétaires ont laissés là, depuis si longtemps.

Dolorès monte l’escalier et arrive dans sa chambre où le lit monumental surmonté d’un dais   est toujours ouvert.

Elle passe dans le cabinet de toilette vétuste, se déshabille promptement, fait une rapide toilette et saute avec délice dans ce lit  immense où elle a toutes ses aises.  Calée sur les oreillers, elle ouvre le livre commencé au salon et tente de poursuivre sa lecture.  Mais ses yeux se ferment, elle va s’endormir, elle s’endort

 

 

Dolorès dort depuis longtemps, deux heures ? Trois heures ?  Dans son sommeil, le concerto de Mozart  égrène les notes nostalgiques du mouvement lent.  Elle accueille ce rêve avec bonheur, d’abord, et puis lentement émerge du sommeil.  Ce n’est pas un rêve.  La musique est bien réelle, elle résonne entre les murs de la maison, elle vient du salon.

« Je suis sûre d’avoir éteint le lecteur… »

Dolorès saute hors du lit et dévale l’escalier. « Qui a pu entrer pendant mon sommeil ? »

Le salon est plongé dans l’obscurité. La petite lumière verte du lecteur est allumée  et le son  est au maximum, trop fort, mon dieu, trop fort ! 

Elle allume en tremblant  mais le salon est vide. 

 Aucune fenêtre n’a été fracturée, la porte est verrouillée.

Elle se précipite alors sur le lecteur de CD et l’arrête.

Comme une voix qui se tait, la musique s’évanouit.  

« Un esprit… c’est un esprit.  J’ai acheté une maison hantée… »

Un violent coup de tonnerre la fait sursauter.  Elle croit entendre le vent siffler quelques mots qu’elle perçoit avec terreur  :  « l’esprit d'Amadeus  est là ! ».piano_500x400.jpg

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JE M'AMUSE AVEC MES MUSES

Publié le par Miss Comédie

 

 

AVT Agatha-Christie 5032AGATHA  CHRISTIE

 

 

Elle   en a écrit d’aussi machiavéliques...

 

 

 

 

IUN CRIME PRESQUE PARFAIT

 

La pièce allait s’achever sur le meurtre de son rival.  Ils avaient échangé leurs répliques avec ce qu’il fallait de  froideur pour ménager l’effet de surprise.

C’était deux comédiens de talent, ils se mesuraient pour la première fois sur les planches.  Dans la vie aussi  ils étaient  rivaux puisque Mathieu avait épousé l’ex-femme  de Robert, lequel ne s’en était pas remis.

Pour l’instant, Robert pensait surtout qu’il devait être crédible dans cette scène du meurtre qui, au théâtre, devient facilement du Grand Guignol.

Sa haine devait être à la fois visible et invisible.   Un sentiment qui devait venir de l’intérieur, sans aucun effet de jeu.

« Tu es foutu, Montgoméry.  J’ai  dans ma poche de quoi te faire coffrer. »

« Vraiment ? »

Robert (ou plutôt Montgomery) ouvrit le tiroir de son bureau et dans un seul geste, saisit le revolver et tira.

Mathieu s’écroula en même temps que le rideau tombait sur la fin du premier acte.

On entendit le brouhaha du public qui se levait pour l’entracte.

Derrière le rideau, c’était l’effervescence.  Mathieu ne se relevait pas et un filet de sang s’écoulait de sa poitrine.  Robert, interdit, assistait à la disparition de son rival sans faire un geste, le revolver encore à la main.

Les comédiens faisaient un cercle autour du corps allongé sur le sol, sans un mot.  Le metteur en scène surgit.

« D’où vient ce revolver ?

- Du tiroir, articule Robert toujours immobile derrière son bureau.

-  Qui a pu remplacer l’arme factice par ça ? 

Le metteur en scène  arrache le revolver de la main de Robert.


  revolver-argent.jpg« Mais c’est un revolver de femme !    il prend les autres à témoin : regardez la taille de l’arme  et la crosse en nacre…   Qu’est-ce que c’est que ce bordel… »

Le visage de Robert prit soudain une couleur de cire.   « C’est le revolver d’Irène… »    Son ex-femme ne sortait jamais sans cet objet dans son sac.  Une manie qui le faisait sourire.  Tout son corps  se mit à trembler.  Il y eut un instant de silence.

Il va y avoir une enquête…  C’est forcément un meurtre.  Mais qui est l’assassin, et pourquoi ?

Tous les yeux se tournent vers Robert.

« Je ne pouvais pas savoir que …

-  Naturellement, Robert, tu n’es pas en cause, c’est clair.

On entendait la sonnerie de fin de l’entracte.

-  Bon dieu, il faut faire une annonce !  Le spectacle ne reprendra pas.

Je reviens. 

Le metteur en scène écarta le rideau et prononça les mots qui firent courir un murmure d’horreur dans la salle qui se vida lentement.

Il y eut les formalités, l’enlèvement du corps, la déclaration à la police, l’arrivée des enquêteurs.  Tout cela dura jusqu’au petit jour.

En rentrant chez lui,  Robert alla comme tous les soirs sur la pointe des pieds jusqu’à la chambre de son fils.  C’était son bonheur, contempler le sommeil de l’enfant de sept ans qui était désormais son seul compagnon.   Il en ferait un acteur comme lui, déjà le gamin était un habitué des coulisses, il apprenait des bouts de rôles de son père et les lui récitait comme des poésies. Parfois il pleurait dans son lit en appelant sa mère, c’est la nounou qui avait prévenu Robert, « ces soirs-là, on le sent tellement malheureux. »   Robert haïssait Mathieu doublement : il lui avait pris sa femme et la mère de son enfant.

Ce soir son trouble était si grand qu’il heurta le coffre à jouets. La lumière s’alluma dans la chambre de la nounou qui laissait la porte de communication ouverte.

« C’est vous, Robert ?

-  Oui, c’est moi,  souffla-t-il à mi-voix, vous pouvez éteindre.

Son fils bougea, émit une petite plainte, mais ne se réveilla pas.

Robert   se pencha pour caresser  son front moite.

« Dors, mon ange. Tout va bien. 

Il remonta la couverture sur laquelle était posé un objet noir et luisant, qu’il reconnut aussitôt.   L’enfer allait commencer.

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LEVER DE RIDEAU SUR 2014

Publié le par Miss Comédie

 

 

 

                                             S

irideau-rouge.jpgEnfin  une année nouvelle !    Un plateau de théâtre encore vide, des personnages en quête d’auteur, un auteur en quête d’inspiration devant cette grande page blanche.

Après les fameuses  Rencontres Imaginairese  en  2013,

voici JE M'AMUSE AVEC MES MUSES, dédiés chacun à une grande figure disparue.

 

Vous retrouverez ensuite une nouvelle série de Rencontres Imaginaires car je ne me lasse pas de faire dialoguer ces gens qui n’auraient jamais dû se rencontrer.

L’imaginaire,  ah, l’imaginaire ! Que de crimes on peut commettre en son nom !

Vous verrez peut-être aussi  se faufiler entre deux shorts, une photo insolite qui m’aura touchée au coeur et que je vous commenterai à ma manière.

 

Bref, en route pour 2014 avec Miss Comédie et ses bizarreries imaginaires.

 

clap.jpg

 

 

 

ie m'amuse avec mes muses
Une histoire  inspirée par  YEHUDI  MENUHIN :

  violon1.jpg MELODIE EN SOUS-SOL

 

 

Sur la scène du Théâtre des Champs-Elysées, le grand violoniste salue son public.  La standing  ovation est interminable.

Ce soir encore il fit un triomphe.  Son violon semblait flotter dans ses mains et l’archet s’envolait, tirant des sons archangéliques de l’instrument.

