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MES INTERVIEWS IMAGINAIRES : FERNANDEL

Publié le par Miss Comédie

 

FERNANDEL, LE  DÉFROQUÉDon-cam.jpg


 

Cet homme a attiré au cinéma plus de cent millions de spectateurs dans les années 50-60-70.  Ce champion du box-office,  plus fort que de Niro, est tombé dans l’oubli.  Pourquoi ?  Lui-même croit avoir la réponse.

 

 

 

 

Toulouse, une étape de la tournée de la pièce FREDDY.  La loge de Fernandel au théâtre du Capitole. J’ai voulu revoir cette loge qui avait été habitée avant lui par Luis Mariano et tant de ténors  (ou de divas-) illustres.  Où il me donnait des conseils sur mon jeu avant le spectacle, paternel  et complice.

Il est assis à sa table de maquillage, je  vois son reflet dans la glace, du canapé rouge en velours râpé où je suis assise.

 

 

- Dans cette pièce FREDDY de Robert Thomas, qui est votre dernière apparition sur scène, vous avez fait le clown pendant une année à Paris et en tournée.  Ca devait être lassant, certains soirs, non ?Freddy-001.jpg

- Bonne mère !   Tous les soirs une jolie gonzesse me roulait une pelle,

  c’est pas des choses dont on se lasse, peuchère !     

-  Mais vous étiez déjà très affaibli ?

-  Affaibli, affaibli !  J’étais affaibli avant d’entrer en scène. 

Après, le public me tenait à bout de bras, rien que d’entendre leurs rires, je reprenais du poil de la bête.  Surtout pour la scène du baiser, hein ?

 

 

 

 

- Vous avez tourné combien de films ?

-  126 exactement.  Je ne parle que des longs métrages.

 

- Quelle est la partenaire qui vous a laissé le plus grand souvenir  ?

 

Il me montre   l’étendue de sa dentition (éclatante de blancheur, du reste).

- J’ai eu un coup de grisou  pour Silvana Mangano sur le

tournage du Jugement Dernier. Cette nana était un volcan endormi, on sentait que ça bouillonnait là-dedans (il fait les gestes) et quel regard ! Elle te zigouillait un mec à trois mètres.  Mais c’est Gassman qui avait ses faveurs, pas moi !

 

- Vous étiez conscient, de votre célébrité ?pastis.jpg

-  Moi conscient ?  Non, entre les tournages je filais à Carry-le-Rouet jouer à la p étanque avec mes potes, boire le pastis, écouter les cigales… là-bas ils me montaient pas le bourrichon, ils m’appelaient Fernand et ils parlaient pas cinéma !  J’étais con, mais pas chiant. (il  se marre.)

 

 

(Puis  il se frappe le front)

Ah  si, peuchère, le jour où j’ai cru que le ciel me tombait sur la tête, c’est à Rome en 1953, je me baladais avec ma fille Janine et de retour à l’hôtel on me tend un billet en provenance… du Vatican !!! Figure-toi que le Pape  Pie XII me demandait la faveur d’accepter une entrevue avec lui, il voulait faire la connaissance de don Camillo, le curé le plus célèbre dans le monde après le Pape !   Il m’a béni et Janine aussi, j’ai raconté ça aux potes à Carry, ils sont tombés à genoux en se bidonnant… ils m’ont pas cru.

 

-  Vous aimeriez tourner un film à notre époque ?

-  Oh pôvre,  aucun metteur en scène ne voudrait me faire tourner aujourd’hui.

-  Et pourquoi ?

- Pour la bonne raison qu’aujourd’hui  les gens ils rient plus pareil qu’avant.

Les grimaces et les contorsions, rouler les yeux et les r, jouer les abrutis, ça leur fait ni chaud ni froid. Ce qu’ils veulent c’est du comique de situ-ationn… Moi c’était du comique troupier, nuance, c’était bon pour les troufions. 

Non, si on me demandait, aujourd’hui,  j’aimerais tourner un remake des GRANDS DUCS, de Patrice Leconte !  Avec Gabin et Jean Lefèvre on  ferait un trio épatant, non, qu’est-ce que tu en penses ?   


 

    Il rit- Votre plus grand malheur ?  

-  C’est ma gueule !

- Votre plus grand bonheur ?      

- C’est ma gueule !

 

Nous rions tous les deux.

 

-  D’ailleurs à cause de ma gueule j’ai été nommé très souvent « chevalier » :

de la Légion d’Honneur, du Mérite, des Arts et des Lettres, en me voyant ça leur tombait sous le sens !

 

-  Il y a un acteur dont vous avez été jaloux ?

- Oui, Bourvil parce que tous les films où il a fait pleurer ont marché, alors que moi dans MEURTRES, j’ai fait un bide. 

- Mais vous étiez de grands amis ?

- Ah ça oui, dans LA CUISINE AU BEURRE, on était beurrés chacun son tour sur le plateau, et ensemble après. Le pastis était notre verveine du matin et du soir.  On un peu exagéré. 

-  Dans FREDDY on ne vous a jamais vu boire du pastis entre les scènes !

- Oui j’avais déjà adopté la devise « le pastis c’est comme les seins, un c’est pas assez, trois c’est trop ! »

Et d’éclater de rire.   Puis il se lève, se regarde dans la glace, bombe le torse.

-  J’ai quand même fait des conquêtes, malgré ma gueule.  J’avais du charme.

-  Oui, ça je peux en témoigner !

Il me tapote la joue.  A ton âge, tu draguais un vieux, c’est du joli !

-  Je jouais mon rôle, c’est tout !

 

Il ouvre la porte et sort dans le couloir dont le plancher centenaire craque sous les pas.

- Tu viens, petite ?  Je suis fatigué. 

Je lui emboîte le pas, mais je ne le vois plus.  J’entend seulement le plancher craquer sous ses pas qui s’éloigent dans la pénombre de ce couloir, interminable.

 J’entends alors  les hurlements de joie de la salle, les applaudissements, les rappels qui n’en finissaient pas.  Il souriait, il souffrait.  Quelques mois plus tard  il tirait sa révérence.

 

 

 

 

 

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