La scène du duel au piano
LA LÉGENDE DU PIANISTE SUR L’OCÉAN
La scène du duel au piano
Nous sommes tous de grands enfants et le cinéma est notre grand pourvoyeur de rêves, avec des histoires à dormir debout que nous écoutons avec ravissement.
Après Edward aux mains d’argent, en voici une tout aussi envoûtante dans son étrangeté. Comme le dit Max, le narrateur, au début du film, « personne ne croira un traitre mot de mon histoire ».
On n’y croit pas, peut-être… mais on s’en souvient, longtemps après, comme on se souvient de Cendrillon ou de Robinson Crusoê.
Le film, sorti en 1998, est tiré d’un roman d’Alessandro Barrico que Giuseppe Tornatore a adapté et mis en scène avec une musique d’Ennio Morricone.
Il raconte l’histoire insensée d’un enfant trouvé dans la salle des machines d’un paquebot et qui grandit dans ce navire sans jamais mettre le pied à terre. Baptisé Noveccento comme l’année en cours, mystérieusement doué pour le piano, il devient célèbre, refuse toutes les propositions de concerts sur la terre ferme. Il tombe amoureux d’une belle passagère jouée par Mélanie Thierry et renonce à l’accompagner lors de son débarquement, pris d’une peur panique de l’inconnu. Qui l’attend au sol. Il refuse même de quitter le navire lorsque celui-ci, trop vétuste, est condamné à être dynamité.
La dernière image, celle du paquebot disparaissant dans les flammes et glissant lentement dans la mer, serre le cœur.
Belle et triste histoire, que raconte son ami Max inconsolable de n’avoir pas su convaincre Noveccento de le rejoindre dans une vie normale.
La scène du duel au piano
La scène du duel au piano culmine au milieu du film, lorsqu’une star du jazz, Jelly Roll Morton, contrarié de la gloire de Noveccento, vient faire étalage de son talent pianistique devant l’assistance, sûr de sa domination.
Dans ce morceau de bravoure, Tim Roth qui joue Noveccento, dépasse le stade de la naïveté voulue par le rôle, pour frôler la niaiserie. Il a des expressions qui se veulent innocentes mais qui cachent mal la ruse qu’il prépare. Mais cela participe peut être à la note outrancière de la scène.
La scène est pleine d’effets énormes, depuis l’arrivée de Clarence Williams qui joue le musicien provocateur, quand on entend son pas lent résonner sur le parquet avant qu’il n’arrive près du piano et s’adresse à Noveccento sur un ton à peine aimable, on le voit venir, ça continue avec la cigarette qu’il pose ostensiblement sur le clavier avant de se mettre à jouer, et qui s’enflamme à la fin d’un numéro de virtuose magistral, au contact des touches brûlantes….(oui oui !) . La salle exulte … C’est le tour de Noveccento… C’était prévu, il fait une misérable improvisation sur le thème de « Holly night… » C’était prévu, on le hue. « Et alors ??? » on halète, on connaît la fin, mais le suspense est fonctionne.
Il avait bien préparé son coup… Pour sa troisième prestation, il s’assoit lentement, demande une cigarette…. La pose sur le clavier… Aïe, on se doute de la suite. Démonstration fulgurante, ben oui.
La cigarette s’enflamme aussi, et il la plante dans la bouche de Jelly Roll Morton pétrifié sous les flashes des photographes et les vivats de la foule.
Tout çela est gros comme une maison, mais c’est ce que l’on voulait voir, le bon qui corrige le méchant, c’est une fin logique et jubilatoire pour le spectateur lambda.
D’ailleurs, toutes les scènes culte ont un point commun : elles repoussent les limites du crédible.
Et puis, ce n’est qu’une scène, le reste du film n’est que délicatesse, et finit dans la tragédie.
Une légende qui pourrait bien être une histoire vraie.
Miss Comédie