Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

LA RENCONTRE DE PROUST AVEC VERMEER

Publié le par Miss Comédie

LA RENCONTRE DE PROUST AVEC VERMEER

Mars 1921.

Proust vient de découvrir dans la salle du Jeu de Paume le tableau de Vermeer « Vue de Delft ». Cette découverte le bouleverse et il écrit alors dans le 5ème tome de « A la recherche du temps perdu », quelques lignes qu’il attribue à son personnage Bergotte. Comme une profession de foi, comme une illumination dans l’inspiration de l’écrivain.

 

Mars 2017

Le jour  pointe sur l'immense cour où  la Pyramide de Pei renvoie les premières  lueurs du soleil levant.

Dans l'ombre, deux hommes se rencontrent se saluent.

« Vous attendez l’ouverture ?

« Oui, comme vous, je suppose ?

« Oui, avant l’affluence…

« Vous venez pour quel tableau ?

« La Jeune Fille à la Perle. Et vous ?

«"Vue de Delft". Je ne suis pas sûr que cette toile figure parmi les douze prêtées au Louvre. Mais j’aimerais tellement revoir cette Vue de Delft...

« Pourquoi ?

« Oh, ce tableau occupe ma pensée et inspire mon travail depuis des années, presque un siècle.

Intrigué, l’autre fixe intensément le jeune homme qui lui parle. Ce qu’il dit l’étonne et le touche, cet inconnu est envoyé par le hasard.

Il insiste :

« Pourquoi ce tableau-là ?

« Comment vous dire… J’y ai découvert le secret de la couleur, d’une touche de couleur qui peut animer un paysage comme un texte, lui donner vie.

« Qui êtes-vous ?

Ils se regardent.

« Je m’appelle Marcel Proust.

« Je suis Johannès Vermeer. Vos paroles m’émeuvent infiniment.

 

Ils se taisent un instant, saisis par la magie de ce  moment. Et Proust  questionne à son tour :

« Mais vous, que cherchez vous à revoir dans La Jeune Fille à la Perle ?

« Je peux vous l’avouer, je veux retrouver dans son regard le regard de ma fille chérie, Margharita, qui a posé pour ce tableau et qui est qui nous a quittés  trop tôt, hélas.

LA RENCONTRE DE PROUST AVEC VERMEER

« Il a été dit que l’une de vos servantes avait posé pour vous…

Vermeer eut un geste d’impatience.

« Je sais. La rumeur est née d’un livre, un roman de fiction qui a alimenté les ragots. Et comme l’homme aime le scandale, il y a eu ensuite un film et maintenant, tout le monde croit que j’ai eu une aventure avec ma servante, alors que… (il a comme un sanglot).

Personne n’est à l’abri de l’imagination perverse des foules.

 

Marcel Proust prend le bras de Vermeer.

« Allons-y, maintenant. Les lumières s’allument. Entrons avant la foule. Vous allez me raconter comment la couleur vous est venue dans la main alors que vous regardiez votre ville.

« Et vous, vous m’expliquerez ce que vous avez ressenti en découvrant le tableau. Je ne pouvais rêver d’un tel cadeau.

 

Ils s’arrêtent alors et dans la lumière  nacrée de l'aub, Proust récite les quelques lignes qui ont marqué sa nouvelle approche de l’écriture devant la "Vue de Delft" de Vermeer :

« Il remarqua pour la première fois des petits personnages en bleu, que le sable était rose, et enfin la précieuse matière du tout petit pan de mur jaune. Ses étourdissements augmentaient ; il attachait son regard, comme un enfant à un papillon jaune qu’il veut saisir, au précieux petit pan de mur. – c’est ainsi que j’aurais dû écrire, se disait-il. Mes derniers livres sont trop secs, il aurait fallu passer plusieurs couches de couleur, rendre ma phrase en elle-même précieuse comme ce petit pan de mur jaune. »

 

Vermeer a écouté, concentré, cette lecture faite d’une voix frémissante.

Alors il murmure  :

« Je ne me souvenais pas de ce pan de mur… Mais ces quelques phrases m'ont donné envie d'aller à la recherche de votre temps perdu... "

 

Conversation imaginaire par

Miss Comédie

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Commenter cet article