MA VÉRITÉ SUR LES TRICHEURS
C'était hier
Il faut revoir les films d’avant. Avec notre regard d’aujourd’hui, ils prennent des dimensions de monuments ou bien ils se ratatinent, allez savoir pourquoi. De toute façon, c’est toujours une découverte fascinante. Ce n’est jamais le même film que celui qu’on a vu il y a des années.
Voir LES TRICHEURS c’est comme feuilleter l’album de jeunesse de quelques-uns de nos acteurs familiers : Jacques Charrier, Laurent Terzieff, Jean-Paul Belmondo, Jean-François Poron, Dany Saval, Anne-Marie Coffinet, Guy Bedos, Jacques Perrin, Jacques Marin, deux futurs réalisateurs Yves Boisset et Sergio Gobbi, tous réunis autour de Pascale Petit.
C’est rigolo de les voir tout gringalets, ébouriffés, et de les entendre parler avec ces intonations désuètes et surtout des dialogues qui datent terriblement le film. Complètement ringards !
On a du mal à imaginer notre jeunesse actuelle dans le même scénario.
On n’imagine pas une minute ce jeu de la vérité improvisé soudain au milieu des danseurs de rock n’roll qui virevoltent gaîment dans une sono assourdissante.
Ici, pourtant, le jeu de la vérité est le centre de gravité de l’intrigue.
Le supplice de la question imaginé par Alain comme une attraction perverse au milieu de la fête. Il a choisi sa cible : Mic, une fille « facile », d’un milieu simple égarée parmi les fils de bourgeois.
Les questions se veulent existentielles. Ses réponses sont sans détour.
« Qu’attend-tu de la vie ?
« L’amour.
Grands éclats de rire de la bande. Ils ont interrompu leur rockn’roll pour faire cercle autour de Mic et Alain. Ils sont là pour se moquer, surtout ne rien prendre au sérieux.
« Quel genre d’amour, ironise-il.
« Le vrai, le seul, intense et éternel.
Nouveaux éclats de rire. Tout cela est trop drôle, vraiment.
Et les questions sont de plus en plus indiscrètes, voulant lui faire dire des vérités crues sur ses partenaires, sur lui-même, et surtout sur Bob, celui avec qui elle s’affiche.
Il est là, souriant, il attend la vérité.
Mais devant eux, devant le tribunal des moqueurs, des faux-semblants, des fausses pudeurs, elle n‘avouera pas son amour. Elle ment , les yeux dans les yeux avec Bob.
Pascale Petit est touchante, vraie, face à Laurent Terzieff parfaitement crédible dans sa cruauté. Cet acteur avait le talent dans le sang, on l’a bien vu plus tard.
Jacques Charrier tout aussi mufle que parjure, est parfait.
La fin du film se passe dans un cimetière. La bande des tricheurs découvre que le jeu de la vérité n’était pas si innocent.
La scène est très émouvante, les jeunes acteurs sont prodigieux dans leur vérité profonde.
On sort les larmes aux yeux, comme écrira Robert Chazal.
Encore un coup des acteurs. Comptez sur eux pour faire vibrer la fibre sentimentale qui se cache en vous...
Les critiques ont déliré lors de la sortie du film en 1958.
Un succès retentissant et le Grand Prix du Cinéma Français.
Oui, c’était bien le reflet de la jeunesse de cette époque.
Dix ans plus tard, 1968 allait faire exploser les tabous.
Mais c’est une autre histoire.
Miss Comédie