THE BIG LEBOWSKI, BIG FILM
Il faut revoir ce film pour réveiller le cinéphile qui somnole en chacun de nous.
Après Fargo, les frères Cohen donnent dans le délire avec deux acteurs méconnaissables.
Jeff Bridges a pris dix kilos, il est hallucinant dans un rôle de demi clochard poursuivi par un destin contrariant.
John Goodman est énorme en anar caractériel qui pique des crises à tout bout de champ, hurlant sur tout ce qui bouge.
John Turturro est surprenant dans un rôle secondaire qui se paie une scène culte.
Il y a du Cervantes, du Chandler, du Hellzapoppin dans le scénario qui pratique l’humour subliminal dans une intrigue de film noir..
Ils se sont trompé de Lebowski et ils ont pissé sur mon tapis…
Non, il faut voir Jeffrey Lebovwski alias Le Duc encaisser les coups sans une égratignure, toujours aussi déglingué, résigné, obsédé par son tapis souillé, essayant vainement de traquer les bandits et tombant à chaque fois dans un traquenard, accompagné par son ami Walter survolté.
Toutes ces images catapultées, burlesques ou violentes, oniriques ou surréalistes dans une histoire à dormir debout émaillée d’anecdotes intempestives et de personnages en transit, font un film qui ne ressemble à aucun autre, comme un tableau de Jérôme Bosch.
Sorti en 1998, le fim n’a pas fait exploser le box-office tout de suite, la critique a été tiède, l’accueil du public mitigé. Et puis… quand même, d’année en année, son prestige a grandi jusqu’à devenir un culte à travers le monde et il est aujourd’hui conservé à la Bibliothèque du Congrès - malgré la profusion de mots orduriers que profèrent les personnages…
ZOOM SUR UNE SCENE CULTE
Le Duc adore le bowling – on ne le voit jamais jouer dans le film, mais il passe beaucoup de temps dans la grande salle où s’entraînent les joueurs.
Il est donc assis là, je dirai même « affalé », avec son ami Walter aussi affalé que lui, devant les pistes, et échangent quelques répliques salées, leur langage habituel. Entre eux est assis, de dos, Donnie le partenaire du Duc au bowling, personnage effacé et peu loquace mais qui se fait clouer le bec chaque fois qu’il l’ouvre par Walter : « Shut up fuck up ! »
Quelques plans sur des mains ajustant une chaussure de compétition, puis caressant les cordes d’une guitare, et déboule soudain Jésus, c’est John Turturro le magnifique, dégaine de matador moulé dans sa combine violette, cheveux noirs laqués. Il toise les trois compères et leur annonce qu’il va leur mettre une peignée à eux joueurs minables.
Puis il se place devant une piste et entreprend d’exorciser sa boule. Il la lèche - sa langue mesure bien vingt centimètres, la caresse et se concentre avant le tir.
Sa prestation va durer à peine dix minutes, le temps d’un lancer fulgurant qui fait place nette, puis d’une danse sur un « California » revu flamenco, qu’il exécute avec un déhanchement de torero.
Le trio l’a regardé faire sans piper.
Même pas un lever de sourcils.
La caméra se prélasse sur l’absence d’expression de chacun des deux acolytes rivalisant d’indifférence.
L’ensemble vaut son pesant d’or.
La scène est courte, mais elle reste dans les mémoires comme le clou du spectacle, alors qu’elle est complètement anecdotique dans l’intrigue
Il paraît que Turturro, qui trouvait son rôle un peu fluet, a tout fait pour lui donner de l’embonpoint. Pari gagné .
Miss Comédie