SOPHIA LOREN, bellissima
Mai 2011- Cannes, Festival International du Film.
Où se cache-t-elle ? Elle ne peut pas ne pas être là, c’est à Cannes que sa carrière a explosé avec son prix d’interprétation pour LA CIOCCIARA en 1961.
Attention, elle a 77 ans, n’allons pas chercher du côté de la plage du Martinez où Canal + tient chapelle entouré de starlettes.
Je la trouve au bar du Carlton, pas sur la terrasse bien sûr, mais à l’intérieur , dans une longue robe blanche, cachée derrière d’immenses lunettes noires.
Elle boit un verre de chianti, agite distraitement son éventail. Elle s’ennuie. Pas de journalistes, pas de fans, elle est seule. A Cannes, haut lieu des gloires ephémères, on a oublié Sophia LOREN. Je m’assied près d’elle, elle me sourit.
« Ca doit faire drôle, de se trouver ici sans avoir à affronter le bain de foule ?
Un peu salaud, comme question, mais quoi, on va pas jouer les autruches. Elle le sait bien. Elle agite son éventail avec un petit rire et elle ne s’amuse pas à me détromper.
« Si si, ça fait drôle, enfin drôle, vous dites comme ça quand c’est dramatique ? Je me dis que je suis bien plus tranquille, que je l’ai tellement souhaité !
« A quand remonte votre dernière visite en tant qu’invitée ?
« Moi, je ne rappelle que ma merveilleuse aventure de La CIOCCIARA, en 1961, avec votre BELMONDO ! Un prix d’interprétation, c’était incroyable !
Mais la dernière fois c’était en 2002 avec mon fils Edoardo, nous avons monté les marches ensemble, quel bonheur ! Nous présentions son film Cœurs Inconnus dans lequel je jouais le rôle principal… C’est déjà loin…
Elle pousse un profond soupir qui soulève son opulente poitrine.
« Pourquoi revenir à Cannes ?
« J’ai besoin de revoir cette ville qui appartient au cinéma, c’est comme si j’allais à la piazza san Pietro à Rome, je me recueille, je vois de grrrands acteurs, de grrands réalisateurs, ils me font le baise-main, c’est romantique !
« Quels sont les réalisateurs qui vous ont le plus marquée ?
Elle s’anime en passant en revue les monstres sacrés qui l’ont filmée.
« Mamma mia, Il y a eu tous les Américains ! HATAWWAY, KRAMER, Georges CUKOR .. (elle rit en ajoutant :) les mêmes que MARILYN ! Mais c’est le grrrand Vittorio de Sica qui m’a offert La CIOCCIARA, mon plus beau rôle !
« Et parmi vos partenaires masculins, vous aviez un favori ?
Elle sourit et là, on revoit le sourire de La Loren, irrésistible au milieu des rides.
« Marcello Mastroianni ! Douze films, on a tournés ensemble ! Je l’adorais et Carlo aussi, l’adorait, c’était notre meilleur ami.
Elle se lève, s’étire. Sa robe flotte autour d’elle, on devine sa corpulence mais elle se tient très droite, avec un joli port de tête. On voit qu’elle n’a rien d’autre à faire la journée que bronzer, sa peau est couleur Banania. Tout ça est bien triste. Elle fait un signe au barman et enchaîne :
« J’ai vu Dustin HOFMAN, hier. il était entouré d’une foule de photographes, mais vous savez il est à peine plus jeune que moi ! Pour les hommes c’est plus facile de rester une star…
« C’est parce qu’il présente un film en compétition, KUNG FU PANDA !
« Mais on ne le voit même pas, on n’entend que sa voix !
« Ca suffit pour monter les marches !
Coup d’éventail sur le bras du fauteuil où elle se laisse tomber.
« J’ai été sacrée plus belle femme du monde, ça suffit pas pour monter les marches ? Je reste détentrice du titre….
« Et d’après vous, quelle actrice, aujourd’hui, pourrait revendiquer ce titre ?
« Oh, il y en a quelques-unes…
« Parmi celles que vous avez vues ici à Cannes ?
« Pour moi la plus belle, et de loin, c’est Uma THURMAN, bien sûr. Une déesse.
Le barman lui apporte un nouveau verre de chianti.
« Il faut laisser la place aux Américaines, elles ont pris le pouvoir de puis que les Italiennes n’ont plus de films à défendre… Finalement, même si j’étais encore jeune et belle, je n’aurais plus aucun rôle en Italie. Je préfère rester chez moi avec le souvenir de mon cher Carlo.
« Carlo PONTI aurait apprécié que vous posiez pour le calendrier PIR ELLI… à 74 ans ?
Elle se cache derrière son éventail.
« Vous savez, on ne voyait rien ! Je n’étais pas nue ! Seulement mon décolleté…
Un homme entre dans le bar et vient vers nous, le visage de Sophia s’illumine..
« Edoardo, amore mio !
Edoardo PONTI se penche pour embrasser sa mère. Elle demande :
« Tu as vu Bernardo, poverello ?
« Non, pas si poverello, il a reçu la Palme d’honneur. L’année prochaine, qui sait, ce sera peut-être pour toi ?
SOPHIA sourit malicieusement :
« Le prix de consolation avant l’éloge funèbre ? Non merci, je me conterai de mes royalties… c’est plus réjouissant !