L’après-concert avait traîné  en longueur.   Les gens n’en finissaient plus de frapper à la porte de sa loge, à la fin la porte resta ouverte et ils venaient lui dire leur joie, les admirateurs anonymes, les confrères, les amis, , le chef et les musiciens de l’orchestre,

 

Ce fut une belle prestation, oui il le sentait, il avait été inspiré, il y a des soirs comme ça où la musique s’empare de votre corps tout entier et c’est ensuite si facile de la restituer aux autres, de déverser ce trop-plein de sons parfaitement agencés par la technique.  Il trouvait souvent cette sensation de plénitude dans le répertoire de Ravel, son ami.

Il réussit enfin à se soustraire à ses admirateurs et à gagner la sortie.  Toute cette agitation lui pesait, toutes ces louanges le gênaient.   Seul, il voulait être seul à présent.

 

Sur le trottoir de l’avenue Montaigne, il respira un grand coup.

A son chauffeur qui l’attendait, il dit de rentrer, il avait envie de marcher. La nuit était douce et  du Théâtre des Champs-Elysées il n’avait que l’avenue Marceau à remonter pour se retrouver dans sa petite rue tranquille.

Il était plein d’un épuisement bienfaisant, son esprit  menait l’équipage de ses membres las.  Il marcha d’abord d’un pas rapide,  finissant d’écouler l’énergie accumulée pour le concert.  Peu à peu son allure prit un rythme plus lent. A chaque pas il laissait derrière lui le bruit, l’effort, la parade, le côté  factice  de cette journée.  Il prit une longue inspiration et se sentit plus léger et aussi plus seul.  Les parures dont la société vous affuble  sont les rubans et les clochettes accrochées aux sapins de Noël.  Une illusion de gloire.

Je suis un sapin de Noël, pensa-t-il.

En lui même, une petite voix chuchota : «   ces parures ne sont que la consécration de  ton talent,  ne l’oublie pas ! »

 

Il marche, il traîne un peu la patte, et soudain voilà qu’il s’arrête net.  Un son qu’il connaît bien, très faible mais il connaît si bien ce son-là, un son très pur, loin dans une rue, le fait dresser l’oreille.

   Le son, intermittent, devient peu à peu perceptible.  C’est du violon.

 

Le  grand violoniste cherche à localiser cette musique solitaire, il oriente ses pas dans sa direction.

Au détour d’une rue, il le voit.

L’homme est debout   sur le trottoir à l’entrée  d’une petite rue fréquentée par  les habitués d’un bar d’hôtel.

Il joue les yeux fermés une sonate  de Liszt. Personne ne l’écoute.

La star du violon  s’approche et regarde le visage du musicien anonyme, une expression de profond bien-être.  Ce n’est pas un amateur, son archet est mû par un talent consommé.  Devant lui il y a une soucoupe avec quelques pièces.

Comment quantifier mon bonheur de jouer par rapport au  sien ?  C’est le même !  Le même bonheur.  Moi j’ai droit aux bravos, aux articles de presse, et lui à une pièce jaune.  Moi je suis lié par contrat, mon emploi du temps est bouclé. Lui est libre d’aller jouer sur le  quai de la Tournelle, par beau temps, pour donner du bonheur aux amoureux fauchés.

Le musicien n’ouvre pas les yeux lorsque le Maître lance une pièce dans la soucoupe.  Cela augmente encore son amertume.  Un moment il reste là, figé,  cherchant à deviner si cette liberté avait été voulue, ou seulement subie par les aléas de la vie. Il eut envie de lui parler.  Mais le violoniste était  derrière un écran infranchissable.

 

Puis il tourna les talons.  Il rentra chez lui d’un pas nerveux.

 

Son chauffleur l’avait suivi,  au ralenti,  habitué aux volte-face de son maître.  Il assista à cette halte insolite devant un pair, il imagina le désarroi, l’étonnement et peut-être aussi  la compassion.

Il ne comprit pas son licenciement, un mois plus tard, pas plus que l’annulation de tous les concerts du Maître « pour raisons de santé » ainsi que l’annonce d’une retraite prématurée,  en pleine gloire.  Mais il ne chercha pas à savoir, ni à garder le contact avec son ancien employeur.

 

Pourtant  un jour, longeant l’un des couloirs interminables de la station Châtelet, il entendit de loin  un son familier qui le fit tressaillir.

Bientôt il fut devant lui : le grand violoniste, debout, les yeux fermés, jouant de son violon avec une expression de bonheur intime.

Devant lui, une soucoupe d’argent avec quelques pièces jaunes.

Pas plus que le violoniste anonyme de la rue de Bassano le Maître n’ouvrit les yeux lorsque la pièce tomba dans la soucoupe.

Et pas plus que lui, le chauffeur n’osa lui adresser la parole.

 

 

 

 

 

 

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RENDEZ-VOUS EN 2014

Publié le par Miss Comédie

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                                           Bonjour à tous !

                                    En réalité ceci est plutôt un tomber de rideau sur l’année

                                    2013 !

                                    Pour des raisons d’état (sans majuscule bien sûr) je zappe

                                    cette fin d’année et me ressource en vue d’une prochaine

                                    reprise de mes articles au début de l’année prochaine.

 

                                    Surtout n’effacez pas <<<unesceneparjour.com>>> de

                                    vos sites favoris car je vous réserve encore bien des

                                    surprises !  Vous pouvez aussi aller à la recherche  de

                                    certains articles anciens qui vous auraient échappé, il y a

                                    de quoi lire dans mon blog !

                                    Passez de bonnes fêtes dans la bonne humeur et

                                    rendez-vous en 2014 !

 

 

 

 

 

                                    Miss Comédie branche-de-houx

 


 

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ECCE HOMO

Publié le par Miss Comédie

 


  James-Bond-Logo-Poster-C10053467.jpgC’est le titre de l’édito de Madame Figaro de cette semaine.

Le numéro est consacré aux hommes.  Mais quand on le feuillette, on s’aperçoit que les hommes en question sont des homos, tous cités pour leur talent, photographiés pour leur beauté, leur élégance.  Rien à dire.  Juste un petit pincement au coeur.

Et puis,  avant de refermer le magazine, on lit à tout hasard l’édito.

Tiens, il est signé Eric Neuhoff.  Non, pas lui ! Va-t-il  lui aussi entonner l’hymne à l’homo ?

 

Ligne après ligne, on respire. On reprend confiance.

Il se décrit, lui qui « n’en est pas », avec ses petites  manies, ses dadas, ses faiblesses, ses lassitudes, sa virilité qui date d’Adam  et son amour des femmes qui date d’Eve et qui n’est pas prês de disparaître de cette planète.

Ses mots sont simplement  sincères, touchants. Il ne proclame rien, il ne revendique rien.

Mais enfin, ouf, il nous rassure.  Car ce n’est pas un blaireau, Eric Neuhoff. On peut lui faire confiance, il ne fera jamais l’apologie du plouc, du beauf, du tocard.  Et  il signe des critiques, des livres, des éditos qui font référence.

Son  self-portrait est magnifique ! 

Non,  notre humanité n’est pas encore unisexe.

Nous on a besoin de séducteurs et de machos, là.

D’accord,  certaines femmes décrètent qu’elles s’en passent très bien.  Ouais.

N’empêche, je voudrais bien savoir combien d’entre elles n’ont pas eu la larme à l’œil  en lisant cet édito.

Ecce homo, c’est une parole d’évangile.  Voici l’homme et ça montrait  Jésus, le fils de Dieu.   Il nous reste l’homme, le vrai.

 

Petite  précision : je n’ai rien contre les homosexuels et j’ai  parmi eux  quelques amis très chers qui se passeraient bien de cette surenchère médiatique. 

