L' ANNIVERSAIRE
Le bouquet de roses rouge est là, sur la table. Un jardin, une forêt, un brasier, un ruissellement de rouge digne d’une loge de diva.
Et le bristol, comme un pense-bête sournois : « Bon anniversaire, mon amour. Hugo. »
Isabelle est immobile, pétrifiée. Elle est née un 1er juillet, Hugo le sait, et c’est aujourd’hui le 15 septembre. Le bouquet ne lui est pas destiné. Le livreur s’est trompé d’étage. C’est sûrement pour elle, l’immonde, la bad girl du sixième, qui la nargue avec ses tenues de rock star, l’œil fardé, la mini affolante sur ses jambes de top model. Elle sait très bien que Hugo est sous le charme. Il lui a raconté qu’un jour ils s’étaient retrouvés dans l’ascenseur et qu’elle l’avait accompagné jusqu’à son garage. « Elle est marrante, plus futée qu’elle n’en a l’air… » Son œil avait pris un reflet rêveur et lubrique. L’alerte, alors, s’était estompée jour après jour.
Maintenant tous les doutes remontent à la surface.
Et s’ils se retrouvaient tous les jours, mais plus loin que le garage ?
Personne n’est à l’abri de ce genre de choses. Les hommes peuvent très bien adorer leur femme et succomber aux harmes d’une autre. C’est même courant.
Isabelle est en proie à un tsunami intérieur. La jalousie et la colère se mêlent à la douleur et à la résignation. Oui, hélas, demain il faudra partir. Quitter cet homme qui est son double, son unique amour . Elle ne le partagera avec aucune autre.
Vingt heures. Isabelle attend son mari. Depuis le matin sa rage n’a pas faibli. Ses mains tremblent tandis qu’elle ramasse le bouquet et se lève, car voilà la porte de l’ascenseur qui claque, tiens ce soir il rentre plus tôt que d’habitude, la clé dans la serrure, Hugo est là, il reçoit le bouquet en pleine figure et s’arrête net sur le pas de la porte.
Isabelle hurle « va porter ce bouquet à ta maîtresse ! Moi, mon anniversaire c’est le 1er juillet ! »
Elle s’écroule en sanglotant sur le canapé.
Elle entend les pas d’Hugo, et puis sa voix calme :
« Je sais, ma chérie, mais toi, tu as oublié qu’aujourd’hui nous fêtons nos dix ans de mariage, non ? »