DÉDIÉ A JOHN LENNON
DEDIE A JOHN LENNON LE TRÉSOR DE L’HÔTEL DE CROISSIEU
EXT. JOUR
Vu de la rue, un édifice en travaux protégé par des palissades. C’est un hôtel particulier dont les vestiges XVIIIe sont en cours de restauration.
Le chantier fermé au public laisse entrevoir une cour pavée occupée par des engins, des outils, des tas de sable.
Une grosse Audi noire stoppe devant le chantier et se gare sur le trottoir. En sort un homme en pardessus gris qui pénètre dans la cour par la porte réservée aux entreprises du bâtiment.
Son assurance démontre qu’il est le propriétaire des lieux.
EXT. JOUR
la cour de l’hôtel de Croissieu
On voit l’homme traverser la cour tout en inspectant les alentours. Il redresse une brouette renversée, ramasse une canette vide, lève la tête vers les derniers étages avant de gravir les marches du perron et d’ouvrir la porte principale en cours de ponçage et de pénétrer dans l’hôtel.
INT. JOUR
Rez de chaussée de l’hôtel de Croissieu
A l’intérieur règne une demi-obscurité. Les pas de l’homme glissent sur le plastique qui recouvre le parquet du hall, vaste espace vide sur lequel débouchent les galeries latérales, à droite et à gauche de l’escalier monumental.
L’homme s’arrête au milieu du hall, surpris par une musique stridente provenant des étages supérieurs. Il reconnaît la chanson des Beatles « Yellow Submarine » montée à fond.
Il va vers l’escalier et la caméra le suit tandis qu’il arrive au palier du premier étage et qu’il ouvre la porte de la première pièce.
INT. JOUR
Premier étage hôtel de Croissieu
La pièce est vide, envahie par cette musique endiablée. L’homme fait le tour de la pièce sans pouvoir discerner l’origine de la musique, passe dans la pièce voisine où résonnent les mêmes rythmes et s’aperçoit que chaque pièce de l’étage est sonorisée de la même façon.
Au bout d’un moment la musique se tait puis égrène les premières notes de quelques autres chansons des Beatles, comme si quelqu’un recherchait un morceau précis sur un CD.
Cette fois, c’est la voix de John Lennon chantant « Imagine » qui résonne dans tout l’hôtel.
Le propriétaire parcourt tout l’étage à la recherche de l’origine du bruit. Pas une âme ne se manifeste durant son inspection, le bâtiment semble absolument désert.
Au bout du couloir, un autre escalier s’envole vers le deuxième étage.
Le propriétaire emprunte cet escalier jusqu’au deuxième palier.
INT. JOUR
Deuxième étage hôtel de Croissieu
Le couloir est plongé dans l’obscurité mais une lueur provenant de l’une des pièces attire l’attention de l’homme, qui marche dans sa direction.
Sur le pas de la porte, il s’arrête, interdit, tandis que la musique s’arrête brusquement.
INT. JOUR
L’appentis.
La pièce est exigüe, c’est un appentis où sont entassés des outils, des vêtements de travail, une petite table avec un réchaud à gaz butane, deux chaises, une échelle…
Assis par terre en tailleur, un homme en bleu de travail est en train de manger son casse-croûte. Son visage est ridé, mal rasé, une casquette vissée sur le crâne. A l’apparition du propriétaire il ne semble pas étonné et continue à manger sans dire un mot.
LE PROPRIÉTAIRE
Bonjour !
L’HOMME
Bonjour.
LE PROPRIÉTAIRE
C’est vous qui écoutiez la musique ?
L’HOMME
Non.
LE PROPRIÉTAIRE
Comment non ? C’est qui alors ?
L’HOMME
Personne. Ils sont tous partis.
LE PROPRIÉTAIRE
Et vous, vous restez là et vous…
L’HOMME
Je reste parce que j’habite là. La musique me
dérange pas.
LE PROPRIÉTAIRE
Vous habitez là ?
L’HOMME
Oui, c’est chez moi ici. Je surveille les travaux.
LE PROPRIÉTAIRE, désarçonné
Ah.
(un temps)
Vous savez que la maison a été vendue…
L’HOMME, ricane
Ouais, ils disent ça. Mais moi je voudrais bien savoir
qui a acheté ça !
LE PROPRIÉTAIRE
C’est moi.
L’homme considère le propriétaire, la fourchette en l’air, la tête levée pour l’examiner attentivement.
L’HOMME
Donc, vous allez me virer.
LE PROPRIETAIRE
Je suis désolé, mais…
L’homme se lève péniblement, pose son assiette sur la table, époussette sa salopette, et se plante devant le propriétaire, qui le dépasse de deux têtes.
L’HOMME
Je partirai. Mais je ne vous dirai pas où est le trésor.
Moi seul, sais où se trouve le trésor dans cette maison.
LE PROPRIETAIRE
D’accord. Je crois en effet, qu’il vous faut
partir. D’ailleurs vous ne devriez pas
être là, le chantier est fermé pour le week end.
Il tourne les talons et repasse dans le couloir. L’homme attrape son blouson, sa sacoche et lui emboîte le pas, descendant l’escalier derrière lui. A cet instant, la chanson « Imagine » reprend, toujours aussi fort.
INT. JOUR
Le hall de l’hôtel de Croissieu
Les deux hommes se retrouvent dans le hall et s’arrêtent pour écouter.
Le propriétaire semble affolé.
LE PROPRIÉTAIRE
Mais enfin, il y a quelqu’un ici !
L’HOMME, l’air goguenard
Vous savez, John Lennon a passé la nuit ici une semaine avant d’être
a ssassiné… Vous ne saviez pas ça ? Alors, la musique…
Il se dirige vers la porte et sort en faisant un grand signe de la main :
L’HOMME
Ciao ciao ! Bonne chance à l’hôtel de Croissieu !
Le propriétaire reste pétrifié alors que la chanson « Imagine » s’arrête pour enchaîner sur « Come Together » et puis le silence se fait définitivement.
Il hésite encore à sortir, regardant autour de lui.
Son portable sonne.
LE PROPRIÉTAIRE
Allo, oui, je viens de faire un tour. Non, personne, à part un vieux cinglé qui traînait…
Comment ? … C’est l’acousticien ? Mais pourquoi… Ah bon ! Il installe la sonorisation
avant l’arrivée des peintres, lundi… oui, c’est normal… D’accord…
Attendez… je commence à comprendre…
Bon, je vous retrouve lundi à la réunion de chantier OK ?
Il remet le téléphone dans sa poche et s’assied sur les marches de l’escalier. Il reste un moment à écouter le silence. Pas un bruit, pas une musique ne retentit pendant qu’il fait le guet. L’acousticien est seul détenteur de la télécommande, le trésor de l’hôtel de Croissieu. Et en plus, il est fou. Fou de John Lennon.