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MON SPECTACLE DE L'ÉTÉ

Publié le par Miss Comédie

LA CHATTE SUR UN TOIT BRULANT    

Tennessee  Williams

A GRIGNAN, Août 2013

Au Théâtre des Célestins  Saison 2013/2014

 

 

   CHATEAU.jpg A Grignan, dans la cour du Château, par une douce soirée de ce mois d’Août,  le décor, adossé aux murs de pierres brûlantes, elles aussi, donnait vie à une histoire tellement banale et tellement sordide,  comme on en voit tous les jours dans les familles, une histoire sans aucun attrait visuel ni sentimental, une histoire à oubler très vite.  Et  même, à fuir instantanément.

Oui, mais il y avait sur scène ces personnages parfaitement odieux qui se lançaient au visage des injures insoutenables, qui arboraient leur haine comme un étendard, qui nous transformaient en voyeurs subjugués.

La petite Laure Marsac, comment imaginer qu’elle put incarner une telle boule de nerfs et d’amour, qu’elle eut en elle une telle réserve d’énergie ressentie ?   En quelques minutes on avait oublié LA Taylor.

 

 MARSAC.jpgOn avait oublié aussi la pauvreté du décor, comment faire figurer ensemble un salon où l’on s’apostrophe, une chambre aux murs indiscrets, un bar investi par un mari en désespoir, tous leurs vices étaient concentrés autour de quelques meubles disposés ça et là.

Chacun des personnages prenait à son compte la violence du dialogue, on pourrait croire que c’est facile, de lancer des horreurs à son partenaire, pas besoin de se concentrer, ça doit sortir tout seul, non ?  Et forcément, on y croit !  Non, non, les acteurs ajoutent quelque chose qui donne du poids aux mots, une sorte de hauteur.  J’ai été bluffée par Alain Pralon,  le sociétaire du Français qui, là, faisait du Serrault salace  avant de nous montrer sa peur de la mort.

Ah, ça, il faut aimer Tennessee Williams, ou tout au plus l’accepter avec ses obsessions morbides du mensonge, de la trahison et du couple infernal.  Mais comment ne pas admirer ceux qui le servent si bien ?

La pièce se joue maintenant au théâtre des Célestins à Lyon jusqu’au 20 octobre 2013, toujours dans la mise en scène de Claudia Stavisky.

J’aime ses mises en scène : elles  restituent au plus près l’esprit de l’œuvre sans prétendre la réinventer, comme font tant d’autres.

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A VOUS LES FESTIVALS !

Publié le par Miss Comédie

V

SAINES  LECTURES  POUR L'ÉTÉ

 

  575265_344037562335519_32164884_n.jpgLe mois de juin va s’achever sur mes Rencontres Imaginaires, je prends le large  comme la plupart d’entre vous, sûrement.

Vous allez tous vous éparpiller dans la nature en quête de repos ou de réjouissances et là, pas de problème, vous avez le choix.

Le paysage culturel français, entre juillet et septembre, est d’une variété inouïe.  Tous les quarante kilomètres, de la baie de Somme jusqu’à la pointe du cap Martin, vous allez rencontrer un festival.

A vous de choisir.

Certains festivals sont des hauts lieux de la culture depuis des lustres.  D’autres s’improvisent dare dare, et le programme doit être  mis sur pied dans l’urgence.  Il s’agit d’abord de trouver une tête d’affiche. Pas facile, en été.  Mais certains acteurs ont le don de dédoublement.  Il peuvent sauter d’un festival à l’autre sans problème, sauf qu’ils n’ont pas le temps d’apprendre un texte.  D’où la naissance d’une nouvelle vague d’acteurs, les liseurs.

 

  axelle-laffont.jpgAttention pour les comédiens qui lisent un texte en scène, on dit « liseur », et non pas lecteur.  Le lecteur, c’est le pauvre mec qui lit tout seul dans son coin un livre quelconque.  Le liseur lit une œuvre devant un public.

On va donc au théâtre, (enfin, il s’agit souvent d’un théâtre de « tréteaux », comme dans le temps) l’affiche est alléchante, un nom connu, un acteur qu’on adore, on y va.

   Ca peut aussi se passer au théâtre, dans un vrai  théâtre, mais les comédiens ne jouent pas,  c’est comme une répétition.

Les personnages ne sont pas sur scène, ils sont dans la brochure, entre les mains des acteurs. Ceux-ci sont plantés là, sans bouger, certains ont besoin de lunettes pour lire leur texte.  Surprenant ! Un peu dérangeant, du reste. Il faut se concentrer sur ce que l’on entend. Bientôt, l’acteur connu qu’on adore disparaît derrière cet écran de papier. Frustrant. Mais voilà, c’est la nouvelle vague d’acteurs.

Sur ce procédé créé par l ‘urgence, le metteur en scène (qui se nomme alors metteur en espace) et le directeur de la salle sont d’accord.  Le spectateur, lui, est bien obligé de l’être.  D’ailleurs ce n’est plus un spectateur, il est devenu un auditeur malgré lui.

 

Certains textes sont faits pour être lus, comme les lettres qui font le succès du Festival de la Correspondance à Grignan.

Tout le talent de l’acteur est alors de faire passer l’émotion à travers la découverte de ces écrits intimes.

 

Mais je m’égare.  Il était question de m’évader, le temps d’une respiration estivale, pour mieux vous retrouver bientôt avec d’autres Rencontres imaginaires.

Bon été !  repos

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MARIA CALLAS DIT NON A SERGIO LEONE

Publié le par Miss Comédie

 

 

 

 

tumblr m2ps63zlcj1rprammo1 1280Novembre 1971.

Dans une salle de la Julliard School à New York, Maris Callas donne son cours de chant.  Devant elle, s’accompagnant au piano,  une jeune étudiante fait des vocalises.

La diva   a choisi l’exil et l’anonymat   après l’inexorable défaillance de sa voix.   Ici, elle oublie qu’elle fut un phénomène planétaire, elle oublie que son unique amour l’a  délaissée pour une autre figure emblématique de l’époque.

 

On frappe à la porte et avant qu’elle  ait eu le temps de répondre, un étudiant  fait irruption, et annonce, visiblement ému : « Miss Callas, il y a là quelqu’un  d’important  qui demande à vous voir de toute urgence. »

Maria Callas reçoit cette  intrusion  comme un affront.

«  Faut-il que ce soit le Président lui-même, pour oser me déranger dans mon travail, sans rendez-vous ?

« Madame, il s’agit de… Sergio Leone.

Là-dessus, l’imposante carrure du réalisateur italien  pénètre à son tour dans la  pièce.    Craignant le pire, l’étudiant file en vitesse, les laissant  face à face.

Callas, pétrifiée, ne peut articuler un mot.

Sergio Leone s’incline devant elle, prend sa main et y dépose un baiser.

La diva s’est ressaisie.  S’adressant à l’étudiante :

« Charlotte, vous pouvez partir, le cours est fini.

La porte à peine refermée sur  la jeune fille, Maria Callas laisse éclater sa colère.  

« Relevez-vous, monsieur Leone, vous êtes ridicule.   Vous avez des manières de mascalzone   !    Je n’ai pas l’habitude de recevoir sans rendez-vous. Vous avez forcé ma porte, c’est indigne de vous !  (elle prend une profonde inspiration)   Que me voulez-vous ?

 

  Leone.jpgSergio Leone s’est relevé, un peu gêné, mais sent qu’il faut aller vite.

« Madame, comment vous dire… Je suis à New York pour très peu de temps, je savais que vous aviez quitté Rome pour enseigner à New York.  (Il place sa main sur son coeur) ô  ma bella donna  incantadore  Il faut que je vous parle.

« Mà de quoi ? Je n’ai rien de commun avec vous.  Asseyez-vous.

