LA ROQUE D'ANTHERON 2016
©oup de coeur : concert du 8 août 2016
THARAUD PUREMENT ET SIMPLEMENT
Pur et simple, inspiré seulement par la musique de Bach, tel nous apparaît Alexandre Tharaud ce soir à la Roque d’Anthéron.
Ce n’est pas la rigueur mathématique de Gould, c’est la juste restitution de la note, claire et nette, comme l’a écrite le compositeur.
Les Variations Golberg sont un exercice de haute voltige auquel s’attelent nombre de pianistes confirmés, chacun à sa manière. Trente trois morceaux dont le premier et le dernier sont identiques : un aria pianissimo, langoureux pourrait-on dire s’il ne s’agissait pas d’une œuvre presque sacrée.
Entre les deux, chaque variation allant de l’adagio à l’allegro nous emmènent tour à tour du calme à la tempête.
Tharaud garde le cap dans cet océan de caprices, il ne cède à aucune tentation de dérive, chaque note reçoit sa frappe propre, détachée des autres, pleine de son sens harmonique, sans affect ajouté - Bach exige une exécution spartiate.
Tharaud joue comme il respire, sans mouvements d’épaule, hochements de tête, d’effets de poignets.
Du côté du public c’est le recueillement absolu. Combien sommes-nous ? Six cents ? Huit cents ? Une heure et quelques minutes passent dans un silence attentif, sans une minute d’ennui. Cela tient à la diversité étourdissante de l’œuvre, où l’on retrouve tous les charmes mystérieux de l’écriture de Jean Sébastien Bach, mais aussi à l’exécution envoûtante de Tharaud qui, les yeux fermés, le visage levé, nous emmène dans sa jubilation intérieure.
2ème coup de coeur : Concert du 10 août 2016
LUGANSKY, INTENSEMENT
Point culminant de La Roque d’Anthéron, le flamboyant NicolaÎ Lugansky a mis ce soir le feu aux gradins. Pas seulement parce qu’il est beau comme Bowie, mais par son pouvoir émotionnel sur le public .
Il aime venir jouer à la Roque d’Anthéron et pour ceux qui l’ont suivi depuis ses débuts Il est chaque année plus convaincant. Chaque année plus étonnant.
Il parcourt le monde, de concert en concert et ses apparitions sont partout des moments de grâce.
Il peut tout jouer, il joue tout, de Chopin à Prokofiev, Debussy, Rachmaninov – son maître, son père spirituel.
Il les aime tous, il plonge à la recherche de leur moi profond, il les ressuscite.
Ce soir, il débute par César Frank, malicieusement, l’air de ne pas y toucher, comme pour dire « voyez-vous ce soir j’ai décidé d’être sage », juste agile sur le clavier, sans trop d’impulsions.
Mais la suite nous bouleverse. Les impromptus de Schubert, on les connaît, ce sont des merveilles, bien sûr, mais nous les entendons ici pour la première fois.
L’émotion est là, le cœur, la douleur de Schubert s’exhale sous les doigts légers de Lugansky, on se demande pourquoi aujourd’hui il se passe quelque chose.
Son visage est serein, il se laisse regarder, on ne s’en prive pas… Il se tient droit, détaché du clavier d’où sort, comme par miracle, la musique la plus volupueuse comme la plus déchaînée.
Il a gardé pour la fin Six Moments musicaux de Rachmaninov, pleins de fougue romantique qui ont soulevé le public d’un élan de reconnaissance frénétique.
Généreux, il nous offre cinq rappels tout aussi intenses.
On peut difficilement rester dans la sobriété lorsqu’on parle de Nicolaï Lugansky…
D’autres grands interprètes se produiront encore au festival de La Roque d’anthéron, jusqu’au 18 août .
Miss Comédie