La tournée, suite.
Le car roulait sur les routes mouillées du Nord et traversait des paysages sinistres. Villes d’usines, peuplées d’ouvriers. Nous jouions pour eux seuls,
dans des cinémas de quartier trop exigus pour y planter nos décors. Pas de loges, un public bruyant qui faisait grincer les fauteuils et que nous n’arrivions pas vraiment à dérider.
C’est dans l’un de ces cinémas que nous avons vécu notre premier bide, Fernandel débitant son texte au pas de course, son manteau sur les épaules à cause du froid qui envahissait le plateau, filets d’air glacé, odeur de pisse venue des lavabos tout proches, Guy V. se payant un trou de mémoire face à un Alain N. pétrifié, Rellys tombant les quatre fers en l’air, Ardisson sautant trois répliques d’un coup, tout y était, tout, et jusqu’aux maigres applaudissements qui accompagnèrent notre déroute. Ce soir-là Fernandel s’est retiré dans sa chambre d’hôtel sans dire un mot.