 

Elle a mis un bémol à sa voix divine.  Elle craque.  Le numéro de charme agit sur elle, comme toujours.

 

Leone approche une chaise tout près d’elle et sans préambule :

« Je suis amoureux de vous depuis que je vous ai vue chanter Elvira d’Il

Puritani de Bellini, à la Fenice.

Elle frémit.

« Mon dieu, c’est loin !

«  1949.  J’avais tout juste vingt ans.  J’étais subjugué.

«  Ca n’était que le début !  Vous m’avez entendue, ensuite ?

« Bien sûr.  De la Scala à Covent Garden, j’ai  suivi votre ascension irrésistible…, jusqu’à cette aventure grecque  qui vous a coupée du monde de l’opéra.    J’ai toujours rêvé de pouvoir  vous approcher un jour.

 

  Maria_Callas_html_1735839d.jpgElle se tait. Il  la regarde  avant de lui asséner sa requête.  Elle est encore belle, à  48 ans.   Elle dégage encore une aura prestigieuse malgré sa robe noire, ses cheveux tirés et son visage anguleux.   L’ancienne séduction qui brillait  dans son regard a fait place à la mélancolie.

Lui, seulement six ans de moins qu’elle, est dans la maturité triomphante d’un homme qui vient de réaliser « Il était une fois dans l’Ouest », un succès énorme.

Il constate avec un trouble croissant,  que  la voir, plus proche qu’elle ne l’a jamais été, l’émeut  profondément.  Il est toujours amoureux d’elle.    La perte de sa voix  unique et  de son statut de star, ne la rend que plus désirable.

 

« Et alors ?

Elle feint l’impatience, en réalité elle a hâte de savoir.

 

Il revient sur terre et hésite encore.

« Et bien… Maria, je voulais vous faire une proposition.

Silence.

« Oui, continue-t-il,  vous avez décidé d’abandonner les concerts, c’est entendu… (elle ferme les yeux)  mais vous avez encore une voie royale devant vous…

Là, elle réagit :

«   Ah ?   Une voie royale ?  Et laquelle ?

 

Il se lève,  cela va l’aider.  Il s’éloigne d’un pas.

«  Le cinéma.

Réaction brutale.

« Ah ouiche !  s’écrie-t-elle.  Parlons-en, du cinéma !  Je viens de faire une expérience désastreuse avec Pasolini et j’ai juré de ne plus mettre les pieds là-dedans.  J’ai dit non à Zéfirelli avant vous.

Elle le fixe Leone dans les yeux, c’est un défi.

 

Lui, arpentant la pièce de long en large, est dans l’anxiété. Il se doutait bien que ce serait difficile, il avait préparé des arguments, mais dans cet instant, troublé par sa présence, il ne sait plus quoi répondre.

Un silence qui s’éternise.  Puis, elle reprend, voulant masquer un possible revirement :

« De plus, votre univers est très loin de moi, l’Ouest américain, la violence, les hommes entre eux - il n'y a  jamais de rôle féminin dans vos films  ?

Elle lui donne l’argument qu’il fallait.

« Ah non ?  Et Claudia Cardinale ? Qu’est-ce qu’il vous faut !

Il sent qu’elle n’a pas dit le dernier mot.

« Vous seriez l’héroïne d’une épopée étourdissante dans les décors fabuleux du Nouveau Mexique, accompagnée par la musique sublime d’Ennio Morricone…  Ce sera un grand film, je vous jure.

 

 

Elle se lève et va vers lui.  Elle a retrouvé ses mouvements de scène, sa grâce féline.  Elle s’approche à le toucher.

« Sergio, je ne suis plus une star.

Ils sont face à face, émus l’un et l’autre de cette soudaine attraction. 

Il murmure :

« Les stars ont leur moment d’éloignement.  C’est pour  mieux revenir sur le devant de la scène.

« C’est trop tard.

 

Il  voudrait la prendre dans ses bras pour la rassurer.

Elle aimerait qu’il la prenne dans ses bras  pour se rassurer.

Ni l’un ni l’autre ne bouge.  Ils savent que ce serait  la fin de leur rêve.

 

Elle s’éloigne et revient s’asseoir sur sa chaise. L’air indifférent, elle dit :

«  C’est quoi, le sujet de votre film ?

Il hésite.

« La révolution.

« Quelle révolution ?

« La révolution mexicaine.

«  Il y a un rôle pour une femme, là-dedans ?

« Oui.

« Mais est-ce que c’est un rôle qui  domine l’action ?

« Non, à vrai dire, non.  Les hommes dominent l’action.

« Quel   type de  personnage  est  elle  ?  

« C’est  la maîtresse  d’un des révolutionnaires.

 Maria Callas soupire.

« Je ne peux pas jouer ce rôle-là.  Je suis désolée. Vous devez me comprendre.

 

Sergio Leone vient derrière elle, pose ses mains sur ses épaules.  Un courant électrique traverse leur corps.  Ils se forcent à l’ignorer.

«  C’est vrai.   Mais le scénario est ainsi fait que je ne peux y ajouter un rôle de femme primordial.

 

Elle se lève,  se plante devant lui et les yeux dans les yeux :

«  Pourquoi êtes-vous venu ici  semer le regret et le doute   ?

 

Leone reste immobile pour lui répondre :

«  C’était ma seule chance  de vous revoir, autrement que dans mes rêves….  Ce projet de film aurait pu nous réunir.   Je crois que ce sera un grand film.

«  Un petit rôle dans un grand film, ça ne m’intéresse pas.   J’ai encore en moi le souvenir de ma gloire passée.

Elle se détourne , va vers la porte, et l’ouvre :

« Vous me plaisez, Sergio Leone.   L’espace d’un instant, j’ai eu envie de vous suivre.   Mais j’ai  passé l’âge de l’aventure.

Il s’incline, pose sur elle un regard résigné, et sort.

Longtemps, elle reste le dos appuyé à la porte, les yeux fermés.images-copie-2.jpg


 



 

 

 

 

 

 

 

 

MM

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FRANCIS SCOTT FITZGERALD COURTISE GROUCHO MARX

Publié le par Miss Comédie

 

 

  la-soupe-au-canard.jpgLincoln center     150 W65th St  New York City  un jour d’octobre 1937, une rétrospective des films des Marx Brothers attire chaque jour un public hétéroclite.

Aujourd’hui on  projette  La Soupe au canard, sorti quatre ans plus tôt, considéré comme l’un des meilleurs de leur filmographie.

 

 

   AVT_Francis-Scott-Fitzgerald_8118.jpgDans la salle, un jeune homme très élégant, assis au dernier rang, prend des notes.  Il a vu entrer Groucho et deux de ses frères, qui ont pris place dans le carré VIP,  au premier rang.

 

Les rires ont fusé tout au long de la projection.  Non, le film n’a pas vieilli, au contraire, les gags sont toujours aussi percutants, les effets comiques de Groucho, Harpo et Chico font mouche à tous les coups.  

A la fin de la projection,  les trois frères sont immédiatement entourés d’un groupe de fans en quête d’autographes ou de bons mots.   Au dernier rang, l’homme attend le moment propice pour s’approcher à son tour.

 

 « Hello Mr Marx, can I talk to you ?groucho

Groucho se retourne, il croyait en avoir fini.

« Encore !  Je n’y suis plus pour personne ! – dit-il avec humeur, avant de marquer un temps d’arrêt.  Il croit reconnaître l’homme qui s’adresse à lui et qui se présente :

«  Excuse-me, my name is Francis Scott Fitzgerald.

 

Charmé, Groucho s’incline.

«  Je salue l’un de nos plus talentueux scénaristes…

Chico intervient :

« … et l’auteur du génial   Tendre est la Nuit !

Harpo sort une lyre de son manteau et se met à en jouer.

