LA ROQUE D'ANTHERON, PIANO ROI 2
CONCERT DU 19 AOUT 2015 ; ALEXANDRE LE BIEN-AIME
THARAUD est notre chouchou à tous. Pas une place vide sur les gradins hier soir. Ses adorateurs viennent l’écouter, avant même de connaître son programme.
Mozart, pour commencer, avec une succession de sonates ingrates puis cent mille fois entendues qui m’ont plongée dans l’ennui. Tharaud joua les premières sans entrain, pour reprendre un peu de nerf à la dernière, la trop célèbre Marche Turque.
Fin de la première partie.
Je suis triste, Tharaud m’a déçue. Pourquoi ce choix sans audace qui semblait l’ennuyer lui-même ?
Le public applaudit cependant, je le trouve bienveillant.
Un public plus abondant chaque année, qui se répand dans le parc à l’entracte, se presse autour du bar pour la rituelle coupe de champagne. L’ambiance est toujours magique dans un mélange coloré d’accoutrements et de dégaines, des bourgeoises en tenue chic, aux artistes un peu débraillés et aux marginaux des concerts, habillés comme au marché. Mais l’ensemble fait le bonheur des habitués qui viennent aussi pour les rangées de séquoïas et les 365 platanes qui bordent le parc.
Tharaud a-t-il lui aussi avalé sa petite gorgée pétillante en coulisses ?
Car la suite me rassure vite. Passant du classique au romantique, il réveille la flamme de son regard et l’éloquence ses doigts dans la sublime Fantaisie en fa mineur de Chopin. L’euphorie renaît dans le public. On entend enfin crier « bravo » au milieu des applaudissements.
Pour la fin il a choisi Ravel, dans lequel il excelle. La belle suite « Miroirs », toute en contrastes, nous rappelle l’étendue du talent de l’artiste et de l’interprète. La violence succède à la douceur, les frémissements de l’eau calme puis l’agitation impatiente du vent dans les arbres, toute la folie douce de Ravel dans ces courtes pièces d’inspiration bucolique.
(Pardonnez le lyrisme…)
Oui, le talent de Tharaud est intact.
Il salue, tout frêle dans son smoking noir, son éternel sourire d’enfant sage aux lèvres.
On le rappelle, il ne se fait pas prier. Tharaud est généreux, les rappels ne lui font pas peur, quatre fois il est revenu avec des morceaux délicieux tirés de son répertoire éclectique : Scarlatti, Chopin, Rameau et… le voluptueux « The Man I Love » de Gershwin qu’il exécute avec le tempo d’un jazzman de carrière !
Belle soirée- à propos, il fait toujours beau à La Roque d’Anthéron, je n’ai pas subi d’orage ni même de pluie en trente-cinq ans de concerts !
Belle fin d’été en musique, donc. Plus de festivals, plus de concerts, plus de canicule, il va falloir affronter la jungle des villes avec au cœur ces souvenirs sans importance mais tellement bienfaiteurs.
Miss Comédie