MON COURT-MÉTRAGE
LE PALAIS DU LUXEMBOURG
Dans l’un des salons privés de son palais tout neuf, Marie de Médicis est en conversation avec son confident et ami, Concino Concini.
Concini se plaint à la Régente :
- Madame, votre fils dépasse les bornes.
- Qu’a-t-il fait encore ?
- Il joue du clavecin en compagnie d’une troupe de baladins, dans le salon de musique contigu aux appartements de Galigaï, aux heures où celle-ci désire prendre du repos.
- Mais enfin, Concini, vous êtes capable de lui faire savoir qu’il doit se tenir tranquille !
- - Nous l’avons tancé plusieurs fois et Monseigneur nous fait toujours la même réponse !
- Quelle réponse, Concini ?
- Il répond que Paris est assez grand pour aller se reposer ailleurs.
- - L’impudent !
- - Oui Madame. Il est difficile de faire entendre raison à un jeune homme de seize ans.
La Régente se lève et va à la haute fenêtre donnant sur la pièce d’eau. Elle ne répond pas tout de suite, mais Concini sait bien que la riposte sera dure et il savoure sa victoire.
- Faites-le mander à l’instant.
Concini s’exécute. Bientôt le jeune Louis XIII se présente devant sa mère et plonge dans une profonde révérence.
- Madame…
- Louis, vous êtes dans une tenue débraillée qui ne convient pas à votre rang.
- - Quel rang, Madame ?
- Le rang de prince, fils du défunt roi Henri IV.
- Vous vous trompez, Madame, je suis roi de par la loi et la volonté de Dieu. Il est grand temps que je revendique ce pouvoir, après des années de frustrations et de brimades à l’enfant que je ne suis plus.
- - Qu’est-ce à dire ?
- Le visage de la Reine Mère s’empourpre de rage. Elle marche vers son fils et va pour le souffleter, mais Louis lui saisit le poignet et la repousse violemment. Concini s’approche, sur la défensive, prêt à intervenir.
- Que dois-je faire, Madame ?
Louis répond avec fermeté :
- Rien, monsieur Concini. Vous avez assez dicté sa conduite à ma mère, pour le malheur de tous.
- Louis XIII recule de trois pas et leur fait face. Il prend un ton solennel et sans réplique pour asséner sa première sentence royale :
- Madame ma Mère, je vous enjoins de quitter ce jour ce Palais et le royaume de France. J’ai prévenu ma garde de vous faire escorte jusqu’à la frontière de Belgique. Vous avez jusqu’à la tombée du jour pour organiser votre départ.
Marie de Médicis sait bien qu’il n’y a pas de parade. Elle a vu, à l’entrée du salon, une escouade de gens d’armes accompagner l’entrée du Roi. Elle devine qu’elle a sous-estimé l’ascendant de son fils sur les fidèles sujets de son père défunt. Et surtout qu’il a su profiter habilement de l’hostilité croissante du peuple contre Concini, homme cruel et vénal.
- Louis XIII le lui confirme justement :
- - Quant à vous, Concini, je vous réserve une retraite moins glorieuse que l’exil.
Concini fut fait prisonnier par les amis du roi menés par le duc de Luynes. Au cours de son arrestation, faisant mine de tirer son épée, il reçut la décharge d’un fusil en plein visage, puis son corps fut lardé de coups d’épée.
Marie de Médicis tenta sans succès de lever une armée contre son fils.
Ces deux êtres si proches par le sang vécurent de brouilles en réconciliations jusqu’à l’humiliation suprême de la Reine-Mère qui quitta le pays et ne revit jamais son fils, ni la somptueuse demeure qu’elle avait fait édifier et où elle ne résida que cinq années, le Palais du Luxembourg.