 

 

« Accepteriez-vous de prendre un verre avec moi au bar ?

«  J’en serais très honoré, Mr. Fitzgerald, let’s go !

 

 

 

Ils s’installent dans le lounge feutré qui jouxte la salle de cinéma et commandent une bouteille de scotch.  Groucho allume son dix-huitième cigare et Harpo,  armé de ses grands ciseaux, entreprend de découper le velours de son fauteuil.

Après la première gorgée amicale, Fitzgerald entre dans le vif du sujet.

« Mr. Marx,  en revoyant La Soupe au Canard, je viens de confirmer une opinion que j’avais déjà sur votre talent.

 

  Groucho-MarxGroucho roule des yeux réjouis.

«  Il faut que vous sachiez que je suis en train d’écrire un nouveau roman dont le titre sera « Le Dernier Nabab ».

« Excellent !  Excellent !  approuve  Groucho.

« Ce roman, un ami producteur veut en faire un film.

«  Il  a raison !  Good idea, Mr Fitzgerald !  

Chico  empoigne Fitzgerald par le revers de son veston et  claironne  :

« Il vous faut un nabab !

 

Fitzgerald se dégage, il n’apprécie pas mais passe outre.

« Exactement.  Et je viens de le trouver.

Harpo se rapproche et tend l’oreille, ainsi que Chico et Groucho qui simulent l’indifférence.

L’écrivain rectifie la tenue de son veston et prend son temps pour annoncer :

« Cher Groucho, j’aimerais que vous soyez mon dernier nabab.

 

Groucho tire une bouffée de son cigare et fait la moue.

« Je préfèrerais être le premier nabab.

Fitzgerald fait mine de trouver ça très drôle. 

« Bien sûr, bien sûr, vous serez le premier et le dernier, Mr Marx.


 

  harpo.jpgHarpo tire une trompette de sa poche et souffle dedans trois fois.  Chico fait la gueule.

Après une minute de silence, Groucho s’exprime.

«  Cette proposition me glorifie hautement,  Francis – je peux vous appeler Francis ? -  mais il est indispensable que je sache quel genre d’homme est ce premier nabab…

« Dernier, Mr Marx, dernier.  C’est un désir  légitime  C’est bien ce que j’allais vous exposer.  Voilà.   Monroe Stahr, le personnage en question, est producteur de cinéma.

«  Ca me va.  Je connais la question.   Est-ce qu’il fume le cigare ?

 

« Naturellement.

« Est-ce qu’il attire les jolies femmes ? C’est très important pour un producteur de cinéma.

 

Fitzgerald, un peu agacé, se contient. Il souligne cependant :

 

«Ecoutez,   ne nous noyons pas dans les détails.  L’essentiel est que cet homme  exerce son pouvoir dans la plus grande solitude.

Groucho lève un doigt.

« Mes frères seront là pour me distraire.  Marx-Bros-marx-brothers-23446521-443-379.jpg

Fitzgerald se raidit.

« Je regrette, Groucho,  vos frères n’ont pas de rôles dans ce film.  Mais il vous est bien arrivé de tourner seul, si j’ai bonne mémoire ?

« Oui, c’est vrai, mais je ne veux pas recommencer, sans eux je m’ennuie copieusement sur un plateau et je suis mauvais.

 

  Fitzgerald se rapproche de Groucho et se fait insistant :

«  Ce que vous apporterez au personnage, vous, Groucho, c’est une sorte de sentiment d’invulnérabilité… on ne croira pas une minute que vous puissiez vous tromper, vous êtes le super Boss des studios, tout le monde vous respecte !

«  Exactement.  Vous me connaissez bien.

« … mais vous accumulez bourde sur bourde, votre empire va s’écrouler !

«  Là, vous vous trompez lourdement !

«  Mon héros est tout-puissant.  Pourtant, il lui arrive pas mal d’ennuis.

« Quel genre d’ennuis, par exemple ?

« Et bien, il mise sur un scénario qui fera un flop.

«  Je m’arrangerai pour que ça soit un succès.

 

Fitzgerald tape sur la table.

«  Dans mon livre, c’est un flop, et ça DOIT  être un flop, vous comprenez ?

« Mais est-ce qu’il est amoureux ?

«  Oui, justement, mais sa fiancée le trompe.

«  Ah,  ça ne va pas du tout !  Un nabab ne peut pas être cocu voyons !

Il faudra modifier ce passage-là.

 

Fitzgerald sort une pochette de soie et s’éponge le front.  Il ne croyait pas que ce serait si difficile.   Mais  l’entretien tourne à la catastrophe :  Harpo a retiré la doublure du fauteuil et en drape Fitzgerald qui   le repousse brutalement. 

Chico,  vexé de n’avoir pas de rôle dans le film, vide la bouteille de scotch dans les verres qui débordent.

 

Fitzgerald  contemple  maintenant   le fauteuil dont Harpo s’acharne à extraire le rembourrage pour en remplir les poches de Groucho. s aec04 - cm - harpo marx - 1 - 64

Dans un dernier effort pour recentrer le débat, il précise d’une voix éteinte :

 

« Bref c’est un homme qui … un homme que…   le déclin de l’empire du cinéma  Hollywoodien…  (il a un sanglot)  la déroute d’un magnat qui veut ignorer sa perte… (autre sanglot)  et qui continue à vouloir désosser ce pauvre fauteuil mais vous ne pouvez pas l’arrêter de faire ça ?

  


 

 

Les deux frères trouvent ça très drôle mais Fitzgerald arrête les frais et se lève.

 

«  Cher Groucho Marx, je soupçonne que toutes les conditions ne sont pas requises pour conclure un accord et…

« Mais comment !  Ce Monroe me ressemble comme un quatrième frère !

Je veux bien renoncer à avoir comme partenaires Chico etHarpo ici présents, bien que bourrés de talent, mais si vous n’en voulez pas, je n’insiste pas.

Donc, maintenant, nous pouvons parler sérieusement, cher Francis ! 

«  C’est à dire ?

« Et bien, passons aux choses  sérieuses  !

C’est à dire ?

Groucho se penche vers lui et sur un ton de conspirateur :

«   Alors combien ? dollars


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LINO VENTURA ET JEAN LEFEBVRE, PAUSE CAFÉ

Publié le par Miss Comédie

 

 

 

 

10.jpg29 avril  1963.   Ruel-Malmaison.  Dans une maison bourgeoise du XIXe louée par la Gaumont, Georges Lautner tourne une scène des  Tontons Flingueurs. 
Changement de décor dans une très longue scène qui se déroule dans le salon et dans la cuisine.   Les acteurs quittent le plateau, ils ont une heure de pause.
La nuit tombe. Dehors, sur la place du village, un bar reste ouvert la nuit pour les besoins du tournage. Deux silhouettes  sortent  en titubant de la maison et se dirigent vers le bar.

 

LINO seulLino Ventura et Jean Lefebvre s’installent côte à côte sur la banquette en moleskine rapée, près  du bar.  Ils sont seuls.  Josette, la patronne, a mis un disque de Cole Porter, « Let’s do It », un sommet de mélancolie.

 

A voir les visages des deux hommes, on les croirait de retour de l’enterrement de leur meilleur ami.  Pourtant, ils viennent de tourner l’une des scènes les plus drôles du film, et même du cinéma français.

Et ils en tiennent une bonne.

Leurs partenaires sont restés dans la loge de Francis Blanche à taper le carton, c’est une manie qui leur coûte cher mais c’est leur affaire.

 

 «  Cette petite marche m’a fait du bien,  articule Lino Ventura.

«  Le froid, ça dessoûle, ajoute Jean Lefebvre, l’œil en berne.  images.jpg

 

Josette fait son apparition derrière le bar puis, d’une démarche chaloupée, elle va vers eux.  Josette est une belle fille brune, toute en rondeurs.

