ROSE AUTOUR DE MINUIT - Scène 54
LE BAR.
YANN, CHRIS, les musiciens, LE BARMAN
La confession de CHRIS.…
CHRIS, les yeux fermés, continue sur sa lancée d’une voix sourde
…. Et jusqu’à ce que mes mots soient le reflet exact de ta pensée, tu me fera refaire et refaire. Jusqu’à ce que les mots désignent enfin le contraire de ce que moi, j’ai voulu décrire.
YANN
Mais cela ne peut arriver que si ta pensée est diamétralement opposée à la mienne ! Ca n’existe pas ! On n’a jamais vu ça, ou alors les deux zozos n’avaient rien à faire ensemble ! Qu’est-ce qui te mets des idées pareilles dans la tête, mon dieu, tu es devenu parano !
CHRIS
Ecoute. Tu as le beau rôle. Mais tu es le chef. Tu en es conscient, n’est-ce pas ? Sais-tu ce qu’exigeait Stanley Kubrick de son scénariste ? Qu’il numérote et date les différentes version de son script au fur et à mesure qu'il les lui faisait refaire.
Un silence. YANN semble effondré par la virulence de CHRIS.
CHRIS
Et tu sais ce que disait Kubrick encore ? Il disait qu’aucun écrivain vraiment bon ne pouvait vraiment investir tout son talent dans un travail dont un autre type allait faire la mise en scène. C’est une impossibilité psychologique.
YANN, désarçonné
Il disait ça, Kubrick ?
CHRIS
Oui. Et son scénariste écrivait dans la souffrance, à la fois subjugué par son metteur en scène, par cette énigme vivante, et crucifié de descendre chaque jour plus bas dans l’estime qu’il se portait à lui-même.
(A suivre)