ELIZABETH TAYLOR, LA COLLECTIONNEUSE
La salle de projection de la propriété de Liz TAYLOR à Beverly Hills. C’est la nuit. Richard BURTON et Liz TAYLOR sont assis dans les profonds fauteuils face à l’écran géant où la NBC retransmet « QUI A PEUR DE VIRGINIA WOOLF ».
A leurs pieds, deux verres et une bouteille de scotch.
- Tu avais vraiment un rire hystérique.
- Forcément, je jouais une hystérique.
- Tu en fais des tonnes, on sent les cours de l’Actor’s Studio, c’est surfait, surjoué, inécoutable !
- Et regarde-toi donc : un pantin articulé qui pue l’alcool ! Ton rire est encore plus artificiel que le mien ! Tu joues faux, archi-faux !
- Cette pièce est écrite par un fou furieux, pour des acteurs déglingués.
On n’aurait jamais dû tourner ça.
- MiKe Nichols est un BIG, very BIG director.
- Ah oui, ton Mike NICHOLS. Tu te l’es fait sans hésiter, et sous mon nez, encore ! Tu étais une pute à l’époque.
- You bloody monster, tu confonds avec ZEFFIRELLI.
- Enfin, on voit bien dans ce film que tu me détestais déjà.
- Tu n’y connais rien. Je t’aimais plus que tout. C’est l’année où je t’ai aimé le plus.
- Oh non, l’année où tu m’as le plus aimé est 1972, quand tu as eu 40 ans et que tu as compris que tu n’étais plus qu’une fucky old bitch.
- Fuck you sale menteur ! Je n’ai jamais été aussi belle qu’à 40 ans ! Et d’ailleurs, tu étais fou amoureux, regarde !
Elle lui brandit sous le nez sa main droite où étincelle un diamant de 68 carats.
- Tiens, tu le portes encore, même morte ?
- Oui, les bijoux are a girl’s best friends.
- Bon on peut couper cette connerie où on est grotesques ?
Elle coupe le son et ils se dirigent vers le bar avec leurs verres. BURTON les remplit de scotch. Ils trinquent et boivent chacun leur verre cul sec. Elle lui caresse la joue.
- ¨Pourquoi tu es parti si vite ?
- Dis-donc, tu m’avais quitté la première pour épouser ton sénateur WARNER.
- Mais après lui, tu as refusé de m’épouser une troisième fois.
- Entretemps, tu t’étais envoyé la moitié des stuios de Hollywood.
- Il y en a deux que j’ai aimés sans espoir…
- Tiens ! Tu n’étais pas irrésistible ?
- Pas pour Montgomery CLIFT, pas pour Michael JACKSON…
- Le premier n’aimait que les mecs, pour le second tu aurais pu être sa grand-mère !
- Merci. Dis-moi, avec le recul, parmi les films que nous avons tourné ensemble, quel est celui que tu préfères ?
- Tu as d’autres bouteilles, quelque part ?
- Don’t worry. Finissons d’abord celle-ci.
Il remplit les deux verres qu’ils boivent à nouveau cul sec.
- Qu’est-ce qu’on a pu descendre, à nous deux, hein ? (ils éclatent de rire et s’enlacent tendrement) Alors, ton film préféré ?
- Let me see.., je crois bien que c’est CLEOPATRE. C’était des personnages fascinants. Je me sentais impérial en Marc-Antoine, je me sentais dans sa peau, vraiment réincarné… Nous étions les rois du monde. C’était un film immense, géant, magnifique.
- Mais surtout, c’est dans ce film que nous nous sommes tombés dans les bras !.. Souviens-toi, nous étions tous les deux mariés et la presse criait au scandale ! Mankievicz a dû faire courir le bruit qu’il était amoureux de toi !
. Le problème c’est que tu étais tout le temps malade ! Le tournage n’arrêtait pas d’être interrompu. On n’en voyait pas la fin.
- J’ai gagné une fortune pour ce rôle : un million de dollars et 10% des recettes…
- Ces années-là tu étais l’actrice la mieux payée du monde.
- J’ai tout donné à ma Fondation pour le SIDA.
- Et aux marchands d’alcool.
- Tu m’aidais bien pour ça. Tiens, sous le bar, tu vas trouver une caisse de scotch.
BURTON débouche une nouvelle bouteille. Ils se servent chacun un verre, qui sera suivi de beaucoup d’autres, entrecoupés de rires et d’injures.
Derrière eux, sur l’écran, Martha et Georges continuent leur jeu de massacre sous les yeux du jeune couple qui va bientôt les imiter.
- Tu es encore belle, malgré tes kilos… Tu devrais maigrir.
- Il faudrait que j’arrête de boire.
- Ne change rien. Nous sommes deux alcooliques et c’est comme ça qu’on s’aime.
- Tu sais, ce que je crois ?
- Non, my love.
- Si nous nous sommes tant chamaillés, c’est à force de tourner des scènes de ménage. Ca nous a fait du mal, finalement. Parce qu’au fond, tu étais l’homme de ma vie.
Il pose son verre, la prend dans ses bras et l’embrasse fougueusement.