 

« Qu’est-ce que je vous sers ?

Ensemble :  « Un scotch. »

« Ca fait deux scotches ?

« Ca se peut, dit Lino.

«   Y aura peut-être une suite, ajoute Jean.

«  Sec ou avec glaçons ?

«  SECS !  hurlent-ils en chœur.

«  Et  attention !  Lino élève la voix et fixe Josette d’un œil menaçant - –

on veut pas de la bibine pour flamber les  homards, tu piges ? On veut du brutal.

 Josette rigole en se balançant d’un pied sur l’autre.

«  Ces messieurs sont connaisseurs !  Chez moi, y a les deux : la bibine et le hors  d’âge. Donc, deux hors d’âge pour les jeunes, ça marche !

 

Elle disparaît derrière le bar.  Les deux compères  allument une cigarette  et commentent la scène qu’ils viennent de tourner.

 

. «  Moi je vais te dire, affirme Lino posément, cette scène à la cuisine, elle fera rire personne.

«  Oh, tu crois ?

«  Je sais pas, je doute ! Il faut voir !  On se retrouve dans cette cuisine, le Raoul et moi, avec nos sbires, on devrait s’écharper, et au lieu de ça on se bourre la gueule et on se rappelle les vieux souvenirs !  C’est invraisemblable, moi je te le dis.

«  C’est pour voir nos tronches en gros plan !

«  Ah ça, les gros plans, on y a tous eu droit, pas de jaloux !  Y avait intérêt à jouer juste !

«  Ca pour jouer juste !  C’est qui, qui a remplacé le jus de pomme par du vitriol ?

«  J’sais pas mais personne  n’a fait la fine bouche !

 

Ils s’esclaffent ensemble.

« … et Lautner, tu crois qu’il s’en est rendu compte ?

«  Forcément !  C’était gros comme le nez au milieu de la figure  qu’on s' envoyait de la gnole  !  

« On pouvait plus parler … enfin, moi !  sanglote  lefebvre.

  BLIER.jpg Entre nous, Blier il avait  la réplique qui porte , un cadeau !  et il l’a bousillée comme un malpropre.

«  Normal, y a eu dix prises de faites, il était plus dans l’humeur !

 

Lino Ventura tape du poing sur la table .

«  Tu dis ça parce que c’était ton patron dans le film, mais une réplique d’Audiard, ça s’bousille pas !  

«  Comment tu l’aurais dit, toi, « c’est du brutal «  ?

«  Mieux que ça !  tonne Lino qui commence à s’énerver -  alors, Josette, elle dort ?

Ils posent les mains à plat sur la table,   observant Josette qui s’active derrière le bar.

 

« Elle te plait, Jeannot ?

«  Trop vieille pour moi, répond Jean Lefebvre laconique.

«  Ah d’accord ! ironise Lino, T’as quel âge ?

« Le même que toi, pardi, quarante-quatre.

«  Tu rigoles, on  dirait mon père !

Jean Lefebvre se soulève et surplombe Lino avec une molle agressivité lorsque Josette arrive avec les verres.

 

«  Voilà, mes loulous. Vous allez boire ce que vous allez boire ! Je suis allée la chercher dans la Réserve !

« Voyons voir ça !  dit Lino.

Ils hument le breuvage et ensemble, vident leur verre cul sec.  Claquent la langue.  Se regardent en hôchant la tête.

« Ca fouette !  fait Lino.

«  T’as raison… Maintenant qu’on a goûté, Josette, on veut bien  un autre verre !

«  C’est de la bonne soupe, non ? dit Josette.

« C’est correct, concède Lino,  allez, on la double !

 

Josette repart derrière le bar et s’accoude au bastingage, les yeux dans le vague.

«  Moi, cette musique, ça me fout le blues, les gars.  Y en a pas un qui me ferait danser ?

 

Lino  éructe  un rire qui ressemble à un sanglot  tandis que Jean arbore une expression  interrogative, sa spécialité.

 

Résignée Josette verse deux autres verres de whisky  et les leur apporte.

Ils  posent sur elle un regard soudain concerné.

«  Tu devrais t’épiler les sourcils, suggère Lino.

Jean  Lefebvre ne voit pas quoi améliorer, il ne dit rien.

 

«  S’il n’y a que ça qui te chiffonne,  on peut s’arranger ? dit Josette en s’asseyant sur le coin de la table.

 

La porte s’ouvre violemment et entre Marcel, le mari de Josette.

 

«  Salut les gars !  -  il s’avance vers Josette  qui a rectifié la position,  et lui met  une claque sur les fesses puis la prend par le bras – tu leur fais du gringue ? Je vais t’apprendre !

 

Elle se dégage et le regarde langoureusement.

« Fais-moi danser, Marcel !

Il l’enlace et ils se mettent à danser sur la musique de Cole Porter, un slow très lent, très triste.

Lino Ventura et Jean Lefebvre les contemplent sans mot  dire, buvant de temps en temps une gorgée de scotch.

 

« On se croirait dans un film de Carné,  dit  Lino.

Jean Lefebvre est très entamé.  Il ne répond pas mais il acquiesce les yeux fermés.

Au bout d’une minute il corrige, le doigt en l’air :

«  Chez Carné  y aurait de l’accordéon !

  Puis il s’affale sur la table et commence à s’assoupir..

Lino le secoue :

«    Allez ! Tu sais qu’on a encore une scène à tourner !   Avec les jeunes !

Quand on les fout dehors !  Va falloir de l’énergie, Jeannot !

 

La musique s’est arrêtée.  Les deux époux se séparent et vont vers l’arrière cuisine où on les entend se chamailler.

Et là-dessus, la porte s’ouvre sur l’assistant de Lautner qui lance :

«  On tourne dans quinze minutes !  On vous attend sur le plateau !

Et referme la porte sans autre commentaire.

Lino se lève et contemple son pote aux abonnés absents : :

«  On aurait dû te donner le rôle de Louis le Mexicain !   Moribond ou ivre mort, à l’écran on n’y voit que du feu ! 

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LA GRANDE ÉVASION DE PATRICE LECONTE

Publié le par Miss Comédie

 

A LA CAMERA

 

 

 Le petit garçon pédale comme un fou sur la route du bord de mer.

Il vient d’avoir la trouille de sa vie. Avant de partir pour l’école, alors que la maison était vide, il allait pour pisser lorsque – horreur ! les vécés étaient fermés de l’intérieur.   Qui avait bien pu se glisser dans la maison et s’enfermer là-dedans ?  Un voleur, sans doute, qui n’hésiterait pas à le tuer s’il le surprenait en train de piquer l’argenterie.

Paniqué, le petit garçon sauta sur son vélo et prit la fuite.

 

Donc, il pédalait dur le long de la plage où s’alignaient les bronzés de tout poil, à cette heure matinale mais déjà brûlante.

Il soupira : je reviens de la montagne où les bronzés font du ski, décidément il y en a partout !

Il faillit renverser un garçon qui traversait la route, c’était son copain Fifi.  Il s’arrêta pour lui raconter son histoire de vécés et lui dit qu’il n’osait plus rentrer chez lui car le voleur pouvait très bien l’attendre pour le zigouiller. 

« Viens chez moi, j’habite chez une copine, lui dit Fifi.

Mais sur la plage, un attroupement les intrigua soudain.    Un homme surexcité  se lançait  dans l’eau à la poursuite d’un Riva qui venait de quitter l’embarcadère avec à son bord le pilote et une très jolie blonde. L’homme hurlait « Salaud !  Ma femme s’appelle revient, tu entends ? sinon je te casse la g… » une vague le submergea et il fallut  le ramener sur le sable en  piteux état.  En attendant les secours, le plagiste hurlait « Circulez, y a rien à voir ! "

 

Ebranlés, les deux copains se séparèrent et le petit garçon se remit en selle, toujours hanté par l’idée que  les spécialistes de l’intrusion à domicile étaient des gens dangereux.

