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RENCONTRE A MANHATTAN

Publié le par Miss Comédie

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DÉDIÉ  À  LAUREN  BACALL ET  HUMPHREY  BOGART, qui savaient si bien jouer la comédie…

 

 RENCONTRE A MANHATTAN

 

 Le Chumley’s café, Bedford Street, Greenwich Village.A l’intérieur de ce café mythique il n’y a plus grand-monde à cette heure matinale.

  Au fond de la salle, sur la banquette, une jeune femme lit un journal en buvant un expresso.  Elle est d’une beauté étrange, un type slave avec des yeux étirés aux paupières lourdes et de hautes pommettes pâles.  Ses cheveux d’un blond cendré sont tirés en arrière et attachés par un ruban.  Elle ne prête aucune  attention aux mouvements de la salle, au va-et-vient du serveur, aux clients assis autour d’elle.

Un homme vient s’asseoir sur la banquette, à la table voisine. Lui aussi a un journal à la main,  le New York Times,  et commence à le déplier, tout en guettant le serveur à qui il  commande un café.

Il est  mince, brun aux tempes grisonnantes. Il a de l’allure, une sorte d’élégance naturelle dans son veston à chevrons élimé.

 

Ces deux personnages sont absorbés chacun dans leur lecture et sirotent leur café sans se presser, en gardant les yeux fixés sur leur journal. 

Au bout de quelques minutes, l’homme dans son geste pour passer à la page suivante, bataille avec le grand format qui refuse de se plier, tente de discipliner les feuillets qui s’obstinent à lui échapper des mains, et dont l’un se détache pour faire un vol plané jusqu’à la table voisine où il atterrit sur la tasse de café.

Consternation, balbutiements, congratulations.   Chacun manifeste la plus parfaite civilité, lui se confondant en excuses, elle affichant le plus gracieux des sourires.

LUI

Garçon, un autre café, s’il vous plait !

ELLE

Mais non, voyons, j’avais fini !

LUI

Et bien vous en boirez un deuxième et je vous accompagnerai, si vous le permettez !

Elle ne répond pas à cette invite mais baisse les yeux et re plie son journal.

LUI

Ah, vous lisez le Figaro…  vous lisez le  Français ? …

ELLE

Mal, mais je m’entraîne…

 

Il se rassied à sa table, vide sa tasse de café et fait signe au serveur de lui en apporter une autre  En attendant, il la regarde.  Elle le sent, lève les yeux et lui sourit.

LUI

Vous êtes très belle.

Elle éclate de rire, rougit un peu et boit une gorgée de son deuxième  l’expresso, se brûle, repose la tasse, rougit carrément.

 

 

 

 Le client assis à la table contre la vitrine, près de la porte, et qui a assisté à la scène, ne les quitte plus des yeux, fasciné par la scène : deux étrangers soudain réunis par un incident mineur et qui peut-être vont vivre une folle  histoire d’amour…

 

Il n’a pas besoin d’entendre ce qu’ils se disent, il comprend qu’il la drague et qu’elle se laisse draguer. Les regards, les sourires, et maintenant leurs mains qui s’enlacent. Le client est ému à la pensée qu’il pourrait, lui aussi, vivre un instant pareil, il suffit de le vouloir, non ?  Repérer une jolie femme, renverser sa tasse de café, et hop !l’affaire est dans le sac. Les jolies femmes ne manquent pas dans les cafés de Manhattan.  Le coup du journal finit bien par marcher.

 

L’homme et la femme se lèvent, ils vont partir ensemble. Ils passent devant le client qui  détourne les yeux mais  tend l’oreille.

ELLE

Et en partant ce matin, je parie que tu as laissé la fenêtre de la chambre des enfants ouverte ?

LUI

Raté, ma chérie. J’ai même acheté du pain pour ce soir.tasse-a-cafe.jpg

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