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LE PARADOXE DU VAUDEVILLE

Publié le par Miss Comédie

C’est FEYDEAU qui parle : « Comment devient-on vaudevilliste ? Par paresse, tout simplement. Comment, ça vous étonne ? Vous ignorez donc que la paresse est la mère miraculeuse et féconde du travail. Je dis « miraculeuse », parce que le père est totalement inconnu. »
Il dit ça mais quand on voit ses pièces on se gratte la tête : paresseux, l’auteur de cette machine réglée comme du papier à musique ?
LA DAME DE CHEZ MAXIM’S est irracontable. Comme dit l’écrivain  Henri Gidel,  « c’est Le Soulier de Satin en vaudeville. » C’est l’histoire d’un chien dans un jeu de quilles.
Malgré les apparences,  un vaudeville est une mécanique de haute précision.  Chez Feydeau, les intrigues sont d’une logique affolante.  Les répliques d’une intelligence diabolique.  L’ensemble contribue à maintenir la pression de l’atmosphère comique : pas de temps mort, pas de notes mineures, pas de silences, tout doit s’enchaîner avec une précision dont n’est même pas conscient le spectateur !
Le désordre inouï qui règne sur le plateau n’est que le résultat d’une accumulation de gestes réglés au millimètre de chacun des acteurs pour converger vers le tempo infernal de l’ensemble.
C’est un match de foot où chaque coup de pied serait calculé à l’avance !
Le vaudeville est un genre qui ne supporte pas l’amateurisme.  Pour atteindre cet équilibre dans le désordre, cette minutie dans les effets comiques, il faut énormément de sérieux et de maniaquerie.
C’est le paradoxe du vaudeville.  Il n’y a pas plus cartésien que ce genre de folie…       
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EXERCICE TRES PHYSIQUE !

Et les comédiens ?  Ils sont dans quel état après le spectacle ?  Epuisés, bien sûr, mais pas autant que l’on croit s’ils ont l’expérience et la nature qui conviennent au vaudeville.
Rares sont les têtes d’affiche qui tiennent la distance plus de trente représentation.  Ils sont un petit nombre dans le spectacle qui se retrouvent dans la distribution de ces pièces très   physiques.
A l’Odéon, Nicolas BOUCHAUD et Cécile BOUILLOT dominent une troupe de quinze comédiens dont personne ne connaît le nom.

En 1996, Jean-Paul BELMONDO qui dirigeait alors le Theâtre des Variétés a monté LA PUCE A L’OREILLE avec un immense succès.
Pensez : il a eu plus de 200 000 spectateurs depuis la création le 12 octobre 1996 jusqu’au 30 mars 1997 !  Bernard MURAT avait fait une superbe mise en scène (avec des décors de Nicolas Sire et des costumes de Dominique Borde (c’était pas du « dépouillé » !!)
Autour de JP BELMONDO il y avait du beau monde : Christiana REALI, Sabine HAUDEPIN et Pierre VERNIER qui sont tous les trois des piliers du vaudeville…

FEYDEAU AU CINEMA !
Figurez-vous qu’il y a eu un HOTEL DU LIBRE ECHANGE au cinéma, réalisé par Marc ALLEGRET, avec des dialogues de Jacques PREVERT ! Et devinez qui faisait Boulot, le garçon d’étage !   Ca devait valoir son pesant de rire, autant qu’au théâtre !  Il y avait aussi Saturnin FABRE, Raymond CORDY, Pierre LARQUET, et la diva c’était Mona LYS !

ET COURTELINE, C’EST PAREIL ?
COURTELINE est né un 25 juin et mort un 25 juin. Etonnant, non ?  Il était le contemporain de Feydeau et de Labiche. Les trois donnèrent dans le vaudeville mais ils ne se ressemblent pas.  Le Théâtre de Feydeau est virevoltant comme une robe à crinoline,  dépeint la bourgeoisie riche et frivole et chez lui, on rit à gorge déployée.
Chez Courteline, on est chez des petites gens, le comique est grinçant et dépouillé, pas de quiproquos galants, pas de rideaux qui bougent, pas d’intrigues machiavéliques.  On rit de la bêtise humaine et de l’orgueil mal placé de gens modestes qui veulent paraître plus forts qu’ils ne sont.
Mais on rit parce que ces personnages sont plus naïfs que méchants et que Courteline les aime.
Courteline était  d’une nature morose et passait le temps dans un café de Montmartre à jouer aux cartes et à boire un « précipité », qui est un mélange de Pernod et d’anisette, à houspiller ses camarades et à ronchonner.  Mais ce qu’il écrivait avait du succès.  BOUBOUROCHE est entré au répertoire de la Comédie Française en 1910 et il fut lui-même élu à l’Académie Française en 1926.
Feydeau est un joyeux drille qui s’amuse à organiser le désordre, Courteline est un grincheux qui dépeint les mœurs en riant.
Feydeau est mort de la syphilis, il avait perdu la raison.
Courteline est mort de la gangrène, deux ans après son amputation de la jambe gauche.
Quelles tristes fins pour deux hommes qui on mis le rire au centre de leur vie !

               
           



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