Il regrettait de n’avoir pas un tandem pour inviter Fifi à pédaler avec lui.

Il aperçut monsieur Hire, le prof d’Anglais, qui discutait sur le trottoir avec le mari de la coiffeuse. Il le détestait, celui-là depuis qu’il l’avait vu danser le tango avec une minette à la fête foraine, alors que sa délicieuse femme bossait au salon de coiffure.

 

Toujours pédalant, il entra dans un sous-bois où parmi les odeurs de pins parasol il huma une essence particulièrement attirante, c’était le parfum d’Yvonne, la prof d’histoire, elle devait faire son jogging par ici, il ne fallait pas tomber sur elle, il avait bel et bien loupé son cours

ce matin.

Il aurait pourtant bien aimé voir ses cuisses, en short ! Et s’il se cachait derrière un arbre ?  Ridicule, elle verrait le vélo. Non, il vaut mieux continuer  de s’éloigner de la maison.

 

Il passa devant l’auberge Les Grands Ducs où ses parents l’emmenaient parfois déjeuner le dimanche et évita le terrain de tennis où il avait une chance sur deux de tomber sur ses camarades en pleine récré.

 

Tiens, la fille sur le pont, là, c’était Marylou qui promenait son caniche, son coeur déjà en pleine débandade se mit à faire des bonds car il aimait Marylou en secret depuis déjà deux mois et demi.

C’était la fille de la veuve de St Pierre, le village voisin, cette femme toujours vêtue de noir depuis que son mari avait disparu en mer.

Les seuls au courant de son amour  étaient Félix et Lola, le frère et la sœur de Marylou. Ils avaient intercepté un billet doux qu’il avait glissé dans sa capuche sans qu’elle s’en rende compte.  Furieux, il les avait vus choper le billet et s’enfuir en rigolant.  Mais il ne savait pas si Marylou avait lu le billet et depuis, il l’évitait à contre-coeur.

 

Il fit demi-tour et prit la petite rue des Plaisirs qui menait à la gare désaffectée, un endroit pas très recommandable où venaient se réfugier les sans-abri l’hiver.  Dans l’un des trains restés en rade vivait un individu hirsute et agressif que l’on appelait « l’homme du train ».  Personne n’osait s’approcher de ce wagon où l’homme pouvait vous infliger des confidences trop intimes.

 

Il rebroussa chemin et hésita.  Il était déjà assez loin de sa maison et il avait faim.  Pas un sou en poche, il réfléchit deux minutes à sa situation et fut pris de désespoir.   Il mit pied à terre et s’assit sur le terre-plein   à l’ombre d’un  platane.  Il eut envie de pleurer, se sentit

perdu.   Dans ces cas-là, il allait dans sa chambre et se plantait devant la cage où Dogora, la perruche bleue, lui remontait le moral avec un joli gazouillis. Mais Dogora était restée seule avec le voleur.

 

Il entendait, de l’autre côté de la route, les cris des bronzés qui jouaient au volley, amis pour la vie.

Il avait envie de parler à Fifi, son meilleur ami en somme.  Mais il était trop fatigué pour partir à sa recherche.

Sur le tronc du platane, une affiche annonçait l’Election de Miss Cabourg, samedi prochain à 20h 30 au Casino.  C’était demain soir.

Encore une empoignade.  Toujours pareil, la guerre des Miss. Et c’est jamais la plus belle qui l’emporte, c’est le Maire qui décide, c’est Papa qui dit ça.

Avant de reprendre son vélo, il eut envie de voir la mer.

Il traversa la route et se pencha par-dessus le parapet qui dominait la plage.

 

Trop de monde.  Des vagues envahies de baigneurs, des parasols, des serviettes étalées. Des enfants excités, trempés, qui se poursuivaient en hurlant.  Il y       avait des bouées, des planches à voile, des seaux et des pelles, des cordes à sauter, des sacs plastiques, des pistolets à eau, des opinels -  un vrai magasin des suicides.

Il se sentit soudain très vieux.  Il fallait quand même rentrer chez lui, et affronter ce voleur.

Et puis, sa mère ce matin, lui avait fait une promesse : « Si tu as de bonnes notes, ce soir, je te jouerai le Boléro de Ravel  »

Il adorait contempler sa mère jouant  au piano le Boléro de Ravel. C’était pour lui, un ravissement sans fin.

Il revint vers son vélo, l’enfourcha et reprit le chemin de la maison à toute berzingue.  Il n’avait plus peur du voleur enfermé dans les WC.

A mi-chemin, un agent lui fait signe d’arrêter : « Hé, mon garçon, tu vas trop vite ! Comment t’appelles-tu ?

« Patrice Leconte !

 

C’est rare, une carrière qui ressemble  point par point à une histoire d’évasion.   La plus belle des évasions, selon Patrice Leconte, ne se réussit  q’avec une caméra -  ou, à la rigueur, avec un vélo.VELO.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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FRANCOIS CEVERT, NINO FERRER : OH, LES BEAUX JOURS !

Publié le par Miss Comédie

 

 

 

Cevert002.jpgJe ne vous demanderai pas d’identifier les personnages, vous n’y arriveriez jamais – à moins d’être fan des seventies…

 

C’était à Monaco, le dimanche 23 Mai 1971.  

Le pilote anglais Jackie Stewart venait de remporter le Grand Prix de Formule 1  et il y eut  un grand diner de gala à l’hôtel de Paris.

La soirée était  peuplée de stars de tous poils, et présidée par le couple princier, Rainier et Grace.

Mais les invités ont vite oublié le protocole, entraînés par  Moustache et son  groupe de trublions déjà bien rodés au champagne. 

 

Là, on les voit au début  ils sont encore très convenables.

On reconnaît Nino Ferrer tout à droite,  à sa droite Jackie Stewart, puis François Cevert au micro, jambe en l’air, puis Graham Hill,  Moustache l’instigateur de la dérive et un inconnu.

On raconte que très vite Moustache est   monté  sur la table et  a démarré  un French Cancan sur l’air de « Oh when The Saints » joué par ses musiciens et rapidement suivi par Cevert et ses potes.  Ce fut à qui lèverait la jambe le plus haut.

Au bout d’un moment la princesse Grace s’est levée  et a  quitté  la table.

Rainier, lui, s’amusait comme un fou et resta jusqu’à la fin- dont on ne sait rien…  sinon que Moustache fut interdit de séjour à l’hôtel de Paris, ainsi que Guy Marchand et quelques autres.

Les pilotes, ils ont pas osé les virer.

 

 

 

Comme dit Jacqueline Beltoise, la sœur de François Cevert, qui vient de publier un livre magnifique sur son frère, *  « c’était une belle époque… »

Les pilotes se parlaient encore entre eux et les titres ne se jouaient pas à coups de coups bas.

Deux ans plus tard   François Cevert tirait sa révérence.  Idole des circuits, des femmes et des medias, il commençait à collectionner les trophées.

 Il  se croyait  éternel et  ce jour d’octobre 1973 à Mosport aux  Etats Unis            

ce fut comme un brutal rappel à l’ordre du destin. 

 

Quant à Nino, il traîna encore 27 ans son romantisme désenchanté.

Idole des  DJ et des filles, il était  déjà auréolé de la gloire de Mirza et autres chansons idiotes qui déchaînaient les foules. En 1975 Le Sud  allait le porter aux nues.  Il voulait vivre « plus d’un million d’années »… mais il a abrégé, trouvant le temps long.

Ils avaient l’air heureux, sur la photo. 

Ils nous manquent

 

*   C’est dans ce livre, qui s’appelle « François  Cevert »  par Jacqueline Cevert-Beltoise et Johnny Rives, aux Editions  de l’Autodrome , que  j’ai trouvé cette photo et l’anecdote qui s’y rapporte.

 

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LA PHOTO MYSTÈRE : RÉVÉLATION

Publié le par Miss Comédie

Clark Gable, Van Heflin, Gary Cooper and James Stewart

 

  KINGS OF HOLLYWOOD

 

 

Question 1 :   Les reconnaissez-vous ?

Clark Gable, van Hefflin, Gary Cooper et  James Stewart

 

Question 2 :   Ils sont où ?

Au restaurant Romanoff’s à Hollywood.

 

Question 3 :  A quelle occasion ?

ls fêtent New Year’s Eve, le 31 décembre 1957

 

Question 4 :  Pourquoi sont-ils réunis ?

Parce qu’ils sont à cette  époque les « Kings of Hollywood »,

comme le témoigne la légende de cette photo désormais célèbre,

prise par leur ami commun, le photographe Slim AARON.

 

Question 5 :   Qu’est-ce qui les fait rire ?

Slim AARON :  « In fact, the reason these guys are laughing is

that Gable is telling them how bad he thought I would be in the movie. »

 

Voilà, je n’invente rien mais la plaisanterie me semble pas être d’un humour fou…

 N’est pas Groucho Marx qui veut !

 

A bientôt pour une autre photo... ou une autre improvisation,

toujours sur le thème du spectacle, de la littérature ou de la musique.

 

Miss Comédie

 

 

 

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LA PHOTO MYSTÈRE

Publié le par Miss Comédie

 

  Clark Gable, Van Heflin, Gary Cooper and James Stewart

 

 

 

  Les reconnaissez-vous ?

Ils sont où ?

A quelle occasion ?

Pourquoi sont-ils réunis ?

Et surtout : qu’est-ce qui les fait rire ?

 

Si vous pouvez répondre à l’une des questions, vous êtes très fort.

Mais il suffit d’être cinéphile et d’avoir plus de cinquante ans, disons quarante…

 

 

Pour vous aider je vous dirai que ce sont des acteurs très connus à Hollywood.

Ils n’ont jamais tourné ensemble.

Alors ?

 

 

‘Réponses  la semaine prochaine dans ce blog).  Bye Bye !

 

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LES DESSOUS DE LA REINE

Publié le par Miss Comédie

 

 

 

Reine-Elisabeth002.jpgDans la foule, un homme a crié : « Majesté, on voit vos dessous ! »

 

Elle a trouvé ça très drôle.  Elisabeth II n’est pas bégueule.

Elle a éclaté de rire et prenant sa belle petite-fille Kate  à témoin, elle a répondu au monsieur :

« So what ?  My underwear is  as chic as my suit, isn’t it ?

 

Elle  a quatre-vingt sept ans.  Elle n’a rien à cacher, rien à prouver.  Elle est la Reine d’Angleterre et son peuple l’admire et la respecte depuis soixante ans !

 

 

La photo a été prise en juin 2012 à Nottingham  à l’occasion des cérémonies du Jubilé  de diamant de la Reine.

Elle a été publiée dans Paris-Match du 12 décembre 2012.

Devant cette photo je me suis dit : mais qu’est-ce qui peut bien les faire rire comme ça ?

Et j’ai imaginé ce petit dialogue, pas si impensable, d’ailleurs.

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LA PHOTO QUI M'INSPIRE

Publié le par Miss Comédie

Lever de rideau sur une nouvelle catégorie : LA PHOTO QUI M'INSPIRE. Un vaste champ

d'investigation.  Epoques, personnages célèbres, faits divers, mes photos seront insolites ou émouvantes, au gré

de mon humeur.

On commence par celui qui devient un chef de file pas très apprécié des uns, salué par d'autres.

 

GERARD  DEPARDIEU,  L'HOMME QUI RIT

 

 

Dernier métroC’est lui, c’est Obélix.  Révisez vos classiques.  Vous aviez oublié que notre

Gérard Depardieu national, ce « minable » qui quitte sa mère patrie en déroute,  a débuté sa carrière avec des œuvres qui  resteront dans la mémoire collective, avec lui et grâce à lui.

 

 

 

C’est loin, La Chevauchée sur le Lac de Constance, à l’Espace Cardin en 1971, mise en scène par Claude Régy, avec Jeanne Moreau, Delphine Seyrig, Sami Frey et Gérard Depardieu.  Un monument qui a fait couler beaucoup d’encre : c’était magnifique à voir, mais personne n’y comprenait rien. Mais souvent,  aujourd’hui, les œuvres les plus respectées sont incompréhensibles.

Dans cette pièce onirique très psychédélique dans son austérité, Depardieu était un jeune homme très beau,  maquillé comme une figure de cire de même que ses partenaires.  Comme eux il n’avait pas de rôle précis, c’était une sorte d’improvisation sur l’identité, les rapports humain, la vie et la mort. Un risque énorme de se casser la gueule, mais le public a marché. Et lui était absolument dans le ton, dans le mystère de la pièce.  Très loin d’Obélix.

 

  C’est loin, Le Dernier Métro, le plus beau film (en tout cas, celui qui a le moins vieilli) de Truffaut, 10 Césars, une musique sublime de Georges Delerue, avec Catherine Deneuve, Heinz Bennent, Jean Poiret et Gérard Depardieu.

Là, il jouait  la séduction  (oui, il était beau, Gérard DEpardieu avant de prendre son actuelle corpulence, indice réjouissant d’un amour de la vie et de ses délices-) dans un rôle de comédien que dirigeait Catherine Deneuve et dont, évidemment, elle tombait amoureuse presque sous les yeux de son mari séquestré dans la cave.   Son jeu était tout en retenue et intériorité, ce qui d’ailleurs est le secret de son talent. ( Très loin d’Obélix).

 

 

  C’est pas très loin, Cyrano,  magnifique film de Rappeneau, qui lui donne là, peut-être, le plus beau rôle de sa carrière.  Souvenez-vous : il nous a tiré  des larmes, adossé à son arbre dans son dernier souffle.  Dans Cyrano  Depardieu est l’incarnation même de l’Acteur.

 

Pas si loin non plus, Tous les Matins du Monde, où Alain Corneau s’empare du livre éponyme de Pascal Quignard pour faire découvrir au monde la magie de la musique baroque.  Dans le rôle de Marin Marais malade,  il est fantastique on ressent sa souffrance, son jeu est totalement inspiré quand il murmure   « chaque note doit finir en mourant », la mort est proche de lui.

Ses partenaires sont au ddiapason  :  Jean-Pierre Marielle, Michel Bouquet, Anne Brochet, et son fils Guillaume.  Ses choix étaient encore des choix d’esthète, d’exigence.

 

  

  Ce sont à mon avis ses trois plus beaux rôles. Il y en a eu d’autres.  Et puis… voilà, aujourd’hui, Gérard Depardieu a envie de s’amuser.  Il choisit le rôle qui convient le mieux à son embonpoint et à son humeur : il devient un Obélix plus vrai que nature.

  Nous laissera-t-il cette dernière image de lui ?   Fichtre non.  Il a déjà une poignée de contrats en poche, et des films en attente de sortie.

Aujourd’hui on peut le voir dans un rôle qui lui va comme un gant, aux antipodes d’Obélix, une sorte de Zampano à la française. Non, ce n’est pas lui, l’homme qui rit. D’ailleurs, le film n’est pas drôle du tout.

 

Citoyen du monde, l’Acteur Depardieu nous étonnera toujours.  Personne n'a le droit de la juger.

                                   

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